Ton mérite est plus grand que le leur

Commentant le verset: Parle à Aharon et dis-lui: Lorsque tu monteras les lampes sur le candélabre, les sept lampes devront éclairer la face (Nombres 8:2), Rachi rapporte le Midrach (Tan'houma, loc.cit. 5; Midrach Rabah 15:2, 6) qui pose la question: pourquoi la sidrah du candélabre suit-elle celle des chefs des tribus? Parce qu'en voyant les princes des tribus inaugurer le sanctuaire, Aharon a éprouvé de la peine à ne pas y participer ni lui, ni sa tribu. Le Saint, béni soit-Il, lui a alors répondu: Sur ta vie, ton mérite est plus grand que le leur; car toi tu allumes les lampes et les nettoies.

On peut se poser un certain nombre de questions sur ce commentaire:

1) Comment peut-on concevoir qu'Aharon, que l'Eternel avait choisi (Psaumes 105:26) pour expier les fautes des enfants d'Israël, puisse éprouver de la peine à ne pas participer à la cérémonie d'inauguration du sanctuaire et de l'autel? Au contraire, il aurait dû se réjouir du fait que les chefs de tribus ont eu pour la première fois le mérite d'offrir un sacrifice sur l'autel, alors que lui offrait des sacrifices tous les jours. Car lui et sa tribu ont été choisis pour servir l'Eternel et bénir en Son nom?

2) Pourquoi notre maître Moché et sa tribu, celle des Léviim, n'ont pas eu de la peine de ne pas participer à la cérémonie des chefs de tribus?

3) Qu'y a-t-il de spécial dans l'allumage et le nettoyage des lampes? L'offrande des sacrifices n'est-elle pas importante? La Torah ne consacre-t-elle pas une sidrah spéciale pour chacun d'eux? Est-ce que les lampes sont plus importantes que les sacrifices?

4) Pourquoi, après que Dieu eût calmé Aharon, la Torah revient-elle sur la fabrication du candélabre: Quant à la confection du candélabre, il était d'une pièce... (Nombres 8:41). Elle en avait déjà parlé dans la section hebdomadaire Téroumah (Lévitique 25:31)?

5) Pourquoi le verset stipule-t-il béha'alotékha, et non béhadlakatkha (quand tu allumeras)? Qu'entend-on en outre par confection du candélabre?

C'est que Aharaon partageait sincèrement la joie de celui qui réussissait. Cette joie était gravée dans son cœur et pas seulement extérieure. Dieu Lui-même en témoigne dans le verset: à ta vue il se réjouira dans son cœur (Lévitique 4:14). L'élévation de son frère Moché le remplit sincèrement de joie. Le Yafé Anaf rapporte à cet effet l'enseignement du Midrach (Ruth Rabah 5:12): si Aharon savait que les générations suivantes apprendraient de lui à se réjouir à la réussite d'autrui, il serait allé à sa rencontre en dansant avec des tambourins. Pourquoi alors Aharon s'est-il senti frustré et peiné?

C'est que, si Aharon avait participé à cette inauguration, il se serait encore élevé dans son service divin et ses perceptions de la Divinité, et cette élévation spirituelle se serait propagée chez tous ceux qui y assistaient. Aharon n'a pas un instant cherché son intérêt personnel. Ce qu'il visait essentiellement, c'est de s'élever sans cesse, car le service divin ne connaît pas de limites. Et plus on se rapproche de Dieu, plus on voit qu'on est encore bien éloigné de Lui. On intensifie alors ses efforts pour s'élever.

Commentant à cet effet le verset: Ouvrez-moi les portes du salut, je veux les franchir, rendre hommage au Seigneur (Psaumes 118:19), le No'am Elimélekh dans le Likouté Chochanah écrit: Le Tsadik considère que tout celui qui sert Dieu, sait qu'il ne pourra jamais accéder au but de ses aspirations, car ce domaine ne connaît pas de limites. Il doit donc sans cesse intensifier son service divin et continuer. Le Tsadik demande alors: Ouvrez-moi... les portes du service de Dieu  parce qu'il estime n'avoir  encore rien fait. On lui répond alors: Voici la porte de l'Eternel, les justes la franchiront (ibid. 20): l'essence du service divin, c'est précisément de prendre conscience du fait qu'on n'a pas encore accédé à rien et qu'il faut persévérer sans répit. Si l'homme se dit qu'il en a assez fait dans ce domaine, c'est pour lui un signe de descente qui présente de nombreux dangers.

Ainsi, si Aharon aspirait avec tant d'ardeur à participer avec les chefs des tribus à l'offrande des sacrifices, c'est parce qu'il voulait les imprégner d'abondance céleste de la source suprême des bénédictions... S'il ressentait une certaine peine, c'est parce qu'il regrettait que l'occasion ne lui était pas offerte de s'élever dans la sainteté.

Le Saint, béni soit-Il, lui a alors expliqué: cette peine même que tu as ressentie de ne pas t'être sanctifié et de ne pas avoir imprégné les autres de la source des bénédictions, constitue précisément ton élévation et c'est pourquoi ton mérite est plus grand que celui des chefs de tribus. Comme tu as tant aspiré à t'élever et que tu n'en as pas eu l'occasion, comme tu l'as sincèrement regretté, c'est exactement comme si tu l'avais fait dans la réalité (cf. Bérakhoth 6a).

Aharon a en fait reçu une récompense: une élévation béha'alotékha. Le Saint, béni soit-Il, lui dit: Grâce à ton seul enthousiasme sincère de t'élever en face du candélabre, c'est-à-dire à la Providence Divine, grâce aux efforts que tu as déployés pour élever les autres et les aider, comme il est écrit: L'un prête assistance à l'autre... (Isaïe 41:6), tu jouiras toi et autrui de la lumière du candélabre, c'est-à-dire de celle de la Chékhinah (Tikouné Zohar Introduction 13b; Zohar II, 148a). Tu n'as pas accompli cette mitsvah, mais Je joins ta pensée à l'acte même (cf. Kidouchine 40a): J'élève devant Moi les deux, la pensée et l'action bé (2) ha'alotékha. C'est pour cela qu'il n'est pas écrit: béhadlakatékha (quand tu alumeras) mais béha'alotékha, qui dénote l'élévation. Ainsi Aharon fut peiné de ne pas pouvoir élever lui et autrui dans la sainteté.

On peut se demander ce qu'il y a de spécial dans l'allumage et l'entretien des lampes. Le sacrifice individuel des chefs des tribus affecte toute la tribu jusqu'à la venue du Libérateur intègre. En revanche, l'allumage des lampes par Aharon éclaire toute la communauté d'Israël aspect de tout d'une pièce, en or (Nombres 8:4), non plus jusqu'à l'avènement du Machia'h, mais jusqu'au septième jour: les sept lampes projetteront leur lumière jusqu'à l'aspect du Chabath qui correspond au Monde Futur et où le mauvais penchant n'existera plus (Zohar 'Hadach, Béréchith 48:2). Le mérite du Grand Prêtre Aharon était donc plus grand que celui des chefs des tribus.

Aharon fit ainsi (Nombres 8:3), et nos Sages le louent de n'avoir rien changé (cf. Sifri 8:5). A cet effet, peut-on concevoir qu'Aharon puisse ne pas se conformer aux prescriptions du Saint, béni soit-Il? Sur quoi portent ces louanges exactement?

C'est qu'il n'a pas visé son honneur. Il ne s'est pas enorgueilli de son acte, qui éclairera le monde jusqu'au septième jour. Il n'a agi qu'au nom du Ciel pour faire plaisir à Son Créateur. Le Tiféreth Chemouel, l'Admour Alexander, écrit à cet effet: Les Tsadikim sont doués de deux vertus: la première, c'est que leur pensée est constamment dirigée vers Dieu et ils ne visent qu'à se rapprocher au maximum de Lui. La deuxième, c'est qu'ils aspirent à faire grimper leurs frères tous les échelons de la sainteté, quitte à en réduire leur propre service divin. C'est le cas d'Aharon qui, grâce à sa sainteté, a élevé et éclairé les enfants d'Israël. Il a illuminé leur âme, comme il est écrit: L'âme de l'homme est une lampe divine (Proverbes 20:27) tout en ne perdant rien de sa sainteté supérieure et de son attachement à Dieu.

Le Psalmiste dit de lui: Révélez l'Eternel, vous, Ses saints, car rien ne fait défaut à Ses adorateurs (Psaumes 34:10). Si Aharon a accédé à ce niveau spirituel, c'est parce qu'il a fait constamment preuve de modestie, même après qu'il eût été choisi pour allumer les lampes du candélabre. C'est pourquoi il eut l'insigne honneur d'élever les âmes d'Israël.

Moché, quant à lui, n'a pas le moins du monde été frustré par le fait que ni lui, ni sa tribu, n'offraient de sacrifices: il était tellement humble qu'il n'y a même pas pensé! Il n'a fait que partager la joie des autres sans du tout penser à lui un instant! C'est pourquoi, seul avec  lui, le Saint, béni soit-Il, parla d'entre les deux chérubins (Nombres 7:89), et qu'il portait le titre de serviteur de Dieu. Car la Torah, c'est la lumière du candélabre, et les lampes, ce sont les mitsvoth et tout celui qui s'engage dans l'étude de la Torah de notre maître Moché, c'est comme s'il allumait les lampes et en prenait soin tous les jours de sa vie. Moché a eu aussi l'honneur de porter le titre de père de tous les prophètes (Vayikra Rabah 1:15). Il partageait tellement la joie des autres, que même à Yéhochoua', son fidèle serviteur, il dit au sujet d'Eldad et Médad: Puisse tout le Peuple de l'Eternel être composé de prophètes! (Nombres 11:29). Il souhaitait qu'ils ne soient pas obligés de se présenter devant lui, et de parler à Dieu face à face.

 

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on mérite est plus grand que le leur (la grandeur de Aharon)

 

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