La médisance et la controverse sapent les fondations de la Création

Vayika'h Kora'h... Kora'h a fait vraiment un mauvais calcul: Malheur à la décision qu'il a prise! Vay laka'h!

Comment Kora'h, qui était un grand Sage, en est-il arrivé jusqu'à accuser Moché d'adultère, à Dieu ne plaise! C'est ce qui ressort du commentaire du Talmud (Bava Bathra 110a) du verset: Moïse, en les entendant, se jeta sur sa face (Nombres 16:4). Kora'h a demandé à Moché: Pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l'assemblée du Seigneur? (ibid. 3). De là, nos Sages en arrivent à la conclusion que celui qui fait preuve d'orgueil finit par commettre l'adultère (Sotah 4b). On peut enfin se demander pourquoi Moché n'a-t-il pas réussi à persuader Kora'h de son erreur?

C'est que tous les Juifs sont garants l'un de l'autre (Roch HaChanah 29a; Chavou'oth 39a) et la Torah ne leur a été donnée que lorsqu'ils étaient unis, comme il est écrit: Israël y campa en face de la montagne (Exode 19:2) comme un seul homme, d'un même cœur, commente la Mékhilta (loc. cit.). Nous savons en outre que la descente en Égypte a été engendrée essentiellement par la haine gratuite que portaient les fils de Ya'akov à leur frère Yossef, à cause de sa tunique rayée (Chabath 10a). Quant à l'asservissement, il était essentiellement dû à la médisance. A cet effet, commentant le verset ou Moché s'exclame: En vérité, la chose est connue (Exode 2:14), nos Sages expliquent que les enfants d'Israël méritaient la servitude parce qu'ils calomniaient et médisaient l'un de l'autre (Chémoth Rabah 1:30). Ce n'est que lorsqu'ils ont rectifié ces mauvais traits qu'ils ont été dignes de la rédemption, comme il est écrit: On frappa les surveillants des enfants d'Israël (Exode 5:14). Le Sifri (Nombres 11:16) rapporte l'enseignement de nos Sages selon lequel, comme les surveillants ont eu pitié des enfants d'Israël, (et préféraient recevoir des coups plut“t que de faire souffrir davantage leurs frères dans leur dur labeur), ils ont eu le mérite d'être nommés dirigeants. Ils ont agi à l'unisson pour alléger quelque peu l'asservissement de leurs frères en Égypte.

La controverse souille l'image de Dieu par lequel l'homme a été créé. Il convient par conséquent de se porter garant l'un de l'autre: la Torah, le Saint, béni soit-Il, et la communauté d'Israël, constituent alors un seul et même concept (Zohar, A'haré Moth 73a) et le monde peut alors subsister. En revanche, la controverse met en danger les fondations de la Création.

Si l'union règne entre les enfants d'Israël, ils finiront par reprendre le bon chemin, même s'ils adorent des idoles, comme il est écrit: Ephraïm est collé aux idoles, qu'on le laisse! (Osée 4:17). C'est ce que nous avons trouvé chez les guerriers de la génération d'A'hav qui remportaient toujours des victoires en dépit du fait qu'ils adoraient des idoles: en effet, les gens de cette génération étaient unis et fuyaient la calomnie, comme nous l'avons vu (Yérouchalmi, Péah 1:1; Vayikra Rabah 26:2). A'hav aussi adorait des idoles (Sanhédrine 102b), mais il a fini par revenir à Dieu (Pirké de Rabbi Eliézer 43).

Par conséquent, même le mécréant qui commet des péchés, mais s'abstient de parler du mal de son prochain et n'aime pas la controverse finira par se repentir. Comme il se tait, il accède à la sagesse de la Torah, aspect de rempart de la sagesse, qui est le silence (Pirké Avoth 3:13). Il en viendra à la connaissance que le monde est régi par la Providence Divine. En revanche, celui qui parle du mal de son prochain et ne fuit pas la controverse, finira en enfer, et sa sagesse ne lui sera d'aucune utilité le jour du jugement dernier, car il ne craint pas le péché (cf. Pirké Avoth 3:9; Zohar III, 278b). Et si des gens suivent son exemple du fait qu'il est 'hakham, il subira le même sort que Yérovo'am ben Névat, qui a péché et fait pécher les autres, et dont l'impiété des autres lui est attribuée (cf. Sanhédrine 101b; 102b; Pirké Avoth 5:21).

Kora'h s'est ainsi isolé de la communauté et ne s'est pas conformé au précepte de partager le sort des autres. Il visait la prêtrise, ce qui est un objectif noble en soi. Certes, la jalousie qui divise les sages (lit. les scribes) intensifie la sagesse (Bava Bathra 21a; Tana Débé Elyahou Rabah 21), mais l'Eternel a choisi Aharon comme Grand Prêtre, comme il est écrit: fais venir à toi Aharon ton frère... pour exercer le sacerdoce... (Exode 28:1). Ainsi, il est interdit d'outrepasser la volonté divine, même si nous pensons, avec notre intelligence limitée, qu'elle n'est pas juste. Même si Kora'h se croyait supérieur à Aharon, il n'avait pas à se mêler dans les décisions divines, parce qu'il n'était pas en mesure de percevoir les voies de l'Eternel. Cette jalousie, qui ne vise pas la gloire de Dieu, cette controverse et cette haine, l'Eternel les exècre.

Dieu avait ordonné au roi Chaoul d'exterminer toute la descendance d'Amalek (Samuel I, 15), mais il a épargné Agag, ainsi que les animaux. Il a expliqué à Samuel qu'il a épargné Agag parce qu'il voulait le tuer à la vue de tout le Peuple d'Israël, quant aux animaux, il visait à les sacrifier à l'Eternel. Le prophète le gronda alors: Des holocaustes, des sacrifices, ont-ils autant de prix aux yeux de l'Eternel que l'obéissance à la voix divine? (ibid. 22). En d'autres termes, tu aurais dû entendre la voix de Dieu et ne pas faire des comptes personnels. Point de sagesse devant l'Eternel. L'intention de Chaoul était bonne, mais pas son action. C'est pourquoi il a été puni. D'après le Méam Loez (loc. cit.), Agag s'est transformé en bœuf et sa femme en vache... Elle est tombée enceinte par des actes de sorcellerie, et l'un des descendants de cette union fut Haman le mécréant, fils de Hamédata...

Cet épisode nous apprend qu'il n'y a ni sagesse, ni intelligence, ni conseil, qui vaillent contre l'Eternel (Proverbes 21:30). Si Dieu a choisi Moché, c'est qu'Il discernait en lui des vertus rares (rappelons à cet effet l'épisode du chevreau assoiffé qu'il a pris amoureusement dans ses bras quand il était berger). Malgré toute son importance, Kora'h n'aurait pas dû s'opposer à la volonté divine. La prêtrise lui convenait peut-être, mais c'est l'Eternel qui éprouve le juste, qui sonde les reins et le cœur... (Jérémie 20:12) et sait qui choisir pour ce poste. Si Dieu a choisi Aharon, c'est parce qu'il s'est réjoui de la nomination de Moché son frère, qui était plus jeune que lui (Exode 4:14). C'est pourquoi, d'après le Talmud (Chabath 139a), il a eu le mérite de porter le pectoral sur son cœur. Seul l'Eternel décide qui doit être riche ou pauvre, comme il est écrit: A Moi appartient l'argent, à Moi l'or, dit l'Eternel... ('Hagaï 2:8). Il convient par conséquent de s'abstenir de se poser des questions sur la conduite de Dieu et de Lui obéir en restant intègre.

Kora'h estimait qu'il est donné à tout le monde de s'accorder le renom et la gloire. En dépit du fait qu'il connaissait le Nom Ineffable, qu'il faisait partie des porteurs de l'Arche Sainte, comme nous l'avons vu, qu'il voulait entrer dans le Saint des Saints, comme Aharon le jour de Kippour pour expier les fautes des enfants d'Israël, Kora'h devait savoir que de Toi émanent richesses et honneurs; Tu es le souverain, maître de tout. C'est dans Ta main que se trouvent force et puissance; c'est Ta main qui peut tout grandir et tout affermir (Chroniques I, 29:12). Et si l'Eternel a choisi Moché et Aharon, Kora'h n'avait qu'à se conformer à la volonté divine... Sa controverse ne visait pas la sanctification du nom de Dieu.

La médisance qui, comme on le sait, tue trois personnes: celui qui médit, celui contre qui on médit, et celui qui entend la médisance (cf. Erkhin 15b) et sa controverse qui ne visait pas à glorifier le nom de Dieu, ont fini par engendrer le fléau qui a coûté la vie à quatorze mille sept cents, outre ceux qui avaient péri à cause de Kora'h (Nombres 17:14).

La faute était si grave que Moché ne pouvait plus implorer la miséricorde divine en faveur des enfants d'Israël. Moïse, en les entendant se jeta sur sa face (Nombres 16:4). C'était déjà leur quatrième erreur, et les mains de Moché étaient affaiblies (Tan'houma, loc. cit. 4), alors qu'il avait réussi à leur faire pardonner le péché du veau d'or l'adoration des idoles, qui équivaut à toutes les transgressions de la Torah (Kidouchine 40a)... Moché s'est efforcé de les convaincre de leur erreur, mais ils l'ont humilié et injurié et se sont révoltés contre l'Eternel (Tan'houma, loc. cit. 3). Kora'h et son assemblée ont alors été punis mesure pour mesure: comme ils se sont séparés de la communauté, Moché a incité les enfants d'Israël à se retirer... des tentes de ces pervers... (Nombres 16:26): séparez-vous d'eux, si vous ne voulez pas périr pour leurs méfaits.

Celui qui sème la controverse souille tous les mondes, porte atteinte à l'union des enfants d'Israël et du fait que chacun doit se porter garant l'un de l'autre, sépare le Saint, béni soit-Il, du Peuple d'Israël et de la Torah, et finit par saper les fondations mêmes de la Création. C'est pourquoi la terre ouvrit son sein pour les engloutir avec tout ce qui était à eux (Nombres 16:30). Le Midrach (Tan'houma, loc. cit. 3) enseigne à cet effet que celui qui aide ou participe à la controverse, Dieu l'anéantit de la surface de la terre. Quant au Zohar (III, 176a), il nous enseigne que Kora'h, qui visait à contrecarrer l'homogénéité de l'univers, a été anéanti de tous les univers.

Pour convaincre Moché de le nommer Grand Prêtre, Kora'h a essayé de lui démontré qu'il est un grand Sage, très lettré en Torah. Il lui a tenu le raisonnement suivant: Il est écrit dans la Torah: Dis aux enfants d'Israël d'ajouter à la frange de chaque coin un cordon d'azur (Nombres 16:38). Doit-on ou non ajouter un fil d'azur à un talith entièrement azur? Moché répondit par l'affirmative, et Kora'h se moqua de lui et dit: Un talith entièrement azur n'est pas exempté des fils d'azur et ce n'est qu'avec quatre fils d'azur que la mitsvah est accomplie? Kora'h demanda aussi à Moché: Une maison toute remplie de livres et de rouleaux de Torah nécessite-t-elle une mézouzah ou non? Moché répondit par l'affirmative. Kora'h se moqua de lui: Tous les livres et les rouleaux de la Torah ne peuvent exempter la maison de la mitsvah de mézouzah alors que ce ne sont que les deux parachyoth de la mézouzah qui la rende exempte? (cf. Bamidbar Rabah 18:2; Tan'houma, loc. cit. 2). Kora'h voulait enfin montrer son désaccord avec Moché au sujet de la vache rousse (Midrach Péliah).

Comme nous l'avons vu, les tsitsith et le cordon d'azur qu'on y ajoute, visent essentiellement la crainte du Ciel. Kora'h estimait que si un seul cordon rappelle à l'homme l'Eternel et le Tr“ne Céleste, un talith entièrement azur le rappellerait bien davantage et conduirait à accomplir avec plus de perfection toutes les mitsvoth de la Torah. De même, pensait-il, une maison remplie de livres et de rouleaux sacrés rapprocherait davantage l'homme du Saint, béni soit-Il que deux simples paragraphes de la Torah. Pourquoi alors une mézouzah? Quant à la vache rousse, Kora'h en connaissait aussi la signification profonde. Il s'estimait par conséquent supérieur à Aharon qui en ignorait l'essence!

Mais en vérité, on n'a pas besoin de talith tout d'azur pour se rappeler l'existence de Dieu car toute la création ne vise qu'à ce but... comme écrit le Roi David: Lorsque je contemple Tes cieux, œuvre de Ta main, la lune et les étoiles que Tu as formées... (Psaumes 8:4). Un seul cordon suffit à se rappeler l'existence de Dieu. Tout celui qui ajoute ne fait que retrancher (Sanhédrine 29a)... En outre, même une maison remplie de livres nécessite une mézouzah, seule capable de protéger la maison, la bibliothèque... et la mézouzah qui est posée sur la table. Quant au problème de la vache rousse enfin, Kora'h aurait dû savoir que sa cendre fait allusion à la modestie que Moché incarnait, et qui manquait tellement à Kora'h!

Kora'h se demandait: Pourquoi à l'inverse d'Aharon, qui était aussi Grand Prêtre, Moché s'est-il séparé de sa femme, Tsiporah! Il doit sans doute en avoir une autre! estimait-il. Ce que Kora'h ignorait en fait, c'est que Moché a agi de la sorte parce que la Providence Divine lui parlait constamment (Chabath 87a). L'Eternel lui avait donc ordonné: Toi, ensuite, tu resteras ici avec Moi (Deutéronome 5:27). Même Miriam, qui médit de son frère Moché, fut atteinte de lèpre et Kora'h n'a pas tiré de leçon de cet incident. Il a en outre commis la même erreur que les explorateurs et agi sans réfléchir. Kora'h et eux ont été sévèrement châtiés pour leur faute.

Si la fin de Kora'h a été amère, c'est essentiellement parce qu'il s'est séparé de la communauté et n'a pas pris en considération la grandeur de Moché. D'ailleurs, le nom même de Kora'h fait allusion à toute la controverse avec Moché:

La valeur numérique de KORa'H BeN YTsHaR est la même que celle de ELOu 'HOuTéY TsiTsiTh (ce sont les fils du talith) [avec le Collel + 1 = 671].

La valeur numérique de KORa'H est la même que celle du nom CHaDaI [314] qui est écrit sur la mézouzah et dont les lettres forment ChoMeR DeLaToTh ISRaEL (qui protège les portes d'Israël).

La valeur numérique de PaRaH ADOuMaH [avec 1 pour le Collel = 342] est la même que celle de ZéH HOu KORa'H (c'est Kora'h) [plus 4 pour les quatre lettres de Kora'h].

Quant aux soupçons de Kora'h sur la conduite morale de Moché, nous avons vu que Kora'h, VaY LaKa'H a pris des malheurs. Or dans la terminologie de la Kabalah, VAY a la même valeur numérique (16) que 'HaBO, formé par les premières lettres hébraïques du verset: 'Hel Bala' Vayékiénou, Il a avalé des biens et va les vomir (Job 20:15), qui fait allusion à l'observance de Yessod, signe de l'alliance sainte. VaY! Malheur donc à Kora'h qui a accusé Moché d'adultère, qui a médit de lui et d'Aharon, qui a souillé l'homogénéité de la Créature!

Veuille l'Eternel que nous soyons vraiment unis et garants l'un de l'autre, ce qui nous fera accéder à la Rédemption complète. A cet effet, notons que la valeur numérique de 'ARéVIN ZéH BaZéH (garants l'un de l'autre) est la même que celles de GuéOuLaH KeROVaH (rédemption proche), YaVO ChiLoH (Chilo viendra) et MaChiA'H [358]. Veillons à effacer toute trace de division, et que la paix et l'honneur règnent entre nous: VaEThPaLeG a la même valeur numérique que KaBéTséNOu Ya'HaD MéHéRaH (réunis-nous ensemble au plus t“t). Le monde continuera alors à subsister et nous jouirons pleinement des biens célestes. Amen!

 

 

Et Kora'h prit...
TABLE DE MATIERE
Le cœur et la bouche

 

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