La méchanceté de Balak et Bil'am ou l'extermination du corps et de l'âme

Le Talmud (Bérakhoth 12b) enseigne que nos Sages voulaient insérer la sidrah de Balak dans la récitation du Chéma', mais s'en sont abstenus pour ne pas importuner les fidèles. Ainsi, il ne nous aurait pas suffi de nous rappeler leur méchanceté et leurs malédictions qui se sont transformées en bénédictions, mais nous aurions été tenus de lire la sidrah dans son intégralité!

Il est vrai que, comme nous l'avons vu, la haine que nous portaient Bil'am et Balak n'a pas d'égale dans l'histoire de notre peuple. En fait, l'Eternel nous a ordonné de ne pas livrer de combat à Moav et Amon (cf. Deutéronome 2:18-19), pour quelle raison alors nous portaient-ils une haine si farouche? Comment se fait-il que Bil'am et Balak veuillent maudire les enfants d'Israël, s'ils sont incapables de nous vaincre sur le champ de bataille, comment peuvent-ils le faire avec des malédictions? Et si leurs malédictions a un impact, pourquoi ne s'en serviraient-ils pas pour combattre et vaincre les enfants d'Israël.

C'est que, par la malédiction, ils voulaient gagner du temps. Expliquons-nous: si Bil'am et Balak devaient proclamer la guerre contre les enfants d'Israël, ces derniers auraient crié vers l'Eternel, imploré Son assistance et auraient certainement battu leurs ennemis. Mais Bil'am et Balak se sont hâtés pour les maudire, la malédiction ayant un effet immédiat, que Dieu nous préserve.

Bil'am, qui était moins doué que Balak en matière de sorcellerie (Bamidbar Rabah 20:18), savait que le Saint, béni soit-Il, ne dédaigne les enfants d'Israël ni ne les repousse au point de les anéantir, et qu'Il se souvient de Son alliance avec les Patriarches (Lévitique 26:42) même s'ils ne se conforment pas à Sa volonté. Il n'en est pas moins venu à les maudire, tant la haine qu'il leur portait était farouche.

Pourquoi cette haine aveugle, tellement injustifiée? Parce que le verset dit des enfants d'Israël: Ce peuple, il vit LéVaDaD (solitaire) (Nombres 23:9). Ce terme a comme valeur numérique 40, allusion à la Torah qui a été donnée après quarante jours (Ména'hoth 99b). Le peuple d'Israël ne se confond pas avec les nations, et toute son essence c'est la Torah. En voyant ce petit peuple engagé dans l'étude de la Torah et se tenant la tête haute contre tous les peuples, les nations du monde qui ont refusé de recevoir la Torah comme on le sait (Avodah Zarah 2b; Tan'houma, Chémini 6) intensifient leur haine contre nous et cherchent par tous les moyens à nous léser...

Balak a donc demandé à Bil'am d'exterminer au plus vite le peuple d'Israël, et s'il n'y réussit pas, du moins les maudire, troubler leur esprit pour les éloigner de Dieu qui les châtierait en les faisant disparaître de la surface de la terre. Les enfants d'Israël ne pourront pas ainsi représenter un accusateur pour les nations qui ne suivent pas la voie de Dieu. Comme nous l'avons déjà vu, les deux premières lettres de BaLak et BiL'am forment BiLBouL et les dernières lettres balaK et bil'AM ont la même valeur numérique (210) que KeNaS: nos deux plus grands ennemis aspiraient avec ardeur (liKNoS) porter préjudice à toutes les nations pour qu'ils poursuivent leur conduite infâme et ne soient pas influencés par les enfants d'Israël. Dans leur for intérieur, ils savaient que l'Eternel est le vrai Dieu (cf. Rois I, 18:39), qu'Il nous a choisis d'entre toutes les nations et nous a donné Sa Torah (Bérakhoth 11b) afin que le monde entier reconnaisse Son existence. Le Midrach (Béréchith Rabah 39:16) cite à cet effet l'exemple de notre patriarche Avraham qui a révélé l'essence de Dieu dans le monde. Les nations auraient donc dû emprunter la voie de la droiture suivie par les enfants d'Israël.

En fait, c'est exactement le contraire qui s'est passé: toutes les nations se sont réunies autour de Bil'am et lui ont demandé: Pourquoi tout ce grand bruit (dans le monde entier)? C'est le Peuple d'Israël qui reçoit la Torah (Zéva'him 116a; Yalkout Chimoni, Chémoth 286). Devons-nous nous joindre [à eux]? Non, répondit-il. Ne cherchez pas leur bien-être et leur prospérité (Deutéronome 23:7). Au lieu de rapprocher les nations du Peuple d'Israël, Bil'am les a persuadées d'emprunter la voie de la perversité: il ne visait qu'à troubler et exterminer Israël.

Nous connaissons le cas d'un Juif qui priait dans une synagogue où l'on bavarde beaucoup, alors que lui, non seulement se concentrait dans sa prière, mais réprimandait ceux qui dérangeaient le cours du service. Quand il vit toutefois que personne ne l'écoutait, il se tut et garda ses distances. Un jour, le responsable de la synagogue lui demanda de cesser de prier avec eux. Ne vois-tu pas que j'ai fini de faire des remarques à ceux qui dérangent? lui expliqua-t-il. Ta seule présence dérange ceux qui sont habitués à bavarder pendant la prière. Notre homme pieux fit remarquer au responsable qu'il est de son devoir de veiller au silence durant la prière. Je sais, répondit-il, mais ton silence me dérange quand j'ai envie de bavarder. Il m'est très difficile de te supporter...

Y a-t-il une profanation du nom de Dieu plus grande que celle-ci? Être pleinement conscient du péché et continuer à le commettre! Où est la responsabilité? Le mauvais penchant a fait tomber dans ses filets ce responsable qui empêche les autres d'agir convenablement durant leur prière pour qu'ils ne le dérangent pas de continuer à se comporter de façon si infâme...

Comme nous l'avons vu, Bil'am et Yithro faisaient partie des conseillers de Pharaon. Bila'am et Balak auraient donc dû aller consulter Yithro qui leur montrerait comment se repentir, ou bien le Tsadik de la génération, Moché, qui leur apprendrait la Torah... Mais, au lieu de rectifier ses fautes (l'aspiration à maudire les enfants d'Israël), Bil'am a empiré sa situation en conseillant à Balak de les faire pervertir avec les filles de Moav. Il voulait les éloigner de Dieu et de la Torah.

Balak aurait pu demander à Bil'am de maudire les Israélites de loin, mais la malédiction de loin n'est pas la même quand elle est émise de près! Bil'am et Balak ont donc visé à anéantir le corps et l'âme du Peuple Juif, à l'inverse de Haman qui n'a visé que le corps (Esther 3:6), et des Grecs qui n'ont visé que l'âme et leur émancipation. Écrivez sur la corne du bœuf que vous n'avez pas le moindre rapport avec le Dieu d'Israël leur ont-ils ordonné (Yérouchalmi, 'Haguigah 2:2; Vayikra Rabah 15:9). Ce que visaient essentiellement Balak et Bil'am, c'est qu'aucune nation n'apprenne du Peuple d'Israël comment servir Dieu.

Ils haïssaient donc aussi les nations du monde, comme nous l'avons vu plus haut. Et si Bil'am portait le titre de l'homme à l'œil bouché (Nombres 24:3), c'est parce qu'il voulait fermer les yeux de son peuple pour qu'ils n'imitent pas la conduite des enfants d'Israël, ne discernent pas la voie de la vérité, et ne reconnaissent pas Dieu.

Par conséquent, si nos Sages ont voulu insérer la sidrah de Balak dans la récitation du Chéma', c'est parce qu'ils voulaient que nous rappelions constamment la haine que Balak et Bil'am portaient aux enfants d'Israël et leurs efforts de les pervertir et de les dissuader de faire téchouvah. Ils ignoraient toutefois que l'Eternel est proche de tous ceux qui L'invoquent (Psaumes 145:18). Autre raison pour nous rappeler que ces deux plus grands ennemis d'Israël voulaient nous anéantir eux-mêmes directement et non par l'intermédiaire de messagers, qu'ils se sont efforcés d'éloigner toutes les nations de subir l'influence bénéfique des enfants d'Israël et qu'ils ont visé à engendrer la controverse même parmi nous. Cette controverse qui divise le peuple et l'éloigne de la Providence Divine.

Nous aurions enfin dû insérer le passage concernant Balak dans le Chéma' pour nous rappeler que du temps de Bil'am et Balak, le Saint, béni soit-Il, a manifesté une miséricorde abondante à l'égard des enfants d'Israël, bien qu'ils L'eussent irrité et tenté dix fois dans le désert (Nombres 14:22). Comme l'Eternel voulait les rapprocher de Lui, il a bouché l'œil de Bil'am, le mécréant.

Toutefois, il y a un grand principe qui prévaut dans la Torah: Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Yérouchalmi Nédarim, 9:4 sur Lévitique 19:18). Ce principe dépasse tous les autres commandements divins: il s'agit de ne pas importuner les fidèles, de prendre en considération les obligations de toutes sortes de chacun de ceux qui viennent prier. Comme nous l'avons vu, lorsque ce sont l'amour et l'union qui règnent au sein du peuple, même s'il sert les idoles comme du temps d'A'hav, ou veut faire la guerre à Dieu comme le dor hapalaga, l'Eternel le protège de tout mal.

Le Talmud (Bérakhoth 31a) raconte à cet effet comment Rabbi Akiva se déplaçait fébrilement d'un coin à l'autre de la synagogue quand il priait seul, et comment il se dépêchait quand il faisait ses prières en public pour ne pas importuner les fidèles. Rabbi Akiva ne priait certainement pas seulement pour ses besoins personnels, mais pour ceux de toute la communauté d'Israël, mais ce n'est pas pour autant qu'il officiait et priait longtemps.

De notre temps, l'officiant qui s'attarde dans sa prière, commet deux fautes à notre avis: premièrement, il montre aux fidèles que, beaucoup mieux qu'eux, il sait se concentrer dans sa prière et se rapprocher davantage du Saint, béni soit-Il; deuxièmement, en attendant la fin de la 'Amidah de l'officiant, les fidèles ne trouvent rien de mieux qu'à médire l'un de l'autre, à engager des conversations futiles qui peuvent même conduire à la raillerie et à la légèreté. En fin de compte, la sidrah de Balak n'a pas été insérée dans le Chéma'. Il convient toutefois de bien l'étudier pour se rendre compte combien ces deux ennemis ont voulu nous faire du mal, mais n'y ont pas réussi, car le Saint, béni soit-Il, protège Ses enfants bien-aimés.

 

 

Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob... ou la force de la Torah
TABLE DE MATIERE
La sainteté de Pin'has face à la méchanceté de Balak

 

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