Le dévouement de Pin'has face à Adam

Commentant le verset: A cette vue, Pin'has, le Pontife... se leva du milieu de la communauté, arma sa main d'une lance... le Talmud (Sanhédrine 82) explique qu'il a vu un acte et s'est rappelé la Halakhah le concernant:

1) Quel acte a-t-il vu? De quelle Halakhah s'est-il rappelé?

2) Concernant la lance que Pin'has tenait en main, nos Sages enseignent que c'est grâce à elle que les prêtres ont reçu l'épaule en offrande (Deutéronome 18:3; Rachi Sifri 18:46). Quel rapport peut-on établir entre ces deux parties du corps? Enfin, la locution en main ne devrait apparemment pas figurer dans le verset. Pin'has ne pouvait tenir sa lance qu'en sa main...

3) Commentant le verset: Pin'has arma sa main d'une lance (roma'h), le Zohar (III, 237a) enseigne que Pin'has (PiN'HaS) a vu la lettre mem (valeur numérique 40) qui s'envolait dans l'air; il s'en est alors emparée et l'a ajoutée à son nom, (dont la valeur numérique est 208) et  a ainsi obtenu RaMa'H (248). En d'autres termes, il se servi des deux cent quarante-huit membres de son corps pour accomplir cette mitsvah. Qu'en est-il alors de ses trois cent soixante-cinq tendons avec lesquels il faut aussi accomplir les mitsvoth?

4) Commentant la précision Pin'has, fils d'Eléazar, fils d'Aharon le Pontife, le Talmud (Sanhédrine 82b) demande: pourquoi le verset le lie-t-il à Aharon? C'est pour contrer les tribus qui le tournaient en dérision, en disant: Voyez-vous ce fils de PouTi, dont le père de sa mère PiTem engraissait les veaux destinés aux idoles? Pourquoi alors les tribus ne l'ont-elles humilié que maintenant et pas avant? Ne savaient-elles pas jusque-là que Pin'has était le petit-fils d'Aharon?

5) Pourquoi dans le mot PiN'HaS le yod est-il petit? Pourquoi enfin dans le mot CHaLOM le vav est-il coupé? (Kidouchine 66b)?

Pour répondre à ces questions, il nous faut remonter à Adam!

Nous savons que lorsqu'on accomplit une mitsvah, il convient de l'accomplir avec le maximum de dévouement et sans aucune

arrière-pensée, en se servant des deux cent quarante-huit membres et trois cent soixante-cinq tendons de son corps, en effaçant complètement son ego, en épanchant son âme et en faisant preuve de l'humilité la plus totale. Le Saint, béni soit-Il, a ordonné à Adam de ne pas manger de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir (Genèse 2:17). Le Talmud (Chabath 55b) dénomme ce commandement une mitsvah facile, du moins par rapport au niveau du premier homme. Adam ne s'est toutefois par retenu et en a mangé. Comment cet homme, cette œuvre de la Divinité (Kohéleth Rabah 3:14) n'a-t-il pas réussi à accomplir une mitsvah aussi facile? Et même, s'il s'agissait d'un commandement difficile, le fait est qu'il ne s'est pas conformé à la volonté de son Créateur! D'autre part, si l'Eternel le menaçait de mort au cas où il mangerait de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, pourquoi n'a-t-Il pas mis sa menace à exécution tout de suite? Pourquoi s'est-Il contenté de le maudire, comme il est écrit: Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front?

C'est qu'il a mangé de l'Arbre encouragé par sa femme 'Havah (cf. Genèse 3:6). D'autre part, selon nos Sages, la femme est plus intuitive que l'homme (cf. Béréchith Rabah 18:1) et sait l'influencer. Peut-être l'a-t-elle convaincu que tout cela était servir Dieu? Ainsi pensait-il n'être en mesure de se conformer à la volonté divine, de se dévouer corps et âme à l'accomplissement des préceptes divins qu'en mangeant de l'Arbre de la Connaissance. Il était conscient du fait qu'en agissant de la sorte il risquait la mort, mais il était prêt à risquer littéralement sa vie pour servir son Créateur de la manière la plus sublime, mettant ainsi en pratique l'adage de Rabbi Ya'akov: Une heure de repentir et de bonnes actions dans ce monde est meilleure que toute la vie future (Pirké Avoth 4:22).

Toutefois, sitôt qu'il a mangé de l'Arbre et que son esprit s'est aiguisé, il a pris conscience de sa petitesse, comme il est écrit: ils surent qu'ils étaient nus (Genèse 3:7). Le Midrach (Béréchith Rabah 19:6) explique: Ils avaient une seule mitsvah et ils s'en sont dépouillés. Adam a certes compris qu'il a trébuché, mais il a pris la décision de continuer désormais à se conformer à la volonté de Dieu et de goûter aussi de l'arbre de la vie. Il a ainsi fait preuve d'un immense orgueil: ne s'étant pas contenté d'enfreindre la volonté du Créateur, il ose Lui demander de ne pas le punir! l'Eternel l'a alors certes expulsé du Jardin d'Eden en disant: Maintenant, il pourrait étendre sa main et cueillir aussi du fruit de l'arbre de la vie, il en mangerait et vivrait à jamais (Genèse 3:22), mais Il ne prononça pas contre lui un arrêt de mort, car en agissant de la sorte, Adam visait exclusivement à s'élever au plan spirituel.

Cet épisode nous montre que si on enfreint la volonté de Dieu, même dans le seul but de s'élever au plan spirituel, on accomplit une mitsvah qui est issue d'un péché (Soucah 30a) et qui peut en engendrer d'autres. On ne réussira pas alors à intensifier sa crainte de Dieu même si on s'y efforce, et on aura commis un grand péché.

Pin'has a vu ce qu'a fait Adam: intensifier sa crainte de Dieu. Comme nous l'avons vu plus haut, il a ainsi enfreint la volonté de Dieu et son entreprise n'a pas réussi. Il s'est souvenu de la Halakhah, qui consiste précisément à ne pas enfreindre la volonté de Dieu, même si on vise par là à intensifier sa foi. Il est interdit de faire preuve d'orgueil et d'arrogance pour y accéder, mais au contraire de faire preuve d'humilité en se conformant uniquement à la volonté de Dieu.

Après avoir vu tout cela, Pin'has, fils d'Eléazar, s'est activement préparé à son acte sublime et a imploré Dieu de l'aider. Il avait besoin d'une miséricorde divine abondante, d'un vrai miracle, car en tant que prêtre, l'acte qu'il se préparait à commettre risquait de le rendre impur (cf. Sanhédrine 82a). Il a donc fait ce qu'il devait faire avec le maximum de sincérité et de dévouement, sans la moindre trace d'orgueil. Il a armé BéYaDO sa main d'une RoMa'H (lance), c'est-à-dire a fait agir les RaMa'H évarim deux cent quarante-huit membres de son corps. Mais qu'en est-il des ChaSsa guidim trois cent soixante-cinq tendons? Le terme BéYaDO a la même valeur numérique que GuIDO (avec 1 pour le Collel = 23): il s'est donc aussi servi de ses six cent treize guidim (tendons) avec un dévouement aussi exemplaire. Et si les prêtres ont été dignes de recevoir l'épaule de la bête offerte en sacrifice à Dieu, c'est parce que le bras incarne l'héroïsme et l'abnégation. D'ailleurs les termes ZéROA' et 'HaSsiD totalisent ensemble la valeur numérique (365) et représentent les trois cent soixante-cinq tendons dont Pin'has s'est servi le bras tendu BiZROA' NéTOuYaH (dont la guématria est également 365). Il s'est ainsi conformé à RéTSON AVIV (la volonté de son père) (dont la valeur numérique est aussi 365), contrairement à Adam, qui l'a enfreinte.

Le Saint, béni soit-Il, qui sonde les cœurs et les reins (Psaumes 7:10) a apprécié le geste exemplaire de Pin'has, qui a détourné la colère divine de dessus les enfants d'Israël en se montrant jaloux de Sa cause (cf. Nombres 25:11). Là où il n'y a pas d'hommes [capables], il s'est efforcé d'être un homme (cf. Pirké Avoth 2:6). En agissant de la sorte, Pin'has a certes mis sa vie en danger, car celui qui enseigne la Halakhah devant son maître est condamné à mort (Bérakhoth 31b; Tan'houma, A'haré Moth 6). Mais en voyant le péché de Zimri, qui a mis en danger la vie du Peuple Juif, il a été prêt à risquer sa vie pour sauver la nation juive de l'extermination.

Contrairement à Adam qui a commis un péché très grave, a été maudit, et a osé demander une récompense pour son acte, Pin'has n'a agi que pour l'amour de Dieu sans demander la moindre récompense, en implorant Dieu de l'aider à ce que son geste n'engendre aucun mal. Le Saint, béni soit-Il, lui a toutefois accordé une récompense et lui a ajouté un youd à son nom (PIN'HaS), tout comme Moché a ajouté la lettre héh au youd de Yéhochoua' (son nom se traduit alors YaH, que Dieu te sauve du complot des explorateurs). Ce YaH a comme valeur numérique 15, qui est la même que GaAVaH, dont l'Eternel voulait épargner Pin'has, pour qu'il agisse exclusivement au nom de Dieu, et en accroisse la gloire et qu'il fasse preuve de dévouement total. Ce youd supplémentaire permettait aussi à Pin'has de ne plus jamais pécher, la valeur numérique de PIN'HaS (208) étant la même que celle de VéEN 'HeT Ba'AL YaDO (il ne péchera pas). En agissant de la sorte, Pin'has a manifesté 'HeSseD, de la bonté à l'égard du Peuple d'Israël. D'ailleurs, PIN'HaS a la même valeur numérique que 'HeSseD YéSsOVéVeNOu (se fait entourer par la bonté).

Pin'has a été aussi digne d'une vie longue et l'ange de la mort n'avait pas de prise sur lui (Zohar III, 214a), car, comme on le sait, Pin'has c'est Elyahou (ibid. Pirké DéRabbi Eliézer 47). A l'inverse d'Adam dont la vie a été raccourcie, PeN, de peur qu'il n'étende sa main et cueille aussi du fruit de l'arbre, Pin'has vit @@éternelle, comme nous l'avons vu plus haut: c'est la signification de PiN-'HaS, le PeN de PiN'haS a corrigé celui d'Adam; 'HaS, quant à lui, a la même valeur numérique que 'HaYiM (la vie).

Ceci nous aidera à mieux comprendre l'enseignement du Tana Akabia, fils de Mahalalel: Pénètre-toi de ces trois choses et tu éviteras le péché: sache d'où tu viens et où tu vas, et rappelle-toi devant Qui tu auras un jour à rendre compte de tes actions... (Pirké Avoth 3:1). Le fait de se demander où va-t-on et se rappeler devant Qui on doit rendre compte de ses actions, peut certes dissuader de pécher. Mais comment le fait de connaître son origine peut-il faire craindre le péché? C'est qu'il ne suffit pas de se rappeler la crainte du châtiment pour ne pas pécher: on doit tout faire avec le maximum d'humilité (comme Pin'has) et ne pas manifester la moindre trace d'orgueil (comme Adam): dans ces circonstances, on accomplit toutes les mitsvoth avec le maximum de perfection. Ainsi, si on pense à son origine (une goutte putride) on agit avec humilité, le cœur brisé, exclusivement pour se conformer à la volonté de son Créateur.

Pour quelle raison Adam a-t-il péché? demande le Midrach (Péliah 12). Parce qu'il a vu deux, et s'il avait vu trois, il n'aurait pas péché. En d'autres termes, le premier homme n'a pas pensé à son origine. En fait, il n'a pas été créé comme le reste de l'humanité d'une goutte putride: c'était l'œuvre de la main de Dieu. Il n'a pensé qu'à où vas-tu? et devant Qui auras-tu à rendre compte? C'est pourquoi on peut dire qu'il a commis son péché avec le maximum de dévouement. Et comme il ne pouvait pas s'interroger sur son origine, il a persisté dans son orgueil et a même demandé une récompense: goûter de l'arbre de la vie. Aussi a-t-il été puni...

Ce n'était pas pour lui une descente visant une ascension (cf. Makoth 7b), car à sa naissance même, c'était une créature tellement parfaite que, d'après le Midrach (Béréchith Rabah 8:9), les anges l'ont pris pour une divinité et ont voulu le sanctifier. Ils n'ont pas conçu qu'il puisse pécher, car ils savaient que son geste visait essentiellement à intensifier son service divin. C'est pourquoi ils ont demandé au Saint, béni soit-Il: Pourquoi as-tu condamné Adam à mort? (Chabath 55b). Le Saint, béni soit-Il, leur a alors répondu: Parce qu'il a transgressé une mitsvah kalah (facile) que Je lui ai donnée: en d'autres termes, le premier homme n'a pas été issu d'une goutte putride: au lieu de faire preuve d'humilité (KaL vé'ANaV) il s'est enorgueilli. Comme il n'a pas agi au nom de Dieu, il mérite la mort.

Pin'has en revanche, savait d'où il provenait: d'une goutte putride (d'Eléazar, fils d'Aharon le Pontife). C'est de son grand-père qu'il a hérité la modestie, comme il est écrit: Et nous, qui sommes-nous? (Exode 16:7). Comme il a pensé à ces trois choses dont nous parlait le Tana plus haut, il n'a pas péché.

Ce petit youd de PIN'HaS fait allusion à son humilité et ce vav coupé (du mot: ChaLOM), peut-être aussi considéré comme youd et vav normal. Vav et youd totalisent 16, valeur numérique des premières lettres de 'Heil Bala' Vayékiénou 'HaBOu. Comme nous l'avons vu, d'après les écrits du saint Ari zal, ce Nom est efficace pour la correction de la souillure du signe de l'Alliance sainte. Les écrits de la Kabalah enseignent à cet effet qu'Adam a péché parce qu'il n'a pas attendu le Chabath au soir pour cohabiter avec 'Havah, ce qui, d'après le Talmud (Béréchith Rabah 18:6), a poussé le serpent à la convoiter. Adam a ainsi souillé la séfirah de Yessod/signe de l'Alliance, qui comprend les six cent treize mitsvoth, et au lieu d'accéder à la perfection chélémouth qui est chalom/la paix, comme il est écrit: Il établit la paix dans ses demeures sublimes (Job 25:2), il n'a fait que souiller le signe de l'alliance et a connu la mort. En revanche, Pin'has ne l'a pas souillé (Zohar III, 220a) et a détourné la colère divine de dessus les enfants d'Israël. C'est pourquoi l'Eternel lui a accordé Mon Alliance de paix BéRITI CHALoM: BéRITh ayant la même valeur numérique (612 + 1) que Tariag (les six cent treize mitsvoth). Il a accédé à la plénitude et même reçu le nom 'HaBOu (grâce au vav coupé). Il a eu donc le mérite de corriger la souillure d'Adam.

En fait, les enfants d'Israël, qui se sont laissés aller au mensonge et ont répondu à l'appel de Zimri (qui a nargué Moché en lui demandant qui lui avait permis sa femme moabite?) n'ont pas vu d'un bon œil l'acte de Pin'has. Ils n'ont pas expliqué à Zimri que Moché avait épousé la fille de Yithro avant le Don de la Torah. Comme ils faisaient preuve d'orgueil, ils ont humilié Pin'has en lui rappelant: Avez-vous vu ce fils de Pouti... c'est-à-dire le concept de: d'où viens-tu?, non du côté d'Eléazar et Aharon, mais de Yithro qui a adoré les idoles. Son humilité totale et son dévouement sincère apprennent à toutes les générations quand s'élever vraiment au plan spirituel et quand veiller à ce que cette ascension ne souille et n'anéantisse pas les fondements de la sainteté à ne pas agir comme Adam qui a coupé les plants (détourné de la bonne voie)  et connu la mort, mais comme lui qui s'est montré jaloux de la cause divine au milieu d'Israël et a eu droit au lieu réservé aux Tsadikim.

 

 

La sainteté de Pin'has face à la méchanceté de Balak
TABLE DE MATIERE
La rectification du péché d'Adam par Pin'has

 

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