La rectification du péché d'Adam par Pin'has

Il est écrit: Israël s'établit à Chitim. Là, le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moav (Nombres 25:1).

Comment peut-on concevoir que cette génération de la Connaissance, qui était digne d'entrer en Terre d'Israël, ont assisté aux nombreux miracles accomplis par Dieu et ont consommé la manne aient pu agir de la sorte? Comment les Israélites se sont-ils laissés aller jusqu'à souiller leur âme avec des femmes non-juives qui n'entrent point dans l'assemblée de Dieu?

Dans sa controverse avec Moché, Kora'h a prétendu que toute la communauté, tous sont saints, et au milieu d'eux est le Seigneur (Nombres 16:3). Le Zohar (III, 51b, 81a) enseigne à cet effet que la sainteté ne règne que chez celui qui s'éloigne de l'immoralité. Kora'h explique que toute la communauté est sainte et en donne comme preuve le fait que l'Eternel se trouve au milieu des enfants d'Israël, que la nuée de gloire ne disparaît pas de la Tente d'Assignation. Les partisans de Kora'h attachaient donc une grande importance à la pureté. Or, nous voyons ici les enfants d'Israël se prosterner devant les dieux de Moav, se prostituer à Ba'al Pé'or l'idole la plus immonde qu'on puisse concevoir (cf. Rachi, loc. cit.). Comment donc les enfants d'Israël en sont-ils arrivés à ce stade?

D'autre part, pourquoi le courroux du Seigneur ne s'est-il pas allumé contre ceux qui adoraient cette idole, comme Il l'avait fait quand les enfants d'Israël ont commis le péché du veau d'or? Comme nous l'avons vu, Moché dut alors supplier l'Eternel de leur pardonner. Il est vrai que le fléau divin s'était abattu sur eux, mais il s'était arrêté immédiatement sans l'intervention de Moché. C'est Pin'has qui s'est personnellement chargé d'apaiser le courroux divin et le fléau cessa de sévir parmi les enfants d'Israël (ibid. 7-8). Que signifie exactement le geste de Pin'has?

La Torah nous ordonne de nous rappeler Amalek qui visait à anéantir le Peuple d'Israël. Par Sa miséricorde abondante, le Saint, béni soit-Il, a éclairé Sa face même quand Il s'est mis en colère contre eux (Zohar III, 113a), de sorte que Bil'am et Balak n'ont pas pu léser les enfants d'Israël et les maudire. Comme nous l'avons vu, Balak dit à Bil'am: Ki, car je le sais, celui que tu bénis est béni, et celui que tu maudis est maudit (Nombres 22:6). KI a la même valeur numérique (30 + 1 pour le Collel) que le Nom EL. En d'autres termes, bien que Balak fût un très grand sorcier, il s'est soumis à Bil'am en l'influençant de ne pas avoir peur de bénir ou maudire les enfants d'Israël. Il lui a expliqué: Ki, je sais... c'est-à-dire El, le Saint, béni soit-il, sait que tu te destines à le faire et Il est de ton côté.

Balak a aussi dit à Bil'am: Un peuple est sorti d'Egypte; déjà il couvre la face du pays et il est campé vis-à-vis de moi (ibid. 6), c'est-à-dire au plan de la pureté, il ne ressemble pas aux Egyptiens qui se livraient aveuglément à la débauche (Chémoth Rabah 1:22; Pessikta Rabah 1:20). Il ne s'est pas inspiré de leurs coutumes et aucun enfant d'Israël n'a commis l'adultère (Yalkout Chimoni, Emor 657). Ils ont veillé à leur vue en se cachant les yeux, en fuyant l'inceste... Les peuplades de Moav avaient quant à eux une conduite morale PéROuTSah (perverse), tout comme Balak, fils de TSiPOR.

Comme on le sait, c'est essentiellement à cause des problèmes de pureté morale que les nations du monde se sont opposées au Peuple d'Israël qui a particulièrement veillé à cette vertu. Notre peuple veille également à la pureté du signe de l'Alliance et garde ses yeux de voir des choses interdites. Balak a expliqué à Bil'am que ceci constitue un danger pour le monde entier et pour Bil'am qui couchait avec son ânesse (Zohar I, 125b; III, 207a).

Tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni (Nombres 22:12), a commandé l'Eternel à Bil'am; tu ne pourras pas le faire tant qu'ils veillent à la pureté de leur vue pour laquelle Je les bénis. En fait, comme on le sait, Bil'am s'est maudit et a maudit Balak avec lui. Le Saint, béni soit-Il, l'a puni mesure pour mesure. Il est en effet écrit: Amalek était le premier des peuples. Mais son avenir est voué à la perdition (ibid. 24:20). Et comme nous l'avons vu, Amalek est formé de la fin des mots de bil'AM et baLaK (cf. Chabath 105b; Nédarim 32a).

Bil'am a compris que tant que les enfants d'Israël sont engagés dans l'étude de la Torah et l'accomplissement des mitsvoth, ils ne seront jamais poussé à pécher, car la Torah protège et sauve ceux qui l'étudient. Elle sauve certainement des trois péchés capitaux: l'adoration des idoles, l'inceste et le meurtre, pour lesquels on doit se faire tuer plutôt que de les commettre (cf. Pessa'him 25b; Sanhédrine 74a).

Bil'am a donc conseillé à Balak d'envoyer aux enfants d'Israël ces lions que sont les femmes sitôt qu'ils négligent l'étude de la Torah; ils ne seront ainsi plus protégés et Bil'am pourra dans ces circonstances les inciter à commettre les péchés mentionnés plus haut. Le Saint, béni soit-Il, se mettra alors en colère contre eux et les châtiera. C'est ce qui est écrit: Israël s'établit à Chitim dès qu'ils voulurent se reposer Là, le peuple ya'hel a commencé à profaner le nom de Dieu à se livrer à la débauche (Nombres 25:1). Ce peuple, qui avait tant veillé à la pureté morale, s'est séparé de la sainteté! Israël s'établit à Chitim: les Israélites ont vu les filles de Moav venir à leur rencontre et ils ne les ont pas expulsées de leur camp. C'étaient certainement des proutsoth (prostituées), car si on renverse l'ordre des lettres de BaLaK BeN TSiPOR, on obtient KiBeL BeN PaROuTS: Balak a hérité la perversité de son père Tsipor et l'a transmise à son peuple. La vue des enfants d'Israël s'est alors souillée et ils ont succombé aux autres péchés, car, comme nous l'avons vu, le cœur et les yeux sont les deux agents principaux du péché, comme il est écrit: Que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux (Nombres 15:39).

Quand on voit quelqu'un pécher, on ne doit donc pas garder le silence, on engendrerait ainsi la profanation du nom de Dieu. On doit au contraire le réprimander, comme il est écrit: hokhia'h tokhia'h ne manque pas de reprendre ton prochain, et tu n'assumeras pas de péché à cause de lui (Lévitique 19:17). La locution double tokhia'h signifiant qu'avant de réprimander son prochain, on doit se reprendre soit même, bien voir si on a personnellement commis ce péché: dans ce cas, la réprimande n'aurait aucun effet sur autrui, et ce n'est qu'après s'être repenti que les paroles qu'on lui adressera seront efficaces (Bérakhoth 6b).

Il va sans dire que si on assiste à quelque chose de négatif dans la synagogue, qui est un petit sanctuaire, on ne doit pas garder le silence: les événements ne feraient alors que se dégrader, comme c'était le cas avec les enfants d'Israël: ne s'étant pas hâtés d'expulser les filles de Moav de leur camp, une fois qu'ils étaient installés à Chitim, c'est-à-dire qu'ils ont négligé l'étude de la Torah, le simple fait de les voir (sans penser à fauter avec elles) leur a d'ores et déjà souillé l'esprit. Ils ont fini par succomber aux pires des péchés que nous avons mentionnés plus haut et qui ont engendré l'écoulement en vain de la semence, que Dieu nous préserve. Ils en sont même arrivés à viser à tuer celui qui a tué Zimri (cf. Sanhédrine 82b).

[D'ailleurs, CHiTIM a la même valeur numérique (359) que PéH SaGOuR (bouche fermée) par suite de l'abstention d'étudier la Torah; ainsi que VéENaV RAOu (et ses yeux ont vu la débauche); CHiTIM a enfin la même valeur numérique (362) que VaYaR MéNOu'HaH KI TOV (il a vu que le repos est bon).]

Il est écrit: Cependant quelqu'un des Israélites s'avança, amenant parmi ses frères la Midianite à la vue de Moïse, à la vue de toute la communauté des enfants d'Israël qui pleuraient au seuil de la Tente d'Assignation (Nombres 25:6): en d'autres termes, les enfants d'Israël, et à leur tête Moché, ont compris maintenant que c'est essentiellement par le sens de la vue que la tribu de Chimon a péché, et ce péché a été engendré par l'abstention de l'étude de la Torah. Le Talmud (Yévamoth 87b) enseigne à cet effet que le silence équivaut à l'approbation.

Si les nations du monde nous poursuivent constamment, c'est essentiellement parce que nous ne nous engageons pas assidûment dans l'étude de la Torah (Zohar II, 12b; 58a). Et si le premier et le second Temple ont été détruits, c'est parce que les enfants d'Israël en ont négligé l'étude (Zohar 'Hadach, Chir HaChirim 86b). On en arrive ainsi à la débauche, comme c'était le cas avec les filles de Moav. La porte est alors ouverte pour tous les autres péchés... A cette vue, Pin'has entra sur les pas de l'Israélite, dans la tente et les perça tous deux... (Nombres 25:8), sans les regarder, en tournant la tête, pour ne pas se souiller la vue.

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi après le péché du veau d'or, le Saint, béni soit-Il, s'est tellement énervé que Moché a dû œuvrer pour apaiser Sa colère et leur pardonner, alors que pour Ba'al Pé'or, le geste de Pin'has a suffi. C'est que dans le cas du péché de Midian, seule la tribu de Chimon y avait participé. En revanche dans le cas du péché du veau d'or Tous se dépouillèrent des pendants d'or... (Exode 32:3). D'autre part, les enfants d'Israël ont alors adoré les idoles de leur propre gré, sans être forcés par quiconque. Commentant à cet effet le verset: Le peuple se mit à manger et à boire, puis se livra à des réjouissances (ibid. 6), le Talmud, que rapporte Rachi (loc. cit.) explique que ces réjouissances ont abouti à l'inceste et la débauche, et même au meurtre... En revanche, dans l'épisode de Zimri, les enfants d'Israël ont été vaincus par le mauvais penchant... Quand le mauvais penchant était le plus fort, il lui demandait d'aller avec lui, la fille de Midian sortit de son sein une idole Pé'or et lui dit: Prosterne-toi devant elle... (Sifri 25:1. Rachi, loc. cit.).

Si on s'approfondit davantage sur tous ces épisodes, on peut dire que Pin'has est venu rectifier le péché d'Adam, dont la vue a été souillée, comme il est écrit: l'arbre était bon comme nourriture, qu'il était attrayant à la vue... Leur yeux à tous deux se dessillèrent (Genèse 3:6-7). Le Zohar (III, 111b) enseigne que le premier homme a aussi adoré les idoles et commis l'inceste. Il a mangé de l'arbre, parce qu'il voulait acquérir Da'ath, la Connaissance. En revanche, Pin'has s'est levé du milieu de la Edah (l'assemblée) 'EDaH est formé par les mêmes lettres que Dé'AH (la connaissance): il n'a pas visé à acquérir la connaissance, contrairement à Adam. Au contraire, comme nous l'avons vu plus haut, il n'a même pas fixé ceux qu'ils voulaient tuer... Le Zohar et les écrits du Ari zal expliquent que Pin'has a contribué à rectifier le péché d'Adam. Nous ne nous étendrons pas là-dessus. Contentons-nous de la signification littérale et de l'allégorie.

Bil'am incarnait le serpent qui a fait pécher Adam (Zohar I, 126a), et c'est de lui qu'il a puisé les forces de l'impureté (ibid. III, 194b). C'est ce qui est écrit: Et il s'en alla dans la solitude (Nombres 23:3): le serpent a vu Adam et 'Hava cohabiter en plein jour, et il l'a convoitée (Béréchith Rabah 18:6; Genèse 3:1, Rachi). Il a ainsi engendré la disparition d'Adam de ce monde. Bil'am quant à lui, tourna son visage du côté du désert. En y portant ses regards, il y vit Israël, dont les tribus s'y déployaient. L'esprit divin s'empara alors de lui, et il a visé à léser les enfants d'Israël. Le Zohar (III, 211b, 202b) explique qu'il ne les a pas vus de ses propres yeux, parce qu'il avait un œil borgne pour qu'il ne puisse pas les fixer et introduire en eux le mauvais œil et les forces de l'impureté. Pin'has, qui s'est battu jusqu'au bout contre les conseils de Bil'am, a rectifié ce péché. Si Adam n'avait pas péché, il aurait résidé pour l'éternité dans le Jardin d'Eden (Zohar II, 55a). Le Zohar (III, 214a) enseigne aussi que Pin'has n'est pas mort comme le commun des mortels et que l'ange de la mort n'a pas eu d'emprise sur lui parce qu'il n'a pas souillé le signe de l'Alliance sainte en veillant particulièrement sur la pureté de la vue. S'il n'avait pas accédé à la plénitude, il ne se serait pas montré vraiment jaloux de la cause divine.

En revanche, Adam n'a pas attendu que la Lumière Transcendante (or hamakif) le baigne pour cohabiter avec sa femme le Chabath. Il a ainsi transgressé une petite mitsvah, ce qui est extrêmement grave pour un homme de son envergure, et dont les conséquences peuvent être désastreuses.

Toute la communauté des enfants d'Israël a pleuré parce qu'ils n'ont pas été en mesure de rectifier, même partiellement, la souillure de l'Arbre de la Connaissance par Adam. Mais, comme on le sait, Pin'has a vu la force de Bil'am qui résidait dans sa vue (Zohar III, 206b) comme le serpent, et qui malgré tout a réussi à donner aux enfants d'Israël la force de regarder les filles de Moav et de pécher avec elles.

La Chékhinah résidait en Adam et 'Havah, et la Gloire divine les entourait (Zohar I, 36b) avant qu'ils n'eussent commis le péché. Toutefois, une seule petite ouverture a permis au Satan d'entrer. Il en était de même des enfants d'Israël: avant le péché de Pé'or, toute la communauté était constituée de saints et l'Eternel résidait parmi eux. Mais comme ils ont laissé entrer les filles de Moav dans leur camp, ils ont succombé à ce péché redoutable. Ils estimaient sans doute qu'ils pouvaient jeter des regards sur elles sans fauter par la suite, mais ils se sont bel bien trompés. Il convient par conséquent de fuir l'épreuve car, comme nous l'ont enseigné nos Sages un péché en entraîne un autre (Avoth 4:2).

Pin'has a donc vu l'acte du serpent qui ressemblait à celui de Bil'am. Il a vu Adam qui a donné au serpent la force de le regarder; il s'est ainsi souillé en regardant l'Arbre de la Connaissance. Il s'est alors rappelé la Halakhah cette petite mitsvah interdisant à Adam de manger de cet arbre.

Aussi Pin'has s'est-il levé du milieu de la communauté. Sans regarder ni à droite ni à gauche, il s'est engagé à se montrer jaloux de la cause divine. Face à toute la communauté qui pleurait parce qu'elle n'a pas été en mesure de rectifier le péché, il s'est saisi d'une roma'h (lance): Ne lis pas ROMa'H, mais RaMa'H. Se servant des deux cent quarante-huit membres de son corps et des trois cent soixante-cinq tendons CHaSsaH, il perça les deux pécheurs en faisant preuve de l'humilité la plus totale devant Dieu et ne les regarda pas, pour ne pas léser ses yeux. Aussi a-t-il eu droit à un miracle: le Ciel a dirigé la main qui cherchait à venger la cause divine (Sanhédrine 82b; Tan'houma 21). Et il prit un roma'h: en d'autres termes, aucun de ses deux cent quarante-huit membres n'a été touché autant spirituellement que physiquement.

Comme le contact du mort rend le Cohen impur (Lévitique 21:1), et comme celui qui désire se purifier se fait aider du Ciel (Chabath 104a), Pin'has est resté pur, car les deux pécheurs sont morts bien après son acte (Sanhédrine 82b). De plus, son geste a contribué à purifier tout le peuple de la souillure du sens de la vue d'Adam. Comme on le sait (Tikouné Zohar 56, 96b), toutes les âmes d'Israël étaient incluses en Adam. A la vue des deux pécheurs agonisant et levés en haut de la lance, le peuple a été saisi de frayeur et tous les enfants d'Israël se sont repentis. Le fléau s'est alors arrêté (Nombres 25:8).

Mais pourquoi, après la description par le Talmud de tous les miracles qui ont été accomplis en faveur de Pin'has qui a rectifié le péché d'Adam, après nous avoir fait prendre conscience de la gravité de la souillure du sens de la vue, la Torah doit-elle préciser: Pin'has, fils d'Eléazar, fils d'Aharon le Pontife? Comme nous l'avons déjà vu, la raison en est que les tribus l'humiliaient en disant: Avez-vous vu ce fils de Pouti, dont le père de sa mère (Yithro) engraissait les veaux destinés à l'idolâtrie, et a tué un chef de tribu d'Israël (cf. Sanhédrine 82b; Rachi, loc. cit.)?

Malgré tout ce chef de tribu a péché avec une non-juive et la Torah n'a pas hésité à mentionner son nom pour l'opprobre éternel et a engendré la mort de vingt-quatre mille enfants d'Israël. Comment peut-on alors porter des accusations contre Pin'has?

Le péché laisse donc un grand impact dans le cœur du pécheur, impact qu'il est très difficile d'effacer. En dépit de tous les miracles que le Saint, béni soit-Il, a accomplis en faveur des enfants d'Israël, leur cœur est resté souillé. Le péché, enseigne le Zohar (I, 73b) laisse un impact dans les mondes supérieur et inférieur et la faute n'est effacée que si on se repent avec le maximum de sincérité (voir notre leçon: Le péché et ses conséquences, dans la sidrath Matoth). Quand l'esprit et le cœur sont souillés, on en vient facilement à médire de son prochain. Comment les enfants d'Israël peuvent-ils porter des soupçons contre Pin'has alors qu'il les a sauvés?

Les Sages enseignent (Bava Métsia' 58b; Torath Cohanim et Rachi, Kédochim 19:33) à cet effet qu'il est interdit de rappeler à un converti son passé, et (Zohar I, 91a) qu'on le nomme Avraham et on lui rappelle qu'il descend des patriarches pour qu'il continue à s'imprégner de leur sainteté. Quant au Juif qui s'est repenti, il est clair qu'on doit lui rappeler qu'il descend d'Avraham, Yits'hak et Ya'akov, qui étaient saints et exempts de la moindre souillure... Comment les enfants d'Israël ont-ils osé rappeler à Pin'has les méfaits de ses aïeux, précisément au moment où il a accédé à de telles cimes spirituelles?

C'est pourquoi la Torah a lié Pin'has à Aharon, qui aimait la paix et la recherchait sans cesse (Sanhédrine 6b; Avoth 1:12). Pin'has a suivi la voie tracée par ses pères. Il a établi la paix entre les enfants d'Israël et leur Père qui est au Ciel. Il les aimait tant qu'il a risqué sa vie pour eux: il est clair que si le Saint, béni soit-Il, n'avait pas accompli des miracles en sa faveur, la tribu de Chimon l'aurait lapidé à mort.

Ce n'est que par la force de la sainteté qu'on acquiert cette vertu sublime de se montrer jaloux de la cause divine. Le Zohar (III, 237a) enseigne à cet effet que Pin'has a vu la lettre mem (valeur numérique = 40) s'envoler dans l'air, s'en est immédiatement emparé et l'a jointe à son nom (208): il a alors obtenu roma'h (248). Il n'y est arrivé que par le mérite de ses pères saints, et non par ceux qui avaient servis les idoles, à Dieu ne plaise, comme d'aucuns prétendaient. Le Saint, béni soit-Il, l'a alors récompensé mesure pour mesure (car il recherchait la paix entre les enfants d'Israël et Dieu), et a établi avec lui un pacte de paix (chalom) perpétuel, tout comme Il l'avait établi avec son grand-père Aharon (cf. Sanhédrine 90b).

La valeur numérique de CHaLOM est la même que celle de ESsaV (376). Le Zohar (III, 176a) enseigne que la paix affaiblit la force d'Essav, qui est Amalek (ibid. 281b), le serpent (ibid. I, 138b), l'ange de la mort (Tikouné Zohar 171a), et ce sont eux, et plus particulièrement Essav (Zohar I, 176a) qui engendrent l'impureté. Et au lieu de PeN, prenez garde que votre cœur... (Deutéronome 11:16), c'est-à-dire ne vous laissez pas séduire, PiN'HaS ou PeN 'HaS a acquis 'HaYiM (la vie), qui a la même valeur numérique que 'HaS (68): Pin'has a reçu la vie, la force pour aller contre l'ange protecteur d'Essav. En d'autres termes, la paix engendre la vie dans le monde, rapproche la Rédemption, et élimine la kelipah des forces du mal: telles sont les conséquences de la controverse et de la jalousie qui ne visent que le nom de Dieu; c'est grâce à elles que le monde subsiste.

Bil'am le mécréant a reconnu la vérité, puisqu'il a béni Israël, dont il a discerné la grandeur et la splendeur, ainsi que l'amour que leur porte le Créateur de l'Univers. Il savait que c'était pour eux que le monde avait été créé et il a même aspiré à connaître une mort comme la leur, comme il est écrit: Puissé-je mourir comme meurent ces Justes, et puisse ma fin ressembler à la leur (Nombres 23:10; voir aussi Avodah Zarah 25a). Bil'am, dont la fin n'avait d'égale que le commencement (Guitin 66a) a persisté dans sa perversité et n'a pas pensé un moment à se repentir et reprendre le bon chemin... Il a prodigué des conseils à Balak pour vaincre Israël sans qu'il le lui demande, et n'en a reçu aucune récompense. Au contraire, Balak l'a humilié, comme il est écrit: Eh bien donc, fuis dans ton pays! (Nombres 24:11). Comment peut-on expliquer cette contradiction frappante: l'aspiration ardente de Bil'am à connaître une mort similaire à celle des enfants d'Israël d'une part, et la haine aveugle qu'il leur portait de l'autre.

Comme nous l'avons vu, Bil'am reconnaissait la grandeur du Peuple Juif, la vérité, mais c'est essentiellement aux plaisirs de ce monde qu'il aspirait, sans devoir subir aucune épreuve de la vie. Il n'a même pas voulu accomplir les sept mitsvoth des fils de Noa'h. Qu'elles sont belles tes tentes (OHaLeYKha) , ô Jacob! s'est-il exclamé en voyant la pudeur des Juifs. Tes tentes, mais pas les tentes de Jacob? OHaLeYKha a les mêmes lettres que ELOHeYKha (ton Dieu). En d'autres termes, Bil'am a lié l'accomplissement de la Torah à la foi en le Créateur de l'univers. Qu'elle est belle votre Torah! Que votre Dieu est beau! Bil'am s'est ainsi exclu de ceux qui croient (les vôtres et pas le mien!), il a renié le principal et s'est séparé de la vérité, bien qu'il l'eût reconnue. C'est là que nous voyons sa perversité: au lieu de subir les épreuves de ce monde et être digne de la vie future et éternelle, il a choisi la vie de ce monde. Il a certes aspiré à mourir comme meurent ces Justes, mais il n'y a pas de fin sans commencement. Pour avoir droit à cette mort, on doit mourir dans la tente de la Torah (Bérakhoth 63b), s'y dévouer toute sa vie. Et quand les débuts sont bons, la fin l'est aussi.

Nous avons connu des Juifs qui ont décidé de reprendre le bon chemin à la suite de la disparition d'un de leurs proches, mais au bout d'un certain temps, ils se sont découragés et ont repris le mauvais chemin; parfois même leur conduite s'est sensiblement détériorée. Comment se fait-il que la mort n'eût pas laissé un plus grand impact chez eux?

Comme l'enseignent nos Sages (Béréchith Rabah 84:19) c'est un décret divin que le mort se fasse oublier: tant que ces gens se rappellent leur proche, ils prennent conscience du fait que nous sommes tous destinés à mourir (Bérakhoth 17a), mais sitôt qu'ils oublient cette disparition, ils reprennent le mauvais chemin. Ceci est dû au fait que lorsqu'ils se sont repentis, leur foi n'était pas assez ferme. S'ils s'étaient efforcés de la raffermir, ils n'auraient pas oublié si vite la disparition d'un proche parent ou d'un ami sincère, et auraient continué à mener une vie de Torah.

Bil'am savait combien est belle la mort des Tsadikim. Il savait qu'ils jouissent de la splendeur de la Chékhinah dans le Jardin d'Eden, leur couronne sur la tête (Bérakhoth 17a; Avoth déRabbi Nathan 1:8), mais au lieu de se repentir en se rappelant la mort, au lieu de comprendre que la vie n'a aucun sens sans la Torah et les mitsvoth qui rapprochent de Dieu, il s'en est abstenu, même quand la Providence Divine résidait en lui. Il aspirait certes à la mort des Justes, mais sans subir les épreuves du Juif qui mène une vie de Torah et se contente de manger du pain avec du sel, de mesurer jusqu'à l'eau qu'il boit... (Pirké Avoth 6:4; Kalah 8).

Il est très difficile pour les nations du monde de voir les Juifs s'éloigner d'elles et mener une vie si différente de la leur en étudiant la Torah et en s'éloignant des futilités et des plaisirs de ce monde. Haman a dit à cet effet au roi A'hachvéroch: Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations... ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation... (Esther 3:8). Les nations savent bien que la voie qu'emprunte le Peuple Juif est celle de la vérité absolue, mais il leur est difficile de se séparer des plaisirs de ce monde. C'est la signification de: Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob!: tes tentes, mais pas les miennes; que ton Dieu, et non pas le mien, est beau; que ta Torah, et pas la mienne, est belle. Elles désirent toutefois une mort similaire à la nôtre. Nos Sages enseignent à cet effet que dans l'avenir, les nations viendront réclamer leur récompense (Avodah Zarah 3b) sans toutefois subir nos épreuves.

Quand le Saint, béni soit-Il, a donné la Torah aux enfants d'Israël, Il a exigé qu'ils subissent les épreuves et endurent les souffrances de la vie. Ce n'est que grâce à elles qu'ils peuvent la garder dans le cœur... Même Adam a été mis à l'épreuve le jour même où il a été créé. Car ce sont essentiellement les épreuves qui rapprochent l'homme de son Créateur. Celui qui réussit à les surmonter, montre l'amour qu'il porte au Créateur de l'Univers. Le Zohar (I, 154a) enseigne à cet effet que seul celui qui subit des épreuves est digne de porter le nom de Tsadik. Il enseigne aussi (ibid. I, 140b), que pour élever la tête des Tsadikim dans ce monde-ci et dans le monde futur, le Saint, béni soit-Il, les met à l'épreuve.

On peut en avoir une preuve de ce qui est écrit: ils s'arrêtèrent au pied de la montagne (Exode 19:17). Commentant ce verset, le Talmud (Avodath Zarah 2b) explique que le Saint, béni soit-Il, a élevé la montagne au-dessus des enfants d'Israël, comme un tonneau, en les menaçant d'accepter la Torah, sinon l'endroit devait devenir leur tombe (voir aussi Zohar III, 125a). Mais n'avaient-ils pas d'ores et déjà proclamé: Nous ferons, puis nous entendrons! et accepté la Torah (Exode 24:7)?

C'est cette contrainte qui constitue l'épreuve. Dieu a fait comprendre aux enfants d'Israël qu'il ne leur suffit pas de recevoir la Torah maintenant, ils doivent aussi l'accomplir même quand les difficultés surgissent; même quand le mauvais penchant qu'on peut comparer à une montagne (Soucah 52a; Zohar I, 190b) les incite à se détourner du bon chemin et à enfreindre la volonté de Dieu. Ils doivent alors accueillir les souffrances avec amour et s'efforcer de surmonter les épreuves de la vie.

 

 

Le dévouement de Pin'has face à Adam
TABLE DE MATIERE
La jalousie de Pin'has, rectification du péché de l'inceste et celui de Midian

 

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