L'essence des villes de refuge

Il est écrit: Vous aurez six villes de refuge. Vous accorderez trois de ces villes en deçà du Jourdain, et les trois autres dans le pays de Cana'an; elles seront villes de refuge. Pour les enfants d'Israël comme pour l'étranger... ces villes serviront d'asile, où pourra se réfugier quiconque a tué une personne involontairement... (Nombres 35:14-15)... Car le meurtrier doit rester dans son asile jusqu'à la mort du grand pontife, et après la mort de ce pontife seulement il pourra retourner au pays de sa possession (ibid. 28).

Concentrons-nous  sur l'origine de ce commandement divin:

1) Qu'entend-on exactement par ville de refuge?

2) Pourquoi le meurtrier ne se cacherait-il pas plutôt chez lui.

3) Pourquoi le verset lie-t-il le retour du meurtrier chez lui à la mort du grand pontife? Pourquoi la Torah ne fixe-t-elle pas un temps déterminé pour le retour du meurtrier de la ville de refuge?

4) Nos Sages enseignent que les mères des Cohanim donnaient de la nourriture et des vêtements à quiconque a tué involontairement, pour qu'il ne prie pas pour la mort de leur fils (Makoth 11a; Yalkout Chimoni, 788). Est-ce à dire que si ces meurtriers priaient, leur prière serait exaucée et engendrerait la mort des Cohanim? N'est-il pas plutôt écrit: La malédiction gratuite retourne sur celui qui l'a lancée? (Proverbes 26:2). Le Midrach répond que les Cohanim auraient dû implorer la miséricorde divine sur leur génération (pour qu'il n'y ait pas de meurtre) et s'en sont abstenus. La question reste toutefois posée: comment peut-on concevoir que la prière d'un meurtrier puisse être exaucée et engendrer ainsi la mort du Grand Pontife? C'est qu'on ne peut pas dire que ce sont vraiment des meurtriers: ils n'ont pas tué volontairement. Nos Sages expliquent toutefois que s'ils sont involontairement responsables de la mort d'un de leurs frères, c'est qu'ils ne sont pas vraiment intègres! (cf. Chabath 32a; Bamidbar Rabah 13:17). (Commentant le verset 35:14 des Nombres, le Rambam fait remarquer que dans le territoire de Guilad, les meurtriers volontaires cachaient leurs crimes et tout le monde pensait que c'étaient des meurtriers involontaires).

Il est écrit: Tu réduis le faible mortel en poussière, et tu dis: Retournez, fils de l'homme (Psaumes 90:3). Nos Sages enseignent à cet effet que toutes les portes ont été fermées à l'exception de celle des larmes (Zohar I, 132a; Bérakhoth 32b) et celle du repentir (Ekha Rabati 3). Les meurtriers qui se trouvaient dans les villes de refuge s'y repentaient certainement. Les souffrances engendrées par l'exil: la séparation de leurs parents proches et amis et la fréquentation de gens qu'ils ne connaissent pas, équivalent à la mort. Et comme les portes des larmes et du repentir ne sont pas fermées, leur téchouvah est certainement acceptée. Rappelons-nous qu'en dépit de ses péchés extrêmement graves, le repentir du roi Ménaché a été accepté (cf. Sanhédrine 102b; 103a; Pirké DéRabbi Eliézer, début du chapitre 43). Nos Sages enseignent que Ménaché a témoigné que le Saint, béni soit-Il, reçoit ceux qui reviennent [à Lui] (Tan'houma, Nasso 28). Si les meurtriers accèdent au niveau de Tsadikim, il est à craindre que leur prière soit exaucée, et s'ils maudissent le grand pontife, leur malédiction est susceptible d'être accomplie...

Qu'a donc fait le Grand Pontife? Quel péché a-t-il accompli pour qu'il en arrive à la mort par suite de ces exilés qui se sont repentis? Est-ce là la justice divine?

Commentant à cet effet le verset sur les trois villes, Rachi rapporte le Talmud (Makoth 9b, 10a) qui explique: En dépit du fait que dans le pays de Cana'an vivaient neuf tribus et demie et qu'au-delà du Jourdain ne vivaient que deux tribus et demie, le nombre de villes de refuge était similaire (3 dans chaque pays), car dans le territoire de Guilad, il y avait [plus de] meurtriers... On peut dire qu'en dehors d'Erets Israël, le mauvais penchant est plus fort. Si ceci est vrai pour les cas très graves comme un meurtre involontaire, que doit-il en être dans les cas moins graves où le mauvais penchant s'efforce de faire trébucher le Juif, en particulier dans le cas de péchés involontaires, qui ne sont pas discernables par tout le monde? Comme le mauvais penchant y réussit parfois, celui qui habite en dehors d'Israël doit s'efforcer de s'attacher au Saint, béni soit-Il, et à Ses commandements. Seul l'Eternel, qui sonde tous les cœurs connaît le penchant de l'homme et les circonstances exactes qui ont fait qu'un Juif en tue (involontairement) un autre. Tout le monde doit donc se réveiller, faire pénitence et se préparer à surmonter les épreuves de la vie.

C'est le Grand Pontife qui doit montrer à ce meurtrier la voie à suivre pour revenir à Dieu. Il doit L'implorer pour accepter sa téchouvah, sans craindre que l'accusé prie Dieu de le faire sortir de la ville de refuge (et précipiter sa mort). Il doit faire foi en Dieu, comme il est écrit: Droites sont les voies de l'Eternel, les justes y marchent ferme, les pécheurs y trébuchent (Osée 14:10).

Nous savons que tout homme constitue un monde entier et quand l'heure vient pour lui de quitter ce monde, le Saint, béni soit-Il, veille à ce qu'il soit remplacé par un autre pour qu'il ne manque rien dans le monde, à Dieu ne plaise (cf. Midrach HaGadol Vayetsé 28:16; Zohar III, 33: 247b). Ceci s'applique plus particulièrement quand il s'agit de Tsadikim. Commentant à cet effet le verset: Le soleil se lève, le soleil se couche (Ecclésiaste 1:5), nos Sages expliquent qu'un Tsadik ne quitte pas ce monde avant qu'un autre de son envergure ne naisse (cf. Yoma 38b; Pessikta Zouta 23:1). Par conséquent, quand un homme en tue un autre, c'est comme s'il faisait disparaître un monde entier (Sanhédrine 37a), et son sang et celui de sa descendance dépendent du meurtrier jusqu'à la fin des temps. Et s'il s'agit d'un meurtrier qui agit avec préméditation, il est clair que seule sa mort expie sa faute (ibid. 43b). La faute du meurtrier involontaire doit aussi être expiée: il doit se repentir pour son méfait grave, et par ses larmes il pourra restaurer ce qu'il a fait disparaître du monde.

Il doit fuir dans une ville de refuge où il aura le temps de réfléchir sur sa situation. Il doit se dire que s'il a été l'auteur involontaire d'un méfait aussi grave, c'est qu'il doit être certainement coupable. Cette réflexion l'incitera à une pénitence sincère et il implorera l'Eternel de lui pardonner sa faute. Et s'il ressent que le Saint, béni soit-Il, est prêt à l'aider à sortir de son lieu de réclusion, c'est que sa prière a été entendue dans les cieux. Il accédera alors au niveau de ba'al-téchouvah dont les fautes sont transformées en mérites (Yoma 86b): il a comblé la lacune qu'il a causée au monde par son péché.

Il lui est toutefois interdit de prier que le Grand Pontife disparaisse. Si sa mort lui permettra de sortir de sa ville de refuge, il aura accompli une mitsvah qui a été engendrée par un péché (Bérakhoth 47b; Soucah 30a). Il doit au contraire prier pour le salut du Grand Pontife, et le Saint, béni soit-Il, agira avec lui mesure pour mesure (Chabath 105b). Durant son séjour dans la ville de refuge, il ne doit pas cesser de s'imprégner de la sainteté des Lévites (cf. 'Hinoukh 108). Son jugement sera ainsi mitigé. Il sait que sa faute sera expiée et qu'il s'élèvera au degré de saint, mais doit s'abstenir de prier de quitter son lieu de refuge, son départ causant la mort du Grand Pontife.

Ceci nous apprend que le Saint, béni soit-Il, considère la mort d'un Juif simple comme celle du Grand Pontife. Les mères des Cohanim veillaient à la nourriture des meurtriers involontaires dans les villes de refuge pour qu'ils leur expriment leur reconnaissance. S'ils se sont vraiment repentis, ils ne manqueront pas de le faire et ils prieront que leurs enfants restent en vie. Si la Torah a lié le problème du meurtrier involontaire à la mort du Grand Pontife, c'est pour que ce dernier ne quitte pas ce monde par sa prière.

Si les villes de refuge sont plus nombreuses à l'extérieur du territoire d'Erets Israël, c'est que le mauvais penchant y est plus fort. Ressentant le manque de sainteté, il se hâtera de faire une téchouvah sincère et implorera Dieu de l'en faire sortir au plus tôt, du fait qu'il ne peut surmonter l'épreuve de la Diaspora. Il exprimera à l'Eternel son ardeur à rentrer en Erets Israël qui est plus sainte que toutes les terres (Kélim 1:6; Bamidbar Rabah 7:8). Une fois rentré, il pourra aisément se repentir et causer la mort du Grand Pontife.

On peut dire aussi que le problème du meurtrier involontaire est lié à la mort du Grand Pontife, pour que ce dernier prie l'Eternel que tous les enfants soient intègres et ne causent pas de péchés, même involontairement. Le Tsadik doit prier pour sa génération, et s'il s'en abstient, la responsabilité retombe sur lui (cf. Makoth 11a). Le Juste doit s'élever et rapprocher ses frères à leur Père qui est au Ciel aspect de Quand tu disposeras les lampes (Nombres 8:2) que sont les âmes d'Israël, car l'âme de l'homme est un flambeau divin (Proverbes 20:27) vis-à-vis de la face du candélabre, qui est la Providence Divine.

La Torah vise en fait le bien des deux: le meurtrier involontaire doit surmonter l'épreuve et s'abstenir de prier de sortir de la ville de refuge, causant ainsi la prière du Grand Pontife. Le CoHeN HaGaDoL (dont la valeur numérique est similaire à OVDE HaCHeM (serviteurs de Dieu) doit se concentrer particulièrement dans sa prière pour que la prière du meurtrier involontaire n'engendre pas sa mort.

Cette leçon nous apprend que nous ne devons pas nous abstenir de faire preuve de bonté, c'est-à-dire d'apprendre la Torah à notre prochain, sans craindre qu'avec le temps ses connaissances et ses vertus dépassent les nôtres. N'en ayons pas honte. Ceignons-nous plutôt les hanches et partageons nos connaissances de Torah avec tous ceux qui demandent à se rapprocher du Saint, béni soit-Il, comme il est écrit: Ne refuse pas un bienfait à ceux qui y ont droit, alors qu'il est en ton pouvoir de l'accorder (Proverbes 3:27). Si notre prochain accède à des connaissances de Torah plus larges que les nôtres, dominons nos sentiments et soyons contents qu'il se conforme à la volonté divine. C'est peut-être de lui que sortira la Torah...

Nous avons connu quelqu'un qui était très versé en Talmud, mais dont le compagnon d'étude était plus brillant que lui. A notre question pourquoi il avait cesser d'étudier avec lui, notre homme a répondu: J’ai honte qu'il comprend le texte plus vite que moi! Nous lui avons naturellement reproché d'avoir adopté une attitude pareille.

De même, si une prière que nous faisons est susceptible de nuire à notre prochain, abstenons-nous en, même si elle peut nous être bénéfique (cf. 'Irouvine 100a).

Terminons notre leçon par les guématrioth suivantes: 'IR MiKLaT (ville de refuge) a la même valeur numérique (459) que CHéVILeY HaEMOuNaH (les sentiers de la foi) qui conduisent les meurtriers involontaires à la voie qui mène à la maison de Dieu, s'ils se repentissent et s'affrontent aux épreuves de la vie. HaCHIVéNOu HaCHeM ELéKHa (ramène-nous vers Toi, ô Eternel) (Lamentations 5:21) a aussi la même valeur numérique que 'IR MiKLaT (459 + 1 du Collel). Il est enfin de même de ELOHIM HaCHIVéNOu (O Dieu, régénère-nous) (465 + 1 du Collel = 466 et 'IR MiKLaT = 459 + 7 pour chaque lettre = 466) (Psaumes 80:4).

 

 

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