Conséquence de la faute du premier Homme

Il est écrit dans notre section (Béréshit 3:23-24): « Et l’Eternel D. le renvoya du Jardin d’Eden pour cultiver la terre d’où il avait été tiré, Il en chassa l’Homme et posta là des chérubins... »

Lorsque nous considérons la faute de l’Homme, nous restons étonnés et stupéfaits que « la créature façonnée des mains même de D. » (Kohélet Rabba 3:14) ait pu transgresser, en connaissance de cause, l’ordre de D. Qu’est-ce qui a pu le motiver, puisque le mauvais penchant n’avait encore aucune emprise sur lui? Pourquoi s’est-il laissé corrompre et n’a-t-il pas pu obéir à D., ne serait-ce qu’une seule heure » (Tanh’ouma Shmini 8)?

De plus, pourquoi a-t-il mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance? Est-ce qu’il manquait de quelque chose au Jardin d’Eden pour avoir voulu manger justement de l’arbre qui lui avait été interdit? Il ne manquait de rien, comme les Sages en témoignent (Sanhédrin 59b): « Les anges rôtissaient pour lui de la viande et distillaient du vin ». De plus, il était un être intelligent et sensé puisqu’il avait donné des noms aux animaux (Béréshit 2:20), et c’est un fait que le nom n’est pas seulement un moyen d’identification mais la description de la qualité intrinsèque et de l’essence de celui qui porte ce nom. Cette connaissance est le but de toute science et donc l’Homme possédait la science et la connaissance les plus élaborées. Par conséquent, nous sommes obligés de chercher à comprendre ce qui a poussé l’Homme à fauter.

Nous savons que D. a d’abord créé les anges, des êtres appartenant au monde d’en Haut, entièrement et uniquement spirituels, des esprits sans corps, et sans mauvais penchant. Parallèlement aux anges, D. créa les animaux qui sont entièrement corporels et terrestres. Toute leur existence ne tend qu’à la réalisation de leurs besoins matériels. Mais D. n’a confié ni aux uns ni aux autres le perfectionnement de la création, jusqu’à la création de l’homme, « une créature qui tient à la fois du monde supérieur et du monde inférieur » (Béréshit Rabba 8:11) afin d’éviter la haine et la jalousie dans la création, une créature qui a un corps matériel avec des désirs et des besoins physiques, et une âme, qui tient de la divinité, et dont les Sages ont dit (H’aguigah 16a): « En trois choses l’homme ressemble à l’animal, et en trois choses il ressemble à l’ange ».

L’homme réfléchit sur sa position dans la création, il médite sa propre nature, sa place et sa raison d’être dans le monde, et il évalue sa condition. Il voit que tout ce que D. a créé a une raison d’être et que rien n’est sans cause, car chaque chose a été créée avec un but et pour remplir une fonction dans le monde. D’une part, D. a créé le Jardin d’Eden, d’autre part Il a créé l’Enfer. Il a créé ce monde, Il a créé le Bien et l’absence de Bien qui est le Mal. Adam pensait que si le but et la raison d’être de la création du monde sont liés explicitement à cette créature qui a la possibilité de faire le bien ou le mal, qui tient du monde d’en Haut et du monde d’en bas (il s’agit de l’homme), il s’ensuit que la création elle-même est composée de ces deux contraires, le Bien et le Mal. Il eut le désir de manger de « l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal » (Béréshit 2:10), afin de parvenir à distinguer entre le pouvoir du Bien et le pouvoir du Mal. Lorsque l’Homme mangea de ce fruit, il est écrit: « maintenant l’Homme sera comme l’un d’entre nous, connaissant le Bien et le Mal » (Béréshit 3:22), c’est-à-dire sachant les distinguer et les différencier comme le disent les Sages (Yéroushalmi Brach’ot 5:2): « Sans la connaissance, qui est capable de différencier les choses les unes des autres? » Sans la connaissance, comment différencier entre la sainteté du Shabbat et les jours profanes?

Avant d’avoir mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance, l’Homme était entièrement bon. Mais il voulait pouvoir différencier et distinguer entre le bien et le mal. Il ne se suffisait pas de la seule connaissance de leur existence.

Qu’est-ce qui a poussé l’Homme à transgresser le commandement de D., pour parvenir à ce but sublime? C’est que l’Homme ne voulait pas servir D. comme le font les anges, il désirait distinguer le bon du mauvais.

Bien que D. lui ait dit: « Tu mourras si tu manges de l’arbre de la Connaissance », l’Homme savait que D. ne désirait pas le mettre à mort; dans quel but lui a-t-Il donc révélé la mort? C’est que sans doute - se dit l’Homme - l’intention de D. est de me faire savoir que le mauvais penchant me mettra à mort, mais en mangeant de l’arbre de la Connaissance, je pourrai distinguer entre le bien et le mal et combattre ce mauvais penchant.

Effectivement D. ne l’a pas chassé tout de suite du Jardin d’Eden, mais seulement après le Shabbat, afin de lui faire sentir le goût du monde à Venir pendant le Shabbat. De même D. lui fit une tunique de peau, qui selon l’opinion de Rabbi Meir (Béréshit Rabba 20:29) serait une tunique de lumière, pour lui permettre de parvenir à la lumière de la Torah, et de lutter toujours avec zèle contre le mauvais penchant. S’il sert D. effectivement avec diligence, il pourra vaincre le mauvais penchant.

Et pourtant, malgré le désir de l’Homme de vivre une vie diligente de lutte permanente contre le mauvais penchant, de distinction entre le bien et le mal, D. l’a expulsé du Jardin d’Eden et lui a interdit de manger de l’arbre de la Vie, car D. savait que l’Homme, doué du libre arbitre, pencherait pour le mal et la facilité afin d’éviter les épreuves et que ses actions ne seraient pas toujours motivées par l’amour du Ciel. Mais D. créa tout de même l’arbre de la Vie, afin de faire savoir à l’Homme et à tous les hommes comment éviter les épreuves. Comment? En choisissant toujours le bien, car alors, ils ne seraient pas mis à l’épreuve, ce qui est une manifestation de la grande bonté de D.

« Avant la faute, l’Homme n’avait dans le cœur que des pensées saintes et sublimes. Après la faute les forces impures l’ont envahi, le bien et le mal se sont mélangés et ses actes ont créé la confusion dans les mondes supérieurs. Avant la faute, l’Homme avait le libre arbitre mais n’était pas imprégné par les forces du Mal et il se conduisait avec droiture; tout ce qu’il faisait était saint, juste et pur, sans la moindre faille. Son libre arbitre se limitait à empêcher des mauvaises pensées de l’envahir, et c’est la raison pour laquelle les forces impures ont fait appel au Serpent pour le tenter de l’extérieur, ce qui était impossible tant que le mauvais penchant était tapi dans son propre cœur. L’Homme a agi sous son emprise bien qu’il lui ait semblé agir de son plein gré, et il s’est laissé entraîner à faire le mal sans se rendre compte qu’une force étrangère l’y poussait. Le bien et le mal font maintenant partie intégrante de lui. En empoisonnant l’Homme, le Serpent (Zohar I 36b), a causé une grande confusion dans ses actes » écrit Rabbi H’ayim de Volozhin de sainte mémoire dans son livre Nefesh Hah’ayim (Première partie, ch. 4).

Ce que nous disons est confirmé par la guerre du roi Shaül contre Amalek. Il est écrit (Shmouel I, 15:9-23): « Shaül et son armée épargnèrent le roi Agag et les meilleures pièces des troupeaux et du bétail... et ils refusèrent de les détruire » malgré l’ordre donné par le prophète Shmouel au nom de D. Lorsque Shmouel lui en fit remontrance et lui dit: « Pourquoi n’as-tu pas obéi à la voix de D.? » Shaül lui répondit: « le peuple a pris... des bêtes du menu et du gros bétail pour les sacrifier à ton D. ». Et alors Shmouel lui dit: « Est-ce que D. désire tous ces sacrifices plus qu’Il ne demande à être obéi? Lui obéir est préférable à tout sacrifice et supérieur à toute la graisse des béliers! Pour avoir méprisé la parole de D. tu seras méprisé et tu ne régneras plus".

Tout comme Adam, Shaül a fait l’erreur de croire que les sacrifices consacrés à D. sont essentiels. S’il tarde à détruire les animaux du butin, il le fera plus tard, en offrant tout ce bétail en sacrifice. Mais non! « Obéir à D. est préférable à tout sacrifice ». De même, Adam pensait améliorer la qualité de son service de D. par une lutte personnelle contre les forces du Mal, c’est pourquoi il a mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance malgré l’ordre de D.  Et D. lui fit alors de sévères reproches: « Est-ce donc que tu as mangé de l’arbre que Je t’ai expressément défendu? » (Béréshit 3:11). Pourquoi n’as-tu pas attendu, pourquoi M’as-tu désobéi? Voulais-tu en arriver à recevoir des commandements plus nombreux et les accomplir plus parfaitement? Est-ce que Je désire Moi multiplier les commandements? Il est sûr que J’exige ton obéissance, mais sans que tu négliges aucun de Mes commandements pour des considérations personnelles... et donc, Adam fut chassé du Jardin d’Eden (Sanhédrin 38b). Mais, comme son intention unique était de servir D., l’Homme ne s’est pas vu infliger la peine de mort tout de suite et fut seulement renvoyé du Jardin d’Eden vers le monde physique et matériel, afin de « cultiver la terre », là où il pourrait plus facilement s’occuper de séparer le bien du mal.

Nous voyons là que « nombreuses sont les pensées du cœur de l’homme, mais seule la volonté de D. se réalise » (Mishley 19:21). L’homme peut multiplier pensées et projets qui lui semblent justes, mais en fin de compte seul le dessein de D. se réalise. C’est le sens du commandement (Dvarim 18:13): « Sois entier avec l’Eternel ton D. » c’est-à-dire que D. nous demande simplement de marcher dans Ses voies sans chercher à percer l’avenir.  D. ne veut pas qu’on Le serve au prix d’une transgression. Il a doté l’homme d’une intelligence profonde et merveilleuse qui se manifeste dans sa capacité de penser et de prendre des décisions personnelles, mais c’est lorsqu’il se rend à la raison de D., lorsqu’il « annule sa propre volonté devant la volonté de D. » (Avot 2:4), et lorsqu’il abandonne toute considération personnelle comme s’il n’en avait pas, qu’il mérite vraiment d’être appelé le serviteur de D.

Nous avons à présent la possibilité de montrer comment le roi Shaül, après avoir transgressé le commandement de D., a réussi à corriger la faute commise lors de la guerre contre Amalek.

« Lorsque le roi Shaül fit appel au prophète Shmouel par l’entremise d’une nécromancienne (Shmouel I, 28:11-19), celui-ci dit à Shaül: « Demain toi et tes enfants seront avec moi... », « Shmouel lui promet qu’au terme de sa vie, il sera en sa compagnie au Jardin d’Eden » (H’aguigah 4b). De même le Midrash rapporte (Yalkout Shmouel I, 141): « Shmouel dit à Shaül: si tu écoutes mon conseil, si tu tombes par l’épée, ta mort te rachètera et tu mériteras d’être avec moi là où je me trouve ». Effectivement, Shaül suivit le conseil de Shmouel et fut tué avec ses fils à la guerre. Le fait d’entendre les paroles de Shmouel par la bouche de la nécromancienne aurait permis à Shaül de les rejeter, mais il a accepté le jugement et c’est avec une grande joie qu’il est parti mourir à la guerre de son plein gré, afin d’obéir à Shmouel sans détours. En fin de compte, il a obtenu un pardon total et pris place dans l’autre monde aux côtés de Shmouel.

Sous ce rapport, nous voyons que D. Lui-même est fier du roi Shaül, comme le disent les Sages (Vayikra Rabba 26:7): « Resh Lakish dit: à ce moment-là, D. appela les anges et leur dit: Venez voir quelle créature J’ai créée dans Mon monde. D’ordinaire, lorsque quelqu’un va faire la fête, il n’emmène pas ses enfants parce que cela ferait mauvais effet, mais celui-là (Shaül) part en guerre avec ses enfants tout en sachant qu’il y sera tué, et il est heureux d’exécuter la sentence ».

Les paroles merveilleuses du Rav Yossef Salanter de mémoire bénie, dans son livre Béer Yossef (rapportées de Lekah’ Tov, Vayikra 22) confirment nos propos. Concernant le verset (Vayikra 1:2): « Celui d’entre vous (adam) qui offrira un sacrifice à D. » les Sages expliquent dans le Midrash (Tanh’ouma Vayikra 8): « Il est écrit adam et non pas ish (les deux mots signifient « homme »), pour nous enseigner que celui qui faute comme Adam, le premier Homme, doit apporter un sacrifice à D. ».

« Quel enseignement tirons-nous de ce rapprochement entre Adam et les sacrifices? Quel rapport y a-t-il entre eux? » demande le Rav Salanter.

Et il explique: « Nous savons que l’essentiel du sacrifice est le regret de la faute commise, et le fondement du repentir est la prise de conscience de la gravité de la faute, du fait que la faute commise est néfaste pour son âme, pour sa descendance en particulier et pour le monde entier en général. Se rendre compte de la gravité de la faute et de l’ampleur des conséquences, amène l’homme à la regretter sincèrement et il aura garde, à l’avenir, de ne plus fauter. Tel est le fondement du repentir. En regrettant sa faute, l’homme prend sur lui la décision de ne plus agir de façon insensée, et son sacrifice est alors reçu favorablement par le Maître du monde, comme le dit le Rambam dans son langage pur et précis (Halach’ot Teshouva 2:2) ».

Pour comprendre la gravité de la désobéissance à D. et ses conséquences, il suffit de considérer la faute d’Adam. Lorsqu’il a mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance, il a provoqué sa propre mort, celle de sa descendance et celle du monde entier (Yirouvin 18b) et de plus la terre fut maudite à cause de lui (Béréshit 3:17), malédiction qui s’étend à toute l’humanité qui doit peiner et transpirer pour sa subsistance à cause de lui, comme il est écrit (Béréshit 3:19): « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». La peine et l’effort nécessaires pour assurer sa subsistance, associés à la peur de la mort, sont la cause de toutes les souffrances du monde en général et de l’homme en particulier, de génération en génération, et tout cela comme nous l’avons dit, en conséquence de la faute commise par Adam lorsqu’il a mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance. S’il en est ainsi, nous pouvons maintenant expliquer le verset: « Celui d’entre vous, adam, qui fera un sacrifice à D. »: chaque homme doit choisir la voie de la vie et accepter la leçon tirée de la faute d’Adam, afin de ne pas fauter et de ne pas détruire, et s’il commet une faute, de se repentir immédiatement, d’en faire l’aveu, d’apporter à D. un sacrifice, un korban, afin de se rapprocher de D., léhit-karev. Toute faute est terriblement destructrice et la faute d’Adam est le prototype de toutes les fautes. L’homme doit accepter sans arrière-pensée le joug divin afin de ne plus se révolter, mais d’être juste et droit dans tous ses actes, tous les jours de sa vie, avec l’aide de D.

 

 

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