L'influence du Juste en ce monde et dans l'autre

Il est écrit (Béréshit 6:9): « Tels sont les descendants de Noah’, Noah’ était un homme juste et intègre à son époque, Noah’ marchait dans les voies de D. ».

Rashi écrit à ce sujet au nom des Sages (Sanhédrin 108a): « A son époque », pour certains de nos rabbins c’est un éloge, car s’il était vertueux à son époque, à plus forte raison, en une génération d’hommes vertueux, il aurait été vertueux. Pour d’autres c’est un reproche, il était juste en comparaison de ses contemporains, mais s’il avait vécu au temps d’Avraham, il ne se serait en rien distingué ».

Rapportons, en introduction, ce que Rabbi H’iya Bar Ashy dit: « Les hommes vertueux n’ont de repos ni en ce monde ni dans l’autre, comme il est dit (Téhilim 84:8): Ils vont avec des forces toujours croissantes, pour paraître devant D. à Sion » (Brach’ot 64a).

Le Gaon de Vilna écrit à ce sujet, qu’en ce monde, il est dit de l’homme qu’il « va », car il avance sans cesse et progresse dans la connaissance de la Torah et la pratique des commandements et des bonnes actions, mais dans l’autre monde il est dit de l’homme qu’il « se tient debout » car dans l’autre monde il n’a plus d’obligations. C’est ce qui est écrit (Zach’aria 3:7): « Je te ferai un chemin parmi ceux qui sont debout ». Dans le monde à venir tous restent stables - comme des anges - et ce n’est que dans ce monde que nous avons la possibilité de nous élever. C’est pourquoi il est dit des anges qu’ils se tiennent « debout » (c’est à dire: stables) et des hommes qu’ils « marchent », car ils doivent toujours être en mouvement.

Il est possible d’ajouter: « Lorsque l’on se sépare d’un mort, on dit « va bé shalom, en paix » et lorsque l’on se sépare d’un vivant, on lui dit « va lé shalom, vers la paix » (Brach’ot 64a). C’est que la lettre beth représente un état statique et permanent, ce qui est le cas de quelqu’un qui est mort, tandis que la lettre lamed  représente le mouvement, l’activité...

Pourtant, il est dit d’un certain nombre de Justes qu’ils sont « en marche » même dans l’autre monde, parce que là aussi ils continuent à progresser, et les Sages disent d’eux que « même dans le monde à Venir ils n’ont pas de repos », et continuent à s’élever dans le service de D.

Nous voyons donc qu’il y a deux types d’humains. Ceux qui, arrivés dans le monde d’en-Haut, restent immobiles, et ceux qui continuent à progresser. Quelle est la différence entre un homme qui a observé la Torah, obéi aux commandements et accompli de bonnes actions en ce monde et qui, dans l’autre monde ne progresse plus, et le Juste qui en a fait de même et continue à progresser dans l’autre monde?

Il est des hommes pieux qui étudient et observent les commandements de la Torah, mais qui malheureusement n’œuvrent que pour eux-mêmes et ne tiennent pas compte des autres. Ils ne transmettent aucun enseignement aux autres, ne prient pas pour eux, ne s’inquiètent pas du sort ou du moral de leurs prochains, ne corrigent pas leur conduite... Certes, de telles personnes n’ont pas, elles-mêmes de repos en ce monde, mais elles progressent sans être dérangées par les besoins des autres auxquels elles ne viennent pas en aide, et elles restent enfermées dans leurs « quatre coudées ». Durant toute leur vie en ce monde, ces hommes-là ont progressé, mais lorsqu’ils quittent ce monde pour l’autre, ils restent au niveau auquel ils sont parvenus au moment où ils l’ont quitté. Dans l’autre monde ils ne peuvent plus agir, comme il est écrit (Téhilim 88:6): « Libre parmi les morts... » ce qui signifie que « la mort libère de toute obligation » (Shabbat 30a, 151b, Nidah 61b). De ces Justes il est dit qu’ils trouvent la paix dans le monde à Venir, où ils n’ont plus d’efforts à fournir et se maintiennent au niveau où ils sont parvenus.

Par contre, il est une autre catégorie d’hommes vertueux qui, bien sûr, s’occupent d’étudier la Torah et de pratiquer les commandements, qui eux aussi ont la crainte de D., mais qui possèdent la qualité supplémentaire de venir en aide à autrui, de les encourager et de les ramener à D. Outre leur piété individuelle, ils se mettent au service des autres, et leur récompense est grande. Bien qu’ils n’aient pas de repos en ce monde, occupés qu’ils sont à subvenir aux besoins des autres avec joie, ils sont heureux de secourir les autres, de les diriger dans la bonne voie, de leur enseigner la Torah, et sont récompensés en voyant le fruit de leurs efforts.

Puisque « D. ne prive aucune créature de sa récompense » (Babba Kamma 38b, Nazir 23b, Pessah’im 118a) et qu’Il rétribue chacun mesure pour mesure, leur joie et leur récompense est double dans le monde à Venir où ils continuent à s’élever et à se soucier du sort des Juifs qui restent en vie. C’est ce qui est dit (Brach’ot 18a, Kohélet Rabba 9:4): « Les Justes, même morts, sont appelés vivants ».

Noah’ en est un exemple. Comme nous l’avons dit plus haut, certains Sages le jugent défavorablement, bien que la Torah témoigne du fait qu’il était « un homme juste et intègre à son époque » (Béréshit 6:9). Pourquoi interpréter cela négativement?

C’est que, à la fin de la section, il est dit de Noah’ tout simplement qu’il était « un homme de la terre » (Béréshit 9:20). Pourquoi? Parce qu’il ne se souciait que de se sauver lui-même sans se préoccuper des autres. Son nom même, Noah’, indique le repos (menouh’a). Noah’ se souciait de lui-même, ce qui n’était pas le cas d’Avraham qui ne pensait pas seulement à lui-même, mais venait aussi en aide aux autres pour leur enseigner la crainte de D. Il est écrit (Béréshit 12:5): « les âmes qu’ils avaient acquises (littéralement: « faites ») à H’aran », et les Sages expliquent (Béréshit Rabba 39:14): Avraham convertissait les hommes et Sarah les femmes, et la Torah les considère comme les ayant eux-mêmes créés ». Il est possible que ce soit la raison pour laquelle il est écrit « Noah’ marchait dans les voies de D. » car il n’allait qu’avec D. dans l’observance des commandements, sans se soucier d’autrui.

« De quoi s’occupent les Justes dans l’autre monde? » demandent les Sages (Zohar I 183a, III 159b, 160a). Et ils répondent: « Dans l’autre monde, ils s’occupent des mêmes choses qui les occupaient en ce monde », à savoir, s’ils ne se sont occupés en ce monde que de Torah, ils continueront d’étudier la Torah dans l’autre monde, mais si en ce monde, outre l’étude de la Torah, ils ont aussi aidé les autres, prié pour eux et qu’ils ont eu une influence favorable et bénéfique sur leurs contemporains, dans le monde à venir aussi ils poursuivront dans cette voie.

C’est pourquoi « les justes n’ont de repos ni en ce monde ni dans l’autre » (voir Maharsha, Brach’ot 64a). Dans l’autre monde, « ils sont assis et jouissent de la splendeur divine » (Brach’ot 17a, Avot D’Rabbi Nathan 1:8), et si nous faisons appel à leur mérite dans nos prières, nous dérangeons leur repos. De plus, nous les attachons au monde matériel, ce qui les dérange énormément. Il leur est extrêmement difficile d’émerger de leur repos, là-haut, pour prendre en considération les préoccupations de ce bas monde et prier pour nous. Mais malgré tout, lorsque nous leur exposons les problèmes du monde matériel, ils se souviennent que, eux aussi, en ont fait partie, ils se rappellent combien il est difficile d’y vivre, et alors ils prient pour nous afin de nous octroyer abondance de bénédictions et réussite.

Cela explique pourquoi beaucoup d’hommes vertueux promettent, de leur vivant, à tous ceux qui les approchent, que s’ils font appel à eux après leur mort, ils leur répondront. Ils s’y engagent de leur vivant, car ils savent combien il leur sera difficile de répondre à de telles demandes quand ils seront dans l’autre monde, et ils prennent dès maintenant l’engagement de se souvenir de leur promesse, engagement qu’ils tiendront sans aucun doute.

Il est des hommes qui ne sont pas montrés vertueux ni reconnus comme tels de leur vivant, à plus forte raison après leur mort. Par contre, d’autres ont acquis une réputation universelle, et même plusieurs centaines d’années après leur mort, tous connaissent leurs œuvres et le lieu de leur sépulture. Ceux dont on se souvient après leur mort sont ceux qui ont marqué leur époque. Certains d’entre eux ont même promis d’intercéder en faveur de ceux qui feraient appel à eux, c’est pourquoi « le mérite des autres leur est attribué » (Avot 5:18). Leur renommée n’est pas oubliée après leur mort et ils peuvent venir en aide aux Juifs comme de leur vivant, et c’est pourquoi ils ne connaissent pas de repos, même après leur mort.

Rabbi Shimon Bar Yoch’aï a protégé toute sa génération de son vivant, au point qu’il a pu dire (Souca 45b): « J’aurais pu épargner au monde entier les catastrophes » et il est dit de lui (Béréshit Rabba 35:2, Midrash Téhilim 36:8, Zohar III 15a) que « de son vivant il n’y eut pas d’arc-en-ciel ». Après sa mort il a continué à protéger le monde et jusqu’à ce jour son nom est vénéré par tous. Il en est de même de Rabbi Nah’man de Breslev, que son mérite nous protège. J’ai entendu dire que l’Ancien Rabbi de Loubavitch, de son vivant, ressentait le problème personnel de chacun, et s’il en était ainsi de son vivant, que dire après sa mort. Ce n’est donc pas sans raison que, jusqu’à ce jour, le Rabbi de Loubavitch lit les demandes et les lettres qu’il reçoit, sur la tombe de son grand-père, afin de bénéficier de son mérite. De même, il est dit de mon père et maître, le saint Rabbi Hayim Pinto, que son mérite nous protège, qu’il avait promis, avant de mourir, que quiconque se recueillerait sur sa tombe le jour anniversaire de sa mort, le vingt-six du mois de Elloul, serait jugé avec bienveillance le jour du Nouvel An.

Pourtant tous les hommes qui ont, durant leur vie, observé la Torah en espérant pouvoir jouir éternellement de la Splendeur divine, ne connaissent pas la célébrité après leur mort. Cela ne signifie pas que les Justes qui sont restés inconnus n’aient pas aidé les autres, mais plutôt que leurs contemporains étaient incapables de reconnaître le degré de sainteté de leur âme, et c’est pourquoi ils sont restés inconnus.

Il est donc naturel que certains se trompent et pensent que les hommes célèbres pour leur piété ne méritent pas les honneurs qu’ils reçoivent, ou qu’ils sont parvenus à leur position sans efforts et sans peines. Ce n’est pas vrai! Ces hommes vertueux ont beaucoup souffert avant d’être connus, ils ont peiné jour et nuit avant de devenir ce « Juste dont D. exécute le décret » (voir Shabbat 59b) car rien ne s’obtient sans effort et sans peine, encore moins la crainte de D., de laquelle il est dit (Brach’ot 33b, Zohar I 59a): « Tout est entre les mains de D., sauf la crainte de D. ». Il est certain qu’ils ont beaucoup travaillé avant de gagner leur statut.

Sans aucun doute, le Juste continue à œuvrer pour son peuple après sa mort, et il gravit des échelons grâce à ceux qui le suivent et qui accroissent son mérite. Dans nos prières, nous rappelons les Patriarches, et D. agrée nos prières grâce à leur mérite, comme il est écrit (Vayikra 26:42): « Et Je Me souviendrai de Mon alliance avec Ya’akov, et aussi de Mon alliance avec Yits’hak ... »

 

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