Du devoir d’exécuter les commandements de façon désintéressée

« Il faut étudier la Torah même dans un but intéressé, car, ce faisant, on en viendra à l’étudier de façon désintéressée » (Pessah’im 50b, Zohar III 85b). Le but principal est d’étudier la Torah pour elle-même et d’obéir aux commandements en tant que tels, à tel point que dans la bénédiction qui précède l’étude quotidienne de la Torah, nous formulons le souhait (Alfassi, Brach’ot 11b): « afin que nous connaissions Ton Nom et que nous étudions la Torah pour elle-même ».

Les Sages disent (Sanhédrin 108b): « Eliézer, serviteur d’Avraham, demanda à Shem, fils de Noah’: Comment avez-vous été sauvés du déluge? Par quel mérite? Et Shem lui répondit: C’est par le mérite de nos bons soins envers les animaux qui étaient dans l’arche et que nous devions nourrir. Nous étions affairés à leurs besoins jour et nuit, car il est des animaux qui mangent le jour et dorment la nuit, et il en est qui mangent la nuit et dorment le jour. Il arriva même que le lion frappe et morde mon père Noah’ parce qu’il avait tardé à lui apporter sa ration » (voir Béréshit Rabba 30:6).

1. Le Meyl Tzedaka demande comment il est possible de dire qu’ils furent sauvés pour avoir pris soin des animaux. La Torah précise clairement que D. dit à Noah’ (Béréshit 7:1): « J’ai vu que tu es juste à Mes yeux en cette époque », c’est dire qu’ils furent sauvés parce qu’ils étaient des hommes vertueux. Pourquoi Eliézer demande-t-il quel mérite les a sauvés? Ignorait-il qu’ils étaient vertueux?

2. Il faut analyser la réponse de Shem. Est-ce vraiment pour avoir pris soin des animaux qu’ils furent sauvés? Ils ont pourtant nourri les animaux pour leur propre bénéfice, afin d’avoir eux-mêmes de la viande après le déluge, et de quelle charité ont-ils donc fait montre? Si le verset dit qu’ils furent sauvés en raison de leur piété, pourquoi Shem n’a-t-il pas répondu dans ce sens à Eliézer,et dit  que c’était pour s’être occupés des animaux?

Noah’ et ses fils craignaient d’en tirer de l’orgueil et de se considérer eux-mêmes comme vertueux, faute impardonnable (Brach’ot 4a, Pessikta Zouta 32:8) dont ils seraient punis. C’est ce qui explique aussi pourquoi Noah’ n’est pas entré dans l’arche jusqu’à ce que les eaux montent et que D. l’y pousse (Béréshit Rabba 32:5). Il ne pensait pas qu’il méritait de vivre alors que les autres allaient mourir. Noah’ et ses fils ont évité d’estimer que c’est grâce à leur propre mérite qu’ils furent sauvés.

Cela explique le soin qu’ils ont pris des animaux. Noah’ et ses fils ne pensaient pas s’occuper des animaux afin d’avoir eux-mêmes de quoi manger après le déluge. Ils se sont gardés d’une telle pensée, attribuant leur survie aux soins donnés aux animaux, afin qu’on ne puisse pas dire que leurs efforts étaient intéressés. Ils n’ont fait qu’obéir à l’ordre de D. qui effectivement leur a demandé de faire des provisions de nourriture pour les animaux, comme il est écrit (Béréshit 6:21): « Et toi, prends toutes les nourritures comestibles... », des nourritures de toutes sortes, pour subvenir aux besoins de chaque animal (Tanh’ouma 58:2). Ils n’ont fait que remplir leur devoir en s’occupant avec tant de soin des animaux. En fin de compte, cela les a sauvés du déluge. Le lion est la preuve qu’ils agissaient conformément au commandement de D., car la viande du lion n’est pas comestible, et Noah’ a continué à le nourrir même après avoir été mordu, ce qui montre qu’ils agissaient de façon désintéressée.

Nous pouvons trouver une autre raison. A ce moment-là, la Justice divine planait sur le monde, « l’œuvre de Ses mains est en train de se noyer » (Méguila 10b, Sanhédrin 39b) et la parole est à l’Accusateur. C’est pourquoi, pour qu’il ne puisse pas plaider qu’il n’y a aucune raison de les sauver alors que le monde entier est détruit, ils étaient occupés à faire de bonnes actions « qui sauvent de la mort » (Tanna D’Bey Eliyahou Zouta 1) comme il est écrit (Mishley 10:2): « La charité (tzedaka) sauve de la mort » et ils ont annulé leur volonté devant la volonté divine. C’est que l’Accusateur les désignait du doigt et demandait justice: Pourquoi n’ont-ils pas réprimandé leurs contemporains? Pourquoi vivraient-ils, alors que les autres allaient mourir? Ils ont placé en premier lieu l’intérêt des bêtes et des animaux - grâce auxquels ils furent sauvés - ont renoncé à leur propre confort pour remplir la tâche confiée par D., ils se sont occupés des animaux purs et impurs avec le même dévouement, et c’est pourquoi ils furent sauvés du déluge.

C’est la question qu’Eliézer, serviteur d’Avraham, pose à Shem: « Quel mérite a réussi à vous sauver du déluge? Les créatures de D. périssent, et vous n’avez pas réprimandé vos contemporains de manière qu’ils se repentent et soient sauvés (voir Sanhédrin 108b). Et si vous croyez que vous avez été épargnés parce que vous êtes vertueux, c’est que votre orgueil vous induit en erreur! Peut-être avez-vous pris soin des animaux afin de pouvoir profiter de leur chair après le déluge? Vous n’avez agi que dans votre propre intérêt!

A cela, Shem le fils de Noah’, répond qu’ils n’eurent aucune pensée de ce genre et aucune intention de profiter personnellement de la viande des animaux. La stricte Justice non plus n’avait pas de griefs contre eux, car tout ce qu’ils avaient fait pour les bêtes et les animaux était désintéressé, « et la preuve en est que nous avons continué à nourrir le lion après qu’il a mordu mon père ».

Nous tirons de là  une leçon de conduite valable pour tous. Lorsqu’on obéit à la volonté de D., il convient de le faire sans autre motivation, comme il est dit (Avot 2:4): « Fais que ta volonté soit conforme à Sa volonté », uniquement parce que D. l’ordonne. Si D. affirme qu’un homme est vertueux, il ne doit pas s’enorgueillir, car « D. hait les orgueilleux » (Mishley 16:5) et « D. ne peut pas cohabiter avec l’orgueilleux dans le même monde » (Sotah 5a). Il faut se soumettre à D. avec humilité, et sentir que l’on n’est pas digne d’être appelé vertueux, que l’on n’est pas vertueux. Sinon, le mauvais penchant nous chuchotera à l’oreille « comme tu es vertueux! » jusqu’à nous faire perdre tout le bénéfice acquis.

C’est ce qui est écrit (Béréshit 6:22): « Noah’ fit tout ce que D. lui ordonna », « il s’agit de la construction de l’arche » (Béréshit Rabba 31:14), ou encore « et Noah’ exécuta tout ce que D. lui avait ordonné (ibid. 7:5), « il s’agit de son entrée dans l’arche » (Rashi ad. loc.). Même s’il ne méritait pas d’être sauvé pour ses qualités, il le méritait pour le soin apporté aux animaux de l’arche. Il construisit l’arche et en fin de compte, y entra, comme D. le lui avait ordonné! Sans orgueil, uniquement pour obéir avec exactitude à D.

 

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