De l’importance de la pratique des  commandements positifs

Il est dit dans le Midrash (Béréshit Rabba 55:8): « Rabbi Lévi Bar H’itta remarque: L’expression Lech’ Lech’a est utilisée deux fois dans la Torah et nous ne savons pas laquelle comporte le plus d’amour, la première, « quitte ton pays » (Béréshit 12:1-2), ou la deuxième, « va vers la terre de Moriah » (plus loin 22:2). Mais étant donné qu’il est dit « vers la terre de Moriah », nous comprenons que la deuxième comporte plus d’amour que la première ». Ce Midrash demande à être expliqué:

1. Qu’est-ce qui incite le Midrash à comparer ces deux épreuves, au point que nous ne pourrions pas savoir laquelle comporte plus d’amour, si ce n’était écrit explicitement? De plus, quelle est la réponse du Midrash? En quoi le mot « Moriah » indique-t-il un amour plus grand?

2. Il faut aussi comprendre pourquoi D. devait dire à Avraham de quitter son pays « pour son bien et son bénéfice propre », car sans aucun doute Avraham aurait été heureux de partir même sans une telle promesse, uniquement pour obéir à la volonté de D.! Avraham pensait-il un seul instant que D. avait l’intention de lui causer du tort, au point qu’il ait été nécessaire de lui dire « pour ton bien et ton bénéfice »? Pensait-il que D. lui ordonnait de partir sans raison?

3. Si effectivement D. lui révèle qu’il quitte son pays pour son bien, est-il possible de qualifier ce commandement d’épreuve?

4. Même si quitter son pays et sa famille constitue une dure épreuve, de toute façon Avraham était déjà marié, et tel est le sort de l’homme. La Torah le dit: « l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme » (Béréshit 2:24). Il était donc déjà détaché de sa famille. De plus, en ce qui concerne Avraham, vu les circonstances, son lien avec sa famille n’était pas tellement fort, étant donné que sa famille et son entourage étaient idolâtres.

Nous allons expliquer tous ces points, un à un. L’essentiel de l’épreuve d’Avraham ne consistait pas dans le fait de quitter effectivement sa famille et son lieu d’habitation, en rompant les liens naturels qu’il avait avec eux mais plutôt, de rompre les liens spirituels qu’il avait, comme le disent les Sages (Béréshit Rabba 39:14)  à propos du verset « les âmes qu’ils ont faites à H’aran » (Béréshit 12:5): « Avraham convertissait les hommes et Sarah les femmes ».

Le sens de l’épreuve de quitter son pays est expliqué par les activités d’Avraham à H’aran. Là, il avait entrepris de convertir les gens et de les rapprocher de D., là il commença lui-même à servir D. en extirpant l’idolâtrie de sa famille et de son pays, là son influence était énorme. C’est là qu’il fut sauvé de la fournaise (Béréshit Rabba 38:13), ce qui le fit connaître dans tout le pays, au point qu’il fut nommé prince et choisi comme dirigeant (Bamidbar Rabba 15:14). Tout le monde savait que ce qu’il disait était vrai (Béréshit Rabba 42:7) et cela lui permettait d’accomplir des merveilles. Et puis soudain, il reçoit un ordre divin: « Quitte ton pays, ta famille » et mets toi en route vers un pays étranger, vers « la terre que Je t’indiquerai », au point qu’il semble que l’essentiel est de quitter son pays et son lieu d’habitation, sans plus.

Avraham aurait pu, en son cœur, se poser des questions et hésiter: qu’adviendra-t-il de mes entreprises? Par ailleurs, que faire de l’ordre divin? Est-il nécessaire d’aller dans un autre pays, puisque « c’est partout pareil » (Kidoushin 27b). Ce qu’il va faire là-bas, il le fait déjà ici, et si l’essentiel est de proclamer la souveraineté de D. dans le monde, en quoi le lieu importe-t-il, d’autant que, dans son nouveau pays, il devra tout recommencer depuis le début? Ce cas est comparable à celui d’un rabbin qui dirige une importante communauté juive sur laquelle il exerce une grande influence, et à qui soudain, au comble de sa réussite, on vient annoncer: Quitte ton poste et va ailleurs... Même si on lui promettait ailleurs de grands avantages, la fortune et la renommée, ce serait une chose très difficile, une dure épreuve.

C’est justement en cela que la chose est étonnante, en ce qui concerne Avraham. Lorsqu’il arrive en terre de Canaan, nous ne savons pas s’il y acquit des adeptes. Jusque-là, « Avraham parcourait le pays et rassemblait le peuple de ville en ville et de contrée en contrée, jusqu’à ce qu’il arrive au pays de Canaan... » (Halach’ot Akoum I:3). Au pays de Canaan, Avraham apporta des sacrifices, fit de bonnes actions, pria en faveur des autres, et même pratiqua la circoncision... faits qui montrent qu’il s’élevait sans cesse. Cependant tout cela ne concernait que lui-même, et nous ne savons pas s’il fit quoi que ce soit pour convertir les autres! Cela lui fut même reproché par les Sages (Nédarim 32a): « Pourquoi Avraham fut-il puni, et ses enfants devinrent-ils esclaves en Egypte? pour n’avoir pas pris chez lui les otages, lorsque Avimelech’ lui dit (Béréshit 14:21): « Donne-moi les gens et prends pour toi les biens ». Rabbeinou Nissim écrit (ad. loc.): « Avraham les a remis à Avimelech’. S’il les avait retenus auprès de lui, il les aurait convertis ». C’est donc qu’au pays de Canaan il ne cherchait pas à rassembler les gens dans la foi en D.

Rappelons, si vous le voulez bien, la question bien connue concernant les gens convertis par Avraham et dont nous n’entendons plus parler par la suite. Que sont-ils devenus et quel fut leur sort?

Nous savons qu’il y a deux façons de servir D. L’une en agissant positivement (les commandements positifs), et l’autre en n’agissant pas (les interdits, les commandements négatifs). « Ne pas agir » consiste à éviter et s’éloigner de tout ce que la Torah interdit, de tout ce qui est mauvais et honteux, comme le mensonge, la tromperie, attitudes au plus haut point détestables et dont il faut s’éloigner à tout prix. Il est dit à ce propos (Kidoushin 39a): « Celui qui évite de commettre une transgression reçoit une rémunération égale à celle d’une bonne action ». Aux actes positifs, il faut ajouter les interdits, en mettant un accent particulier sur la pratique assidue des commandements positifs de la Torah. Ces deux conduites sont indiquées succinctement dans le verset (Téhilim 34:15): « Evite le mal et fais le bien ».

Bien que la voie négative - éviter de commettre des transgressions - soit certainement élevée et difficile car « il faut déraciner les ronces et arracher les orties », elle ne conduira pas à une élévation effective et permanente dans le service de D. Ce n’est pas le cas pour celui qui cherche, en tout temps et à toute heure, à faire tel ou tel acte qui lui est commandé. Celui-là s’élève de jour en jour par une pratique assidue. Se garder de transgresser les interdits empêche  l’homme de tomber sous l’emprise du mal, mais cela ne suffit pas pour lui éviter ce risque. Par contre, celui qui obéit aux commandements positifs de la Torah, est hors d’atteinte de l’emprise du mal, d’autant plus que la meilleure défense c’est l’attaque, ceci est bien connu. Et donc, en pratiquant les commandements positifs, on attaque le mal de front et on l’éloigne de nous.

Nous pouvons expliquer dans les deux sens le verset (Téhilim 119:105): « Ta parole est un flambeau qui éclaire mes pas, elle est une lumière qui rayonne sur mon chemin ». Les interdits sont comme un flambeau qui éclaire mes pas, afin que je ne trébuche pas et que je ne tombe pas, ils me permettent de garder ma place et de veiller à ma position. Par contre, les devoirs sont une lumière qui éclaire ma route, qui me permettent de progresser afin que je ne reste pas sur place. Les Sages expliquent le verset dans ce sens: « Les Justes sont semblables à cet homme qui marche en chemin, avec une lumière pour éclairer ses pas: il rencontre une pierre, il l’évite, il rencontre un fossé, il le contourne. C’est ce que dit le roi David: j’étais sur le point de profaner le Shabbat, la Torah m’a éclairé... » (Yalkout Shimoni, Téhilim 878). Le flambeau sert à éviter les pierres et les fossés, à éviter ce qui est mal et à échapper au mauvais penchant qui s’appelle « pierre » (Souca 52a). La lumière est la bonne action, la lumière de la Torah et des commandements.

Telle est l’éducation que l’homme se donne à lui-même et donne à ses enfants. Etre éduqué dans ce sens et habitué à éviter de commettre des transgressions, ne suffit pas en soi à laisser une impression profonde dans l’âme, mais une éducation qui met l’accent sur la pratique des commandements positifs, surtout s’ils sont pratiqués avec joie et enthousiasme, ancre dans l’âme une habitude qui pénètre tous les domaines de la vie et laisse une trace ineffaçable. Il est écrit (Mishley 6:23): « Le commandement est un flambeau et la Torah une lumière » comme le disent les Sages (Sotah 21a, Yalkout Shimoni, Mishley 938): « le flambeau se rapporte à la mise en garde, aux interdits », comme nous l’avons dit.

Cela explique ce que sont devenus tous ceux qu’Avraham avait convertis à H’aran. Ils n’ont pas transmis l’enseignement à leurs enfants, étant donné qu’Avraham insistait particulièrement sur la nécessité de servir D. en évitant de fauter. Avraham les avait convaincus et ils s’étaient rendus à l’évidence qu’il est stupide et même détestable de se prosterner devant des idoles fabriquées par l’homme (voir Rambam, Halach’ot Akoum I:3). Lorsqu’ils en furent convaincus, ils acceptèrent la souveraineté de D. mais du fait qu’ils n’exprimaient pas leur amour de D. par des actes positifs, cela ne fit aucune impression sur leur âme, et par conséquent ce qu’ils ont transmis à leurs enfants n’a pas subsisté. Toutefois, Avraham a réussi à transmettre la pratique des commandements positifs à ses enfants et sa famille, comme il est écrit dans la Torah (Béréshit 18:19): « Si Je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses enfants et à sa famille après lui, d’observer la voie de l’Eternel et de pratiquer la vertu et la justice ».

A présent, nous pouvons comprendre qu’en arrivant en terre de Canaan, Avraham se consacra justement de plus en plus à la pratique des commandements positifs. « Lech’ Lech’a - quitte ton pays pour ton bien » comme l’ordre de Lech’ Lech’a prononcé au moment du sacrifice d’Yits’hak, est pour ton bien et ton propre essor spirituel. Tant qu’il était à H’aran, Avraham s’appelait Avram, et à partir du moment où il arriva en Eretz Israël, juste avant la circoncision, il fut nommé Avraham, dont la valeur numérique est deux cent quarante-huit, le nombre des commandements positifs de la Torah (Nédarim 32a), car dorénavant il sert D. par des actes positifs.

Nous sommes maintenant en mesure de répondre à la question posée en tête de ce chapitre. Quel est le rapport entre l’ordre Lech’ Lech’a, quitte ton pays, et l’ordre Lech’ Lech’a intimé avant le sacrifice d’Yits’hak? De même que l’esprit humain ne peut pas saisir quel bien et quel bénéfice sont cachés dans le fait de présenter son fils sur l’autel, de même l’esprit humain ne peut pas saisir quel bien et quel profit sont cachés dans le fait de quitter son pays, un lieu où jusque-là n’ont été n’enregistrées que des réussites. C’est ce que dit le Midrash: « nous ne savons pas laquelle comporte le plus d’amour », étant donné que les deux occasions ont un même fondement: servir D. simplement, sans poser de questions et sans hésiter. Et le Midrash répond: « Du fait qu’il est écrit: Va au pays de Moriah, cela montre que la seconde fois comporte plus d’amour ». Bien que les deux événements soient des épreuves difficiles, elles sont différentes. Quitter son pays et sa famille exprime l’aspect des commandements négatifs, tandis que présenter son fils sur l’autel c’est servir D. par un acte positif, et D. préfère la mise en pratique effective. Cela est exprimé par le fait qu’il est écrit « le pays de Moriah ». Moriah vient du mot moreh dérech, celui qui indique le chemin, selon l’interprétation de l’un des Sages (Ta’anith 16a): « Le Mont Moriah, d’où Israël reçoit l’enseignement, Oraha ». Et c’est là qu’Israël sert D. en pratique. Et les Sages disent encore (Brach’ot 6a) à propos du verset: « Et tous les peuples verront que tu portes le Nom de D. et ils te craindront » (Dvarim 28:10). « Cela se réfère aux Téphilines de la tête ». C’est-à-dire que par la pratique des commandements positifs, le Nom de D. est sur nous, et nous parvenons à « faire ce qui est bon » et « ce qui est bon c’est la Torah » (Brach’ot 5a, Avoda Zara 19b), et « ce que la Torah nous ordonne nous rend meilleurs » (Yéroushalmi H’aguiga 1:7) et encore « Israël reçoit l’enseignement de la Torah et les peuples du monde nous craignent (mora) » - tous ces sens sont compris dans le mot Moriah. C’est pourquoi cette épreuve, qui concerne la mise en pratique effective, est plus méritoire aux yeux de D.

A propos de l’expression « Shamor ve’zach’or, Souviens-toi et observe le jour du Shabbat », les Sages ont dit (Rosh HaShana 27a): « Souviens-toi et observe, fut dit dans un même souffle », car sans doute une stricte observance des interdits du Shabbat est indispensable à la préservation du Shabbat, comme il est écrit (Ishaya 56:2): « Heureux celui qui observe le Shabbat et ne le profane pas et qui se garde de toute action mauvaise ». Une grande récompense est promise à celui qui observe le Shabbat, car à la suite du verset il est écrit (ibid. 4-5): « L’Eternel parla ainsi: aux eunuques qui observent Mes Shabbatot... Je donnerai dans Ma maison et dans Mes murs un mémorial et une renommée préférable à des fils et des filles ». Mais pour mériter la sainteté et l’illumination du Shabbat, il faut en pratiquer les commandements positifs qui sont exprimés dans le mot Zah’or.  Car D. préfère de loin la pratique des commandements positifs.

 

 

Article précédent
Table de matière
Paracha suivante

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan