Surmonter les épreuves conduit au comble de la perfection

« Rabbi Lévi dit: L’expression lech’ lech’a, va, quitte, figure à deux reprises dans la Torah, une première fois « quitte ton pays (Béréshit 12:1) une autre fois « va vers le pays de Moriah » (ibid. 22:2) au moment du sacrifice d’Yits’hak. Mais nous ne saurions pas laquelle de ces épreuves est plus valeureuse, si ce n’était que l’expression ‘le pays de Moriah’ montre que la seconde a la préférence » (Béréshit Rabba 39:11, 55:8).

Et les Sages disent d’Avraham que « même si D. lui avait demandé la prunelle de ses yeux, il la Lui aurait donnée. Il Lui aurait donné non seulement la prunelle de ses yeux, mais sa vie même » (Sifri 313). Nous savons que « Avraham a réalisé toute la Torah, même les ordonnances rabbiniques » (Yoma 28b, Vayikra Rabba 2:9), et qu’il « n’avait ni père ni maître, mais ses deux reins sont devenus comme deux sources qui l’abreuvaient de Torah » (Béréshit Rabba 61:1, Avot D’Rabbi Nathan 33:1, Tanh’ouma Vayigash 11).

Et pourtant il manquait quelque chose. Il ne suffisait pas de donner à D. la prunelle de ses yeux ou même sa vie. Pour mériter d’être choisi par D. pour être le père de la nation Juive, Avraham a dû tout d’abord quitter son pays natal et la maison de son père, afin de se perfectionner. Ce n’est qu’en Terre d’Israël qu’il pourra atteindre le sommet de la perfection. « Rabbi Elazar rapporte: Quitte ton pays, afin de te corriger et de perfectionner tes qualités » (Zohar I 77b). Ce n’est qu’en quittant H’aran qu’Avraham peut se perfectionner jusqu’à en venir à présenter son fils Yits’hak en sacrifice sur l’autel. C’est donc que ces deux épreuves sont liées l’une à l’autre. Pour avoir surmonté la première épreuve, Avraham a pu aussi réussir dans toutes les autres jusqu’à la dernière, le sacrifice d’Yits’hak. La première épreuve conduit nécessairement à la suivante et jusqu’à la dernière, et c’est pourquoi la dernière est la plus méritoire, et la plus grande de toutes.

Nous devons comprendre l’intention des Sages lorsqu’ils disent que si D. avait demandé à Avraham la prunelle de ses yeux ou même sa vie, il les aurait données. Avraham était prêt à mourir à Our Kassdim pour sanctifier le Nom de D. Avraham risquait non seulement la prunelle de ses yeux mais sa vie même pour D. Cela nous oblige à nous demander ce que les Sages ajoutent ici.

Il faut savoir que plus un homme est grand, plus son mauvais penchant se développe, comme le disent les Sages (Souca 52a): « Plus un homme surpasse un autre par sa grandeur d’âme, plus son mauvais penchant aussi le surpasse », et il lui faut mettre en œuvre beaucoup de détermination pour le surmonter. Avraham était parvenu à une grande élévation et donc son mauvais penchant aussi était plus grand. Malgré cela, il l’a surmonté afin d’obéir à la volonté divine.  D. lui demanda de sacrifier son fils, ce qu’il avait  de plus cher au monde, et il le fit sans tenir compte de la réprobation publique ni des critiques des nations. Lui qui, durant toute sa vie, avait fustigé ceux qui sacrifiaient leurs enfants dans des rites païens, devait lui-même, maintenant, en ses vieux jours, sacrifier son propre fils à D. sans tenir compte des protestations pourtant sensées contre un tel acte. Il obéit avec joie à cette exigence apparemment « insensée » de D., sans poser de questions et sans hésitation.

Il nous est difficile de comprendre comment Avraham est parvenu à un amour de D. tel qu’il présenta son fils en sacrifice (olah). Il aurait pu demander à D. des explications, poser des questions et présenter des contre-arguments concernant ce sacrifice, mais il a gardé le silence, comme le disent les Sages (Béréshit Rabba 56:8): « Lorsque D. dit à Avraham: prends, Je te prie, ton fils, ton unique... et présente-le en holocauste » (Béréshit 22:2), Avraham aurait pu dire à D. : Tout d’abord, Tu m’as dit: la postérité d’Yits’hak portera ton nom (ibid. 21:12) et maintenant Tu me dis de le présenter en holocauste! » Mais malgré tous les arguments possibles, il fit ce que D. lui avait ordonné, et c’est une chose extrêmement étonnante. Où Avraham a-t-il puisé une assurance que l’entendement humain a du mal à concevoir et ne peut pas saisir?

Mais Avraham jugeait de façon différente. Il savait clairement que c’est justement en sacrifiant son fils sur l’autel qu’il pouvait servir D. au mieux. La Torah en témoigne effectivement à son sujet (ibid. 22:12): « Maintenant Je sais que tu crains D. car tu ne M’as pas refusé ton fils, ton fils unique ». C’est que chacun peut croire qu’il aime D. de tout son cœur et de toute son âme, mais à l’heure de la vérité, il constate combien son cœur est faible.

Déjà, avant l’épreuve du sacrifice d’Yits’hak, Avraham était déterminé, dans son cœur et dans son esprit, à faire tout ce que D. exigerait de lui sans poser de question et sans opposer un seul argument, ce qui est un signe indiscutable d’amour inconditionnel, de la part d’Abraham. Au lieu de protester, il cherche de quelle façon il peut réaliser au mieux l’ordre de D.

Aucun écueil ne pouvait arrêter Avraham sur sa route au moment du sacrifice. Il lui fallut trois jours pour parcourir le court chemin de son lieu d’habitation jusqu’au Mont Moriah, car il ne rencontra sur sa route que des obstacles. « Tout d’abord le Satan s’est opposé à lui par la force, sous forme d’un fleuve infranchissable qui lui barrait la route, pensant ainsi le décourager et lui faire rebrousser chemin. Mais Avraham s’est contenté de prier D. et de supplier (Téhilim 69:2): « Sauve-moi, D.! car les flots ont atteint mon âme » (Yalkout Vayéra, 99). Il était déterminé à ne pas se laisser détourner. Lorsqu’il fut sauvé de ce danger, il remercia D en disant (ibid. 66:12): « Nous avons traversé l’eau et le feu, et Tu nous as sortis et mis à l’aise ». Alors, le Satan s’est placé sur son chemin pour l’ensorceler par des arguments « convaincants »: « Vieillard! Vieillard! Tu as perdu la tête! Tu as eu un fils à l’âge de cent ans et tu vas l’égorger? » (Béréshit Rabba 56:5). Enfin, le Satan le tente par des paroles de vérité: « J’ai entendu dire, au Ciel: une brebis en holocauste, et non Yits’hak en holocauste » (Yalkout Shimoni, Vayéra 96). Mais Avraham ne croit rien de tout ce que le Satan insinue, et lui répond que c’est justement pour cette raison qu’il veut obéir au commandement de D. et il continue sa route pour exécuter avec joie l’ordre de D. et sacrifier son fils.

Toutes les épreuves passées n’étaient qu’une préparation à l’épreuve du sacrifice d’Yits’hak. Avraham les avait toutes surmontées, si bien qu’il pouvait aller maintenant avec son fils, « tous deux unis par une même intention, pour le sacrifice » (Béréshit Rabba 56:4, 5, Etz Yossef ad. loc.), tant son amour de D. était sans bornes.

Le Satan, le mauvais penchant, tente toujours, par tous les moyens, de faire obstacle à celui qui veut obéir à la volonté de D., surtout s’il s’agit d’un commandement qui va augmenter son amour de D. et lui conférer une plus grande élévation, car le mauvais penchant est là pour instiller l’insécurité et le doute dans le cœur de l’homme. Mais l’homme doit être sûr de lui-même, ferme comme Avraham qui est appelé « solide » (Rosh HaShana 11a, Zohar III 238b). Il ne doit pas faiblir et écouter les mauvais conseils, mais seulement la voix de D.

Nous savons maintenant où Avraham a puisé la force d’âme nécessaire pour sacrifier son fils. Tout a commencé par la première épreuve « quitte ton pays natal ». Il avait réussi à surmonter cette épreuve et taire les questions qui se posaient naturellement à lui. A ce moment-là, D. lui avait dit de la façon la plus simple qui soit: « quitte ton pays ». Et Avraham, sans poser de questions, comprit que s’il surmontait les difficultés de cette épreuve, ce serait pour lui le moyen de s’élever et de se renforcer dans le service de D. et de mériter la promesse « pour ton bien et ton bénéfice propre » qui accompagnait cet ordre. S’il surmonte la première épreuve, il pourra surmonter  une épreuve même aussi difficile que le sacrifice d’Yits’hak, sans éprouver de doutes.

C’est un exemple pour chacun. Il faut surmonter la première difficulté qui se présente afin d’acquérir la force nécessaire pour affronter les difficultés, comme il est écrit (Téhilim 84:8): « Ils vont avec une force toujours croissante », sans s’arrêter, jusqu’à entendre: « Va vers le pays de Moriah » et là tu parviendras au véritable amour de D., un amour sans bornes. Dire que la première épreuve n’était qu’une préparation à la dernière, celle du sacrifice, de l’amour sans bornes, c’est dire que la dernière épreuve est plus méritoire que la première.

« Après la dernière épreuve, celle du sacrifice, Avraham a demandé à D. de ne plus le mettre à l’épreuve et de plus, de lui en faire le serment » (Béréshit Rabba 56:18). Non pas qu’Avraham eût été incapable de surmonter d’autres épreuves par la suite, mais parce que « les actes des pères sont des signes pour leurs enfants » (Souca 34a), et ses enfants après lui seraient éprouvés par toutes les épreuves qu’il a lui même subies. Ils se souciait pour eux, il craignait qu’ils ne puissent pas, eux, surmonter des épreuves au-dessus de leurs forces.  D. lui fait savoir qu’il avait fait preuve d’un amour sans limites, et c’est pourquoi il n’était pas nécessaire de l’éprouver davantage.

Il est important de surmonter la première difficulté, celle qui consiste à renoncer à des bénéfices personnels et au bien-être individuel auxquels nous sommes tellement attachés, à quitter ses parents, sa famille et son pays, et passer outre les intérêts personnels afin d’aller vers la Torah, dans le sens où il est dit (Avot IV:14, Shabbat 147b): « Exile-toi là où se trouve la Torah » afin d’atteindre les sommets de la perfection. Si l’on apprend à franchir le premier pas en renonçant à des avantages personnels, on est assuré de gagner un amour plus grand et plus fort de D. Si l’on surmonte la première épreuve, il est possible de s’élever toujours plus haut jusqu’à surmonter toute épreuve, même des plus difficiles.

 

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