La lutte contre le mauvais penchant

Il est écrit « et le premier qui est né était tout roux, tout son corps était pareil à une pelisse et on lui donna le nom d’Essav. Après lui est né son frère et il tenait dans sa main le talon d’Essav, et on lui donna le nom de Ya’akov. Yits’hak avait soixante ans à leur naissance » (Béréchith 25 :25-26).

Il faut se demander

1. pourquoi la Torah nous raconte dans quel ordre sont nés Ya’akov et Essav. Le Zohar maudit celui qui croit que la Torah nous raconte des anecdotes (III, 149b). Il n’y a pas dans la Torah de mot inutile, et chaque mot contient un enseignement merveilleux. Quel est donc le sens de la narration de la naissance de Ya’akov et d’Essav ?

2. pourquoi Ya’akov saisit le talon d’Essav et non une autre partie de son corps. Si la Torah nous précise ce détail, il est certain qu’il a une signification particulière.

Nous avons déjà posé ces questions, mais la Torah peut s’expliquer de multiples façons. Ce récit nous enseigne que la lutte contre le mauvais penchant commence dès avant la naissance, et plus l’âme est sainte, plus cette lutte est difficile, comme il est dit : « plus quelqu’un est grand, plus son mauvais penchant aussi est grand » (Soucah 52a). Il y avait une lutte acharnée entre Ya’akov et Essav d’avant leur naissance, et c’est un exemple de la lutte de l’homme vertueux contre son mauvais penchant.

Essav est né le premier - le mauvais penchant - et Ya’akov le tenait par le talon, ékev, mot qui signifie aussi empêchement. C’est dire qu’il le tenait afin de l’empêcher de dominer, car Ya’akov désirait lui, dominer Essav - le mauvais penchant. C’est une leçon valable pour tous, qui nous enseigne que la lutte contre le mauvais penchant est permanente, qu’il ne faut pas lui donner l’occasion de vaincre, ne serait-ce qu’un seul instant. Lui laisser une brèche risquerait malheureusement de nous faire tomber sous son emprise, comme il est écrit (Béréchith 4 :7) : « la faute est tapie sur le seuil », prête à nous induire en erreur car « le mauvais penchant est tapi entre les deux parties du cœur de l’homme afin de le faire fauter » (Brach’oth 61a). Si l’homme laisse la moindre brèche ouverte, il tombe dans ses filets comme il est écrit (Téhilim 37 :32) : « Le méchant fait le guet pour attraper le juste, et il cherche à le mettre à mort ». C’est une lutte de tous les jours puisque « le mauvais penchant prend le dessus sur l’homme chaque jour et cherche à le mettre à mort » (Soucah 52b ; Kidouschin 30b).

En tout temps et en toute circonstance, il faut être prêt à lutter contre le mauvais penchant, être toujours en position de le saisir par le talon afin de l’empêcher de prendre le dessus, comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 34 :11) : « Les justes dominent les désirs de leur cœur », et (Avodah Zarah 5b ; Tana D’Bey Eliyahou 1) : « Celui qui est plongé dans la Torah domine ses penchants » car il les retient par le talon.

Nous tirons de cette section une leçon de morale : bien qu’Essav ait pensé échapper à l’emprise de Ya’akov, celui-ci réussit à le retenir et à le dominer. C’est ce qui est écrit (Béréchith 27 :36) : « Il m’a supplanté deux fois », une fois lorsque Ya’akov l’a privé du droit d’aînesse et une autre fois, lorsqu’il l’a privé des bénédictions. De même, celui qui domine toujours ses penchants et se garde de tomber sous leur emprise, transforme son mauvais penchant en esclave qui lui est soumis et il en fait un serviteur fidèle de D., comme il est écrit (Devarim 6 :5) : « Tu aimeras l’Eternel ton D. de tout ton cœur », que les Sages expliquent (Brach’oth 54a) : « avec les deux penchants de ton cœur, le bon et le mauvais ». C’est une grande victoire pour l’homme que de réussir à surmonter et à soumettre son mauvais penchant afin de servir D. avec les deux penchants de son cœur.

Effectivement le mauvais penchant tente toujours d’attraper l’homme dans ses filets. Cela aussi est indiqué dans le récit d’Essav, qui symbolise le mauvais penchant, et dont il est dit : « tout son corps était pareil à une pelisse » (Béréchith 25 :25), « un homme velu » (ibid. 27 :11) où le mot Séar, velu, est composé des mêmes lettres que le mot Rach’a, méchant, qui pousse à la faute. Et il est dit aussi qu’Essav est roux Adom, un mot qui comprend le mot Dam, sang, c’est-à-dire « prêt à verser le sang » (Baba Bathra 16b ; Béréchith Rabah 63 :11 ; Chemoth Rabah 1 :1), prêt à tuer, à inciter les gens à nier D. comme il le faisait lui-même, et cela afin de les détourner du bon chemin et leur faire commettre des transgressions. Celui qui combat et domine son mauvais penchant est, comme Ya’akov, « un homme à la peau lisse », Ich Halak (Béréchith 27 :11) car il a gagné sa part, Hélek, dans le monde à Venir comme il est dit : « Chaque Juif a une place dans le monde à Venir » (Sanhédrin 90a ; Zohar I, 59b).

Il faut pourtant comprendre que l’essentiel de la lutte contre le mauvais penchant commence dès l’enfance et même avant la naissance, comme nous l’avons montré plus haut. Les parents ont le devoir d’éduquer leurs enfants dès leur plus jeune âge et de les habituer à saisir leurs mauvaises tendances par le talon. Les Sages disent (Chabath 119b ; Zohar I 1b, II 39b) : « Le monde ne se perpétue que grâce au souffle des enfants qui apprennent la Torah, et qui ne connaissent pas le sens de la faute ». C’est donc que leur souffle est saint et pur. Ces paroles sublimes des Sages nous montrent l’importance pour les enfants d’étudier la Torah, car effectivement le mauvais penchant les craint, et lorsqu’ils sont plongés dans la Torah dès leur plus jeune âge, ils dominent déjà leur mauvais penchant. Ya’akov, l’élu des Patriarches (Béréchith Rabah 76a ; Zohar I, 119b) a effectivement réussi dès sa naissance à dominer le mauvais penchant, et il est évident que, vu sa grandeur, il a réussi à le faire grâce au souffle de la Torah.

Sur cette base, nous pouvons expliquer le verset (Devarim 7 :12) : « En conséquence (ekev) de votre obéissance à ces lois... », où la Torah nous fait savoir que l’homme est capable de comprendre les lois de D. et de les pratiquer uniquement s’il se saisit du mauvais penchant. Ce verset vient dire : Si vous saisissez le mauvais penchant par le talon (ekev), il sera sous votre emprise, et par conséquent vous mériterez, sans aucun empêchement de sa part, de comprendre les lois de D. et de pratiquer tous Ses commandements.

Nous avons reçu de nos ancêtres l’assurance que lorsque nous nous trouverons à la croisée des chemins, en fin de compte, nous vaincrons le mauvais penchant, ce qui fait dire aux Sages (Chemoth Rabah 23 :11) : « Les enfants d’Israël, même s’ils sont fautifs, se repentent et ne sont pas exclus du sein du peuple », c’est-à-dire qu’ils restent les descendants de Ya’akov qui est appelé Israël (Béréchith 32 :29), et D. dirige les événements afin de leur donner l’occasion de se repentir.

Cela nous montre que la lutte de Ya’akov pour se saisir du mauvais penchant et le vaincre (et il est un exemple pour les générations futures) se perpétue pour toutes les générations.

A propos du verset (Béréchith 32 :25) : « Un homme lutta avec lui jusqu’à l’aube », les Sages disent (‘Houlin 91a) ; « cet homme était l’ange tutélaire d’Essav, et la poussière soulevée par leur lutte parvint jusqu’au Trône divin », pour montrer combien cette lutte était violente. Il faut expliquer ce propos.

1. Le ‘Hafetz ‘Hayim demande pourquoi le Satan, cet ange tutélaire d’Essav, s’en est pris à Ya’akov, et non à Avraham ou à Yits’hak. Pourquoi a-t-il attendu de s’attaquer justement à Ya’akov ?

2. Pourquoi s’est-il attaqué à Ya’akov justement la nuit, dans l’obscurité, et pas le jour ? Et pourquoi justement cette nuit-là ?

3. Surtout, il est écrit (Béréchith 32 :26) : « Il lui pressa la cuisse et la cuisse de Ya’akov se luxa... » Pourquoi le pressa-t-il justement à la cuisse et pas sur une autre partie du corps ?

C’est que l’ange tutélaire d’Essav est comme le mauvais penchant, entièrement voué à la destruction et à la dépravation. « Il est interdit à un homme de Torah de sortir seul la nuit » (‘Houlin 91a), et pourtant Ya’akov était seul cette nuit-là « car il avait laissé de la petite vaisselle de l’autre côté du fleuve et il est retourné la chercher ». Ce faisant, il a ouvert une brèche au mauvais penchant - l’ange tutélaire d’Essav - qui jusque-là se trouvait sous la domination de Ya’akov qui le tenait par le talon. Mais justement cette nuit-là, l’occasion lui était donnée de lutter avec lui, et cette lutte fut tellement violente que la poussière qu’elle soulevait atteignit le Trône divin.

Une lutte difficile, car l’ange tentait de se libérer (de libérer son talon) de l’emprise de Ya’akov. Mais il ne pouvait pas. Ya’akov était puissant, sa Torah le soutenait et c’est elle qui l’a aidé à sortir victorieux de cette guerre contre le mauvais penchant.

Nous comprenons à présent pourquoi cet ange s’est attaqué justement à Ya’akov et non à Avraham ou Yits’hak bien qu’ils fussent extrêmement vertueux et que le monde entier repose sur leur mérite. En effet, les Sages disent d’Avraham : « Il amena beaucoup de peuples à la croyance en D. »  (Béréchith Rabah 39 :21, 84 :2), « il était heureux de voir les gens bénir D. » (ibid. 54 :6), « il fit proclamer le Nom de D. dans le monde » (Soucah 10a), « il a même pratiqué tous les commandements de la Torah avant qu’elle ne soit donnée, y compris les ordonnances rabbiniques » (Yoma 28b ; Vayikra Rabah 2 :9), et « sa qualité intrinsèque est la bienveillance » (Zohar III, 302a). Malgré tout, l’ange d’Essav n’a pas tenté de lui nuire pour ne pas risquer de subir son influence, ne fût-ce qu’un minimum. De plus, Avraham a donné naissance à Ichmaël, et le Satan compte sur Ichmaël pour avoir une mauvaise influence sur Yits’hak sans attirer sur lui-même la colère d’Avraham. Effectivement, nous avons vu que le Satan avait déjà tenté de détourner Avraham lors du sacrifice d’Yits’hak. Il s’était alors transformé en rivière prête à le noyer et à l’arrêter en chemin (Yalkout Chimoni, Vayéra 99), et Avraham pria et dit (Téhilim 69 :2) : « Sauve-moi, ô D. car les flots atteignent mon âme ». Nous savons aussi que lorsque Avraham a donné sa vie pour sanctifier le Nom de D. à Our Kassdim, le Satan a tenté en vain de le faire faillir en lui conseillant de se prosterner devant Nimrod (Yalkout Méam Loez, Béréchith 1, page 261 au nom du Chevet Moussar).

Le Satan ne s’est pas mesuré à Yits’hak non plus. Ou bien parce qu’il a donné naissance à Essav et le Satan comptait sur la mauvaise influence qu’il aurait sur Ya’akov son frère, ou bien parce qu’il savait sans l’ombre d’un doute qu’il ne pourrait pas vaincre Yits’hak, dont la qualité essentielle est la Puissance (Zohar III, 302a) et qui aurait facilement eu le dessus (bien que ce ne soit pas explicite dans la Torah), ou bien encore parce qu’Yits’hak aussi amenait les gens à la connaissance de D. (Béréchith Rabah 84 :2), et pratiquait toute la Torah (Vayikra 2 :8 ; Tana D’Bey Eliyahou Rabah 6), et surtout parce que son âme était exceptionnelle, elle tenait de l’autre monde et, comme le dit le Ari zal, « aucun pouvoir étranger n’avait d’emprise sur lui ».

Mais le Satan, l’ange tutélaire d’Essav, le mauvais penchant, s’en prend à Ya’akov dont la qualité essentielle est la Gloire (Zohar III, 302a) et qui est « la couronne des Patriarches ». Le Satan craint plus que tout la bénédiction « un peuple sera plus puissant que l’autre » (Béréchith 25 :23), et la pensée que Ya’akov et ses enfants puissent propager dans le monde entier l’étude de la Torah et la pratique de ses lois lui est insupportable. C’est pourquoi l’ange tutélaire d’Essav veut s’attaquer à Ya’akov directement, ce qui affaiblira aussi sa descendance après lui.

Comment est-ce que l’ange tutélaire d’Essav pense pouvoir affaiblir Ya’akov dans son attachement à la Torah ? En portant atteinte à sa cuisse ! Pourquoi justement à la cuisse ? Tout d’abord parce que la cuisse, les jambes, qui le conduisent toujours vers les maisons d’étude et les maisons de prière, ne pourront plus courir et cela nuira à son étude de la Torah, ainsi que celle de ses descendants qui ne pourront plus remplir le « devoir de s’empresser vers la maison d’étude » (Brach’oth 6b ; Rambam, Halakhoth Téfilah 8 :2). Ensuite, parce que l’ange tutélaire d’Essav, après avoir tenté en vain de l’affaiblir par toutes sortes de stratagèmes, cherche à l’atteindre à la cuisse pour le faire boiter, et s’il devient boiteux, cela l’affaiblira dans son service de D. Le mot [lox, boiteux, est composé des mêmes lettres que le mot lx[, paresseux, c’est-à-dire qu’il désirait le rendre paresseux et négligent dans les maisons d’étude et de prière. Si la marque de cette blessure (spirituelle) était restée, elle se serait transmise à ses enfants et à tous ses descendants.

C’est pour nous un enseignement moral, nous devons comprendre que le mauvais penchant, s’il ne parvient pas à nous prendre dans ses filets, tente de nous affaiblir, comme par exemple durant la prière. Lorsque vient le temps de la prière, l’heure du Kriat Chema’, notre mauvais penchant tente de nous convaincre de rester encore un peu au lit, afin de nous habituer à la paresse et à la faiblesse dans notre service de D., jusqu’à faire de nous des paresseux qui ont perdu le désir d’obéir aux commandements et qui trouvent toutes sortes d’excuses : « il y a un chacal au milieu de la route ! un lion parcourt les rues ! » (Michley 26 :13). Tant et si bien que nous laissons passer l’heure du Kriat Chema’ et de la prière, par paresse. Il en est de même de tout autre commandement, dont il est dit (Mekhilta et Pessikta Zouta Chemoth 12 :17) : « Lorsque se présente la possibilité de réaliser un commandement, il ne faut pas laisser passer ce moment ». Mais le mauvais penchant arrive à nous convaincre que nous avons le temps et la possibilité d’accomplir ce commandement plus tard, et nous devenons négligents dans la pratique, nous laissons échapper le bon moment. Les Sages nous ont pourtant avertis (Avoth II :14 ; Cho’har Tov 119 :57) : « Ne dis pas : j’étudierai quand j’aurai le temps, car peut-être n’auras-tu pas le temps », et (Avoth I :14) : « Si ce n’est pas maintenant, quand donc ? » Il faut surmonter cette paresse et pratiquer sans tarder les commandements et l’étude de la Torah.

L’ange tutélaire d’Essav voulait affaiblir Ya’akov. Mais Ya’akov, malgré la blessure à la cuisse qui l’handicapait, s’empara de lui par le talon grâce à la force que lui donnait la Torah. De même, toute personne qui ne tombe pas sous l’emprise du mauvais penchant et qui le vainc grâce à la Torah peut être heureuse, comme le disent les Sages (Sotah 21a) : « La Torah protège et sauve ». Un tel homme suit en cela la voie de Ya’akov et peut surmonter le Satan, le mauvais penchant, l’ange tutélaire d’Essav et toutes ses cohortes.

Ya’akov qui a réussi à vaincre l’ange tutélaire d’Essav, ne s’est pas contenté de ce succès personnel, il voulait le transmettre en héritage à ses descendants, afin de nous donner la force de vaincre, nous aussi, le mauvais penchant. C’est pourquoi il est ordonné aux Juifs (Béréchith 32 :33) : « Les Enfants d’Israël ne mangeront pas le nerf sciatique ». Nous ne mangeons pas le nerf sciatique pour nous souvenir de ce que l’ange d’Essav fit à Ya’akov, pour ne pas nous reposer sur cette partie du corps qu’il a touchée et qui nous incite à être paresseux dans notre service de D., pour nous rappeler la diligence dans le service de D., et pour aller avec empressement et enthousiasme vers les maisons d’étude et de prière. Il nous est interdit de manger le nerf sciatique parce que Ya’akov fut atteint à la cuisse, pour nous enseigner que le mauvais penchant tend à nous rendre paresseux et faibles (Les mots de ce verset : « C’est pourquoi les enfants d’Israël ne mangeront pas le nerf sciatique » ont la même valeur numérique que les mots : « il est interdit d’être paresseux vis-à-vis de D. »).

Ces choses sont surprenantes. En effet, si l’ange tutélaire d’Essav avait réussi à vaincre Ya’akov, nous porterions la marque de cette paresse et de cette faiblesse, et nous n’aurions jamais pu être sauvés d’Egypte ou de l’exil parmi les nations. Mais l’attachement de Ya’akov à la Torah nous soutient et nous sauve, comme le disent les Sages (Pessikta Zouta Vaet’hanan 4 :32) : « Israël n’est sauvé des nations que par le mérite de la Torah ». C’est que le pouvoir de la Torah de Ya’akov nous protège au long des générations, et nous permet de surmonter notre faiblesse, d’empoigner le mauvais penchant, de le dominer dès le plus jeune âge, et de nous attacher toujours plus fortement à la Torah, à ses préceptes, à la crainte et au service de D., de façon parfaite.

 

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