L’amour de D. pour Israël

Il est écrit (Béréchith 18 :19) : « Je l’ai distingué pour qu’il prescrive à ses enfants et sa maison après lui d’observer la voie de l’Eternel en pratiquant la vertu et la justice afin que l’Eternel accomplisse envers Avraham ce qu’Il a déclaré à son égard ». Rachi explique ainsi ce verset : « Parce qu’il prescrit la loi à ses enfants, Je me dois d’accomplir ce que J’ai déclaré... »

Nous tirons de là une idée profonde. D. désire révéler à Avraham ce qu’Il compte faire à Sodome et Gomorrhe, sans rien lui cacher, parce qu’Il sait qu’Avraham ordonnera à ses enfants et à sa maisonnée d’observer la voie de D. C’est un concept difficile à comprendre.

Si Avraham prescrit à ses enfants et aux gens de sa maison la voie de D., est-ce que D. doit en retour lui exprimer ouvertement son amour ? D. désire qu’Avraham prie en faveur des habitants de ces villes, mais cela indique-t-il quelle est l’importance des enfants de Avraham aux yeux de D. ? Si « les habitants de Sodome étaient pervers et pécheurs devant l’Eternel » (Béréchith 13 :13), pourquoi D. désire-t-Il la prière d’Avraham ?

Il est écrit (Malakhi 1 :2-3) : « Je vous ai pris en affection, dit l’Eternel, et vous avez dit : En quoi nous as-tu témoigné Ton amour ? Essav n’est-il pas le frère de Ya’akov ? dit l’Eternel, or J’ai aimé Ya’akov, mais Essav Je l’ai haï si bien que J’ai livré ses montagnes à la dévastation et son héritage aux chacals du désert ».

1. Il faut effectivement se demander pourquoi D. aime les Enfants d’Israël et quel grand mérite ils ont. Est-ce parce qu’ils sont les enfants de Ya’akov ? Car si D. aime Ya’akov parce qu’il est intègre et saint, est-ce que cela oblige D. à aimer par la suite ses enfants, qui peut-être ne se conduiront pas toujours correctement ? Pourquoi D. doit-Il les tenir en affection ? En quoi le verset : « Essav n’est-il pas le frère de Ya’akov » exprime-t-il l’amour de D. pour Ya’akov ?

2. Ce verset implique que D. hait les enfants d’Essav, au point de livrer, dans les générations futures, leurs montagnes à la dévastation... Pour quelle raison ? Si Essav est haï de D., en quoi ses enfants sont-ils coupables ? Car enfin « les Portes des Larmes ne sont jamais fermées » (Brach’oth 23b ; Baba Metsya 59a ; Zohar I, 238b) et « les Portes du Repentir sont toujours ouvertes » (Ekhah Rabbati 3 ; Midrach Téhilim 65 :4), « les mains de D. sont tendues pour recevoir ceux qui se repentent » (Pessa’him 119a ; Tana D’Bey Eliyahou 22) et « Il leur accorde un sursis afin qu’ils aient le temps de se repentir » (Pessikta Zouta Bechala’h 15 :6). Pourquoi les enfants d’Essav sont-ils tenus en aversion ?

Nous tirons de là une leçon de morale et de bonne conduite. Les Enfants d’Israël sont aimés de D. principalement grâce aux Patriarches. D. les aime parce qu’Il sait que le seul désir des pères de la nation fut de transmettre en héritage et de dicter leur mode de conduite à leurs enfants après eux, et parce qu’ils avaient consacré leur vie à cette tâche, comme il est écrit à propos d’Avraham : « Je l’ai distingué pour qu’il prescrive... » Tous les efforts des Patriarches avaient pour but d’enseigner à leurs enfants le service de D. afin qu’ils sachent transmettre ces prescriptions et cette éducation à leurs enfants après eux, et pour que leurs descendants suivent la voie de la Torah (Cho’har Tov 1). Le Baal HaTourim (Béréchith 18 :19) fait remarquer que les dernières lettres des mots acher yetzavé eyt banav forment le mot Torah. De plus les mots acher yetzavé, comptés avec le nombre de mots, ont la même valeur numérique que le mot Torah.

Etant donné que D. connaissait le fond de la pensée des pères de la nation (comme Onkelos le traduit : « Je sais qu’il prescrira à ses enfants... ») et qu’Il savait leur désir de perpétuer l’attachement à D. dans les générations futures, étant donné aussi l’importance des Patriarches aux yeux de D. et Son estime pour leur conduite, tout se passait comme si leurs enfants suivaient déjà la voie de la Torah, avant même leur naissance.

Maintenant nous comprenons que l’amour de D. pour Israël découle de la vertu des Patriarches, qu’il est la récompense de leur désir d’éduquer correctement leurs enfants, et D. sait qu’effectivement les enfants suivront la voie de leurs pères et surmonteront toutes les épreuves, comme nous pouvons le constater jusqu’à nos jours. D. désire qu’Avraham prie pour les habitants de Sodome et Gomorrhe, pour leur donner la possibilité de revenir à D. et de suivre la voie ouverte par Avraham.

Par contre, Essav ne suit pas le chemin de Ya’akov. Il est écrit : « Essav n’est-il pas le frère de Ya’akov ? » Ya’akov et Essav ont étudié ensemble lorsqu’ils étaient enfants (Béréchith Rabah 63 :14), tous deux furent éduqués dans la maison de leur père Yits’hak, mais seul Ya’akov a choisi de suivre la voie de la Torah toute sa vie (Béréchith Rabah 95 :2) et d’étudier dans les tentes de Chem et Ever (Méguilah 17a). Essav quant à lui, délaisse le droit chemin et bien qu’ayant la même possibilité de se sublimer que Ya’akov, abandonne tout ; c’est pourquoi D. le hait, ainsi que ses descendants. Essav sait ce qui est vrai et bon, mais il est de ceux dont il est dit : « ils connaissent leur maître mais ils se révoltent contre lui » (Torat Kohanim Vayikra 26 :14 ; Rachi Béréshith 10 :9). Certainement D. le hait, même de son vivant, car il n’y a rien à espérer de lui, ni à s’attendre qu’il éduque correctement ses enfants. C’est la raison pour laquelle ses enfants aussi sont haïs de D., et nous voyons effectivement que les descendants d’Essav n’ont pas fait un retour vers D.  Ya’akov, lui, a mérité l’amour de D. Il est possible d’espérer de lui qu’il ordonne à ses enfants de suivre son exemple, dans le sens où « les gestes des pères sont des exemples pour leurs enfants » (Sotah 34a). Et donc D. affectionne aussi ses descendants, car ils suivent la voie de leurs pères, la voie choisie par Ya’akov. Même s’ils fautent ou ne se conduisent pas correctement, en fin de compte ils reviendront sur le droit chemin, et reprendront la route que les Patriarches ont tracée.

Il s’ensuit que chaque pas et chaque geste des Patriarches et des Matriarches avaient pour conséquence de tracer la route à leurs enfants afin qu’ils s’élèvent dans la voie de la Torah et l’observance de ses lois, et en particulier pour qu’ils ne se laissent pas entraîner par des mauvais compagnons.

Avraham renvoya les enfants de Kétoura, comme il est écrit (Béréchith 25 :6) : « Quant aux fils des concubines d’Avraham, il leur fit des présents, et il les renvoya loin d’Yits’hak son fils, de son vivant ». Il les éloigna en disant : « Tant que vous pouvez avancer du côté de l’Orient, continuez à avancer, afin de ne pas être consumés par le feu d’Yits’hak » (Béréchith Rabah 61 :7). Pourquoi ? Parce qu’Avraham vit qu’ils ne suivaient pas le bon chemin, et qu’ils ne s’appliquaient pas à servir D. Il craignait que leur conduite n’induise les gens à penser que, si les enfants d’Avraham se conduisaient ainsi, c’était signe que cela était licite. Surtout, il ne voulait pas qu’ils s’attachent à Yits’hak, afin « de ne pas être consumés par son feu », ni qu’Yits’hak les imite. C’est justement à cause de lui qu’il les renvoya comme il est précisé dans le verset : « Il les renvoya loin d’Yits’hak, son fils ». Avraham les priva aussi de toute marque de sainteté pour ne pas induire les gens en erreur, et il les renvoya au loin, « leur transmettant les appellations de l’impureté » (Sanhédrin 91a) afin que le monde sache que, bien qu’ils sont les enfants d’Avraham, ils soient impurs car ils ne se conduisent pas saintement, comme lui. De cette façon, il éduqua tout le monde.

Nous voyons aussi que Sarah a éloigné de son foyer Ichmaël, le fils d’Hagar, l’Egyptienne, comme il est écrit (Béréchith 21 :10) : « Renvoie cette esclave et son fils, car le fils de cette esclave n’héritera pas avec mon fils, avec Yits’hak ». Sarah vit qu’il ne se conduisait pas selon les directives qu’Avraham donnait à ses enfants et à sa maisonnée, et qu’il « commettait l’idolâtrie, la débauche, et le meurtre » (Béréchith Rabah 53 :15).

La conduite des Patriarches sert de fondement au Judaïsme et de directive pour les générations à venir. Mais si les enfants ne suivent pas les traces de leurs pères et ne se conforment pas à la bonne éducation qu’ils ont reçue, et s’ils se rebellent comme Essav, les fils de Kétoura et Ichmaël, il faut s’éloigner d’eux et de leurs semblables. Ils sont haïs par D. car il n’y a rien à espérer d’eux.

Nous pouvons ajouter à cela que l’amour de D. pour les Enfants d’Israël découle de la grandeur de Ya’akov qui est « un homme intègre, qui vit sous la tente » (Béréchith 25 :27), et du fait qu’il s’est séparé d’Essav et n’a pas imité ses mauvaises actions. Même à l’heure des repas, il s’éloignait de lui. A propos du verset : « Ya’akov faisait cuire un plat » (Béréchith 25 :29), les Sages demandent : « Ya’akov avait-il l’habitude de faire la cuisine, n’y avait-il pas de nourriture dans la maison de son père ? C’est que Ya’akov préparait les plats ailleurs, afin de ne pas manger à la même table que son frère Essav » dont il se séparait à l’heure des repas. La même idée est indiquée dans le verset (Béréchith 25 :23) : « Deux nations sont dans ton sein, elles se sépareront... », déjà avant la naissance, ils étaient séparés. Ils sont différents jusque dans leur nourriture, car Ya’akov est « un homme juste qui ne mange que pour apaiser sa faim » (Michley 13 :25), et Essav a « le ventre des méchants, il n’est jamais rassasié » (ibid.). Telle est la distance qui sépare Ya’akov d’Essav.

C’est Ya’akov qui a établi, pour toutes les générations après lui, la nécessité fondamentale de se préserver de l’influence d’un mauvais environnement et de se tenir éloigné autant que possible des hommes méchants, surtout à l’heure des repas, car ils mangent sans se laver les mains, sans prononcer les bénédictions, et avec gloutonnerie, tel Essav qui a dit avec insolence (Béréchith 25 :30) : « Laisse-moi dévorer ce plat rouge rouge... »

C’est également le sens de : « Je vous ai pris en affection dit l’Eternel... J’ai aimé Ya’akov, mais Essav Je l’ai haï » car Ya’akov se conduit avec retenue et pureté dans le domaine matériel, mais Essav et ses descendants sont haïssables à cause de leur rudesse. C’est pour soustraire Ya’akov à la méchanceté d’Essav qu’Yits’hak l’envoya à Aram (ibid. 28 :5).

Malgré tout, Yits’hak bénit Essav, justement « de vivre à la pointe de l’épée » (ibid. 27 :14), afin que la différence entre Ya’akov et Essav soit reconnaissable, car Essav suit son chemin, celui de la violence, du vol, du brigandage, du meurtre, tandis que Ya’akov est studieux (Méguilah 17a, Béréchith Rabah 63 :15) et se garde de tout mal.

Cela nous permet de comprendre le conseil de nos Sages (Avoth I :7 ; Avoth D’Rabbi Nathan 9 :1) : « Eloigne-toi d’un mauvais voisin, ne fréquente pas les gens méchants ». Le mot voisin, Chakhen, est apparenté au mot Chekina, la Présence Divine, et au mot Michkane, le Tabernacle, qui tient à la fois de la maison d’étude et de la maison de prière, comme le disent les Sages (Méguilah 29a) à propos du verset « Je leur aurais été en quelque sorte un sanctuaire » (Yé’hezkel 11 :16) : « Il s’agit des maisons d’étude et des maisons de prière ». Les Sages veulent nous faire savoir que celui qui s’est approché de la Présence Divine en recevant de ses maîtres la Torah, qui l’a étudiée, et qui refuse de suivre la voie de D. est appelé « mauvais », et donc, cher lecteur, éloigne-toi d’un mauvais voisin, éloigne-toi d’un homme qui est loin de D. et qui ne représente pas « un sanctuaire en miniature ».

Nos Patriarches s’étaient voués à transmettre à leurs descendants la sainteté, dans le sens de : « Je l’ai distingué afin qu’il prescrive à ses fils... » Ils agissaient de façon désintéressée, non pas pour être importants aux yeux de D. ou respectables aux yeux du monde, mais pour que leurs enfants après eux en fassent de même, comme le disent les Sages (Avoth I :3 ; Avodah Zarah 19a) : « Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître dans l’intention d’en être récompensés... mais de façon désintéressée ».

L’intégrité de nos Patriarches

Expliquons à présent en quoi consiste la sainteté des Patriarches. Nous voyons que D. associe son Nom au leur, comme nous le disons dans la prière : « Le D. d’Avraham, le D. d’Yits’hak, le D. de Ya’akov ». S’il en est ainsi, c’est sans aucune doute parce que les Patriarches recevaient avec amour la parole de D. et n’ont jamais contesté Sa façon de diriger le monde. Lorsque Moché dit à D. (Chemoth 5 :22) : « Pourquoi as-Tu rendu ce peuple misérable, et dans quel but m’as-Tu envoyé ?, D. lui répondit (ibid. 6 :1) : « Maintenant, tu vas voir ce que Je vais faire à Pharaon », et les Sages expliquent (Sanhédrin 111a ; Chemoth Rabah 5 :22) : « Tu as critiqué Ma façon de faire, mais Avraham ne M’a pas critiqué. Je lui ai dit : C’est la postérité d’Yits’hak qui portera ton nom (Béréchith 21 :12), et ensuite Je lui ai dit : Présente-le Moi en sacrifice, et il n’a pas protesté ». C’est que tous les Patriarches servaient D. sans se plaindre et sans poser de questions.

Les Sages disent (Béréchith Rabah 56 :12 ; Yafat Toar ibid.) : « Lorsque D. dit à Avraham : Prends Je te prie ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Yits’hak, et présente-le en sacrifice (Béréchith 22 :2), Avraham avait un argument solide à présenter devant D. Il aurait pu se baser sur ce que D. lui avait promis (ibid. 21 :12) : C’est la postérité d’Yits’hak qui portera ton nom, c’est dire que de ce fils-là doit naître tout le peuple juif, et voilà que Tu me demandes de le sacrifier ! Comment va se réaliser Ta promesse ? » Même un roi de ce monde ne revient pas sur ses promesses, à plus forte raison l’Eternel dont aucune parole n’est vaine. Bien qu’un tel argument eût été justifié et qu’Avraham eût pu au moins demander à comprendre cette contradiction, il ne l’a pas fait, il n’a pas douté des paroles de D., et Avraham a soutenu cette épreuve et « il se leva de bon matin » (ibid. 22 :3), avec diligence.

Ce faisant, Avraham Avinou surpasse Moché Rabbeinou, qui a demandé (Chemoth 5 :22) : « Pourquoi as-Tu rendu ce peuple misérable ? » et qui a porté plainte (ibid. 17 :4) : « Ils vont bientôt me lapider ». Si Moché, le plus grand de tous les prophètes (Vayikra Rabah 1 :15) n’a pas saisi et n’a pas pénétré le fond de la pensée divine, comment un simple mortel pourrait-il soutenir des épreuves aussi difficiles ? Bien qu’il s’agisse de choses très profondes qui surpassent notre entendement, nous voyons explicitement qu’Avraham n’a pas mis en cause les raisons de D., et cela, bien qu’il ait pu faire valoir des arguments justifiés.

Si nous tentons d’expliquer, pour autant que nous puissions le comprendre, l’argument qu’Avraham aurait pu avoir vis-à-vis de D., nous nous rendons compte que nous n’avons aucune idée de la vertu d’Avraham. Il avait alors cent trente-sept ans, il n’avait pratiquement aucun espoir d’avoir d’autres enfants. Il n’aspirait qu’à transmettre à ses enfants après lui, sa connaissance de la façon de servir D. Il ne se souciait pas de savoir qui hériterait de ses richesses, mais qui poursuivrait sa tradition spirituelle et il désirait tant un fils qui hériterait de ses vertus et poursuivrait ses voies sanctifiées. C’est pourquoi lorsque D. lui dit de présenter son fils Yits’hak en sacrifice, ce fut une épreuve immense. Qui allait maintenant perpétuer sa voie ? Qui prescrirait à sa descendance de servir D. de façon désintéressée ? Il aurait pu à juste titre faire valoir : Si je sacrifie mon fils, qui va proclamer Ta connaissance dans le monde ? Qu’adviendra-t-il de Ta gloire ? Qui dira : « Il n’est d’autre que Toi » (Devarim 4 :35) et « Parmi tous les dieux, aucun n’est comme Toi » (Téhilim 86 :8) ? Si personne n’observe la Torah et ses lois, le monde entier se transformera en Sodome et Gomorrhe, et qu’en sera-t-il de toutes les âmes juives qui doivent naître et pour lesquelles le monde fut créé (Béréchith Rabah 1 :1) ? Malgré toutes ces objections valables, Avraham accepta l’épreuve sans rien dire.

De même, Yits’hak son fils possédait cette qualité suprême de ne pas contester la direction divine du monde. Yits’hak était dans le même état d’esprit que son père, et de plus il était alors à la fleur de l’âge et en pleine possession de ses forces alors qu’Avraham était déjà vieux. Yits’hak aurait pu sans grand effort empêcher Avraham de le sacrifier. Mais il n’a pas bronché, il n’a pas résisté, et « ils ont marché ensemble » (Béréchith 22 :8).

Les Sages nous racontent (Béréchith Rabah 56 :11 ; Yafat Toar ad. loc.) que « lorsque Avraham attacha Yits’hak pour le sacrifier, Yits’hak dit à son père : Père, je suis jeune, je crains que mon corps ne tremble de peur en voyant le couteau et je vais te causer de la peine, peut-être le sacrifice ne sera-t-il pas effectué dans les règles et ce sera comme si tu n’avais rien fait. Lie-moi les bras et les jambes très fort. Et il lia Yits’hak son fils » (Béréchith 22 :9) car il n’est pas possible d’obliger un homme de trente-sept ans s’il n’est pas consentant, et alors « Avraham tendit la main et saisit le couteau... » (ibid. 22 :10).

Rabbi Shimon Bar Yo’haï (Zohar I, 102a) applique à Yits’hak le verset (Na’houm 1 :6) : « Le fils est respectueux de son père ». C’est dire qu’il avait, outre des arguments justifiés, la force physique de s’opposer à cet acte, mais « il alla vers le sacrifice avec joie, de tout cœur » (Béréchith Rabah 56 :3-4) et soumis comme une brebis, afin d’obéir à son père et à la volonté de D.

Pourquoi ? Parce que, si telle est la volonté de D. personne ne peut s’y opposer. Il est le Créateur, c’est Lui qui fait, c’est Lui qui décide, et Il tient tout entre Ses mains. S’il veut qu’Yits’hak soit sacrifié, qu’Avraham n’ait pas d’autres enfants, il est impossible de contrecarrer Sa volonté. Les Patriarches sont parvenus à un degré suprême de soumission à la volonté divine, si bien qu’après l’épreuve, D. dit à Avraham (Béréchith 22 :12) : « Désormais, je sais que tu crains D. car tu ne M’as pas refusé ton fils, ton unique ». C’est-à-dire, tu n’as pas protesté, bien que tu eusses pu le faire. C’est qu’il est tout à fait impossible d’être plus dans le vrai que D. La compréhension de l’homme est limitée et tout compte fait, il n’est qu’ »un peu moins que les êtres divins » (Téhilim 8 :6). Comment pourrait-il s’opposer à D. qui est Suprême, et dont la parole est Vérité et Justice ?

La Torah témoigne à propos d’Avraham : « Tu n’as pas refusé ton fils ». Le mot ‘hassakhta, est apparenté au mot ‘hochekh, l’obscurité, pour dire que les yeux d’Avraham se sont obscurcis, tant il avait d’objections valables à la pensée qu’il n’y aurait pas de peuple juif, mais cela ne l’a pas empêché d’obéir à la volonté de D. Il a repoussé tous les arguments, il n’en a tenu aucun compte, et n’a pas demandé d’explications. Tel est le sens de : « Désormais, Je sais que tu crains D. car tu n’as pas refusé ton fils », ce fils qui seul peut faire connaître Ma Bonté, ton fils tant aimé parce que tu peux lui prescrire, à lui et à ses descendants, comment Me servir, et tu as obéi à Ma voix sans poser de questions.

On en vient à Ya’akov, l’élu des Patriarches (Béréchith Rabah 76 :1). Lui non plus n’a pas mis en cause les voies de D., bien qu’il ait eu aussi des arguments valables. Après avoir reçu les bénédictions de D. dans la vision de l’échelle où D. lui dit (Béréchith 28 :15) : « Je veillerai sur toi partout où tu seras », et après avoir bénéficié des promesses divines alors qu’il était chez Laban (ibid. 31 :3) : « Je serai avec toi », il apprit qu’Essav venait lui faire la guerre accompagné de quatre cents hommes, et donc il aurait pu se plaindre et protester. Mais au contraire, Ya’akov s’est fait tout petit, disant (ibid. 32 :11) : « Je ne suis pas digne de tous les bienfaits et toutes les bontés que Tu as témoignés pour Ton serviteur ». Il craignait aussi qu’une faute n’ait peut-être diminué ses mérites et qu’il ne fût entaché d’une quelconque transgression (Brach’oth 4a ; Chabath 32a ; Bamidbar Rabah 19 :32), ce qui montre qu’il suivait la voie d’Avraham et d’Yits’hak.

Le mérite des Patriarches qui ne se sont jamais plaints nous protège jusqu’à ce jour. De même qu’ils ne posèrent aucune question, acceptèrent la volonté de D. et firent face à toutes les épreuves - même celles qui défient le bon sens et l’entendement - et n’en attribuèrent la faute qu’à eux-mêmes afin de taire en eux toute protestation, de même leurs enfants, après eux, ont hérité cette qualité de reconnaître et d’accepter la justice divine.

Comment parvenir à un tel niveau ? Comment s’en approcher, ne serait-ce qu’un peu ? Grâce à l’attachement à D.  En étant proches de Lui, on comprend parfaitement qu’il n’y a rien à redire à Sa volonté.

L’attachement à D. et à Ses voies donne la vie à l’homme, comme il est dit (Devarim 4 :4) : « Vous qui adhérez à D., vous êtes tous vivants aujourd’hui ». « Aujourd’hui » fait allusion au jour qui est entièrement bon, au jour éternel, le monde à Venir, comme le disent les Sages (Pessa’him 2) : « Le monde à Venir est semblable au jour, comme il est écrit (Zakharia 14 :7) : Ce sera un jour unique - D. seul le connaît - où il ne fera ni jour ni nuit, et c’est au moment du soir que paraîtra la lumière ». L’homme en ce monde, un monde matériel, doit se sentir attaché à D. comme s’il était dans le monde de la Vérité où tout est révélé et ouvert devant D.  Afin de ressentir cet attachement puissant, il faut surmonter les épreuves de ce monde, et rester attaché aux voies de D., comme il est écrit (Devarim 11 :22) : « afin de suivre Ses voies et de s’attacher à Lui » et « de même qu’Il est bienfaisant et miséricordieux, toi aussi, sois bienfaisant et miséricordieux... » (Sotah 14a ; Rachi Devarim 13 :5). Tels sont le but et la raison d’être de la vie de l’homme en ce monde. La Splendeur et la Gloire de D. en ce monde ne sont manifestes que grâce à ceux qui parviennent à cet attachement et aux voies de D.

Celui qui est attaché aux voies de D., ne se laisse pas subjuguer par des raisonnements rationnels, même justifiés, car il n’y a pas à changer la volonté de D. mais à l’accepter sans discuter et sans poser de questions. « Marcher dans Ses voies », c’est accepter Ses décrets et Ses raisons sans arrière-pensée.

Ce fut le cas d’Avraham, dont D. témoigne (Béréchith 26 :5) : « Avraham a écouté Ma voix et observé Ma discipline, Mes préceptes, Mes lois et Mes doctrines », et les Sages expliquent (Yoma 67b ; Rachi ad. loc.) : « Les lois, ce sont les ordonnances que le mauvais penchant et les nations du monde remettent en question, comme par exemple l’interdit de manger du porc et l’interdit de porter des vêtements faits d’un mélange de laine et de lin, qui ne sont que les décrets du Roi et des lois qu’Il impose à Ses serviteurs ». Avraham a aussi observé et pratiqué ces lois-là, et il a ancré dans le cœur de ses descendants la volonté de les accepter sans discuter.

Mais afin de pouvoir accepter et obéir à ces décrets dans un monde où « le mauvais penchant se renouvelle chaque jour en l’homme, le domine et tente de le mettre à mort » (Soucah 52a ; Kidouchin 30b ; Kala 2), il faut être attaché à D. d’un attachement fait d’amour, ressentir cet amour de tout son corps et de toute son âme, et c’est ce qui donne la force de vaincre le mauvais penchant et de pratiquer tous les commandements, de surmonter toutes les épreuves, même les plus difficiles, sans protester contre les raisons et les voies de D.  Et alors, « comme dans l’eau le visage reflète le visage » (Michley 27 :19), D. aussi aimera un tel homme, comme Il aime Ya’akov.

Dans Son amour pour nous, pour Son peuple Israël, D. vient à notre secours et Il nous donne la rédemption lorsque nous opérons un retour à Lui, grâce au mérite des Patriarches, comme le disent les Sages (Yérouchalmi Ta’anith 1 :1 ; Cho’har Tov 106 :9) : « La rédemption d’Israël vient grâce... au mérite des Patriarches et au repentir... » Et alors toute méchanceté se dissipe comme la fumée... et il ne reste que l’amour de D. pour Ya’akov. Amen !

 

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