La Torah, une eau vive pour l’homme

« Tous les puits qu’avaient creusés les serviteurs du père d’Yits’hak, au temps de son père Avraham, les Philistins les comblèrent en les remplissant de terre. Avimelech’ dit à Yits’hak : quitte-nous, car tu es beaucoup plus puissant que nous... Et Yits’hak se remit à creuser les puits qu’on avait creusés du temps d’Avraham son père et que les Philistins avaient comblés après la mort d’Avraham... » (Béréchith 26 :15-18).

Il nous faut comprendre le sens de la dispute entre les serviteurs d’Yits’hak et ceux d’Avimelech’, au sujet des puits que les serviteurs d’Yits’hak creusaient et que ceux d’Avimelech’ comblaient. Pour quelle raison ont-ils bouché ces puits et pourquoi cette dispute ? En quoi ces puits dérangeaient-ils les serviteurs d’Avimelech’ ? En effet, quiconque avait soif pouvait s’y abreuver et l’eau de ces puits ne pouvait qu’être un bienfait pour les individus et la communauté, aussi bien que pour le gros et menu bétail.

Nous devons aussi comprendre pourquoi Avimelech’ chassa Yits’hak en lui disant : « Quitte-nous car tu es beaucoup plus puissant que nous ». Un traité de paix avait déjà été signé depuis longtemps entre Avraham et Avimelech’, comme il est écrit (Béréchith 21 :27) : « Ils conclurent mutuellement une alliance ». Pourquoi soudain, Avimelech’ s’en prend-il au fils d’Avraham et le renvoie-t-il de chez lui ?

Nous savons que « les gestes des pères sont des exemples pour leurs enfants » (Sotah 34a). Tout ce que les Patriarches ont fait fut transmis en héritage à leurs descendants. Et nous savons qu’Avraham s’est voué toute sa vie à répandre la connaissance de D.  Yits’hak et Ya’akov aussi ont converti les gens à la connaissance de D., comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 84 :2) : « Ya’akov fit des convertis, de même qu’Yits’hak », et ils enseignaient à tous les lois de la Torah et la façon de servir D. correctement.

C’est pour cette raison qu’une dispute éclata entre les serviteurs d’Avimelech’ et ceux d’Yits’hak. Car Yits’hak fondait des maisons d’étude et des Yéchivoth en tout lieu afin d’enseigner au peuple « la parole de D. qui est Loi » (Chabath 138b). « La Torah est appelée vie » (Avoth D’Rabbi Nathan 34 :10), « elle est un élixir de vie pour le monde » et « un puits d’eau vive » (Brach’oth 56b). Telle est la signification des puits qu’Yits’hak a creusés. Beaucoup de gens venaient s’abreuver à ces puits - ces Yéchivoth - apprendre la parole de D.  Yits’hak leur enseignait clairement le service de D., ce qui éveilla la colère d’Avimelech’ et de ses serviteurs. Ils jalousaient Yits’hak et ses nombreuses activités spirituelles, et c’est pourquoi ils cherchaient à l’handicaper en fermant (en comblant) les lieux d’enseignement de la Torah afin de décourager ceux qui souhaitaient se convertir. Le mot Béer, puits, a la même valeur numérique que le mot Guer, converti. Les hommes qu’Yits’hak convertissait, devenaient érudits et riches, car on sait que la richesse accompagne la Torah, comme il est écrit (Michley 3 :17) : « Ses sentiers aboutissent à la richesse et aux honneurs », et comme le disent les Sages (Avodah Zarah 19b) : « Quiconque s’attache à la Torah voit ses biens prospérer » et (Tan’houma Ki Tissa 28) : « La Torah est la source de ses revenus, il s’enrichit et réussit ce qu’il entreprend ». Pour toutes ces raisons, Avimelech’ et ses serviteurs jalousaient Yits’hak, et c’est pourquoi ils ont comblé de terre les puits d’étude de la Torah.

Mais Yits’hak ne s’est pas laissé décourager et n’a en rien réduit ses activités. Il est allé ailleurs ouvrir une autre Yéchivah. Les serviteurs d’Avimelech’ l’y suivirent, et là aussi mirent des entraves sur son chemin, mais en vain. Voyant qu’Yits’hak réussissait en tout et qu’il était invincible, Avimelech’ le chassa du pays des Philistins, lui disant : « Quitte-nous car tu es beaucoup plus puissant que nous » grâce à  ces gens qui deviennent tes adeptes. Si tu continues ainsi, il ne restera plus personne ni dans mon peuple ni dans ma famille pour perpétuer l’alliance contractée avec Avraham ton père. Avimelech’ ne dit cela que parce qu’il jalousait la réussite d’Yits’hak et sa popularité ; en effet quel mal y a-t-il donc à ce que tous les Philistins croient en D. ? Avimelech’ lui-même croyait en D. comme il est écrit (Béréchith 26 :28) : « Nous n’avons aucun doute que D. est avec toi ». S’il n’avait pas cru en D. comment aurait-il reconnu que D. protège Yits’hak ? Mais sa jalousie envers Yits’hak l’a rendu insensé, comme le disent les Sages (Avoth IV :21 ; Pirkey D’Rabbi Eliézer 13) : « La jalousie, les désirs, l’amour des honneurs abrègent la vie de l’homme ». Il renvoya Yits’hak pour cette seule raison.

Avimelech’ a transmis cette jalousie et cette haine des Juifs au monde entier. La preuve de cette haine est flagrante : peu leur importe si un non-juif réussit à s’enrichir (ils ne font rien à son encontre), mais lorsqu’ils voient un Juif érudit ou riche, qui réussit dans tout ce qu’il entreprend, ils le jalousent, ils le chassent, ils lui font honte. Même si un Juif est pauvre, ils ne le laissent pas en paix, et ils lui reprochent le fait même de respirer (aujourd’hui aussi, nous sommes entourés par de nombreuses nations qui ne veulent que notre destruction, tant ils nous haïssent). Tout cela est la conséquence de la jalousie qu’Avimelech’ a ancrée en ses descendants parce qu’il voyait d’un mauvais œil la réussite d’Yits’hak et de ses descendants, et cela malgré le traité de paix contracté entre Avimelech’ et Avraham. C’est qu’Avimelech’ ne voulait pas qu’Yits’hak réussisse, simplement parce qu’il était Juif ! (Cette idée est tirée du commentaire de la Torah du Rav Yéhouda Nah’choni).

La conduite d’Yits’hak est un enseignement et une leçon de morale pour chacun. Celui qui veut apprendre la Torah, ou qui revient à D. et veut pratiquer les commandements doit savoir que le Satan et ses cohortes le guettent pour l’en empêcher et le faire échouer, comme il est écrit (Téhilim 37 :32) : « Le méchant guette l’homme vertueux, il cherche à le mettre à mort », et comme le disent les Sages (Kidouchin 30b) : « Le mauvais penchant de l’homme prend le dessus chaque jour, et cherche à l’anéantir ». Il faut surmonter bien des épreuves difficiles, soit à cause d’un manque de revenus, soit à cause d’une maladie ou autres difficultés, mais il ne faut pas écouter les conseils du mauvais penchant et quitter le droit chemin. Il faut surmonter ces épreuves, tenter sa chance ailleurs, comme Yits’hak qui partit ailleurs, car « la délivrance et le salut surgiront d’ailleurs pour les Juifs » (Esther 4 :14) et savoir qu’en fin de compte on trouvera le repos, comme Yits’hak lorsqu’il creusa le dernier puits qui ne lui fut pas contesté et qu’il appela Reh’ovot... « car D. nous a élargis et nous prospérerons dans la contrée » (Béréchith 26 :22). Effectivement ! Il faut se renforcer et surmonter les premières entraves et avoir confiance en D., même si les épreuves s’accumulent et que nous sommes obligés de nous exiler. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que lorsque le Satan voit qu’il ne réussit pas à dominer quelqu’un, il l’accuse et le calomnie jusqu’à lui faire perdre le repos, mais si l’on surmonte ces épreuves, on en est grandement récompensé.

Nous tirons cet enseignement du comportement d’Yits’hak concernant les puits. Les puits d’eau font allusion aux gens qu’il a amenés sous la protection de D. et auxquels il a enseigné la Torah qui est appelée « eau », comme il est écrit (Ichaya 55 :1) : « Vous qui avez soif, venez, voici de l’eau » et les Sages expliquent (Baba Kama 17a ; Tana D’Bey Eliyahou Rabah 2 :18) : « Il n’y a d’eau que la Torah ». Yits’hak a souffert à cause des serviteurs d’Avimelech’ qui le dérangeaient dans son travail, qui fermaient les lieux où il enseignait la Torah et la connaissance de D. Yits’hak, sans peur, se rendit ailleurs, mais partout les serviteurs d’Avimelech’ continuaient de le déranger dans son travail. Yits’hak n’en fut pas pour autant découragé, il a simplement poursuivi ailleurs, malgré les tentatives de lui faire renoncer à ses activités religieuses. Avec courage et fierté, il surmonta toutes les épreuves qui l’assaillaient afin de propager et de renforcer la connaissance de la Torah. Bien qu’en fin de compte Avimelech’ l’ait chassé de son pays, il continua à creuser des puits, à fonder des institutions de Torah, sans se laisser aller au désespoir ni au découragement (Il faut signaler que le nom du dernier puits, Reh’ovot, a la même valeur numérique que le mot Torah ajouté aux lettres y et a qui sont les premières lettres des mots Yits’hak Avinou, ce qui indique par allusion qu’Yits’hak a continué à s’occuper de Torah et à instituer des lieux d’étude ouverts à tous).

Nous devons maintenant expliquer le propos des Sages : « Il n’y a d’eau que la Torah », ce qui nous permettra de mieux comprendre les activités d’Yits’hak. Nous savons que celui qui est dépourvu de Torah est semblable à un récipient vide. Même s’il est riche et respecté, s’il n’a pas de connaissance de la Torah, il ressent au fond de lui-même un manque. Le seul moyen de combler ce manque est d’aller vers la Torah, vers l’eau qui symbolise la Torah, comme il est écrit : « Vous qui avez soif, venez, voici de l’eau... »

C’est une chose merveilleuse, pourtant il est difficile de comprendre pourquoi il est dit « venez » vers l’eau, alors qu’il aurait fallu dire « buvez » de l’eau ?

Pour expliquer cela, citons ce qu’écrit le doux chantre d’Israël (Téhilim 34 :9) : « Goûtez et sentez combien D. est bon ». Pourquoi « goûtez » ? Lorsque l’homme ne ressent pas le bonheur de vivre, sa vie n’a pas de goût, et il lui est conseillé de goûter le goût de la Torah, car « la Torah est ce qui est bon » (Avoth 6 :3 ; Brakh’oth 5a). Il ressentira immédiatement des prémices de bonheur. De même, quiconque a soif de connaître la Torah et ressent un certain manque, qui cherche un goût à la vie, doit aller vers l’eau, vers la maison d’étude, même sans étudier. Là, il verra des rangées d’hommes plongés dans les paroles de Torah, oublieux de leur situation financière et de la pauvreté dans laquelle ils vivent, et heureux d’étudier la Torah comme le jour où elle fut donnée au Mont Sinaï. Il est certain que cela éveillera dans son âme l’amour de la Torah.

L’homme qui est loin du Judaïsme et d’une vie réglée par la Torah, ressemble à celui qui vit dans une pièce sombre et risque d’être aveuglé s’il sort tout à coup au moment où le soleil est le plus brillant, car ses yeux ne sont pas habitués à la lumière. Il doit ouvrir la porte petit à petit, jusqu’à s’habituer à la lumière du soleil et alors elle ne lui causera pas de mal. De même, afin d’aborder une vie de Torah, il faut restreindre ses attaches aux affaires de ce monde et se rendre de temps en temps à la maison d’étude pour voir de ses propres yeux comment les gens y étudient, et ainsi s’habituer à entendre les paroles de Torah. Même si tout d’abord il n’est pas motivé, il finira par l’être  (Pessa’him 50b ; Kala 8 ; Yérouchalmi ‘Haguigah 1 :7), et il parviendra à se rapprocher de D.

« Voyez et goûtez... » dit David HaMelekh. Si tu te trouves dans l’obscurité et que tu ignores le goût de la Torah, ne multiplie pas les jeûnes et les mortifications. Si seulement tu pouvais savourer un peu le goût de la Torah, voir ceux qui l’étudient, tu t’habituerais toi-même à la pratiquer. C’est aussi ce que dit le prophète : « Vous qui avez soif, venez, voici de l’eau ». Il ne dit pas : « venez boire de l’eau », car celui qui a très soif (le mot en Hébreu indique par onomatopée que la soif brûle en lui et le fait soupirer...) risque de s’étrangler s’il boit d’un seul coup. Il faut tout d’abord qu’il aille vers l’eau, qu’il la voie, qu’il la regarde, ce qui réduira quelque peu la tension de sa soif et il se sentira déjà un peu mieux sachant qu’il a de quoi boire... qu’il ne va pas mourir de soif, et ce n’est qu’après qu’il pourra boire, à petites gorgées.

Il en est de même pour celui qui a soif de Torah. S’il se plonge tout à coup dans la Torah qu’il ne connaît pas, il risque de se noyer. Il doit progresser pas à pas, tout d’abord en s’approchant de la maison d’étude, et en pratiquant quelques commandements. Lorsqu’il commence à voir et à comprendre la vérité de la Torah, il en vient à la connaissance de D. C’est pourquoi la Torah dit (Vayikra 26 :3) : « Si vous marchez dans Mes voies... » désignant une marche, « faites des efforts dans les voies de la Torah » (Torat Kohanim ad. loc.). Tout d’abord il faut aller vers l’eau, vers la Torah, et ensuite, si vous faites cet effort, et au lieu de vous rendre dans des lieux de divertissements et des « assemblées de railleurs » (Téhilim 1 :1), vous vous rendez dans la maison d’étude, vous vous rendrez compte que D. est bon. Et alors vous pratiquerez les commandements de bon gré, et non pas par obligation, avec amour de la Torah et de D.

Selon le Zohar (II, 82b) « les six cent treize commandements indiquent à l’homme comment vivre en ce monde et comment y organiser sa conduite pour devenir un homme de D. » C’est donc que celui qui marche dans la voie de la Torah et qui, de tout son être, aspire aux eaux de la Torah, en vient nécessairement à remplir ces conditions. Celui qui désire goûter et boire les paroles purificatrices de la Torah, est aidé du Ciel, comme il est dit (Chabath 104a ; Yoma 38b ; Pessikta Zouta Bo 10 :11) : « Celui qui vient se purifier est aidé du Ciel ».

 

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