La voix est la voix de Ya’akov et les mains sont les mains d’Essav

« Et Rivka prit les plus beaux vêtements d’Essav son fils aîné, qui se trouvaient sous sa main dans la maison, et elle en revêtit Ya’akov son plus jeune fils » (Béréchith 27 :15).

Chacun peut comprendre qu’elle a agi de la sorte parce que Ya’akov avait peur, comme il dit (ibid. v. 12) : « Si par hasard mon père me tâte, je passerai à ses yeux pour un trompeur... » car Ya’akov avait la peau lisse et Essav était un homme velu. Sa mère l’habilla d’une peau de fourrure, pour le faire ressembler à Essav.

1. Pourquoi Ya’akov craignait-il que son père ne le tâte, alors qu’il ne craignait pas qu’Yits’hak reconnaisse sa voix, différente de celle d’Essav. Effectivement Yits’hak constata : « La voix est la voix de Ya’akov » (ibid. v. 22). Pourquoi n’a-t-il pas essayé de changer sa voix lorsqu’il se présenta devant son père ?

2. Quoi qu’il en soit, comment se fait-il qu’Yits’hak, en disant « la voix est la voix de Ya’akov, les mains sont les mains d’Essav », n’ait pas compris que Ya’akov le trompait ?

C’est que Ya’akov ne craignait pas qu’Yits’hak ne reconnaisse sa voix, car souvent Essav imitait la voix et les intonations de Ya’akov lorsqu’il se trouvait auprès de son père. C’était une de ses nombreuses tromperies pour cacher sa brutalité et se faire passer pour un homme aussi vertueux que Ya’akov.

Il agissait ainsi (sous le couvert de la voix de Ya’akov et à son détriment) pour se faire aimer d’Yits’hak. Il est possible que ce soit le sens du verset (ibid. 25 :28) : « Yits’hak aimait Essav car il lui apportait du gibier... » non pas qu’Yits’hak l’aimait vraiment, mais parce qu’Essav rusait pour gagner sa préférence.

Pour cette raison, Ya’akov ne craignait pas de parler avec sa propre voix, qu’Yits’hak avait l’habitude d’entendre même dans la bouche d’Essav. Par contre, Ya’akov craignait qu’Yits’hak ne le reconnût au toucher et ne se mît en colère. C’est pourquoi il se revêtit de vêtements de fourrure pour se présenter devant son père.

Tout d’abord, Yits’hak ne fut pas étonné par la voix de Ya’akov, qu’il avait l’habitude d’entendre. Mais lorsque Ya’akov dit : « L’Eternel ton D. m’a donné bonne chance » (ibid. 27 :20) il fut surpris d’entendre la mention du Nom de D. qu’Essav n’avait pas l’habitude d’invoquer (Béréchith Rabah 65 :19). Yits’hak s’est rendu compte que ce n’était pas Essav mais bien Ya’akov qui était devant lui. Et alors, il lui dit : « Approche-toi, que je te tâte, mon fils, pour savoir si tu es mon fils Essav ou non » (verset 21), et il constata : « La voix est la voix de Ya’akov et les mains sont les mains d’Essav », il invoque peut-être le Nom de D. comme Ya’akov... mais les mains sont les mains d’Essav. Et c’est alors qu’il le bénit de toutes les bénédictions.

Cette hypothèse est confirmée par le Ramban qui, à propos du verset : « Si par hasard mon père me tâte... » (ibid. 27 :12) écrit : « il est possible d’imiter la voix d’un autre ».

Yits’hak n’avait pas reconnu Ya’akov parce que ses mains étaient velues, mais il avait des soupçons, et les Sages disent (Béréchith Rabah 65 :18, Zohar I, 147a) : « Lorsque Ya’akov entra chez Yits’hak, l’odeur du Jardin d’Eden l’accompagnait ». Les vêtements d’Essav étaient imprégnés de l’odeur de ses fautes et de ses péchés... tandis que les vêtements de Ya’akov avaient l’odeur du Jardin d’Eden et Yits’hak s’exclama (ibid. 27 :27) : « Voyez ! l’odeur de mon fils est pareille à l’odeur d’un champ béni par l’Eternel ! ». Non seulement ses vêtements, mais les plats qu’il servit avaient une odeur divine, comme le disent les Sages (Béréchith Rabah 67 :3) à propos du verset « J’ai mangé de tout avant ton arrivée » (Béréchith 27 :33) : « J’ai goûté à toutes les délices réservées pour l’autre monde ». Lorsque Yits’hak se rendit compte du subterfuge et qu’il réalisa que c’était Ya’akov qui se trouvait devant lui, il en fut très heureux, car il comprit que dorénavant c’est lui qui méritait de recevoir toutes les bénédictions, et de plus : « Il restera béni ! » (verset 33). Sa joie fut si grande que non seulement il n’a pas retiré ses bénédictions, mais les a confirmées.

Nous savons (Ora’h ‘Hayim 240 :14 ; Rambam Halakhoth Déot 4 :19) que quiconque a une émission de sperme inutile ou qui abuse de relations sexuelles a une mauvaise odeur corporelle, et cela entache aussi son âme. Pourtant ici, nous voyons que Ya’akov avait une bonne odeur, semblable à celle d’un champ béni par D., et effectivement les Sages disent de lui (Yébamoth 76a ; Béréchith Rabah 79 :1) que « de sa vie il n’eut pas d’émission inutile », comme il est écrit (Béréchith 49 :3) : « Réouven, tu fus mon premier-né, ma force et les prémices de ma vigueur ». Il faut rappeler que Ya’akov avait déjà soixante-trois ans lorsqu’il reçut solennellement les bénédictions d’Yits’hak (Méguilah 17a), et pourtant il émanait toujours de lui, de son corps, de son esprit et de son âme, une bonne odeur.

Ce récit fait allusion à la Torah et aux qualités qu’elle requiert d’un homme. La voix de Ya’akov est la voix de la Torah, et la bonne odeur qui émane de lui provient de ses vertus. Mais il ne faut pas croire qu’il suffise d’étudier la Torah dans une Yéchivah pour être quitte de ses obligations envers D. et envers soi-même. Le but essentiel de l’étude est l’acquisition de vertus, car « la bonne conduite précède l’acquisition de la Torah » (Vayikra Rabah 9 :3). Il faut se pénétrer des valeurs morales qui sont comme le parfum de la Torah, et alors la voix de Ya’akov est effectivement la voix de la Torah, pure et agréable comme l’odeur d’un champ béni qui remplit le corps, l’esprit, et l’âme.

Ceci nous permet de comprendre autre chose.

Il est écrit (Béréchith 25 :28) : « Rivka aimait Ya’akov ». Cela demande une explication. Essav n’est-il pas aussi son fils ? N’est-il pas étonnant qu’elle n’aime que Ya’akov ?

Ya’akov est supérieur à Essav, puisque « la voix est la voix de Ya’akov et les mains sont les mains d’Essav », et donc il est naturel qu’il soit le préféré. Rivka a bien tenté de corriger Essav, puisqu’à la fin de notre section, il est écrit (Béréchith 28 :2) : « Rivka, la mère de Ya’akov et d’Essav ». Ne savons-nous pas déjà qu’elle est leur mère et qu’elle les a enfantés tous les deux ? Il faut noter que Rachi dit au sujet de ce verset : « Je ne sais pas ce que la Torah veut nous enseigner par là ».

Faut-il croire que Rachi ne savait pas comment expliquer le sens de ce verset, ou bien qu’il a voulu, dans sa grande modestie, laisser à d’autres moins connus que lui la possibilité de l’expliquer ?

Il est possible que la Torah veuille laisser entendre que Rivka avait plus d’amour pour Ya’akov que pour Essav, mais qu’elle aimait aussi Essav malgré ses défauts, et sûrement, elle ressentait envers lui la miséricorde d’une mère envers son fils.

Nous avons une preuve flagrante de l’amour de Rivka lorsqu’elle dit à Ya’akov qui s’apprêtait à aller à Haran (ibid. 27 :45) : « Pourquoi perdre deux fils en un seul jour ? » Si chacun attaque l’autre et le tue, cela me causera une double douleur. Si l’on voulait supposer que Rivka n’aimait que Ya’akov et ne craignait que pour lui, que lui importe que Ya’akov tue Essav ? Et donc la Torah nous dit : « La mère de Ya’akov et d’Essav » pour signifier que, tout en préférant Ya’akov, elle a aussi enfanté Essav et elle ressent pour lui aussi l’affection d’une mère, car il est dans la nature des parents d’avoir de la compassion envers leurs enfants même s’ils sont méchants et malfaiteurs, et c’est pourquoi elle craignait de perdre ses deux fils en un seul jour. Il est possible aussi que si Rivka avait eu encore plus d’amour et de compassion envers Essav, il aurait pu corriger sa mauvaise conduite. Il faut supposer qu’elle avait tenté de le corriger et qu’elle désirait le voir changer, mais constatant qu’elle n’avait pas réussi et que « la voix est la voix de Ya’akov et les mains sont les mains d’Essav », elle a éloigné Ya’akov de son frère afin qu’il ne subît pas sa mauvaise influence.

Quelle est la bonne conduite ?

La voix est la voix de Ya’akov, c’est-à-dire de la Torah, et la bonne odeur représente les vertus. Il ne suffit pas d’apprendre la Torah, même en Yéchivah, mais il faut aussi acquérir des qualités morales, car la bonne conduite précède la connaissance de la Torah.

 

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