La haine d’Essav - S’éloigner d’un mauvais voisin

« Il apprêta lui aussi, un ragoût et le présenta à son père en disant : Que mon père se lève et mange... et Yits’hak lui demanda : Qui es-tu ? Il répondit : Je suis ton fils, ton premier-né, Essav... » (Béréchith 27 :31-32).

Il y a lieu de s’étonner. Comment se fait-il qu’Yits’hak n’ait pas reconnu la voix de son fils aîné Essav, et qu’il ait dû lui demander : Qui es-tu?

Il faut se demander comment Essav ose se présenter comme le premier-né, alors qu’il avait vendu son droit d’aînesse à Ya’akov (ibid. 25:33) et qu’il dédaignait ce droit (verset 34), ce qui sûrement n’avait pas échappé à son père ?

Il faut aussi se demander pourquoi Yits’hak dit à Essav : « Ton frère a usé de subterfuge et a pris ta bénédiction » (verset 35) ? Yits’hak n’aurait-il pas dû garder le silence pour ne pas allumer le feu de la haine entre les frères ? En effet, la haine d’Essav envers Ya’akov est devenue immuable après cet épisode : « C’est une loi, Essav hait Ya’akov » (Sifri Beha’alote’ha 9 :10), une haine dont nous souffrons jusqu’à ce jour. Pour quelle raison Yits’hak provoque-t-il une telle situation par ses paroles ?

Si quelqu’un ressent le regret de ses fautes et veut se repentir mais n’utilise pas toutes ses capacités pour donner suite à cette prise de conscience et entreprendre de corriger ses fautes, il perd à coup sûr l’image de D. qui est en lui, et ses traits se déforment d’autant plus.

Il est possible de supposer qu’Yits’hak vit Essav revenir de la chasse et lui préparer un plat, mais là la Torah ne précise pas qu’il prépara un mets « comme l’aime son père « , ce qui indique qu’il cherchait à tromper son père, à lui faire croire qu’il s’était repenti, ce qui n’était pas le cas. En trompant et lui-même et son père, il a détruit son âme au point de n’être plus identifiable, de sorte que même son père lui demande : « Qui es-tu ? » Et en lui répondant « Je suis ton fils, ton aîné, Essav », il voulait dire : Je désire reprendre mon droit d’aînesse car je me suis repenti de tout cœur de mes agissements... En entendant cela « Yits’hak son père fut saisi d’une très grande frayeur » (verset 33), car « il vit l’enfer ouvert sous ses pieds » (Béréchith Rabah 65 :22, 67 :1). Les Sages nous enseignent que « les hommes méchants, même au seuil de l’enfer, ne regrettent pas leurs fautes » (Yirouvin 19a). Yits’hak comprit qu’il n’y aurait jamais de paix entre les deux frères, et qu’il était préférable de les séparer tout de suite. Il demanda « quel est cet autre qui a pris du gibier et me l’a apporté ? » (verset 33). Le mot Mi (« qui »), d’une valeur numérique de cinquante, fait allusion aux quarante jours du don de la Torah et aux dix commandements qui ne furent donnés qu’à Israël. « Ce mot désigne celui qui va plus tard recevoir la Torah qui fut donnée en quarante jours » (Mena’hoth 99b), et qui a accepté les dix commandements avec amour et avec crainte. Celui-là t’a précédé et m’a apporté du gibier - la pratique des commandements et des bonnes actions - j’y ai goûté le goût et l’odeur du Jardin d’Eden et je l’ai béni. Et bien, « il restera béni ». Je ne lui retire pas mes bénédictions, elles lui sont transmises en don inaliénable.

Depuis le début de cet épisode jusqu’à ce moment-là, Yits’hak n’a pas du tout prononcé le nom de Ya’akov... Le Emek Davar signale qu’Yits’hak n’avait pas encore révélé à Essav qu’il s’agissait de Ya’akov, car cela aurait été de la médisance. Il espérait toujours, et peut-être encore à ce moment, qu’Essav voudrait bien se repentir et accepterait que les bénédictions fussent l’apanage de ce « chasseur de gibier ». Mais Yits’hak a pu constater que ses paroles ne faisaient aucun effet sur Essav (le propre des gens méchants est de rester attachés à leur méchanceté, et même au seuil de l’enfer ils ne se rétractent pas). Lorsqu’ »Essav éclata en sanglots » (verset 38), ce n’était pas par regret d’avoir perdu la vie éternelle mais plutôt les bienfaits de ce monde. Et alors Yits’hak dévoile le fond de sa pensée - qu’il ne convient pas à ces deux frères de vivre ensemble, au contraire. Il est juste que la haine et une profonde animosité les séparent pour le reste des temps, une haine si grande qu’elle ne faiblira pas et ne disparaîtra pas, même après de nombreuses années, et cela afin que Ya’akov et ses descendants après lui ne soient pas influencés par Essav et ses pareils. Et alors Yits’hak lui dit donc ouvertement : Ton frère est venu par ruse et il a pris ta bénédiction ». Il lui révèle qu’il s’agit de Ya’akov, mettant ainsi fin à leur amour fraternel pour toutes les générations futures, afin de séparer pour toujours les méchants des vertueux et mettre une barrière entre les nations et les Juifs.

Essav pensait que dorénavant Ya’akov serait dépendant de lui pour ses besoins matériels, et qu’il lui serait asservi pour toujours... Et voilà qu’il entend de la bouche de son père que Ya’akov a reçu non seulement le monde à Venir, mais aussi « ta bénédiction », la réussite en ce monde ! De plus « Je l’ai placé au-dessus de toi, j’ai fait de tous tes frères ses esclaves » (verset 37) et « tout ce qu’un esclave acquiert appartient à son maître » (Béréchith Rabah 67 :5), c’est donc Ya’akov qui domine !

La chose déplut profondément à Essav. Si Ya’akov hérite des deux mondes, « il m’a supplanté deux fois », que peut faire Essav maintenant? Il insiste pour que son père le bénisse lui aussi : « Ne te reste-t-il pas une bénédiction ? » (verset 36), et alors Yits’hak lui promet : « Après avoir plié sous le joug, ton cou s’en affranchira » (verset 40), « tant qu’Israël est attaché à la Torah, il ne tombe pas en enfer » (Chemoth Rabah 51 :8), « tant qu’Israël obéit à la volonté de D., aucune nation étrangère ne peut le dominer » (Ketouboth 66b, Avoth D’Rabbi Nathan 34 :4), mais « si tu vois que ton frère se libère du joug de la Torah, tu peux lui déclarer la guerre et le dominer » (Béréchith Rabah 67 :7) et alors tu t’affranchiras de son joug.

Cela nous montre que seul le joug de la Torah, sa pratique et son étude, protègent Ya’akov et ses descendants, les empêchent de tomber sous l’emprise d’Essav, comme disent les Sages (Béréchith Rabah 65 :20) : « Lorsque la voix de Ya’akov se fait entendre dans les maisons de prière et d’étude, les mains d’Essav ne le dominent pas ». Si par malheur, ils abandonnent la Torah, Essav s’affranchira du joug de son frère, et continuera à faire souffrir Israël comme il en a l’habitude, comme le disent les Sages (Bamidbar Rabah 19 :11) : « de tout temps Amalek sert de fouet pour Israël » - il les frappe afin qu’ils se repentent sincèrement de leurs fautes.

Tel est de tout temps le rapport entre Ya’akov et Essav : ou bien l’un est esclave de l’autre, ou bien il le domine. C’est ce que disent les Sages (Méguilah 6a) : « Si l’on te dit que Jérusalem et Rome sont toutes deux détruites, ne le crois pas. Que toutes deux sont prospères, ne le crois pas. Que l’une est détruite et l’autre prospère, cela tu peux le croire, car il est dit : Je vais être comblée, puisqu’elle est ruinée (Yé’hezkel 26 :2) : lorsque l’une est comblée, l’autre est ruinée, comme il est dit (Béréchith 25 :23) : un peuple dominera l’autre ».

Nous voyons là l’importance de la bénédiction donnée par Yits’hak à ses enfants en ce qu’elle provoqua dans le cœur d’Essav une haine profonde de Ya’akov, afin qu’ils ne se fréquentent pas et que les enfants de Ya’akov n’apprennent pas à imiter la mauvaise conduite d’Essav. C’est ainsi que Yits’hak veille de très loin sur Ya’akov et ses descendants, pour tous les temps.

 

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