Le renouvellement de l’œuvre de la création; Un acte de bienveillance

L’épreuve, purification du corps et de l’âme

Il est écrit (Béréchith 28:10): « Et Ya’akov quitta Béer Cheva et se rendit à Haran ». Mais il ne se rendit pas immédiatement à Haran, « il s’est attardé en route, et pendant quatorze ans il a étudié la Torah dans la Yéchivah de Chem et Ever » (Méguilah 17a).

Ce verset ainsi que son commentaire demandent à être expliqués.

Pourquoi n’est-il pas dit « Ya’akov alla de Béer Cheva à Haran »? Et surtout, comment expliquer que Ya’akov ne s’est pas rendu tout de suite à Haran, car en fait, il se rendait à Haran pour chercher une épouse, et dans ce cas, pourquoi a-t-il tardé pendant quatorze ans, ce qui n’était pas conforme à l’ordre reçu de son père?

Rachi rapporte les paroles des Sages (Béréchith Rabah 68:6) dans son commentaire sur ce verset: « Lorsqu’un Juste quitte un lieu, son départ laisse une marque profonde… Lorsqu’il part, la splendeur, la gloire et la beauté quittent la ville ». Il est difficile de le comprendre, car seul Ya’akov a quitté Béer Cheva, Yits’hak s’y trouvait encore. Pourquoi la gloire, la splendeur et la grandeur d’Yits’hak n’ont-elles pas comblé le vide laissé par le départ de Ya’akov? Est-ce que seul Ya’akov avait des qualités telles, que Rachi ressente le besoin de faire remarquer qu’il est écrit (littéralement) « il sortit » et non pas « il est allé »?

Pourquoi Ya’akov doit-il aller lui même à Haran se marier? Yits’hak aurait pu envoyer un émissaire avec la mission de trouver une femme pour son fils, comme le fit Avraham lorsqu’il envoya son fidèle serviteur Eliézer et lui dit : « Va dans mon pays natal prendre une femme pour mon fils, pour Yits’hak… «  (Béréchith 24:4).

Présentons tout d’abord la version du Zohar (Le’h Le’ha I, 77b):

« Avraham sortit de Our Kassdim sur l’ordre de D., dans le but de corriger sa personnalité, de perfectionner ses qualités, et pour parfaire son service de D. Ce n’est que grâce à ses efforts personnels qu’il parviendra à l’épanouissement des qualités qui lui manquent ».

Or Ya’akov possédait toutes les qualités, au point qu’il est dit de lui: « il est le plus parfait et le plus digne des Patriarches » (Béréchith Rabah 76:1; Zohar I, 119a). La Torah le décrit comme « un homme intègre » (Béréchith 25:27), « qui approfondissait sa connaissance et son service de D. dans les maisons d’étude de Chem et Ever » (Béréchith Rabah 63:15). Yits’hak connaissait les qualités de Ya’akov, mais il lui manquait pourtant quelque chose; il n’avait pas été mis à l’épreuve en dehors de la maison d’Yits’hak.

Nous savons qu’ »Avraham fut éprouvé et surmonta toutes les épreuves » (Avoth V:3). Il a même été au-devant des épreuves, pour enseigner le courage à ses descendants. Avraham « s’est laissé jeter dans la fournaise ardente afin de sanctifier le Nom de D. et en fut sauvé » (Béréchith Rabah 38:19). Surtout il est dit de lui (Béréchith 21:33): « Là, il invoqua le Nom de l’Eternel, Maître du monde », c’est-à-dire qu’il « enseigna aux gens à invoquer le Nom de D. » (Sotah 10b; Béréchith Rabah 39:24). Partout où il allait, et malgré des épreuves et des difficultés énormes, il s’occupait de répandre la connaissance de D. dans le monde. Yits’hak agit de même, il convertit les gens (Béréchith Rabah 84:2), surmonta l’épreuve du sacrifice avec un parfait don de soi, au point qu’il fut appelé « un sacrifice parfait » (Béréchith Rabah 64:3). Il hérita des bénédictions de D. à Avraham, comme il est écrit (Béréchith 25:11): « Après la mort d’Avraham, D. bénit Yits’hak, son fils », et les Sages expliquent (Béréchith Rabah 61:6): « Après la mort d’Avraham, les bénédictions divines furent transmises à Yits’hak ».

Il est vrai que Ya’akov aussi convertissait les gens (Béréchith Rabah 84:2), qu’il était intègre et entier, comme il est dit: « Tu as donné la vérité à Ya’akov » (Mich’a 7:20), et toutes les bénédictions données à ses pères s’appliquent à lui et à ses descendants, mais il n’avait pas encore eu à affronter des obstacles, et il n’avait pas encore été mis à l’épreuve pour savoir s’il serait capable de les surmonter ou non. C’est pourquoi Yist’hak lui demanda de faire preuve de courage et d’aller lui-même à Haran (ce qui répond à la troisième question), ce lieu qui fait l’objet de la colère de D., et là de faire face à la masse et de se renforcer dans le service de D., en surmontant victorieusement les grandes épreuves qu’il allait affronter dans la maison de Lavan.

Effectivement, Ya’akov subit chez Lavan beaucoup d’épreuves. Celui-ci lui donna une autre épouse que celle pour laquelle il avait travaillé pendant sept ans, comme il est écrit (Béréchith 29:25): « Or le matin, il se trouva que c’était Léah… N’est-ce pas pour Ra’hel que je t’ai servi? Pourquoi m’as–tu trompé? » Lavan l’a aussi trompé concernant son salaire, comme Ya’akov en fit la remarque à ses épouses (ibid. 31:7): « Votre père s’est joué de moi et a changé mon salaire dix fois ». Lorsque Ya’akov était en route pour se rendre chez Lavan, Eliphaz l’attaqua dans l’intention de le tuer, mais Ya’akov l’a convaincu de se satisfaire en prenant ses biens (Séfer Hayachar Vayetsé 29:14), si  bien qu’il arriva chez Lavan dénué de tout. Pour cette raison, Lavan ne voulait pas l’accueillir (Méam Loez Vayetsé, ad. loc. Yalkout Chimoni 124). Bien qu’il lui ait dit: « Quoi! Parce que tu es mon parent, tu me servirais gratuitement? » (Béréchith 29:15), et (verset 14): « Tu n’es rien moins que mon corps et ma chair », « dès le premier mois, Lavan lui jeta des os comme à un chien » (Meam Loez ibid.). Avant de rencontrer Essav, « Un homme lutta avec lui jusqu’au lever du jour » (Béréchith 32:25), et comme nous le savons, « Ya’akov lutta contre un ange, l’ange d’Essav » (‘Houlin 91a; Béréchith Rabah 78:6). Mais Ya’akov surmonta toutes ces épreuves.

Si Ya’akov était resté chez son père, il n’aurait jamais connu d’épreuve, et son amour de D. n’aurait pas été manifeste comme il le devint en un temps d’épreuves et de souffrances. Yits’hak lui demanda de se rendre lui-même à Haran chercher la femme de sa vie, afin qu’il affronte fièrement les épreuves du temps, et qu’il mérite les bénédictions et les faits promis. Les Sages disent (Brach’oth 54a; Zohar II, 174a): « Il faut bénir D. pour les souffrances de même qu’on Le bénit pour les bienfaits », cela fait partie des épreuves du temps. Ya’akov partit lui-même, pour faire entendre la voix de la Torah non pas comme elle se fait entendre, dans la sérénité et la sécurité de la maison de Yits’hak, mais pour la faire entendre même en des temps de souffrances et d’épreuves. (Le nom même de Ya’akov fait allusion à cela, car sa valeur numérique est la même que celle du mot hanissayon, l’épreuve, auquel est ajouté le mot).

Pourtant, il était difficile pour Ya’akov d’obéir à son père, de sortir de chez lui où il vivait la Torah et exprimait sa crainte de D. sans restriction, pour aller vers une terre inconnue. Il dût rassembler tout son courage pour prendre la route, contre son gré, et quitter un lieu qui lui était cher pour se rendre en un lieu rempli de la colère de D. La Torah utilise le mot « sortir »: « et Ya’akov sortit… » pour exprimer qu’il a dû rassembler toutes sa force d’âme pour quitter un lieu agréable et se rendre vers un lieu plein de dangers. Il allait avoir besoin de forces spirituelles supplémentaires pour surmonter les épreuves, les obstacles et les souffrances. Dans ce but, il s’attarda dans la Yéchivah de Chem et Ever, où il étudia la Torah pendant quatorze ans, jusqu’à ce qu’il se sente suffisamment armé de Torah pour pouvoir affronter les épreuves qui l’attendaient chez Lavan, « le plus grand des trompeurs » (Tan’houma Vayichla’h 1) et qui, comme on le sait, « surpassait Essav en méchanceté et en perversité » (Béréchith Rabah 75:6).

Ce sens est indiqué dans le verset et dans le commentaire de Rachi. Concernant les mots « et il se rendit à Haran », Rachi explique: « Il est sorti afin de se rendre à Haran ». Effectivement, en sortant, il avait l’intention de se rendre à Haran immédiatement. Mais lorsque les épreuves commencèrent avec l’attaque d’Eliphaz, il sentit qu’il avait besoin de forces supplémentaires au moment où il quittait sa famille. Ya’akov a donc dévié de sa route pour se rendre à la Yéchivah de Chem et Ever afin d’approfondir sa connaissance de la Torah, et de là, il alla à Haran.

Ceci est une leçon de conduite pour chacun de nous. Afin de surmonter les épreuves qui nous assaillent en ce monde, nous devrons quitter notre famille pour étudier la Torah en Yéchivah. Lorsque nous sortirons affronter le monde au grand jour, il est certain que nous serons capables de faire face aux difficultés et aux épreuves du temps. Il est vrai que quitter la maison de ses parents est tout d’abord difficile pour le jeune étudiant. Mais c’est justement pourquoi il doit réunir toutes ses forces et obéir à la voix de son père, la voix de la Torah (Zohar III, 290a), qui l’appelle et lui dit: « Quitte ton pays… la maison de ton père… » et va étudier à la Yéchivah. Ce n’est qu’après avoir étudié qu’il pourra faire face aux épreuves de la vie, il en sera d’autant plus aimé de D. et lui-même aura un amour plus fervent de D.

Ya’akov possédait toutes les vertus qu’il avait acquises dans la maison de son père. Il était rempli de tous les bons souvenirs qu’il y avait engrangés. Effectivement, le moindre bon souvenir peut venir en aide dans la lutte contre le mauvais penchant. Nous avons déjà été témoins du fait qu’un certain nombre de personnes se sont repenties et d’autres ont été sauvées de la perdition pour s’être rappelé de quelque chose qu’elles avaient vue ou entendue.

C’est sans doute l’intention des Sages, lorsqu’ils disent que « quand un homme vertueux quitte un lieu, il laisse un vide... » Effectivement, lorsque Ya’akov partit, il emportait dans son souvenir ce qu’il avait vu, entendu et fait durant son séjour. Il emportait tout cela dans son cœur afin que cela le soutienne dans les moments difficiles. Il emporta toute chose « qui laisse une impression ». Tout le monde ressentit profondément son départ, tant il était présent partout. Maintenant, ils se rendaient compte de la différence entre Ya’akov et Essav son frère, car « jusqu’à l’âge de treize ans, Ya’akov et Essav avaient étudié ensemble » (Béréchith Rabah 63:14) et les gens ne les distinguaient pas, mais à présent que Ya’akov était parti, ils ressentaient la différence entre eux en constatant le vide. Yits’hak, lui, était aveugle, comme il est écrit (Béréchith 27:1): « Lorsque Yist’hak devint vieux et que sa vue s’obscurcit… » il ne sortait plus de chez lui, si  bien que les gens ne rencontraient que ses fils, c’est pourquoi l’absence de Ya’akov fit une forte impression sur les gens de la ville, et tous reconnurent ses qualités. Ya’akov faisait une grande impression sur tout le monde, mais lui-même savait qu’il avait besoin de développer et d’affermir les forces dont il aurait besoin pour surmonter les épreuves et faire face aux obstacles qu’il allait rencontrer.

Après son rêve, Ya’akov dit (ibid. 28:21): « Si je retourne en paix dans la maison de mon père... » Qu’est-ce à dire? Rachi interprète le mot Béchalom, en paix, comme s’il « était dit chalem, indemne, et il explique: « Si je retourne sans faute – car je n’imiterai pas la conduite de Lavan ». C’est dire que les préparatifs de Ya’akov et toutes les forces qu’il accumulait, n’avaient pour but que de lui permettre de résister à l’influence pernicieuse de Lavan qu’il craignait plus qu’Essav, car Lavan ne se montrait vertueux que dans le but d’entraîner Ya’akov à sa perte. Le verset précise: « ...dans la maison de mon père », c’est-à-dire: « Je retournerai après avoir rempli l’ordre de mon père et atteint la perfection ». C’est une leçon valable pour tous les temps.

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