L’esprit de sacrifice en l’honneur de D.

Nous nous trouvons encore dans un exil amer, et nous ne savons pas quand la Rédemption sera totale. Elle est proche, mais le terme nous est caché. Souvent, au cours de mes conférences, je cite les paroles du roi David (Téhilim 44:23): « Pour Toi, nous subissons la mort tout au long du jour ». Subissons-nous vraiment la mort chaque jour, des Juifs succombent-ils tous les jours? Ne sommes-nous pas vivants?

Lorsque nous pratiquons les commandements avec dévotion et empressement, lorsque nous luttons courageusement contre le mauvais penchant qui nous freine, c’est comme si nous subissions la mort tout au long du jour, pour ce commandement que nous pratiquons avec un esprit de sacrifice. Comme le combattant qui en temps de guerre ne sait pas s’il reviendra sans dommage de la bataille, celui qui fait face au mauvais penchant qui tente de l’empêcher de pratiquer les commandements de la Torah, part en guerre contre cet ennemi et se sacrifie pour pratiquer ce commandement – pour Toi, pour sanctifier Ton Nom.

Nous pouvons ajouter une autre explication de ce verset. Il n’est pas de plus grande souffrance que de ressentir de la honte. Par exemple, lorsqu’un Juif portant la kipah, barbu, marche dans la rue et que les gens rient, se moquent de lui et le montrent du doigt en disant: « C’est un Juif… », ou lorsqu’un Juif demande à son patron de ne pas travailler le jour du Chabath et que son employeur se moque de lui devant tous ses collègues, ou encore si un Juif prie dans le train ou dans l’avion, et que les voyageurs s’arrêtent à côté de lui et le raillent, ou si dans la rue des passants lui crient « sale Juif! », dans de telles circonstances le Juif subit, chaque jour et en tout instant, honte et humiliation de la part des antisémites. Et le Juif continue à pratiquer les commandements en l’honneur de D., avec amour et esprit de sacrifice, sans répliquer à ceux qui le narguent car « il est de ceux qui agissent avec amour et acceptent les souffrances… » (Chabath 88b; Yoma 23a). Il est évident que toutes ces humiliations sont pires que la mort et celui qui doit subir de telles offenses préférerait sans doute mourir.

C’est pourquoi le roi David dit: « Pour Toi nous subissons la mort tout le long du jour » car nous sommes sans cesse humiliés par les nations à cause de notre religion, et ils se rient des signes de notre Judaïsme. C’est comme si nous subissions la mort, car la honte est plus grave que la mort, et malgré tout, nous acceptons les souffrances par amour de D. Cette honte nous rachète de nos fautes en ce monde, et elle est préférable à la honte que nous ressentirons dans l’autre monde devant tous les Justes qui siègent aux côtés de D., à cause des fautes commises en ce monde.

Cela nous permet de répondre à une question difficile que je pose souvent. Les Sages ont dit (Vayikra Rabah 32:5; Midrach Téhilim 114:4): « Israël fut sauvé d’Egypte grâce à trois choses; ils n’avaient changé ni leurs noms, ni leur langue, ni leur façon de s’habiller ». Il est difficile de comprendre pourquoi les Egyptiens ont permis à Israël de préserver leur langue, leur vêtement et leurs noms, justement en Egypte, car les Egyptiens voulaient que les Enfants d’Israël s’assimilent, ils les obligeaient à pratiquer l’idolâtrie (Chemoth Rabah 16:2) et à transgresser les commandements de la Torah. Ils voulaient faire tomber les Enfants d’Israël jusqu’au tréfonds de l’impureté et leur faire abandonner le Judaïsme. Et pourtant ils leur permirent de préserver leur nom qui indique leur appartenance au Peuple Juif, leur langue qui témoigne de leur foi en D. qui créa le monde en Hébreu, la langue sainte (Béréchith Rabah 31:8), et leur vêtement spécifique qui indique que les Juifs se distinguent des autres peuples et ne se conduisent pas comme eux. Pourquoi les Egyptiens permirent-ils aux Juifs de préserver ces trois coutumes qui les distinguent des autres peuples et ne font que renforcer leur foi en D.? Une telle contradiction est-elle possible? D’une part ils les obligent à pratiquer l’idolâtrie, de l’autre ils permettent aux Juifs la pratique de leur culte. Comment concilier ces deux choses?

Ce que nous avons dit va nous permettre de répondre. La plus grande punition possible du malfaiteur dans son Jugement final est la honte qu’il ressentira. On lui montrera, comme dans un film, tous les événements de sa vie depuis sa naissance jusqu’à sa mort, et on lui montrera le déroulement de toutes les pensées qu’il a eues durant sa vie, même s’il n’a pas réalisé ses projets. On lui exposera tous ses faits et gestes.

Il reverra son passé et toute sa vie sur terre, en présence de D. et de l’assemblée des Justes. C’est probablement à ce sujet que les Sages ont dit (Béréchith Rabah 93:11) que les frères de Yossef furent incapables de soutenir ses reproches et s’écrièrent: « Malheur à nous au jour du Jugement! Malheur à nous au jour du reproche! » car nous ne pourrons pas faire face aux reproches de D. lorsqu’Il nous montrera le déroulement de notre vie, et malheur à nous pour cette honte et cette humiliation. Combien grande sera la honte de l’homme qui se tient dans une grande assemblée et revoit, comme dans un film, sa vie et que tous lui crient: comment as-tu osé te rebeller contre D.?

Les Sages ont décrit la punition de l’homme dans l’autre monde. Lorsqu’il verra tout cela, il voudra s’enfuir, mais il ne pourra pas échapper et éviter le jugement et la sentence, car « les anges de la destruction le poursuivront et le propulseront ici et là » (Chabath 152a). Malheur à celui qui ne médite pas, ne serait-ce qu’une seule fois dans sa vie, et ne révise pas en conscience ses actes en vue du terrible Jugement final, lorsqu’il se tiendra devant D., le Souverain Suprême.

Cela nous permet d’expliquer pourquoi les Egyptiens n’ont pas obligé les Enfants d’Israël à changer leurs noms, leur langue et leur façon de s’habiller, et pourquoi ils leur ont accordé la liberté de leurs pratiques religieuses. Le fait est que les Egyptiens voulaient que les Juifs restent reconnaissables pour que tous sachent qu’il sont Juifs et se moquent d’eux, les humilient (comme ils disent aujourd’hui: « Juif puant… aux travaux forcés »). Ils pensaient ainsi maudire les Juifs, les rabaisser et les démoraliser, les remplir de honte, les décourager, et les amener d’eux mêmes à demander à changer leur identité, faute de pouvoir supporter cette honte pire que la mort.

Mais les Egyptiens firent une faute grave. Il est impossible de démoraliser et d’enlever au Peuple Juif sa fierté nationale. « Plus ils étaient opprimés, plus leur nombre augmentait et s’étendait » (Chemoth 1:12). Lorsque les Egyptiens humiliaient les Enfants d’Israël, ceux-ci se renforçaient dans leur foi et elle éclatait au grand jour. Ils observaient avec une assiduité encore plus grande leur Judaïsme et leur foi en D. En récompense, ils furent sauvés d’Egypte, comme le disent les Sages (Yalkout Chimoni, Béchala’h 240): « Nos ancêtres ne furent sauvés d’Egypte que grâce à leur foi, c’est leur foi qui les inspira lorsqu’ils chantèrent les louanges de D. en traversant la mer » (Chemoth Rabah 23:2), ce qui est tout le contraire de ce que les Egyptiens visaient: leur faire perdre la foi.

Nous savons que « L’âme de l’homme est une lumière » (Michlei 2:27) et les Sages disent à ce sujet (Chabath 32a): « D. dit à l’homme: veille sur Ma lumière et Je veillerai sur la tienne ». Aucune force au monde ne peut éteindre le feu allumé par la lumière de l’homme, et les nations du monde sont incapables d’éteindre la lumière de l’âme juive et de la détruire. Il convient donc d’appliquer aux Juifs le verset: « Pour Toi, nous subissons la mort tout au long du jour ». Les Egyptiens les humiliaient afin de les amener à renoncer à leur Judaïsme par lassitude, mais ils restèrent fermes comme une muraille face à leurs oppresseurs. « Les Enfants d’Israël sortirent triomphalement, beyad rama » (Chemoth 14:8). Le mot rama est formé des mêmes lettres que le mot mara, amertume, c’est-à-dire, que l’amertume de la servitude et de l’esclavage qu’ils avaient soufferts en Egypte s’est transformée lorsque les Enfants d’Israël furent libérés de leurs oppresseurs et de leurs détracteurs, et ils sortirent d’Egypte triomphalement.

Il me faut mentionner ce que disent les Sages concernant Pessa’h et la Rédemption que nous vivons aussi de nos jours, à chaque heure et à chaque instant. Les Sages ont dit (Pessa’him 116b): « A chaque génération, chaque homme doit considérer que c’est comme si lui-même sortait d’Egypte… car ce ne sont pas seulement nos ancêtres qui furent sauvés, mais nous aussi ». Qu’est-ce à dire « nous aussi »? Un Juif, où qu’il se trouve en exil où il a une vie difficile et amère, où il subit des humiliations de la part des peuples qui l’entourent, où il est dénigré quotidiennement et endure son lot de honte sans se laisser décourager et réussit, avec l’aide de D., à surmonter ces épreuves – ce Juif-là ressemble à ses ancêtres en Egypte qui ont subi eux aussi de grandes humiliations parce qu’ils préservaient leur Judaïsme. Et donc, nous, nous sortons d’Egypte chaque jour... comme nos ancêtres. Ces Juifs qui, aujourd’hui aussi sont humiliés, sont ceux qui amènent la Rédemption, car elle ne viendra que grâce à leur mérite. Eux seuls sont appelés des hommes libres car ils sont vraiment libérés de leur mauvais penchant et de leur honte, et ils se renforcent dans leur foi en D.

A ce propos, il me semble qu’aujourd’hui, alors que nous sommes toujours dans un exil amer, nous devons nous renforcer et surmonter tous les maux grâce à notre foi, sous peine de nous laisser décourager dans notre pratique religieuse. S’il en est ainsi tout le long de l’année, à Pessa’h, qui est le temps de notre Rédemption, combien plus nous devons prendre sur nous de pratiquer les commandements de la Torah sans honte, en hommes libres qui attendent la délivrance et espèrent en la grâce de D. « Il ne faut pas se laisser décourager par ceux qui se moquent de nous… » (Ora’h ‘Hayim 1:1). C’est ainsi que nous nous sentirons libres, libérés des tentations de nos désirs et prêts à accueillir le Messie notre Roi, et non pas comme ces hommes qui pratiquent un commandement une fois, et une autre fois le transgressent. Nous devons nous conduire en ce monde en hommes vraiment libres, afin de mériter la liberté totale dans l’autre monde.

Il arrive pourtant qu’un homme accablé de malheurs désespère, ce qui l’amène à remettre en question les motifs de D. Même si un tel homme est érudit, il n’est pas dit de lui qu’il est libre, car il est esclave de ses sentiments et prisonnier de ses idées personnelles qui l’induisent en erreur et lui font croire que D. impose des malheurs sans raison, ce qui n’est pas vrai. De telles pensées n’ont aucun fondement, car « de D. ne sort que le bien et aucun mal » et tout ce qu’Il fait est bon. Qui sait cela sera toujours libre face aux détracteurs. C’est ainsi que le Juif se différencie des nations étrangères qui l’entourent, en tant qu’élu et aimé de D., pour toujours.

 

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