Le bon penchant doit toujours surmonter le mauvais penchant

Il est écrit (Béréchith 32:4): « Et Ya’akov envoya des messagers en avant, vers Essav son frère... » Rachi explique, rapportant le Midrach (Béréchith Rabah 75:4) que « ces messagers sont littéralement des anges ».

Nous avons déjà expliqué ce verset plusieurs fois, mais toute étude révèle des aspects nouveaux.

1. Pourquoi Ya’akov envoie-t-il des messagers à Essav son frère? Ne pouvait-il pas l’aborder directement, même par surprise, et le rencontrer sans se faire précéder par des messagers?

2. S’il veut l’informer de son arrivée, pourquoi le faire par l’intermédiaire d’anges et non par de simples messagers? Si c’est pour l’impressionner et lui faire peur, il aurait pu tout d’abord envoyer de simples messagers, et seulement par la suite des anges. A propos du verset (Béréchith 33:8) « Qu’est-ce que toute cette troupe venant de ta part, que j’ai rencontrée? » les Sages remarquent que « Les anges ont frappé Essav à plusieurs reprises » (Béréchith Rabah 78:11).

3. Plus loin, il est dit (ibid. 32:8): « Ya’akov partagea ses gens en deux camps ». Pourquoi partager les membres de sa famille en deux camps? Si des anges le servent et veillent sur lui, sûrement D. Lui-même est avec lui. Que craint-il? En outre, il a peur d’Essav au point de l’appeler « mon seigneur », comme il est écrit (ibid. v. 5): « Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Essav ». De quoi Ya’akov a-t-il tellement peur, pour faire tant d’honneur à Essav en l’appelant « mon seigneur »?

Il est écrit (Béréchith 25:25-26): « Le premier sortit tout roux... et on le nomma Essav. Ensuite naquit son frère, tenant dans sa main le talon de Essav et on le nomma Ya’akov ». Pourquoi en venant au monde, Ya’akov saisit-il Essav par le talon? Et pourquoi justement par le talon? C’est que celui qui veut surmonter son mauvais penchant doit dès sa naissance, dès son entrée dans le monde, le tenir en main, comme un prisonnier, comme il est dit (Avodah Zarah 5b): « Lorsque les Enfants d’Israël obéissent à D., ils dominent leurs mauvaises tendances ». De quelle manière? En consacrant quotidiennement de leur temps à l’étude de la Torah. Dans l’autre monde, il sera demandé à chacun: « As-tu consacré du temps à l’étude de la Torah? » (Chabath 31a). Les directives de la Torah permettent de surmonter le mauvais penchant, car « J’ai créé le mauvais penchant, et J’ai créé son remède, la Torah » (Kidouchin 30b; Baba Bathra 16a). La Torah affaiblit les penchants de l’homme et les soumet à sa volonté. C’est le sens de « Il tenait dans sa main le talon d’Essav ». L’homme doit se saisir de son mauvais penchant afin qu’il n’échappe pas à son contrôle. Le mot ékev, talon, est composé des mêmes lettres que le mot kév’a, permanent. Lorsque le mauvais penchant est fait prisonnier, il cherche à fuir et à se sauver. Il faut le rattraper et le dompter, comme il est dit: « Il faut toujours que le bon penchant domine le mauvais penchant » (Brach’oth 5a; Zohar I, 202a), et Ya’akov nous enseigne comment amener le bon penchant à dominer le mauvais.

Ce que nous venons de dire nous permet de comprendre pourquoi Ya’akov envoie des anges à Essav son frère: il ne fit que ce que les Sages recommandent de faire. A titre d’illustration: deux ennemis sont en guerre, chacun lutte avec des armements sophistiqués afin de s’assurer une victoire totale, chacun observe son ennemi afin de discerner de quel côté il est faible pour l’attaquer. Mais il est possible de vaincre l’ennemi, même s’il possède des armes meilleures, si on le frappe soudain d’un premier coup fatal qui ne lui laisse pas le temps de réagir et d’utiliser ses armes, même si elles sont des plus modernes et des plus sophistiquées.

Il en est de même dans la guerre de l’homme contre son mauvais penchant. Si l’on veut être sûr de vaincre cet ennemi puissamment armé, il faut savoir lui opposer le bon penchant et même sans être très féru dans l’art de la guerre, on peut frapper le mauvais penchant d’un premier coup fatal qui assure la victoire. C’est ainsi que le bon penchant domine le mauvais.

C’est ce que fit Ya’akov. Il voulait signifier à Essav, au mauvais penchant, qu’il le dominait. C’est pourquoi il lui envoya tout d’abord des anges, non pas de simples messagers mais des messagers célestes, et pas n’importe quels anges non plus, mais ceux qu’il avait lui-même créés par ses bonnes actions, pour faire savoir à Essav qu’il ne le craignait pas. Ces anges témoignent que Ya’akov n’a jamais abandonné l’étude de la Torah et que « Lorsque la voix de Ya’akov se fait entendre dans les maisons d’étude et les maisons de prière, les mains d’Essav ne peuvent pas prendre le dessus » (Pti’ha Ekh’ah Rabah 2, Pessikta Zouta Toledoth 27:22), les mains de Ya’akov ont alors le dessus et saisissent le talon d’Essav - du mauvais penchant. Ya’akov exposa la puissance de ses armes, la Torah et sa pratique, un coup fatal pour le mauvais penchant pour lequel ces armes-là sont des plus menaçantes et des plus effrayantes.

Mais il ne faut pas penser que cela suffise pour vaincre le Satan. Il faut toujours le craindre, comme il est dit (Michley 28:14): « Heureux celui qui craint toujours », car le mauvais penchant peut reprendre le dessus, et même s’il a été une fois maté, « Il reprend de nouvelles forces tous les jours et cherche sans cesse à nous faire échouer » (Soucah 52b, Kidouchin 30b), et il ne connaît ni calme ni repos. Il faut toujours le craindre, comme le disent les Sages (Avoth II:4): « Ne sois pas sûr de toi jusqu’au jour de ta mort ». Nous avons l’exemple de Yoh’anan le Grand Prêtre, qui servit dans le Temple pendant quatre-vingts ans et devint hérétique à la fin de sa vie (Brach’oth 29a, Tan’houma Bechala’h 3). Ya’akov a divisé les membres de sa famille en deux camps, également afin de signifier à Essav, au mauvais penchant, qu’il était prêt à lui faire la guerre. « Si l’un des camps est vaincu, le second pourra échapper » (Béréchith 32:9) pour continuer dans la voie de la Torah et servir D.  En faisant deux camps, il indique en outre à Essav et aux générations futures que l’homme ne doit pas être sûr de lui-même, il ne doit pas penser qu’il a définitivement dominé son mauvais penchant, mais qu’il faut toujours continuer à lutter.

Cela explique aussi pourquoi Ya’akov envoie des offrandes à Essav. Les offrandes indiquent les commandements, pour signifier que chacun est obligé de pratiquer tous les commandements qui lui sont d’un grand secours, en cas de besoin, et qu’il ne doit pas se reposer sur une partie seulement des commandements.

Malgré tout, Ya’akov avait peur. Il savait qu’Essav honorait son père avec plus de rigueur que lui-même (Béréchith Rabah 82:15; Chemoth Rabah 46:3). Ya’akov craignait le mérite d’Essav. Il est possible qu’il ait appelé Essav « mon seigneur » (ce qui est une allusion à l’ange d’Essav) afin d’atténuer ce mérite, ce qui lui permettrait de prendre le dessus.

C’est étonnant! Ya’akov, l’élu des Patriarches, un homme intègre, de ceux sur qui le monde repose, craignait Essav parce qu’il pratiquait un commandement aussi important que l’honneur dû aux parents! Il le craignait au point de l’appeler « mon seigneur » et de le soudoyer par des cadeaux. Cela enseigne à chacun qu’il faut faire tout son possible pour pratiquer tous les commandements, surtout celui d’aimer son prochain comme soi-même (Vayikra 19:18) ce qui, selon l’opinion de Rabbi Akiva, est « le principe fondamental de la Torah » (Yérouchalmi Nédarim 9:4). Et alors, le mauvais penchant ne pourra pas le prendre en faute et sera totalement détruit.

Tout cela ne s’applique qu’à celui qui est protégé par la pratique des commandements car c’est ce qui le rend pur, comme le disent les Sages (Makoth 23b; Avoth D’Rabbi Nathan 41:17): « D. veut donner du mérite à Israël et le purifier, c’est pourquoi il lui a donné la Torah et tellement de commandements », et ils ajoutent (Mena’hoth 43b; Pessikta Zouta Bechala’h vers la fin): « Israël est aimé de D., c’est pourquoi Il l’entoure de commandements ». Mais celui qui ne s’habitue pas à la pratique des commandements s’affaiblit, et cette faiblesse devient une partie de sa nature. Cela est indiqué dans le mot jlvyw, il envoya, qui est composé des mêmes lettres que le mot vljyw, il faiblit, car Ya’akov se sentit dans un état de faiblesse par rapport au commandement d’honorer ses parents qu’Essav pratiquait, c’est pourquoi il avait peur d’Essav et prit tant de précautions. Chacun doit pratiquer tous les commandements de la Torah, ce qui lui permettra de vaincre le mauvais penchant en toute circonstance.

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