La Torah et la bienfaisance préservent du mauvais penchant

« Il arriva après ces faits, que la femme de son maître jeta les yeux sur Yossef... » (Béréchith 39:7).

Dans le Midrach, Rabbi Meir, Rabbi Yéhouda et Rabbi Chimon commentent ce verset (Béréchith Rabah 87:3): « Comment agit Le Saint, béni soit-Il? « Il rétribue chacun selon ses œuvres » (Yov 34:11). Plus haut, il est dit: ‘Yossef était beau de taille et beau de visage’. Ceci est comparable à un homme brave qui se tient sur la place publique, se frotte les yeux, arrange ses cheveux, et avance sur la pointe des pieds, comme pour dire: Je suis beau! Je suis prestigieux! Je suis vaillant! D. dit à Yossef: Où est ta beauté et où est ta prestance? Je vais t’envoyer l’ourse, va, mesure-toi à elle! »

1. Il faut comprendre l’intention des Sages, car il est difficile de croire que Yossef se tient effectivement sur la place publique avec les yeux colorés et les cheveux arrangés, sans craindre le mauvais penchant! Surtout en Egypte!

2. Ce Midrach implique l’idée d’une rémunération, mesure pour mesure (Chabath 105b; Nédarim 32a) puisqu’il cite: « Il rétribue chacun selon ses œuvres ». Le Midrach a déjà remarqué plus haut (Béréchith Rabah 84:7) que « Yossef est appelé enfant à cause de son comportement: il se frottait les yeux, il s’arrangeait les cheveux, il avançait sur la pointe des pieds... » Alors déjà, il se conduisait ainsi. Pourquoi ne fut-il pas mis à l’épreuve à ce moment-là, comme il fut mis à l’épreuve en Egypte, avec la femme de Poutiphar?

3. Il faut comprendre pourquoi, ici, en Egypte, il est dit que la conduite de Yossef fait allusion à son apparence, alors qu’auparavant, elle était considérée comme une conduite enfantine?

Citons tout d’abord les paroles de nos Sages (Kidouchin 81a): « Rabbi Meir se moquait des hommes qui se rendent coupables. Un jour, le Satan se présenta à lui sous la forme d’une femme qui l’aborda de l’autre côté du fleuve. Il n’y avait pas de barque pour traverser le fleuve. Il se saisit d’une corde tendue au-dessus du fleuve pour le traverser. Arrivé au milieu du fleuve, la corde se rompit. Le Satan lui dit: Si ce n’était que le Ciel nous avait mis en garde de ne faire aucun mal à Rabbi Meir à cause de sa Torah, je t’aurais mis en morceaux ». Il est raconté aussi: « Rabbi Akiva se moquait des hommes qui se rendent coupables. Un jour, le Satan lui apparut sous forme d’une femme qui se tenait en haut d’un arbre. Il se saisit de l’arbre et y grimpa. Arrivé à mi-hauteur, le désir l’abandonna. Le Satan dit: Si ce n’était que le Ciel nous avait mis en garde de ne faire aucun mal à Rabbi Akiva à cause de sa Torah, je t’aurais mis en morceaux ».

1. Ce sont des récits extraordinaires. Comment expliquer que Rabbi Meir et Rabbi Akiva aient failli fauter aussi gravement, eux qui se moquaient des gens incapables de dominer les tentations car « ils pensaient qu’ils étaient, eux, capables de dominer les tentations à volonté » (Rachi ad. loc.)?

2. Ignoraient-ils que le Satan « se tient sur le seuil » (Béréchith 4:7), et qu’il risque de les induire en tentation à toute heure et en toute circonstance. Y a-t-il lieu de se moquer des gens qui ne lui résistent pas?

3. Il faut aussi s’étonner du comportement du Satan. S’il savait d’avance qu’il serait incapable de les faire fauter, quel bénéfice pensait-il tirer du fait de les mettre à l’épreuve, puisque finalement, il sera vaincu? De plus, qu’importe au Satan si Rabbi Meir et Rabbi Akiva se moquent des coupables?

4. Il faut comprendre pourquoi il est dit: « Nous avons été mis en garde de ne faire aucun mal à Rabbi Meir et à Rabbi Akiva à cause de leur Torah. » Pourquoi seulement à eux?

5. Pourquoi le Satan vient-il tenter Rabbi Meir au bord du fleuve et Rabbi Akiva du haut d’un arbre? C’est la seule différence entre les deux récits, qui à part ce détail, sont semblables.

6. Pourquoi le Satan cesse-t-il de les tenter à mi-chemin (au milieu du fleuve, à mi-hauteur de l’arbre)? Pourquoi ne pas attendre qu’ils arrivent jusqu’à lui pour les réprimander d’avoir failli fauter?

Ces récits nous enseignent des choses merveilleuses.

Après une étude approfondie de la Torah et une obéissance assidue, l’homme arrive à une compréhension tellement élevée qu’il sait à quel point le monde est rempli de futilités; il sait que toutes ses attractions sont imaginaires et insignifiantes comparées au monde éternel. Celui qui est parvenu à ce degré de compréhension ne peut pas comprendre les gens qui consacrent leur vie quotidienne à des vanités, sans espoir de réconfort et sans élévation.

Le Talmud exprime cela en disant que Rabbi Meir et Rabbi Akiva se moquaient des gens qui fautent, et comme l’explique Rachi: « parce qu’ils pouvaient, eux, dominer les tentations à volonté ». C’est-à-dire que même sans l’aide de la Torah, uniquement par la force de la volonté et par l’intelligence, il est facile de surmonter le mauvais penchant (cela répond à notre deuxième question), et ils étaient capables de surmonter les tentations grâce à leur entendement.

Mais ici, le Satan possède une arme. Il veut leur prouver qu’ils se trompent. Le Satan est fait de feu, et eux ne sont que des hommes. Ils seraient incapables de le vaincre, si ce n’est grâce au pouvoir de la Torah qui elle aussi est un feu (Mékhilta Yithro 19:18),  comme le disent les Sages (Soucah 52b; Kidouchin 30b): « Si tu rencontres ce vilain, entraîne-le vers la maison d’étude, s’il est de pierre il se brisera, s’il est de fer, il fondra ». Seul le feu de la Torah peut vaincre le mauvais penchant, il n’y a pas d’autre remède, et pas d’autre méthode contre lui. « D. dit: J’ai créé le mauvais penchant, et J’ai créé son remède, la Torah » (Kidouchin 30b). Ce n’est pas une exagération, mais une réalité! Qui que ce soit, même le plus grand des hommes, le plus pur des gens de bien, le plus intelligent des savants, ne possède rien qui puisse le sauver de l’emprise de son mauvais penchant s’il n’a pas de Torah; il risque de commettre les fautes les plus graves, mais s’il possède la discipline de la Torah, il domine ses désirs (Avodah Zarah 5b). C’est une chose bien connue.

Le Satan dit à Rabbi Meir: « Si ce n’était que le Ciel nous a mis en garde de ne te faire aucun mal à cause de ta Torah, je t’aurais mis en pièces. Si tu avais voulu t’opposer à moi uniquement grâce à ton intelligence, sans le pouvoir de la Torah, j’aurais pu te dominer, te faire fauter et te mettre en pièces, car ton intelligence d’homme ne suffit pas à me vaincre. C’est pourquoi le Satan a ajouté « et ta Torah » (ce qui répond à la question 4), c’est-à-dire que le Satan fut mis en garde de ne pas considérer Rabbi Meir simplement en tant qu’homme et de s’en prendre à son intelligence, mais de considérer le pouvoir de la Torah qui le protège.

Tout d’abord, Rabbi Meir et Rabbi Akiva se sont fiés à leur intelligence humaine, et du Ciel on décida de leur prouver qu’elle ne suffisait pas, c’est pourquoi ils furent tentés de commettre une si grande faute, bien qu’ils aient l’habitude de se moquer de ceux qui sont incapables de surmonter leurs désirs (ce qui répond à la question 1). C’est aussi pourquoi le Satan est venu les tenter tout en sachant qu’il ne réussirait pas, afin de leur démontrer que ce n’est pas avec l’intelligence qu’on pouvait le vaincre, et donc qu’ils n’avaient aucune raison de se moquer des coupables (ce qui répond à la question 3).

« Tu peux croire que les nations ont la connaissance, mais ne crois pas qu’ils ont (la sagesse de) la Torah » (Ekha Rabah 2:17). Un non-juif peut sans aucun doute discerner entre le bien et le mal, on peut faire appel à son sens des valeurs morales et lui dire ce qui est permis et ce qui est interdit, tel Hillel qui dit à cet homme (Chabath 31a): « Ce que tu trouves détestable, ne le fais pas aux autres ». Mais au moment de la mise à l’épreuve, l’homme est incapable de surmonter ses tendances et ses désirs, et sans Torah, uniquement par l’intelligence humaine, il est impossible de savoir de quelle façon se restreindre. Les non-juifs, dépourvus de Torah, ne peuvent pas savoir comment vaincre le mauvais penchant.

Les Sages nous disent combien Rabbi Meir avait une compréhension profonde de la Torah. Lorsqu’il enseignait, il le faisait avec une telle puissance qu’il est dit: « Il déracine des montagnes et les met en poudre » (Sanhédrin 24a) et « Il rend les Sages aveugles » (Yirouvin 13b). Nous comprenons donc que le Satan se présenta à lui au bord du fleuve, au bord de l’eau qui s’écoule, de la Torah, comme il est écrit (Ichaya 55:1): « Vous qui avez soif, buvez de l’eau » et « il n’est d’eau que la Torah » (Baba Kama 17a; Tana D’Bey Eliyahou Rabah 2; Zouta 1). Rabbi Akiva, par contre, était connu pour sa bienveillance et son amour de D. Et donc, à lui, le mauvais penchant s’est montré en haut d’un arbre, comme il est écrit (Téhilim 92:13): « Le Juste fleurit comme le palmier », ce qui indique qu’il a vaincu le mauvais penchant grâce à la Torah et à ses bonnes actions.

Nous comprenons pourquoi le mauvais penchant les a abandonnés à mi-chemin. Il voulait leur signifier que l’attirance pour une femme naît dans l’imagination, et ce n’est que grâce aux directives de la Torah et à une conduite disciplinée que l’on peut surmonter cette attraction des sens et la faire disparaître.

Nous sommes en mesure à présent d’expliquer les contradictions dans les récits que nous avons cités concernant Yossef.

Il est écrit (Béréchith 37:3): « Israël préférait Yossef à ses autres enfants... » une préférence dont « Rav Né’hémia dit: toutes les lois que Chem et Ever ont transmises à Ya’akov, Ya’akov les a transmises à Yossef » (Béréchith Rabah 84:8). Lorsque Yossef parvint en Egypte, un pays pourri par la débauche (Chemoth Rabah 1:22), il ne pouvait pas comprendre comment il était possible d’être happé sans frein par des appétits grossiers, et il se moquait des Egyptiens dépravés. C’est pourquoi il s’embellissait, se coiffait, se faisait les yeux etc. comme le raconte le Midrach, et comme il est dit (Avoth 4:1; Avoth D’Rabbi Nathan 23:1): « Qui est courageux? Celui qui domine ses penchants ». Il agissait de la sorte par raillerie envers les Egyptiens débauchés. Il est dit de lui qu’il était « beau de taille et beau de visage », car cette coquetterie et cette moquerie avaient un but. Il est impossible d’attribuer à Yossef une autre intention, si ce n’est qu’il était sûr de ne pas fauter. Lorsqu’il était jeune homme, il était trop jeune pour se moquer des gens qui fautent, et c’est pourquoi son comportement était alors considéré comme un « enfantillage ».

La différence entre son comportement en tant qu’enfant, et son comportement en tant qu’adulte, est que dans la maison de son père, dans la maison d’étude, le mauvais penchant n’avait pas d’emprise sur lui, ce qui montre combien un environnement de Torah protège et sauve de toute défaillance et de tout danger. Ya’akov non plus ne craignait pas le mauvais penchant et il avait fait faire pour Yossef une tunique qui accentuait sa beauté et sa prestance. Yossef n’avait pas encore été mis à l’épreuve. Mais en Egypte, au milieu de gens débauchés, lorsque Yossef commença à se moquer des coupables, le mauvais penchant trouva l’occasion de s’en prendre à lui car il n’était plus dans un entourage protecteur, et il fut mis à l’épreuve par la femme de Poutiphar.

Pourquoi? Pour la même raison que Rabbi Meir et Rabbi Akiva furent mis à l’épreuve. Le mauvais penchant voulait lui montrer qu’il n’y a pas lieu de se moquer des autres et de se fier à sa propre intelligence humaine, mais uniquement au pouvoir de la Torah. Si l’image de son père Ya’akov ne lui était pas apparue (Sotah 36b) - et comme on sait Ya’akov représente le mérite de la Torah - Yossef aurait fauté, car seule la Torah peut sauver.

Si l’image de Ya’akov ne lui était pas apparue, Yossef aurait-il fauté? N’avait-il pas suffisamment de mérite personnel pour le protéger? Il alla sous l’ordre de son père voir comment se portaient ses frères (Béréchith 37:13-14), et « Les messagers qui obéissent à un commandement ne risquent rien » (Pessa’him 8b; Zohar III, 273a). Malgré tout, ce qui devait arriver arriva, et il fut vendu comme esclave. Pourtant, il ne s’est pas plaint des voies de D. Plus tard, il fut emprisonné pendant douze ans (Béréchith Rabah 86:6) bien qu’il n’ait pas fauté avec la femme de Poutiphar, et il a accepté la sentence sans crier à l’injustice, ce qui prouve ses vertus (Zohar I, 59b). Comment se fait-il que justement la vue de l’image de son père l’ait empêché de fauter? C’est que cette image représente le pouvoir de la Torah car l’homme, quelle que soit sa grandeur, ne peut pas vaincre son mauvais penchant lui-même, mais uniquement grâce à la Torah.

Cela nous permet d’expliquer pourquoi les commentateurs (Yoma 35b) disent que l’exemple de Yossef sert d’argument contre les pécheurs. En quoi consiste l’accusation, étant donné que Yossef ne fut pas sauvé par son propre mérite, mais grâce à l’image de son père?

C’est que l’apparition de l’image de son père représente la Torah apprise de son père, « la Torah qui protège » (Soucah 21a), et donc telle est l’accusation contre le pécheur: Tu étais effectivement troublé par tes tentations, mais tu aurais dû prendre exemple sur Yossef et savoir que la Torah protège l’homme en toute circonstance, même les plus difficiles.

Nous devons, nous aussi, en tirer la leçon et savoir que la Torah (comme dans le cas de Rabbi Meir) et les actes de bienfaisance (comme dans le cas de Rabbi Akiva) protègent en toutes circonstances et à tout moment.

 

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