L’image de Ya’akov sauve de la faute

« Il arriva à une de ces occasions, où il était venu dans sa maison pour faire sa besogne... » (Béréchith 39:11). Quelle besogne? Les Sages expriment diverses opinions à ce sujet (Sotah 36b). Certains disent qu’il s’agit d’un travail effectif, d’autres disent qu’il serait venu pour rencontrer la femme de Poutiphar, mais voyant l’image de Ya’akov son père, il n’avait pas fauté.

Comment est-il pensable que Yossef ait failli fauter avec la femme de son maître? Yossef est un Juste, fondement du monde (Zohar I, 59b) et toute sa Torah lui venait de son père Ya’akov (Béréchith Rabah 84:8). Il aurait sûrement dû suivre la voie de son père et se garder de fauter, car Ya’akov s’était marié à l’âge de quatre-vingt-quatre ans (Yébamoth 76a; Béréchith Rabah 79:1; Zohar ‘Hadach 5) et n’avait jamais fauté. Yossef aurait donc dû suivre son exemple. Est-il possible de croire qu’il se serait abaissé avec Zelich’a, la femme de Poutiphar s’il n’avait pas vu soudain l’image de son père?

Il est écrit (Béréchith 37:2): « Voici l’histoire de la descendance de Ya’akov, Yossef... » L’essentiel de la raison d’être de Ya’akov en ce monde est de combattre le mal et de l’éliminer, ce qu’il ne peut faire que grâce à sa descendance, afin d’amener le monde à reconnaître la souveraineté de D. De tous ses enfants, c’est justement Yossef, grâce à ses qualités particulières, qui était le plus apte à l’aider dans cette tâche, car il lui ressemblait en tout (Béréchith Rabah 84:7). C’est Yossef qui doit vaincre Essav (Pessikta Zouta Vayétse 25; Zohar I, 155b), et il est dit de lui (Ovadia 1:18): « La maison de Ya’akov sera un feu, la maison de Yossef une flamme et la maison d’Essav du chaume ». Il est certain que tous deux, Ya’akov et son fils Yossef, sont capables de réduire le mal à néant.

En approfondissant cette idée, nous découvrons une chose merveilleuse. Dans la maison de son père, Yossef s’embellissait etc. (Béréchith Rabah 84:7) et il est dit à ce sujet qu’il était occupé à des enfantillages (Béréchith 37:2). Mais son père ne le réprimandait pas, au contraire, il le préférait à ses autres enfants et lui fit faire une tunique rayée (ibid. 37:3) ce qui mettait encore plus en valeur sa prestance. Comment concilier ces deux faits?

C’est que les actes de Ya’akov et de Yossef étaient apparemment en contradiction avec la sainteté, afin de tendre des pièges aux forces du mal et les éliminer justement de cette façon. Ce n’est qu’au moment où Yossef jouait avec ses cheveux que le Satan se présenta à lui pour le tenter, mais Yossef l’a vaincu car sa conduite n’avait pour but que d’acquérir plus de sainteté, et lorsque la sainteté augmente, l’impureté diminue proportionnellement.

En Egypte aussi, avant d’avoir été mis à l’épreuve avec la femme de Poutiphar, il jouait avec les boucles de ses cheveux (Béréchith Rabah 87:3), de sorte que D. lui dit: « Je vais t’envoyer l’ourse ». Mais en fait, comme nous l’avons souligné plus haut, ses intentions étaient pures. Il désirait se sanctifier aussi en Egypte, ce lieu de perversion (Chemoth Rabah 1:22; Pessikta Rabah 1:20), et de débauche (Béréchith 42:9) pour vaincre le Satan définitivement.

De même David HaMelekh dit: « J’ai médité mes voies et ramené mes pas vers Tes statuts » (Téhilim 119:59). Les Sages expliquent (Vayikra Rabah 35:1): « Tous les jours, David disait: Je pensais aller à tel endroit... mais mes jambes me conduisaient vers les maisons d’étude et les maisons de prières ». Si David savait qu’en fin de compte il ne ferait rien de mal et qu’il se rendrait à la maison d’étude, pourquoi faisait-il chaque jour de tels projets?

C’est qu’il voulait s’attaquer au mauvais penchant, comme le disent les Sages: « Il faut sans cesse que le bon penchant attaque le mauvais penchant » (Brach’oth 5a; Zohar I, 202a), et lorsque le mauvais penchant cherchait à faire fauter David, il le surmontait et le bon penchant le conduisait dans la maison d’étude (Soucah 52b; Kidouchin 30b).

La conduite de Yossef est donc claire. Il retourna à la maison pour rencontrer la femme de Poutiphar, afin de tendre un piège au Satan, comme le font tous les hommes vertueux, et le vaincre. Il vit alors l’image de son père, non pas de façon négative pour l’empêcher de commettre la faute, mais de façon positive. Etant donné que Yossef ressemblait en tout à son père, chaque fois que le Satan se présentait à lui pour le faire fauter, Yossef voyait l’image de son père en se regardant lui-même, et il pouvait s’attaquer au mal et à l’impureté, aidé de son père, comme il l’avait toujours fait.

Cela nous montre combien les enfants peuvent procurer du mérite à leurs parents, car « ils sont la couronne des parents » (Béréchith Rabah 63:2), comme il est écrit (Michley 17:6): « La couronne des veillards, ce sont leurs enfants ». Ce n’est vrai que si les parents éduquent leurs enfants dans les voies de D. si bien qu’en grandissant, ils procurent du mérite à leurs parents grâce à leurs bonnes actions, car dans tout ce qu’ils font ils reflètent l’image de leurs parents (qui leur indiquent le bon chemin). Si par malheur ils en arrivaient à fauter, la faute retomberait aussi sur les parents car « la faute de l’enfant a son origine chez son père et sa mère » (Soucah 56b). Parents et enfants sont liés l’un à l’autre pour le bien ou pour le mal, et le fils peut attribuer soit le mérite, soit la faute, à son père, car il est conditionné par l’éducation reçue dans son enfance, dans la maison de ses parents.

Yossef n’a jamais eu l’intention de fauter, il voulait seulement enseigner aux générations futures des principes de base:

Le premier: Même l’homme le plus vertueux, s’il ne prend pas garde, risque d’être entraîné par son mauvais penchant et de commettre des fautes graves. Mais s’il veille sur lui-même, lorsque le mauvais penchant vient le tenter, il peut, grâce à l’image de D. qui est en lui, s’abstenir de commettre la faute. Ce n’est possible que s’il est toujours attaché à D., de tous ses membres et de toutes ses forces.

Le deuxième: L’homme peut augmenter ses mérites s’il attaque toujours le mauvais penchant à l’aide du bon penchant et le domine, comme l’ont fait Yossef et David.

Dans la prière de Roch HaChanah « zikhronot » nous disons: « Car Toi, l’Eternel, Tu te souviens de tout ce qui est oublié ».  D. voit que l’homme se repent et regrette sincèrement ses fautes alors, Il lui pardonne et oublie les fautes commises. D. ne retient que les fautes que l’homme a oubliées. Si l’homme se repent par amour, « D. transforme les fautes volontaires en mérites » (Yoma 86b), mais si l’homme continue à fauter, pensant qu’il peut se repentir et recommencer à fauter impunément (ibid. 88b), alors effectivement, il ne lui est pas donné la possibilité de se repentir et D. se rappelle toutes les fautes que l’homme a oubliées, car « D. n’est pas un homme pour oublier ».

C’est que, comme nous l’avons déjà dit, l’image de Ya’akov est gravée sur le Trône de Gloire (Béréchith Rabah 82:2) afin qu’il puisse prendre la défense des Enfants d’Israël en plaidant la puissance du mauvais penchant: Moi, Ya’akov, j’ai combattu de toutes mes forces durant toute ma vie, et par conséquent, Toi aussi, Tu dois leur pardonner et effacer leurs fautes. Lorsque l’homme continue à fauter (après avoir obtenu le pardon), les fautes oubliées lui sont rappelées. Mais D., béni soit-Il, est plein de compassion (Yérouchalmi Ta’anith 82:1; Zohar I, 140a). Il est patient avec un tel homme, Il ne le punit pas de mort, Il ne prête pas attention aux accusateurs. Car D. n’oublie pas les vertus de Ya’akov, dont le portrait est gravé sur le Trône de Gloire et Ya’akov prend la défense du pécheur. Tout comme l’image de Ya’akov a aidé Yossef à surmonter les tentations, elle aide tout homme à surmonter son mauvais penchant.

Il faut se demander pourquoi c’est justement l’image de Ya’akov qui lui vient en aide et permet à Yossef de surmonter l’épreuve, et pas autre chose?

Il y a là un secret. Yossef menait la lutte contre le mal avec Ya’akov, bien qu’il ait été loin de lui, et il n’a réussi dans cette tâche que grâce à l’image de son père. Il est clair que Yossef voulait provoquer le mauvais penchant, et le vaincre grâce à l’image de son père (et l’image de D.).

L’essentiel de l’éducation des enfants, est de leur enseigner la crainte de D. et la pureté. Le résultat est proportionnel aux efforts que les parents investissent dans l’éducation de leurs enfants, et les efforts portent leurs fruits lorsque les enfants qui risqueraient de fauter ne commettent pas la faute, soutenus qu’ils sont par l’éducation qu’ils ont reçue. S’ils restent fidèles à D., même lorsque la tentation est grande, ils verront l’image de leurs parents et ne commettront pas la faute, comme il est dit: « Il n’aperçoit point d’iniquité en Ya’akov, il ne voit point de mal en Israël » (Bamidbar 23:21). Pourquoi? Parce que « L’Eternel son D. est avec lui » (ibid.). C’est que même à l’heure où il est tenté par la faute, il reste attaché à l’image de D. et il évitera de commettre une transgression.

Cela explique les propos des Sages concernant le verset (Béréchith 45:28): « Et Israël s’écria: Il suffit! Yossef mon fils est encore en vie! J’irai et je le verrai avant de mourir! » Ya’akov dit: « La force de Yossef est grande, car il a subi de nombreuses souffrances, et il est resté beaucoup plus vertueux que moi qui ai fauté en pensant (Ichaya 40:27): ‘Ma voie est inconnue de l’Eternel, mon droit échappe à mon D.’ » (Béréchit Rabah 94:4).

1. Comment est-il possible que Ya’akov puisse dire que Yossef est beaucoup plus vertueux que lui?

2. Dans son livre Kovets Si’hoth, le Rabbin Nathan Meir Wachtfoygel demande: En quoi le pouvoir de Yossef était-il supérieur à celui de Ya’akov?

Ce que nous avons dit plus haut nous permet de répondre à cette question. Ya’akov avait raison, car son intention à lui, en habitant la terre de Canaan, était d’effacer le mal de ce monde, et dans son combat avec l’ange d’Essav (‘Houlin 92a; Béréchith Rabah 77:3), Ya’akov ne visait rien moins que la victoire finale, celle de l’avenir (Béréchith 33:14). « Je ne parviendrai pas maintenant au Mont Seïr, mais dans l’avenir, afin de juger Essav et Edom » (Yérouchalmi Avodah Zarah II:1; Béréchith Rabah 78:14), comme il est dit (Ovadia 1:21): « Les libérateurs monteront sur la montagne de Sion, pour se faire les justiciers du mont d’Essav, et la royauté appartiendra à l’Eternel ». C’est alors que Ya’akov achèvera sa tâche, mais en attendant, il a donné à Essav tous les biens de ce monde (Tana D’Bey Eliyahou Zouta 19).

Tout seul, Ya’akov ne remportera pas la victoire. Pour cela il a besoin justement de l’aide de Yossef qui lui ressemble en tout et à qui il a transmis la vraie tradition reçue dans la maison d’étude de Chem et Ever (Béréchith Rabah 63:15, 84:8). Yossef avait l’habitude de se boucler les cheveux et de s’embellir, et Ya’akov accentua encore sa beauté en lui donnant une tunique rayée! En accentuant sa beauté, Yossef le Juste affronte les incitations du Satan, il le domine grâce à ses grandes vertus, et ce faisant, il diminue la puissance et l’influence du mauvais penchant dans le monde. Il est possible qu’en agissant de la sorte, il désirait aussi régénérer les étincelles de sainteté, afin que les Enfants d’Israël n’aient pas besoin de descendre en Egypte.

Mais à cause de nos fautes, le décret n’a pas été annulé et « Yossef fut emmené en Egypte et acheté par Poutiphar... » (Béréchith 39:1), et là, en Egypte, il continua à lutter contre les forces du mal, sans l’aide de Ya’akov son père. Lorsque Ya’akov l’apprit, il s’étonna de la puissance de Yossef et s’écria: Lorsque Yossef était avec moi en terre de Canaan, nous avons œuvré ensemble pour diminuer l’influence des forces du mal, et chacun aidait l’autre dans cette lutte. Maintenant, Yossef se trouve seul en Egypte, il continue seul à lutter contre le mauvais penchant, et il réussit à le surmonter, comme en témoigne l’épisode de la femme de Poutiphar. C’est une preuve indiscutable que le pouvoir de Yossef est énorme, car il est seul, il est encore jeune, comme il est écrit (Béréchith 41:12): « Il y avait là avec nous un jeune Hébreu... » et pourtant, il réussit à surmonter les tentations. Ya’akov qui toute sa vie avait étudié la Torah dans les tentes de Chem et Ever (Béréchith Rabah 63:15) et habitait la maison de son père, n’avait pas subi une telle épreuve. Tel est le sens de « Ma voie est inconnue de l’Eternel » (Ichaya 40:27), car la conduite de Ya’akov était inconnue, mais Yossef agissait ouvertement. Il a fait dominer le bon penchant, et donc, il est certain que « le pouvoir du fils est plus grand que celui du père » (Chavouoth 48a).

De son côté, Yossef, a attribué sa réussite et son pouvoir au mérite de Ya’akov, dont la bonne influence se manifestait en ce qu’il avait toujours présente à l’esprit l’image de son père, bien qu’il se soit trouvé seul en Egypte. Il lui suffisait de voir l’image de son père pour affronter le Satan, ce qui montre que son succès lui venait de son père.

Ya’akov savait que la réussite de son fils venait de ce qu’il avait présente à l’esprit son image, et que ce souvenir lui venait en aide. La question revient donc à savoir en quoi le pouvoir de Yossef est plus grand que celui de Ya’akov (comme le dit le Midrach)?

C’est une chose d’être aidé directement par son père (lorsque Yossef était effectivement avec lui en terre de Canaan), c’en est une autre d’être soutenu uniquement par son souvenir. Tout compte fait, l’image ne suffit pas. Combien d’efforts l’homme doit-il faire, pour sentir effectivement la Présence de D. et pouvoir se retenir de fauter, car le mauvais penchant le tente matin et soir. Voir l’image de son père - c’est ainsi que Ya’akov raisonnait - n’est qu’un soutien. Yossef a combattu tout seul contre le mauvais penchant, de ses propres forces, sans être aidé. Il ne fait pas de doute que les forces de Yossef sont donc plus grandes que celles de Ya’akov. C’est la raison pour laquelle il réussit à surmonter toutes les difficultés.

 

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