La vertu de Yossef (et des Patriarches)

« Et il dit: Je suis Yossef votre frère que vous avez vendu à l’Egypte, maintenant ne vous affligez pas, ne soyez pas irrités contre vous-mêmes de m’avoir vendu à ce pays car c’est pour votre salut que le Seigneur m’y a envoyé avant vous... Le Seigneur m’a envoyé au-devant pour vous préparer des ressources dans ce pays et pour vous conserver la vie de façon merveilleuse » (Béréchith 45:4 - 7).

Nous avons ici une preuve indiscutable que les chefs des tribus n’ont pas vendu Yossef par haine mais qu’ils furent les instruments de D. (voir Or Ha’Hayim ad. loc.) et qu’ils l’ont envoyé en Egypte pour y préparer des ressources et les faire vivre afin d’annuler les forces du Mal qui ont leur origine dans la débauche de l’Egypte, et pour qu’il soit plus facile aux Enfants d’Israël de corriger les étincelles de sainteté d’Adam, dispersées en Egypte (voir Or Ha’hayim Béréchith 49:9).

De même, le Pitouh’ey H’otam écrit que Yossef dit à ses frères: « le Seigneur m’a envoyé au-devant » afin de préparer le terrain pour la correction des deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté. Nous savons qu’Osnat, la femme de Yossef, était la fille que Dina enfanta à Che’hem (Sofrim 21:8; Pirkey D’Rabbi Eliéser 38), et il est dit (ibid.) de Ya’akov qu’il inscrivit le Nom de D. sur une plaque qu’elle portait. Elle descendit en Egypte afin d’aider Yossef à préparer le terrain pour la correction des étincelles de sainteté avant l’arrivée de ses frères, puisque la vente était décrétée par le Ciel et leur haine inspirée par D.

Yossef dit à ses frères: « Le Seigneur m’a envoyé au-devant pour vous préparer des ressources dans ce pays, et pour vous sauver la vie », pour vous sauver des forces du Mal et vous donner une protection contre tous les accusateurs, jusqu’à la fin des temps. Auparavant il dit (Béréchith 45:3): « Je suis Yossef, est-ce que mon père vit encore », pour leur signifier la fin des temps. Lorsque D. révélera Sa souveraineté et qu’Il jugera les descendants d’Essav et d’Ichmaël pour toutes les souffrances qu’ils ont fait subir aux Juifs, le monde atteindra sa perfection, comme il est écrit (Ovadia 1:21): « Et les libérateurs monteront sur la montagne de Sion pour se faire les justiciers du mont d’Essav, et la royauté appartiendra à l’Eternel ». C’est ce que Yossef leur fit entendre en disant: « Je suis Yossef ». Le nom Yossef a une valeur numérique égale à six fois le Nom de D. correspondant aux six millénaires, indiquant par là qu’à la fin des temps, après six mille ans d’Histoire, viendra le temps de la rédemption et de la punition pour tous nos oppresseurs. En disant: « Est-ce que mon père vit encore? » il rappelle que le mérite des Patriarches ne s’épuise pas (Yérouchalmi Sanhédrin 10:1) et nous sauvera.

Il est écrit (Béréchith 46:4): « Yossef te fermera les yeux ». Pourquoi justement Yossef? Comme nous l’avons dit, Yossef est lié à l’Alliance qui indique la sainteté du regard qui ne se pose pas sur ce qui est honteux (voir Zohar III, 84a) ou interdit. C’est ce que disent les Sages (Derekh’Erets Zouta 1; Midrach Hagadah): « Lorsque Ya’akov rencontra Yossef, il prononça le Kriat Chéma ». Pourquoi justement cette profession de foi et pas une autre prière? C’est parce que, lorsque Ya’akov descendit en Egypte, D. lui promit (Béréchith 46:4): « Moi-même je descendrai avec toi en Egypte, Moi-même aussi Je t’en ferai remonter », c’est-à-dire: tu ne connaîtras aucune chute de spiritualité. Et donc, en voyant Yossef, en constatant l’ampleur du travail qu’il avait réalisé en Egypte, cette terre de débauche et de perversion (Chemoth Rabah 1:22) et en voyant comment il avait régénéré les étincelles de sainteté, il prononça justement le Kriat Chéma, où il est dit (Bamidbar 15:39): « Ne vous égarez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux », allusion à Yossef, à la sainteté de ses yeux.

En effet, les Sages disent de Yossef (Béréchith Rabah 87:3): « Dans la maison de la femme de Poutiphar, il avait l’habitude de se frotter les yeux » et elle n’a pas réussi à l’inciter à fauter car Yossef ne se laissait pas entraîner par les yeux. « Elle lui disait: je vais t’aveugler, et il lui répondait: « L’Eternel rend la vue aux aveugles » (Téhilim 146:8). En fin de compte elle plaça une tige de fer sous sa gorge pour qu’il lève les yeux sur elle et, malgré tout, il n’en fit rien... » (Béréchith Rabah 87:11). Yossef étant le prototype de celui qui préserve ses yeux, D. dit à Ya’akov que c’était justement Yossef qui lui fermerait les yeux.

De plus, avant de mourir, Ya’akov craignait une quelconque faille dans sa descendance, mais ses enfants, « les tribus de l’Eternel selon la charte d’Israël » (Téhilim 122:4), lui répondirent que tous ses enfants furent conçus saintement, et pour en donner la preuve, « ils ont prononcé ensemble le « Kriat Chéma » - Écoute Israël, l’Eternel est notre D., l’Eternel est Un » (Pessa’him 56a; Béréchith Rabah 98:4), fondement de la foi du peuple juif. Les Sages disent (Pessikta Zouta Chemoth 6:6): « Les Enfants d’Israël furent sauvés d’Egypte par le mérite de la circoncision » et (Tan’houma Chemoth 4): « Ils furent sauvés par le mérite de Ya’akov et de Yossef » (Bamidbar Rabah 13:19), et surtout (Béréchith Rabah 87:10): « Par le mérite des ossements de Yossef, la mer des joncs s’est ouverte devant eux ». Tout cela est lié, car le Kriat Chéma est fondamental, et l’Alliance aussi (Zohar I, 66b). Grâce à ces deux attributs, les Enfants d’Israël furent sauvés et la mer s’ouvrit devant eux.

Le pouvoir du Kriat Chéma est grand. On met la main sur les yeux (pour ne pas regarder), de même que « Yossef te fermera les yeux ». Le Kriat Chéma protège les yeux, puisqu’il y est dit (Bamidbar 15:39): « Ne vous égarez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux ». L’essentiel de la correction du signe de l’Alliance provient de la sainteté des yeux, comme il est dit dans les livres saints - à propos du verset (Béréchith 38:21): « Où est la prostituée qui se tient aux Deux-Sources, BaEnayim, (le mot Enayim désigne les yeux), sur le chemin? »(voir Tiphéreth Chlomo sur ce verset).

Cela explique pourquoi Yossef ne prononça pas le Kriat Chéma lors de sa rencontre avec Ya’akov son père. C’est que seul Ya’akov, en arrivant en Egypte, put apprécier le travail de Yossef dans ce pays de débauche et il prononça le Kriat Chéma pour la protection des yeux, comme nous l’avons expliqué plus haut. Mais Yossef qui résidait en Egypte depuis longtemps déjà et qui s’y était habitué, avait appris à se protéger la vue et il n’avait pas besoin de dire le Kriat Chéma à cette occasion.

Selon le Zohar, « Ya’akov est le corps et Yossef l’alliance, et tous deux ne font qu’un », ce qui nous permet de comprendre le verset (Béréchith 45:27): « La vie revint au cœur de Ya’akov leur père » lorsqu’il vit les chars que Yossef avait envoyés pour l’emmener (ibid.). Quels sont ces chars? Les Sages disent (Béréchith Rabah 94:3, 95:3): « Lorsque Yossef se sépara de Ya’akov, ils étaient occupés à étudier la section concernant la génisse dont on rompt le cou Egla désigne à la fois un char et une génisse). En voyant les chars, il se sentit revivre, il retrouva son lien avec Yossef car les chars indiquent des choses qui sont attachées les unes aux autres et il se sentit revivre. Tout le temps où il avait été séparé de Yossef, il avait porté le deuil et refusait d’être consolé (Béréchith 37:35) car il lui manquait le lien avec Yossef et il craignait de voir l’enfer, s’il perdait un de ses enfants (Tan’houma Vayigach 9; Midrach Hagadah) et de ne pouvoir opérer la rectification de la sainteté. Il ignorait la vente, car les frères avaient fait le serment de ne rien dire à Ya’akov et avaient associé D. à leur serment (Tan’houma Vayechev 2; Yalkout Chimoni ibid. 142). Mais maintenant que ce n’était plus un secret et que la vérité était connue, Ya’akov comprit que le signe de l’Alliance de Yossef n’avait pas été dénaturé et que même en Egypte son fils était resté vertueux (Béréchith Rabah 94:4), c’est pourquoi la vie lui fut rendue, comme à quelqu’un qui retrouve un objet perdu. Ya’akov ne se mit pas en colère en apprenant que Yossef avait été vendu, il ne maudit pas ses fils car il savait que telle avait été la volonté de D.  C’est pourquoi il est écrit: « La vie revint dans le cœur de Ya’akov leur père », il était toujours leur père, et il les aimait comme un père aime toujours ses enfants.

Il faut se demander pourquoi les frères, les tribus de l’Eternel (Téhilim 122:4) ont vendu Yossef et pourquoi ils ont associé D. à leur serment de ne pas révéler la chose à Ya’akov. Est-ce pensable?

C’est que les frères savaient que « Telle est la descendance de Ya’akov, Yossef », qu’ils ne font qu’un et que tout ce qui arrive n’a pour but que de confondre et d’annuler les forces du Mal. Il est impensable que les frères aient pu vouloir faire du mal à Yossef. Au contraire, voyant que Ya’akov veillait sur Yossef avec une attention toute particulière et l’affectionnait au point de lui faire une tunique spéciale (Béréchith 37:3), c’est-à-dire un vêtement réservé aux gens honorables, ils comprirent qu’il y avait là un secret. Après avoir entendu le contenu de ses rêves ils en déduisirent qu’il était le fondement du monde (puisque dans son rêve, ils se prosternent devant lui). Lui seul saura corriger le monde et l’amener à se soumettre à la souveraineté de D.  C’est pourquoi, pour le mettre à l’épreuve et avoir la confirmation de ses dires, ils l’ont vendu à l’Egypte, pays de débauche, où il pourrait prouver sa faculté de vaincre le Mal par la puissance de son secret issu de l’attribut du Fondement.

Pour élucider ce mystère, nous voyons que les frères avaient une intention profonde en vendant Yossef. Dans le Chaar HaKavanot, le Ari zal dit qu’il faut se concentrer en prononçant le verset (Daniel 9:18): « Ouvre les yeux et vois nos ruines » car la valeur numérique du mot Pékah’, ouvre, indique le saint Nom.

Cette même valeur numérique se retrouve dans les propos de Yéhouda à ses frères (Béréchith 37:26): « Quel avantage, si nous tuons notre frère et si nous scellons sa mort? Venez, vendons-le aux Ismaélites », autrement dit: comment le Nom de D. peut-il nous éclairer si nous tuons notre frère, et donc « venez, vendons-le aux Ismaélites », comme il est dit (Ichaya 2:5): « Maison de Ya’akov, venez, allons dans la lumière de l’Eternel », c’est-à-dire venez, justement dans la lumière de l’Eternel, ne le tuons pas mais vendons-le car si nous le tuons, le Nom de D. ne nous éclairera pas.

En outre, les frères ont mis à l’épreuve la vertu de Yossef en le jetant dans une citerne, « mais la citerne était vide, sans eau » (Béréchith 37:24). « Si elle était vide, il est certain qu’il n’y avait pas d’eau. Il n’y avait pas d’eau mais il y avait des serpents et des scorpions » (Chabath 22a; Béréchith Rabah 84:15). Malgré tout, les serpents et les scorpions n’ont pas fait de mal à Yossef car il portait en lui le signe de l’Alliance sainte et « Les bêtes sauvages n’ont pas d’emprise sur l’homme qui n’a pas porté atteinte au signe de l’Alliance » (Zohar 71a; Tikouney Zohar 94b). Yossef était pur, il n’avait que dix-sept ans (Béréchith 37:2). Le mot Tov, bon, a la valeur numérique de dix-sept et comme nous le savons ce mot indique l’alliance, comme il est dit de Moché (Chemoth 2:2): « Elle vit qu’il était bon », c’est-à-dire qu’il était né circoncis (Sotah 12a; Chemoth Rabah 1:24) et le signe de l’Alliance brillait comme le soleil à son apogée. De même, Yossef était bon.

En arrivant en Egypte, il savait que l’intention de ses frères avait été de servir D., qui avait agréé leur serment. Il était peiné d’avoir été séparé de sa famille, mais il était resté vertueux même à l’occasion de la grande épreuve avec la femme de Poutiphar. Les frères, sachant qu’il était resté vertueux et « un Juste, fondement du monde » (Zohar I, 59b), descendirent en Egypte à sa recherche, jusque dans les quartiers des prostituées (Béréchith Rabah 91:6) et ils étaient même prêts à le racheter pour une rançon élevée (ibid. 91:7). Mais Ya’akov de son côté refusait d’être consolé jusqu’à ce qu’il revoie Yossef, et ce n’est qu’en apprenant que Yossef continuait à être un Juste, fondement du monde, qu’il s’apaisa, et que « la vie revint dans son cœur » (Béréchith 45:27).

Après le décès de Ya’akov, Yossef dit à ses frères (Béréchith 50:20): « Vous aviez médité contre moi le mal, D. l’a pensé en bien », c’est-à-dire: vous avez pensé me mettre à l’épreuve en me vendant pour voir ce qu’il adviendrait et vous m’avez causé du tort mais D. a transformé le mal en bien, Il a pensé au bien qui en résulterait pour les Enfants d’Israël lorsqu’ils seraient sauvés d’Egypte. Ce que vous avez pensé en mal, D. l’a pensé en bien. Le verset indique aussi: il vous sera demandé des comptes, non pas maintenant mais à l’avenir, puisque D. est désigné dans ce verset par Son attribut de Justice (Zohar III, 30b). Comment les chefs des tribus furent-ils punis?  Il est dit que leur âme se retrouve dans les dix Sages martyrisés par les Romains (‘Houpat Eliyahou Béréchith 45:15; Kli Yakar 45:4), à cause de la peine qu’ils ont causée à Yossef, car « D. juge Ses proches avec rigueur » (Yebamot 121b; Vayikra 27:1).

Il  est écrit à propos d’Yits’hak (Béréchith 25:28): « Yits’hak préférait Essav parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche ». Il est difficile de comprendre pourquoi il aimait Essav, car il savait pourtant qu’Essav était mauvais et que seul Ya’akov était vertueux. Il savait aussi qu’Essav haïssait Ya’akov puisque c’est une loi (Sifri Beha’alotekha 9:10). S’il exprimait ouvertement de l’amour pour Ya’akov, Essav le haïrait davantage. Afin d’amoindrir cette haine, il montrait une grande affection envers Essav. Mais il est certain que dans son cœur il aimait Ya’akov (il est possible que l’expression « du gibier dans sa bouche » indique qu’il ne lui exprimait sa préférence qu’en paroles, mais dans son cœur il n’aimait que Ya’akov). Yits’hak dit à Ya’akov (Béréchith 28:2): « Lève-toi, va dans le territoire d’Aram, dans la demeure de Béthouel, le père de ta mère, et choisis une femme parmi les filles de Laban, le frère de ta mère ». Ce pays était peuplé de gens méchants mais Ya’akov y alla afin de les confondre et anéantir les forces du Mal parce que le Juste, fondement du monde, n’était pas encore né, comme il est expliqué dans les livres de Cabale concernant la venue d’une grande âme en ce monde... c’est justement là-bas, en ce lieu de gens méchants, que les chefs des tribus sont nés, et en dernier lieu Yossef, vainqueur d’Essav (Béréchith Rabah 73:5).

Lorsque Yossef est né, Ya’akov demanda à quitter H’aran, comme il est écrit (Béréchith 30:25): « Après que Ra’hel eut donné le jour à Yossef, Ya’akov dit à Laban: Laisse-moi partir, que je retourne chez moi, dans mon pays ». Il savait que l’adversaire d’Essav était né.

Ya’akov épousa deux sœurs (voir Pessa’him 119b) bien que la Torah l’interdise et que les Patriarches aient observé toute la Torah (Pessikta Zouta Mikets 43:43). Il le fit conformément à la volonté de D. (Yalkout Meam Loez Béréchith 2:571-73). Yossef le Juste, fondement du monde, va opérer la régénération des étincelles de sainteté enfouies en Egypte, et sans lui les Enfants d’Israël n’auraient pas été sauvés d’Egypte. S’il avait par malheur fauté, les Enfants d’Israël n’auraient obtenu ni le don de la Torah, ni la Terre d’Israël, ni le Temple, ni le nom du Messie et le monde entier serait retombé dans le néant primordial. L’âme de Yossef était donc spéciale et c’est pour elle que D. a désiré que Ya’akov confonde le Satan et lui a ordonné d’épouser deux sœurs, chose que la Torah interdit, afin d’ôter au Satan la possibilité de l’accuser. Yossef, le Juste, pourra venir au monde tandis que le Satan se dira qu’il est impossible que Yossef naisse d’une union interdite par la Torah. Cela permettra à Yossef d’opérer facilement la régénération des deux cent quatre-vingt-huit étincelles en préparant la descente des tribus en Egypte.

Lorsque Yossef surmonta les épreuves et fut nommé gouverneur de l’Egypte, le Satan perdit les moyens de s’en prendre à lui. C’est alors que débuta la famine qui constituait une épreuve de plus pour Yossef et sa famille puisqu’il se sépara de sa femme Osnat comme il se doit en temps de famine (Ta’anith 11a), comme il est écrit (Béréchith 41:50): « Il naquit à Yossef deux fils, avant la période de disette ». Mais Yossef était prêt à ces épreuves et il les surmonta afin de préparer la venue de Ya’akov et de sa famille en Egypte, et pour y confondre et annihiler les forces du Mal.

 

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