La méchanceté de Pharaon et l’intégrité des Enfants d’Israël

«Un roi nouveau s’éleva sur l’Egypte, lequel n’avait point connu Joseph»(Exode 1:8). Citant nos Sages, Rachi explique: Rav dit qu’il s’agit vraiment d’un roi nouveau; Chmouel souligne [que c’était le même mais qu’]il avait renouvelé ses décrets (Sotah 11a; Chémoth Rabah 1:8).

Comme la fin des jours de Joseph est fumeuse, nous nous efforcerons ici d’éclaircir tout le problème:

1) Une question se pose: pourquoi, lorsque s’éleva un roi nouveau en Egypte, «Havah Nith’hakma lo il décida d’user d’expédients contre les enfants d’Israël» (Exode 1:10). Quel rapport y a-t-il entre les deux faits [le fait qu’il s’éleva et qu’il s’ingénia à vouloir les détruire]?

2) On peut répondre que c’est parce qu’il eut peur d’eux, comme il est écrit: «Voyez, la population des enfants d’Israël surpasse et domine la nôtre» (id. 9). Mais ils n’étaient pas du tout prêts à guerroyer: leur servitude venait à peine de commencer (Séder Olam Rabah 3). Pourquoi alors cette peur?

3) Autre question: Quand Joseph fut nommé roi, pourquoi n’envoya-t-il pas chercher sa famille? Pourquoi attendit-il que d’eux-mêmes ils descendent en Egypte, comme il est écrit: «Les frères de Joseph arrivèrent...» (Genèse 42:6). Pourquoi en outre, une fois venus, les accusa-t-il d’être des espions et de vouloir «découvrir le côté faible du pays?» (id. 9). N’avait-il pas d’autres griefs contre eux?

C’est que les rois d’Egypte se prenaient pour des dieux, comme il est écrit: «Je m’en prends à toi, Pharaon, roi d’Egypte... qui dis: Mon fleuve est à moi, c’est moi qui me l’ai fait» (Ezéchiel 29:3) (cf. Chémoth Rabah 8:3; Tan’houmah, Vaéra 9). Cependant, cet orgueil disparut aussi longtemps que nos patriarches vivaient en Egypte. C’est ainsi que nous trouvons que «Pharaon fut frappé de plaies terribles à cause de Saraï, l’épouse d’Avram» (Genèse 12:17). De même, quand Jacob entra chez Pharaon, un ange vint qui éleva le fronton de la porte, afin que notre patriarche ne fût pas obligé de se prosterner devant les idoles. Nous trouvons aussi que toute l’Egypte était entre les mains de Joseph, et que Pharaon lui dit: «Tout mon peuple sera gouverné par ta parole» (id. 41:40), «Nul n’est sage et entendu comme toi» (id. 39); «Sans ton ordre, nul ne remuera la main ni le pied dans tout le pays d’Egypte» (id. 44; cf. Séder Hadoroth, Aleph, 3).

«Ce n’est qu’à la mort de Joseph/Yossef, de tous ses frères, ainsi que toute cette génération» (Exode 1:6) — génération qui élimina l’orgueil des rois d’Egypte — que s’éleva en Egypte un roi nouveau; c’est-à-dire un roi qui retrouva son orgueil en renouvelant sa divinité pour régner sur le pays. C’est parce que ceux qui connaissaient son secret étaient déjà morts, et que personne ne pouvait plus révéler son infamie... D’ailleurs la valeur numérique de vayakom (Exode 1:8) est similaire à Yossef (156); et la guématria de mélekh ‘hadach ‘al Mitsraïm acher (un nouveau roi sur l’Egypte qui) équivaut à hem avothénou Avraham, ‘alav hachalom, Yits’hak, ‘alav hachalom, Ya’akov, ‘alav hachalom (ce sont nos pères Avraham, Isaac et Jacob, paix soit sur eux) (voir aussi Na’hal Soreq du Rav ha’Hida). C’est précisément de Joseph que le roi nouveau avait le plus peur: ce n’est qu’à sa mort que Pharaon put s’élever.

Les réponses successives de Rav (un roi qui ne connut pas Joseph) et Chmouel (qui renouvela ses décrets) sont donc valables: après la mort de Joseph et de toute la génération, Pharaon s’enorgueillit de nouveau, car il n’y avait plus personne pour dévoiler son secret et révéler son infamie.

Pharaon put donc de nouveau se considérer comme une divinité et «user d’expédients» contre les enfants d’Israël. Mais comme il craignait quelqu’un d’aussi sage et entendu que Joseph, susceptible de révéler de nouveau son secret, il se mit à les accabler de travaux pénibles. Il donna cependant comme alibi la possibilité d’une guerre menée contre lui par les Juifs asservis (Exode 1:10). Il craignait également qu’ils ne s’unissent, car, selon l’enseignement de nos Sages (Tan’houma, Nitsavim 1), «L’union conduit à la rédemption.» C’est pourquoi il leur ordonna de cesser de se réunir pour apporter de la paille... (cf. Exode 5:7), ce que nos Sages interprètent par l’interdiction de se rassembler pour s’unir... Il voulait les séparer par leur servitude (voir nos explications sur ce sujet à la section hebdomadaire Vayé’hi. D’ailleurs Havah (nith’hakma) a la valeur numérique 12, allusion aux douze tribus qu’il tenait à séparer.

D’après la Kabalah, Yossef (156) équivaut à six fois le Nom Saint Havayah (26x6) (cf. Pitou’hé ‘Hotam). Or, nous avons appris autre part que c’est ce qu’a acquis Joseph, le Tsadik, par suite de sa rectification de la souillure de l’Alliance (6), séphirah de Yessod. C’est pourquoi il porte le nom de Tsadik, fondement de l’univers (Zohar I, 59b). Il a alors commencé à rectifier les étincelles de sainteté souillées par Adam la veille de Chabath pour tracer la voie aux enfants d’Israël à leur descente en Egypte. Car on sait que par son péché, Adam a souillé les dix séphiroth par lesquelles le monde fut créé pendant six jours (Tikouné Zohar 69, p. 116; Zohar II, 63b; 276a). Chaque Nom Divin (ou Havayah) correspond à un jour de la Création, Joseph les englobant tous.

Mais, comme Pharaon reniait toute existence de Dieu, («Qui est Dieu pour que j’entende Sa voix?» (Exode 5:2) il reniait ainsi le fait que Dieu créa le monde en six jours et le verset: «il s’éleva un roi nouveau, lequel ne reconnaissait point Joseph» indique qu’il ne croyait pas aux six Noms Divins ou Havayoth de Joseph, correspondant aux six jours de la Création. Mais comme il craignait que ne surgisse un personnage aussi sage et entendu que Joseph, susceptible de révéler que Pharaon n’était pas une divinité, mais un homme en chair et en os, et qu’il n’y a qu’un seul Dieu il dit à son peuple: «Usons d’expédients contre les enfants d’Israël» (Exode 1:10).

On peut aussi concevoir que Pharaon savait parfaitement que la descente des enfants d’Israël en Egypte, lieu de la débauche mondiale (Chémoth Rabah 1:22), ne visait qu’à rectifier les étincelles de sainteté souillées par Adam (cf. Ora’h ‘Haïm, Genèse 49:9) pour être dignes de recevoir la Torah et parfaire le monde par le règne de l’Eternel. En voici les preuves:

1) Les enfants d’Israël ne sont descendus précisément qu’en Egypte.

2) Le mérite extraordinaire de Joseph qui a évité, dans un pays connu pour son immoralité, de se laisser séduire par la femme de Potiphar, indiquant ainsi le tikoun (réparation) que les enfants d’Israël devaient accomplir.

3) Joseph ne sortit de prison que pour interpréter le rêve de Pharaon, les «sages» de ce dernier étant incapables de le faire; et comprenant qu’il les surpassait, il se permit de donner un conseil à Pharaon: il fallait absolument diriger l’économie du pays de telle façon qu’il puisse survivre et avec lui le monde entier. C’est pourquoi il fut nommé vice-roi de toute l’Egypte. Pharaon était étonné que Joseph, ce roi qui régnait d’un bout à l’autre du monde (cf. Yalkhout Mé’am Lo’ez, Vayé’hi, p. 839), n’eût pas envoyé chercher sa famille, mais attendît leur arrivée. Il comprit finalement que les enfants d’Israël devaient venir d’eux-mêmes pour rectifier les étincelles de sainteté.

4) Quand les frères de Joseph se présentèrent devant lui, il leur dit: «C’est pour découvrir ’ervath haarets, les côtés découverts du pays, que vous êtes venus» (Genèse 42:9). En d’autres termes, vous êtes venus rectifier les klipoth. «Tes serviteurs sont venus pour lichbor bar acheter des vivres» (id. 10) lui répondirent-ils, c’est-à-dire lichbor, briser les forces du mal et rectifier les étincelles de sainteté. Pharaon commença alors à «user d’expédients» pour les en empêcher, mais n’y réussit pas.

Lorsque les enfants d’Israël s’efforcent d’élever les étincelles de sainteté à leur source, les forces de l’impureté s’emploient constamment à les faire trébucher, mais comme écrit le prophète: «Tout instrument forgé contre toi sera impuissant» (Isaïe 54:17). Ainsi soit-il!

 

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