Les bienfaits du sanctuaire

Commentant le verset: «Et ils me construiront un sanctuaire pour que Je réside au milieu d’eux» (Exode 25:8), les Sages du Talmud font remarquer que le verset ne stipule pas «en son milieu» mais individuellement en chacun des enfants d’Israël. Le Talmud (Ta’anith 30b; Bava Bathra 60b) enseigne en outre que, celui qui s’endeuille sur Jérusalem (c’est-à-dire sur la destruction du saint Temple) aura le mérite de participer à sa joie, comme il est écrit: «Réjouissez-vous avec Jérusalem, et soyez dans l’allégresse à cause d’elle, vous tous qui l’aimez! Prenez part à sa joie, vous tous qui êtes en deuil à son sujet» (Isaïe 66:10).

Ce dernier Midrach pose un certain nombre de questions:

1) Y a-t-il vraiment un rapport entre le deuil et la joie qu’on éprouve à l’égard de Jérusalem et la révélation de la Chékhinah sur le sanctuaire? Pourquoi celui qui s’endeuille sur Jérusalem aura-t-il le privilège de participer à sa joie?

2) Pourquoi faut-il continuer à s’endeuiller sur Jérusalem pour pouvoir participer à sa joie? Une seule fois ne suffit-elle pas?

3) Comme nous l’avons vu, après la destruction du Temple, la Chékhinah règne sur les lieux de culte. Comment la Providence Divine est-elle passée du Temple aux Yéchivoth, synagogues, etc.? Rappelons à cet effet la question posée par Rabbi Leib Gourvitch dans son ouvrage Méoré Chéarim: si la Chékhinah réside individuellement en chacun des enfants d’Israël, pourquoi Leur a-t-Il ordonné de Lui construire un autel?

C’est que le sanctuaire apprend à l’homme, qui est lui-même un sanctuaire en miniature, à s’édifier. En essayant de comprendre comment la sainteté peut régner sur du bois et des pierres, il apprendra à se sanctifier et s’imprégner de la Chékhinah, lui, dont l’âme fait partie de la Divinité. Il se demandera comme Moïse, pourquoi le Saint, béni soit-Il, que le ciel et tous les cieux ne sauraient contenir, se contracte dans les quarante-huit madriers matériels du sanctuaire, et il déploiera tous ses efforts pour se sanctifier.

En outre en voyant que Dieu, grand, tout-puissant et redoutable, réside dans un sanctuaire fait de madriers et de pierres, il suivra Sa grandeur et Sa modestie, et déploiera tous ses efforts pour s’attacher à Ses attributs (Sotah 14a).

Enfin, en réfléchissant à l’essence du sanctuaire, l’homme parviendra à saisir qu’il représente plus d’intérêt pour Dieu que le sanctuaire lui-même.

En effet, nos Sages enseignent que si le Roi Salomon ne se servit pas des trésors de son père David pour entreprendre la construction du Temple (Yalkout Chimoni, Rois I, 186), c’est parce qu’il y eut une famine du temps de David, durant trois années consécutives (Samuel II, 21), et au lieu de distribuer l’argent aux malheureux, il le conserva pour la construction du Temple. «Mes enfants meurent de faim, et toi tu gardes des trésors pour la construction du Temple? lui demanda le Saint, béni soit-Il. Sur ta vie, Salomon ne les utilisera pas du tout...» La vie d’un homme est donc préférable à la construction du Temple, où réside la Providence.

Le Temple n’est sanctifié que par sa construction par les enfants d’Israël, par leur accomplissement de cette mitsvah, comme enseigne le Talmud (Sanhédrine 20b): «Les enfants d’Israël ont reçu l’ordre d’accomplir trois mitsvoth à leur entrée en Terre d’Israël: nommer un roi, construire le Temple, et effacer la descendance d’Amalek.» Nos Sages enseignent en outre: «Celui qui accomplit une bonne action, se crée un ange défenseur» (Avoth 4:13; Zohar III, 307b). Ainsi, lorsqu’on entreprend la construction du Temple, on proclame sa sainteté et on en est imprégné. Imitant son prochain, chaque Juif s’édifiera, et la Providence Divine régnera ainsi sur l’ensemble du Peuple d’Israël. Nos Sages nous enseignent que dix miracles ont été accomplis dans le Temple de Jérusalem en faveur de nos ancêtres (Avoth 5:5; Yoma 21a), cela pour nous inciter à servir notre Créateur avec le plus grand enthousiasme...

Après avoir écrit ces propos, j’ai lu ce qui suit dans l’ouvrage d’éthique Darké Moussar: «La Guémara enseigne que celui qui s’endeuille sur Jérusalem, participe à sa joie. Pourquoi le Talmud (Ta’anith 30b) utilise-t-il le présent et non pas le futur? C’est que celui dont le cur est affligé par la destruction de Jérusalem et celle du Temple, qui verse des larmes parce qu’il a été privé de leur sainteté, qui réfléchit constamment à leurs vertus, s’y fait partiellement intégrer. Car l’aspiration et la recherche des vertus réconfortent sensiblement l’âme et lui apportent beaucoup, comme il est écrit: «Que le cur de ceux qui recherchent l’Eternel soit en joie!» (Chroniques I, 16:10): la seule invocation de Dieu les remplit de joie, même s’ils ne L’ont pas encore trouvé... par conséquent, celui qui s’endeuille sur la destruction de Jérusalem, voit immédiatement sa joie et y participe: il n’a pas besoin d’attendre sa reconstruction.

L’homme doit considérer que Dieu s’est adressé personnellement à lui pour construire le Temple. Et, comme on le sait, Il joint la bonne pensée de l’homme à l’action (Kidouchine 40a). Alors le Temple est pour lui déjà construit et il s’imprègne de sa sainteté, et la Chékhinah réside en lui... Maintenant que le Temple a été détruit, nous le reconstruirons pour ainsi dire, par nos prières dans les synagogues et notre étude de la Torah dans les maisons d’étude. Avoir sans cesse Jérusalem à l’esprit, c’est se réjouir le cur, et cette joie conduit l’homme à se rapprocher de Dieu.

Dieu nous a ordonné de nous lever tous les soirs, au milieu de la nuit, pour réciter le Tikoun ‘Hatsoth et nous endeuiller sur la destruction de Jérusalem (Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Haïm 1:3). En outre, on a l’habitude de casser un verre sous le dais nuptial (Choul’han Aroukh, Even Ha’ezer 4:3)... Pourquoi ne pas se contenter de s’endeuiller le jour du mariage et pourquoi ne pas le faire sur Jérusalem une seule fois, à Ticha’ BéAv par exemple? Le jour où Rabénou HaKadoch a souri, relate le Talmud (Nédarim 50b), des sentences rigoureuses se sont abattues sur le monde. Le Saint, béni soit-Il, n’a pas ri une fois depuis la destruction du Temple (Avodah Zarah 3b; Zohar III, 267). Pourquoi?

C’est que, nous l’avons vu, le Temple aide l’homme à se réédifier. Le seul fait d’y penser l’éclaire et l’imprègne de sainteté. Mais maintenant qu’il a été détruit, celui qui pleure sa destruction aura le mérite de participer à la joie de sa reconstruction. Nous devons déplorer constamment sa perte pour ne pas succomber à la séduction du mauvais penchant et nous éloigner des mauvais traits... En outre, celui qui s’endeuille la nuit anéantit les forces du mal qui y sévissent (voir Zohar I, 169b; II, 205a). C’est pourquoi le Talmud (’Haguigah 3b; Tossefta Téroumoth, chap.1) considère comme insensé celui qui sort seul la nuit: c’est que le Satan cherche à dominer l’homme pendant la journée, par suite des forces du mal qu’il a créées la nuit par ses fautes... Donc, celui qui s’endeuille précisément la nuit sur la destruction du Temple a le mérite de participer à la joie engendrée par sa reconstruction... Quant au verre qu’on brise avant le mariage, il sert à nous rappeler que c’est à la joie réelle et authentique que nous cherchons à accéder.

Nos Sages enseignent que la mort des Justes est plus douloureuse que la destruction par le feu de la maison de notre Dieu (Eikhah Rabah 1:39), et que les Tsadikim portent le nom d’appui, soutien, et ressource, comme il est écrit: «Voyez l’Eternel Tsévaoth enlève à Jérusalem, à Juda, tout appui et tout soutien, toute ressource en pain et toute ressource en eau» (Isaïe 3:1). L’appui, ce sont ceux qui étudient la Bible, le soutien, ceux qui étudient la Michnah, et la ressource ceux qui étudient le Talmud et la Hagadah qui sont les Tsadikim, les maîtres qui enseignent aux enfants d’Israël, qui les aident à s’édifier, maintenant que le Temple n’est plus, et qui font descendre sur terre un flux d’abondance spirituelle par leur esprit de sacrifice dans l’étude de la Torah. Leur disparition équivaut à la destruction de la maison de notre Dieu; sans eux, nous manquons totalement d’appui... Rattachons-nous donc au Tsadik, grâce auquel le chéfa’ descend sur le monde. Travaillons sur nous-mêmes pour devenir justes. Ne cessons de penser à la destruction de notre saint Temple, nous aurons alors le mérite de participer à la joie de sa reconstruction, au plus vite de nos jours! Amen!

 

Les vertus du sanctuaire
TABLE DE MATIERE
PARACHAT TETSAVEH

 

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