Les vertus de Moïse et Aharon face aux ruses du mauvais penchant

Commentant le verset «Aharon jeta l’or dans un moule, et fit un veau», Rachi, qui cite le Midrach (Tan’houma, Ki Tissa 11), explique que les magiciens égyptiens exercèrent leur sorcellerie, et le façonnèrent. D’autres estiment que c’est Mikha qui tenait en mains le plateau d’or, sur lequel Moïse avait écrit: «Monte, ô bœuf» pour faire monter du Nil le cercueil de Joseph. C’est donc Mikha qui l’a jeté dans la fournaise, pour en former un veau.

On peut se poser trois questions sur ce Midrach:

1) Pourquoi Moïse dut-il écrire: «Monte, ô bœuf» sur le plateau. Il aurait pu dire oralement cette phrase, ce qui aurait assurément empêché le péché du veau d’or... Pourquoi a-t-il écrit cette phrase qui se rapporte à Joseph, comme il est écrit: «De ton taureau premier-né il a la majesté» (Deutéronome 33:17), et non «Monte, ô Joseph»?

2) Si c’est la tourbe, (ou le plateau d’or) qui a façonné le veau d’or, pourquoi Moïse dit-il à Aharon: «Que t’a fait ce peuple pour que tu l’aies laissé commettre un si grand péché?» (Exode 32:21). Pourquoi en outre les enfants d’Israël lui ont-ils demandé de leur faire «un dieu qui marche devant eux» (id. 32:1) si de toute façon c’est le plateau d’or qui allait tout faire?

3) Nos Sages enseignent (Chabath 89a; Rachi id.) que le Satan avait montré aux enfants d’Israël le cercueil de Moïse porté dans le ciel par des anges. Comment a-t-il pu les tromper de la sorte? Les enfants d’Israël savaient nettement distinguer les anges (ceux du Mont Sinaï qui leur posèrent leurs couronnes) du Satan... (Chabath 88a; Pessikta Rabah 34:10). Et nous revenons à notre question: Comment peut-on concevoir qu’ils en soient arrivés là, après avoir assisté à tant de miracles en Egypte et sur la mer?

Rappelons que Joseph avait fait jurer les fils d’Israël en disant: «...et vous ferez remonter avec vous mes os loin d’ici» (Exode 13:19), et pendant que les enfants d’Israël étaient affairés à ramasser le butin, Moïse se chargeait de cette mitsvah pour ne pas retarder leur sortie d’Egypte (Chémoth Rabah 20:17). Or, comme nous l’avons vu (Chémoth Rabah 9:8; Tan’houma, Vaéra 18), le Nil était l’idole des Egyptiens: «il refusa de laisser monter les ossements de Joseph, et même prétendit que les enfants d’Israël n’étaient pas dignes de la Rédemption parce qu’ils avaient déjà franchi les quarante-neuf portes d’impureté (Zohar, Yithro 39a)...

Mais dans sa sagesse, Moïse s’empara d’un plateau d’or au moyen duquel il pourrait communiquer directement avec Joseph, l’informer que de graves accusations sont portées contre Israël, et que s’ils tardent à sortir d’Egypte à cause du cercueil de Joseph, ils sont susceptibles de franchir la cinquantième porte de l’impureté... Moïse demanda donc à Joseph de tout faire pour que son corps remonte du fleuve avant qu’il ne soit trop tard. La sainteté de Joseph finit par triompher du Nil et de l’ange protecteur des Egyptiens. Car la sainteté du Tsadik dépasse la nature, et, comme l’enseigne le Talmud (’Houline 7b): «les Tsadikim sont plus grands après leur mort que de leur vivant.»

Grâce au cercueil de Joseph, Moïse allait triompher aussi de la Mer Rouge. Commentant le verset: «Qu’as-tu, mer, pour t’enfuir» (Psaumes 114:9), les Sages (Midrach Cho’her Tov, id.; Zohar II, 230b) enseignent que la Mer Rouge vit le cercueil de Joseph et laissa le passage aux enfants d’Israël. L’ange protecteur des Egyptiens avait prétendu devant le Saint, béni soit-Il, que, tout comme les Egyptiens, les enfants d’Israël n’étaient que des idolâtres (Cho’her Tov 15:5; Zohar II 170b), et refusait de les laisser traverser la mer Rouge... Mais en voyant le cercueil de Joseph, et en se rappelant comment il était remonté malgré l’opposition du fleuve, la mer recula et se fendit.

Moïse savait sans doute qu’il était dangereux d’écrire quelque chose sur le plateau: quelqu’un était susceptible de l’utiliser à mauvais escient (ce qui allait se révéler vrai). Car les forces du mal ne puisent leur vitalité qu’à partir de la sainteté (Zohar II, 201b; III, 119b). Moïse dut néanmoins inscrire quelque chose sur le plateau, car le temps pressait et il fallait penser à l’avenir spirituel du Peuple d’Israël. Sinon il risquait de franchir le cinquantième degré d’impureté, d’où il n’y a plus d’issue. Il écrivit donc: «Monte, ô bœuf», et non «Yossef» pour amoindrir les dégâts éventuels: s’il inscrivait Yossef sur le plateau, c’est une figure d’homme qui parlait la langue des enfants d’Israël, qui avait leurs traits, etc... qui serait sortie. Il leur aurait commandé de tuer Moïse et Aharon, et les enfants d’Israël lui auraient sans doute obéi... Leur châtiment aurait été extrêmement grave, voire fatal, à Dieu ne plaise... Mais «le Sage a ses yeux dans la tête» (Ecclésiaste 2:14), et Moïse, même dans un moment de tension extrême, a eu la perspicacité de n’inscrire que «monte, ô bœuf!» qui fait allusion à Joseph, pour amoindrir les dégâts, comme nous l’avons vu plus haut.

Donc si la tourbe a demandé à Aharon de leur faire «un dieu qui marche devant eux», c’est parce qu’ils voulaient que par sa sainteté il leur fasse monter un homme, et non un bœuf; qu’il se concentre sur le nom de Joseph/bœuf qui gouvernait tout le pays d’Egypte (Genèse 42:6) et le monde entier. Ils voulaient qu’il fasse émerger un homme dépourvu d’âme et d’esprit, capable de régir le monde par le pouvoir de la kélipah... A la demande d’Aharon, ils ôtèrent les anneaux d’or qui pendaient aux oreilles de leurs femmes... (Exode 32:2): la tourbe savait qu’à l’aide d’Aharon et du plateau, ils pouvaient façonner une idole, se rebeller contre Dieu, et gagner à leur cause tous les enfants d’Israël avant que Moïse ne descende de la montagne.

«Car ce Moïse, cet homme qui vous a fait sortir d’Egypte, nous ne savons pas mah ce qu’il est devenu» (id. 32:1): il est tellement humble que nous ne le connaissons pas, prétendit le ’erev rav. En montant dans le ciel, il s’est transformé en dieu; (rappelons que mah a la même valeur numérique que le Nom Saint YKVK avec le complément des Alefine)... Nous avons donc besoin d’un dieu qui nous dirige, même s’il lui est inférieur...

Mais Aharon, voyant la catastrophe, implora Dieu pour qu’ils ne puissent obtenir ni une figure d’homme, ni celle d’un bœuf, mais d’un veau: il grava une inscription différente sur le plateau grâce à sa prière. Par conséquent, en fin de compte, ce n’est pas lui qui fit le veau d’or. Le Roi David écrit: «Ils firent un veau en ‘Horeb... ils échangèrent leur gloire contre la figure d’un bœuf qui mange l’herbe» (Psaumes 106:19-20). Que firent-ils en fin de compte, un veau ou un bœuf? Le «moule» était celui d’un bœuf, mais du feu sortit un petit veau, pour amoindrir le péché de ceux qui l’avaient façonné.

Nous voyons là la sainteté d’Aharon, qui, en dépit de la mort de ‘Hour égorgé devant lui (Tan’houma, Ki Tissa 19) n’eut pas peur de la foule, et implora Dieu de faire sortir du feu un veau, et non la figure d’un homme ou d’un bœuf.

«Mah, Que t’a fait ce peuple?» Le peuple voulait que tu lui fasses des élohim, des divinités, dont la valeur numérique (92) est deux fois celle de Mah (plus un pour chaque Mah) au lieu du Saint, béni soit-Il, qui a dit: «Je suis l’Eternel ton Dieu» (Exode 20:2). Que de souffrances tu as endurées à entendre ceci!

Aharon répondit à Moïse:«Tu sais toi-même que ce peuple est enclin au mal» (id. 32:22). «Tu connais ce peuple par ton esprit de sainteté (voir Kéli Yakar), tu sais qu’il pense toujours au mal...» Car ce sont Moïse et Aharon, qui triomphèrent finalement du mauvais penchant qui a poussé les enfants d’Israël à commettre le péché du veau d’or.

On voit là la puissance du Yetser Hara’ qui est fait de feu (Zohar I, 80a), et se tapit entre les deux parties du cœur de l’homme (Bérakhoth 61; Soucah 52b). Que d’efforts ne déploie-t-il pas pour écarter l’homme du chemin de la droiture et pour lui prouver qu’il ne cherche que la vérité et son intérêt. Comme nous l’avons vu plus haut, les enfants d’Israël identifiaient bien la physionomie des vrais anges, mais il a réussi malgré tout à les persuader que ce qu’ils avaient vu dans le ciel, c’était bien le cercueil de Moïse.

Un fil mince sépare la vérité du mensonge, et il faut déployer de grands efforts pour le discerner. Elle peut se vêtir de tout un tissu de mensonges, et seule l’aide de Dieu nous permet de la distinguer du mensonge... Si la génération de la connaissance s’est laissée duper, que pouvons-nous dire alors?

Tout cela a été engendré par l’impatience des enfants d’Israël... S’ils ne s’étaient pas fixé un délai pour voir descendre Moïse du ciel, ils ne seraient pas arrivés au péché. Mais comme ils ne voulaient même pas attendre un jour (voir Rachi, id. Chabath 89a), le mauvais penchant a trouvé une petite ouverture, et s’y est infiltré sans encombre. Un péché en engendre un autre (Avoth 4:2; Tan’houma, Ki Tetséh 1), ils ont fini par se rebeller contre l’ordre de Dieu.

Les débuts étaient ainsi d’ores et déjà mauvais, comme il est écrit: «Moïse vit que le peuple était livré au désordre, et phéra’o qu’Aharon l’avait laissé dans ce désordre, exposé à l’opprobre parmi ses ennemis» (Exode 32:25). Les défauts du peuple étaient prévisibles lémaphréa.’.. Déja aussitôt que Moïse était monté au ciel, ils avaient mal agi en n’attendant pas qu’il en descende.

Ne nous limitons donc pas dans notre étude de la Torah. Méditons-la, de jour et de nuit. Parlons-en chez nous, au cours de nos voyages, à notre coucher et notre réveil... Pensons néanmoins à notre subsistance quotidienne, car «sans pain, point d’étude» (Avoth 3:17; cf. aussi Vayikra Rabah 9:3; Tana Débé Elyahou Rabah 2). Cependant l’essentiel, ce sont les prières et l’étude assidue de la Torah, qui nous conduiront aux plus hauts niveaux.

 

 

L’impudence et l’orgueil — source de tout péché
TABLE DE MATIERE
Le péché du veau d’or et la routine

 

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