Par le mérite de la Torah, l’homme est dressé sur la terre et sa tête atteint le Ciel

Commentant le verset: Ecoutez, cieux, je vais parler; et que la terre écoute les paroles de ma bouche, Rachi cite le Midrach: Pourquoi Moïse a-t-il pris comme témoins les cieux et la terre? Parce qu’il s’est dit: Je ne suis que de chair et d’os et demain je peux mourir. Et si les enfants d’Israël disent: Nous n’avons conclu aucune alliance, qui viendra démentir leurs propos? C’est pourquoi il a pris comme témoins les cieux et la terre qui subsistent à jamais (Sifri, id.).

L’homme peut effectivement être dressé sur terre, il doit toutefois veiller à ce que sa tête atteigne le Ciel, c’est-à-dire s’éloigner du côté matériel de la vie tout en s’y immergeant. Le côté matériel ne doit pas contrecarrer le côté spirituel de sa vie et enfreindre son élévation: les cieux et la terre en même temps... Tout comme notre maître Moïse qui y a pleinement réussi, nous pouvons tous, par l’étude assidue de la Torah, nous séparer complètement des futilités de la vie, sublimer la nature et revêtir de la sorte l’aspect des cieux.

Toutefois, à cause de nos nombreux péchés, beaucoup d’entre nous écoutent bien les paroles de la Torah et restent malgré tout dans l’aspect de: Que la terre écoute les paroles de ma bouche, en s’attachant fermement au côté matériel de la vie. Ils doivent toutefois se rappeler le fait qu’avant de recevoir la Torah, les enfants d’Israël ont dit: Nous ferons, puis nous écouterons (Exode 24:7) acceptant sur eux d’accomplir toutes les mitsvoth, même si elles paraissaient étranges à leur entendement car ils avaient accédé à un niveau spirituel suprême. A notre tour, nous pouvons y arriver si nous le voulons vraiment.

La veille de sa mort, Moïse a donc fait en sorte que les enfants d’Israël accèdent au même niveau que lui: radicalement éloignés du côté matériel de la vie, Moïse a alors d- s’exclamer: Que la terre écoute les paroles de ma bouche pour l’inviter elle aussi à porter témoignage de leur grandeur au plan matériel et spirituel.

Dans ses écrits, l’Admour de Gour fait remarquer que l’objectif essentiel de l’homme ici-bas est de lier ce monde au monde futur et de mener dans ce monde la vie du monde futur. Moïse prend à témoin le ciel et la terre que les enfants d’Israël revêtent l’aspect des cieux malgré leur présence sur cette terre, car ils mettent immédiatement en application ce qu’ils entendent et éliminent radicalement leur mauvais penchant... Ils lient donc ce monde au monde futur.

Nous ne pouvons accéder à ce niveau que lorsqu’il n’y a pas besoin de nous imposer quelque chose, mais c’est en écoutant une directive dite avec douceur que l’on arrive rapidement à l’observance totale de tout ce qu’on nous dit, même ce qui semble à première vue illogique. Commençons cette éducation dès notre plus jeune âge. Par exemple, si on dit à un enfant de six ou sept ans qu’il y a un Créateur au monde, il aura des difficultés à le comprendre, car il ne croit qu’à ce qu’il voit. Mais si nous revenons constamment là-dessus gentiment, il finira par s’en imprégner, et sa foi en la présence de Dieu ne fera que s’accentuer à mesure qu’il grandira, aspect de: Sache devant Qui tu te tiens (Testament de Rabbi Eliézer HaGadol 18).

Si les enfants d’Israël qui vivaient dans le désert ce qu’on appelle la génération de la Connaissance avaient une foi profonde en Dieu, c’est parce qu’ils avaient assisté à de nombreux miracles: leur tête atteignait le Ciel alors que leurs pieds se tenaient apparemment bien fermes sur terre... Efforçons-nous donc, à notre tour, de lier tous nos appétits physiques et matériels, au Créateur, que Son nom soit béni, et les élever jusqu’au Ciel. Il nous suffira alors d’entendre des paroles de Torah pour accomplir tout précepte divin avec le maximum de dévouement et d’enthousiasme. Nous accéderons au rang de l’ange qui est toujours prêt à accomplir sa mission avant même de prendre conscience de son essence, et nous nous lierons à Dieu avec les trois cent soixante-cinq nerfs et tendons et les deux cent quarante-huit membres de notre corps.

Le Midrach (Yérouchalmi, ‘Haguigah 2:1) relate à cet effet l’épisode d’Elicha ben Abouya, connu par la suite sous le nom d’A’her, qui était en train d’étudier la Torah dans la vallée de Guinosar, quand il vit un enfant monter à la cime d’un arbre, en prendre les oisillons et libérer leur mère, conformément aux prescriptions de la Torah. Une fois descendu de l’arbre, il fut mordu par un serpent et mourut. Or, il est écrit ...de la sorte tu seras heureux et tu verras se prolonger tes jours  (Deutéronome 22:7). A’her ignorait que tu seras heureux se rapporte au monde futur, qui est tout imprégné de bien. Elicha finit alors par renier sa foi.

Ce passage pose un certain nombre de questions:

1) Comment peut-on concevoir que ce Tana, maître de Rabbi Méir, en f-t arrivé jusque-là? A notre grand regret, nous avons soudain entendu la mort accidentelle d’un Sage de la Torah après son cours, sans pour autant agir comme A’her. L’accident a sans doute été engendré par les péchés de la génération et des nôtres. Que faisons-nous alors? Nous nous efforçons de faire téchouvah, nous jeûnons, nous prions et demandons à l’ange de la mort de cesser son oeuvre lugubre. Nous ne renions pas pour autant notre foi comme A’her. Ce dernier aurait d- se dire: Si cela arrive à ceux qui se conforment à la volonté divine, que doit-il en être de ceux qui l’enfreignent?

2) Si la foi d’Elicha était tellement vacillante, pourquoi le Ciel ne lui a-t-il pas donné l’occasion d’accomplir une mitsvah différente pour raffermir sa foi en son Créateur? Pourquoi HaChem a fait en sorte que cette fin tragique de celui qui s’est conformé à la volonté divine attiédisse davantage sa foi?

3) En outre, pourquoi Rabbi Méir a-t-il voulu continuer à apprendre chez lui en mangeant de son fruit et en en jetant l’écorce comme s’exprime la Guémara (‘Haguigah 15b). Le go-t de l’écorce ne se propage-t-il pas un peu dans le fruit?

Dans notre contexte, Elicha avait bien les pieds sur terre, mais sa tête au lieu d’atteindre le Ciel restait aussi sur terre. Il n’a toutefois pas étudié la Torah pour l’amour même de son étude, sans chercher à en tirer le moindre intérêt personnel [voir à cet effet dans les Tossafoth l’épisode de son brith]. Il n’a jamais cherché à l’étudier lichmah et ce qu’il recherchait c’est l’honneur d’être appelé un maître. Il s’opposait par exemple à l’interprétation de Rabbi Ya’akov selon laquelle la longévité de la vie de notre passage se rapporte au monde futur, considérant que nous devons exiger notre récompense dans ce monde...

C’est qu’en fin de compte Elicha cherchait toujours à se débarrasser du joug de la Royauté du Ciel. C’est pourquoi, une fois entré au Pardès, il a complètement renié sa foi, aidé en cela par le Ciel, car on ne fait emprunter à l’homme que la voie qu’il veut emprunter (Makoth 10b; Bamidbar Rabah 20:11; Zohar I, 198b), et celui qui cherche à se purifier se fait aider [du Ciel] (Chabath 104a; Yoma 38b). S’il avait bien réfléchi, il aurait compris que cette mitsvah manquait absolument de logique, toute mère éprouvant beaucoup de chagrin quand on lui ravit ses petits.

La Torah n’est donc pas matérielle; elle est entièrement céleste et comporte de nombreux secrets profonds que l’esprit humain ne peut sonder: ce sont là des statuts divins qu’il convient d’accepter sans se poser de questions, aspect de: Les choses cachées appartiennent au Seigneur, notre Dieu, mais les choses révélées importent à nous et à nos enfants, jusqu’aux derniers âges (Deutéronome 29:28). Elicha ne cherchait que la récompense de ses actes dans ce monde, ignorant l’enseignement de nos Sages selon lequel la récompense des mitsvoth ne se trouve pas dans ce monde (Kidouchine 39b). C’est pourquoi le Ciel lui a montré précisément cette mitsvah: c’est d’ailleurs ce genre de commandement divin qu’il cherchait. Il voulait en sorte ne manger que l’écorce et jeter le fruit, ce monde-ci étant l’écorce, et le fruit n’étant mangé que dans le monde futur.

Toutefois, celui qui étudie la Torah pour l’amour même de l’étude, le Ciel l’aide à garder intacte sa foi en Dieu. Cette étude lui procure un immense plaisir. C’était le cas notamment du disciple d’A’her, Rabbi Méir. Il savait donc quoi prendre de lui: exclusivement le fruit savoureux en n’y laissant pas le go-t de l’écorce. Il est donc resté par la suite juste dans toutes ses voies.

De nos jours, que de gens se plaignent devant l’Eternel qui ne leur donne pas, à leur avis, une récompense immédiate pour les mitsvoth qu’ils ont accomplies. Ils font la charité, et en contrepartie deviennent indigents et subissent des souffrances. Ils se demandent alors: où est la promesse de nos Sages selon laquelle Asser Téasser: celui qui prélève la dîme... (Deutéronome 14:22), mitacher s’enrichit (cf. Chabah 119a; Ta’anith 9a)? C’est que ces gens n’étudient la Torah et n’accomplissent les mitsvoth que pour en tirer un profit personnel. C’est pourquoi le mauvais penchant leur fait poser tant de questions et attiédit leur foi en Dieu.

Ils doivent comprendre que celui qui prélève la dîme dans ce monde s’enrichit certes, mais seulement dans le monde futur: ce n’est que dans les mondes supérieurs que Dieu octroie des récompenses à ceux qui font de bonnes oeuvres. Et si on reçoit une récompense dans ce monde, il convient de savoir que ce n’est que l’écorce par rapport au fruit, ce dernier étant gardé pour le monde futur. De toute façon, la meilleure richesse qu’on puisse concevoir, c’est la vie éternelle. C’est la signification de: La charité sauve de la mort (Proverbes 10:2) de l’enfer, qui est la mort.

Elle sauve l’homme de la mort dans ce monde pour qu’il puisse continuer à accomplir les mitsvoth qui représentent sa dîme dans le monde futur: Prélève la dîme pour que tu t’enrichisses, comme nous l’avons vu plus haut. L’étude de la Torah pour l’amour même de l’étude, rectifie le coeur et raffermit la connaissance véritable, qui est celle de Dieu, et même si celui qui l’étudie dans ces conditions subit des souffrances, il ne doit pas renier sa foi en Dieu: il doit au contraire se dresser comme un roc pour surmonter les épreuves de la vie, raffermir sa foi et considérer que tout est engendré par les péchés de la génération. Il procurera alors un grand plaisir à l’Eternel.

La Guémara (Chabath 13a) relate l’épisode d’un grand érudit de Torah qui est mort jeune. N’est-il pas écrit: C’est la condition de ta vie et de ta longévité (Deutéronome 30:20) se plaignit sa femme devant les rabbins. Nul ne put lui fournir une réponse. Le prophète Elie lui demanda alors: Comment se comportait-il avec toi durant la période qui précède la pureté? Il mangeait et buvait avec moi... lui répondit-elle. Béni soit Celui qui l’a tué du fait qu’il n’a pas honoré la Torah, Lo Nassa Panim LaTorah.

Comment se fait-il d’une part qu’un grand de son envergure ait pu se comporter de la sorte, et d’autre part qu’aucun des rabbins n’ait pu fournir une réponse à sa femme?

C’est qu’il convient d’étudier la Torah en faisant preuve de la plus grande modestie, car celui qui ne l’étudie pas pour l’amour même de l’étude, qui l’étudie en s’enorgueillissant, c’est-à-dire dans notre contexte s’abstient de la révérer, la Torah elle-même le fait trébucher et il est sévèrement châtié.

L’érudit en question se croyait assez fort pour éliminer son mauvais penchant, et il en est venu à pécher en fin de compte! S’il avait étudié la Torah d’une façon désintéressée, il aurait su qu’elle interdit formellement tout contact, même indirect, avec sa femme qui ne s’est pas encore immergée au mikvéh. En posant des questions aux rabbins sur la mort de son mari, la femme a révélé en public son péché.

Si les Sages se sont abstenus de lui fournir des réponses, c’est essentiellement parce qu’ils craignaient d’être influencés par le comportement du couple en question. Le Midrach explique que Dieu a donné au Peuple d’Israël des commandements positifs et des commandements négatifs. La Torah interdit notamment au roi d’entretenir beaucoup de chevaux et d’avoir beaucoup de femmes (Deutéronome 17:16, 17). Le Roi Salomon, qui se croyait très sage, s’est alors dit: J’aurai beaucoup de femmes et mon coeur ne s’égarera pas. Qu’en dit le verset? C’est au temps de sa vieillesse que les femmes de Salomon entraînèrent son coeur... (Rois I, 11:4). Salomon aurait préféré travailler aux égouts plutôt que de se faire traiter de pécheur, dit Rabbi Chimon bar Yo’haï en commentant ce verset (Chemoth Rabah 7:1). Celui qui traite de la mauvaise conduite des autres étant susceptible de s’en imprégner, les Sages s’abstinrent de donner des explications à la femme en question. Seul, le prophète Elie, qui ne craignait rien, lui fournit une réponse à la mort de son mari.

Ecoutez, cieux, je vais parler... Celui qui s’engage assidûment dans l’étude de la Torah entend la voix de Dieu et sa tête atteint toujours le Ciel. Il se débarrasse aisément de tout ce qui est matériel. La Torah le protégera continuellement même matériellement, à condition toutefois qu’il ne mange que le fruit et en jette l’écorce, et prenne conscience du fait que la récompense pour les bonnes actions est réservée au monde futur. Dans ces circonstances, sa tête atteindra toujours le Ciel, il accédera à des niveaux sublimes dans son service divin, son étude de la Torah et sa crainte du Ciel. Il développera constamment d’excellents traits de caractère et ne cessera d’accomplir de bonnes actions.

 

La Torah ne peut résider chez l’orgueilleux
TABLE DE MATIERE
Les merveilles du Saint, béni soit-Il

 

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