La faute de Nadav et Avihou et leur infinie grandeur

En plusieurs endroits, les Sages ont parlé de la nature de la faute de Nadav et Avihou, que la Torah exprime en disant : « Les fils d’Aaron, Nadav et Avihou, prirent chacun leur encensoir (...) et apportèrent devant le Seigneur un feu étranger qu’Il n’avait pas commandé » (Lévitique 10, 1). Ils disent entre autres (Sanhédrin 52a, Vayikra Rabah 20, 7) qu’ils marchaient derrière Moïse et Aaron en disant : « Quand ces deux vieillards-là vont-ils mourir pour que moi et toi nous dirigions la génération ?», ou encore (Vayikra Rabah Ibid., Yalkout Chimoni Chemini 554, Zohar III 39a) qu’ils ne s’étaient pas mariés, qu’ils étaient entrés dans le Sanctuaire en état d’ivresse, et que c’était la cause de leur châtiment.

Tout cela est très surprenant. Comment Nadav et Avihou ont-ils pu se sentir supérieurs à Moïse et Aaron au point d’en arriver à enseigner une halakhah devant leur maître (Erouvin 63a, Torath Cohanim 10, 24) ? N’ont-ils pas compris que cela leur vaudrait une punition, de même que le fait de ne pas accomplir les mitsvoth de l’Eternel ?

Cela peut s’expliquer parfaitement (et nous l’avons déjà fait longuement dans l’article précédent, « De l’importance de s’attacher à Dieu et à ses mitsvoth »). Nadav et Avihou estimaient que Moïse avait atteint toute sa grandeur parce qu’il était monté aux cieux avec la permission de Dieu, et que c’était là qu’il avait atteint la plénitude de sa sainteté. Son frère Aaron avait suivi le même processus en montant avec Moïse, ainsi qu’il est écrit : « Tu monteras, toi et ton frère avec toi » (Exode 19, 24). Mais eux, Nadav et Avihou, étaient arrivés à leur niveau par leurs propres forces, sans monter au ciel, sans aucune aide extérieure, par conséquent ils se sentaient plus grands que Moïse et Aaron. C’est ce qui leur a fait croire qu’ils étaient dignes de diriger les benei Israël, mais ils en ont été punis, car ils auraient dû savoir que le Ciel ne confère pas la grandeur à quelqu’un sans raison, et qu’il était absolument interdit de douter de la façon de gouverner le peuple de Moïse et Aaron. Cet aveuglement leur a fait encourir la mort.

En réalité, Moïse et Aaron étaient plus grands que Nadav et Avihou. En effet, Moïse ne s’est jamais comparé avantageusement à qui que ce soit, car il estimait tout le monde. Par exemple, quand son fils Guershom a couru vers lui pour lui dire : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp » (Nombres 11, 27), et que son serviteur Josué a ajouté : « Mon maître Moïse, empêche-les ! » (Ibid. 28), il a répondu : « Es-tu jaloux pour moi ? Si seulement tout le peuple de Dieu pouvait être composé de prophètes ! » (Ibid. 29). Son frère Aaron ne s’imaginait pas non plus avoir un niveau exceptionnel, il se considérait comme le moindre d’entre les benei Israël, au point de dire : « Que sommes-nous... » (Exode 16, 7). Ils ne s’attribuaient aucune importance personnelle, c’est pourquoi Dieu n’a pas admis la revendication de Nadav et Avihou. Il préférait nommer comme dirigeant quelqu’un qui n’ait pas de prétention et se montrerait humble et modeste avec le peuple. Nous devons en apprendre la conduite à tenir et celle qu’il faut adopter pour diriger les benei Israël : ne se comparer avantageusement à personne, de façon à ne mépriser personne. Au contraire, un chef doit constamment avoir l’impression de transporter un insecte impur, comme l’ont dit les Sages : « On ne nomme quelqu’un dirigeant que s’il transporte une boite remplie d’insectes impurs » (Yoma 22b) [à savoir qu’il a quelque chose à se reprocher, ce qui l’empêche de s’enorgueillir], car le peuple, lui, ne porte rien de semblable... [il n’a rien à se reprocher a priori], c’est ce qui permet de juger le peuple en toute équité.

Or Nadav et Avihou se sentaient supérieurs à Moïse et Aaron, alors que l’inverse n’était pas vrai. Bien au contraire, Moïse et Aaron avaient beaucoup d’estime pour eux, par exemple quand ils leur ont appliqué la parole de Dieu « Je me sanctifierai par mes proches » (Lévitique 10, 3). Et c’est précisément cela qui est considéré comme la grandeur de Moïse.

A présent, réfléchissons à l’instruction que Dieu a donnée : « Toute la maison d’Israël pleurera ceux qu’a brûlés le Seigneur » (Ibid. 10, 6). Peut-il venir à l’esprit que les benei Israël ne les pleurent pas, au point qu’il ait fallu un ordre ? De plus, il ressort de ce verset que Dieu demande aux benei Israël de faire une oraison funèbre à Nadav et Avihou, ce qui semble impliquer qu’ils ne l’auraient pas fait autrement. Est-ce concevable ?

Tout cela est parfaitement compréhensible. Nadav et Avihou voulaient être plus grands que Moïse et Aaron, comme nous l’avons déjà rappelé longuement dans l’étude précédente (« De l’importance de s’attacher à Dieu et à ses mitsvoth »). Ils souhaitaient leur mort, sont entrés dans le Sanctuaire en état d’ivresse, ne se sont pas mariés parce qu’ils pensaient être appelés à diriger les benei Israël selon la stricte justice et non selon la miséricorde, et ont eu des comportements bizarres. De plus, ils se sont comparés avantageusement à Moïse et Aaron. Tout cela ne plaisait guère aux benei Israël, car leurs yeux de chair constataient qu’ils méprisaient Moïse et Aaron, les plus grands de leur génération. On peut donc logiquement supposer qu’ils ne voulaient ni les pleurer ni leur faire une oraison funèbre convenable.

C’est pourquoi Dieu, qui est comme on le sait un juge équitable qui sonde les reins et les cœurs (Jérémie 11, 6), leur a ordonné de pleurer Nadav et Avihou. Il savait qu’ils n’avaient été mus que par l’amour du ciel, car « l’homme voit ce que les yeux lui montrent, et Dieu voit le cœur » (I Samuel 17, 7). Il a donc dit : « Toute la maison d’Israël pleurera ceux qu’a brûlés le Seigneur », pour que les benei Israël apprennent d’eux tout au moins comment se dévouer pour le prochain en servant Dieu. Cela ne doit toutefois pas être aux dépens de l’obéissance aux grands de la génération, dont il faut toujours suivre les directives.

Comment faut-il se comporter ?

Tout homme a le devoir de se dévouer corps et âme pour le prochain, car c’est ce qu’a ordonné Dieu. Mais en même temps, on doit continuer à obéir scrupuleusement aux grands de la génération, sans rien enfreindre de leurs paroles, alors que Nadav et Avihou l’ont fait sans obéir à Moïse et Aaron.

 

De l’importance de s’attacher à Dieu et à ses mitsvoth
Table de matière
Ecoutez, fils, les préceptes de votre père... et prêtez attention à la sagesse

 

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