Il nous instruit par les animaux de la terre et nous éclaire par les oiseaux du ciel

Sur le verset : « Quand une femme devient féconde et met au monde un fils » (Lévitique 12, 2), Rachi rapporte le midrach suivant (Vayikra Rabah 14, 1) : « Rabbi Samlaï a dit : Pourquoi les lois concernant l’homme figurent-elles après les lois concernant les bêtes et les oiseaux (ci-dessus parachat Chemini) ? Parce que de même que la création de l’homme est postérieure à celle de la bête et de l’oiseau, les lois qui le concernent figurent après celles qui concernent les animaux. » On peut consulter à ce sujet l’ouvrage Nitfei Maïm.

Voilà qui demande à être éclairci. Dans le contexte de la Création, on peut comprendre pourquoi l’homme vient après la bête et l’oiseau, le sixième jour. La Guemara explique (Sanhédrin 38a) qu’il fallait qu’il trouve tout déjà préparé pour rentrer immédiatement dans le Chabath, dans la mitsvah ; il fallait aussi qu’on puisse lui dire au cas où il s’enorgueillirait : même un moustique a été créé avant toi ; et enfin éviter qu’on puisse penser qu’il avait participé à l’acte de la Création [car c’est uniquement celui qui témoigne de la Création en récitant « ce fut le sixième jour, et les cieux et la terre furent terminés » qui devient associé à l’œuvre de Dieu (Chabath 119b, Yalkout Chimoni Béréchith 16)]. Pour toutes ces raisons, il a été créé le sixième jour. Mais pourquoi ici les lois le concernant nous sont-elles données après les lois sur la bête ? Qu’est-ce que la Torah nous enseigne par là, et qu’est-ce que cela changerait si l’on parlait d’abord de l’homme et de sa lèpre, et ensuite seulement de la bête ?

C’est que la Torah nous enjoint de cette façon d’apprendre quelques principes de base des animaux domestiques et sauvages, comme il est écrit : « Il nous instruit par les animaux de la terre et nous éclaire par les oiseaux du ciel » (Job 35, 11). Je vais expliquer cette notion point par point.

1. Le simple fait de l’existence des bêtes et des oiseaux prouve la présence de Dieu, qui leur donne à tous leur subsistance, ainsi qu’il est écrit : « Il donne sa subsistance à la bête, aux petits des corbeaux qui l’appellent » (Psaumes 147, 9) ; à plus forte raison nourrit-Il donc l’homme, qui est l’œuvre de ses mains (Kohélet Rabah 3, 14). C’est pourquoi on trouve toujours des bêtes et des oiseaux à côté des hommes : ils ont pour mission de lui rappeler sans cesse que si Dieu pourvoit à leurs besoins, Il s’occupe aussi de l’homme.

2. On peut également apprendre d’eux l’importance du don de soi, car ils manifestent un dévouement extraordinaire, par exemple les grenouilles en Egypte qui ont pénétré partout, y compris dans des fours brûlants, pour obéir aux ordres de Dieu (Pessa’him 53b, Midrach Tan'houma 28, 2). On trouve le même comportement chez ‘Hanania, Mishaël et Azaria, qui chez Nabuchodonosor ont donné leur vie pour sanctifier le Nom de Dieu, car ils ont fait un raisonnement a fortiori sur la base de la conduite des grenouilles. Au moment de la sortie d’Egypte, la Torah dit aussi des chiens : « Pour tous les benei Israël, pas un chien n’aboiera » (Exode 11, 7). Comment est-il donc possible que les benei Israël entrent et sortent des maisons des Egyptiens (cf. Chemoth Rabah 14, 3) sans qu’aucun chien ne bronche ? C’est qu’ils ont bien sûr compris et perçu que c’était la volonté de Dieu, et ils Lui ont obéi par dévouement. De plus, le Zohar (II 68b) affirme que le serpent, quand il sort, ne le fait qu’envoyé par Dieu, car lui aussi se conduit avec loyauté. Au moment où le prophète Elie a sacrifié un taureau à Dieu et un deuxième au Ba’al, au mont Carmel (I Rois 18, 23), quand le taureau du Ba’al a protesté qu’il ne voulait pas y aller (Yalkout Chimoni Ibid. 214), Elie lui a dit : « De même que le Nom de Dieu est sanctifié par cet autre taureau, il est aussi sanctifié par toi », et il a alors consenti, par abnégation. Tout homme peut et doit apprendre des bêtes et des oiseaux ce don de soi, pour s’en inspirer, et s’efforcer constamment de sanctifier le Nom de Dieu.

3. Il y a également beaucoup de qualités à apprendre des animaux, comme l’ont dit les Sages (Erouvin 100b) : « Si la Torah n’avait pas été donnée, nous apprendrions le vol de la fourmi, les relations interdites de la colombe, la pudeur du chat, la décence du coq, etc. »

Par conséquent l’enseignement est clair. Quand l’homme s’enorgueillit, on peut lui dire : « Même un moustique a été créé avant toi » (s’il ne le comprend pas de lui-même on ne le lui dit pas, car on ne s’adresse à lui que pour qu’il en tire une leçon). De la même façon, l’homme doit apprendre des bêtes à se conduire avec don de soi, car leur dévouement va jusqu’à accepter de servir de sacrifice à sa place. Sinon, quand l’homme commet une faute, pourquoi la bête serait-elle sacrifiée pour lui ? C’est uniquement de l’abnégation.

Le Ramban a écrit sur les sacrifices (Lévitique 1, 9, voir également Bérakhoth 17a) qu’au moment où l’on égorge la bête, l’homme doit penser que tout ce qu’on lui fait, c’est à lui qu’on aurait dû le faire, car tout le but du sacrifice est que l’homme fasse retour sur lui-même. Mais le Rambam estime (Moré Nevoukhim 3, 46) que les sacrifices nous enseignent uniquement à ne pas nous conduire comme les non-juifs, qui croyaient en différentes sortes d’animaux (voir Chemoth Rabah 11, 4). D’après lui, il s’agit seulement d’enseigner à l’homme à ne pas s’attacher au matérialisme ni à ses désirs.

L’homme apprend donc de l’animal que Dieu veille constamment, qu’il n’y a pas lieu de s’enorgueillir, et aussi qu’il faut se donner sans compter. L’animal lui enseigne aussi qu’il n’y a pas lieu de fauter, puisque lui fait la volonté de l’Eternel. C’est pourquoi ce qui le concerne est écrit avant ce qui concerne l’homme, dans les sacrifices, pour montrer à ce dernier à quel point ils se donnent en se laissant sacrifier à sa place. C’est aussi pour cela qu’ils ont été créés avant l’homme, pour être prêts à être sacrifiés s’il péchait, afin qu’il puisse continuer à vivre, car le monde a été créé essentiellement pour l’homme (Chabath 30b). Le Midrach dit encore que le mot Béréchith (habituellement traduit par « Au commencement) signifie : pour Israël, qui s’appelle réchith (« les prémices ») (Béréchith Rabah 1, 4), donc le monde a été créé pour le peuple d’Israël.

C’est absolument stupéfiant. S’il n’y avait pas de sacrifices, ou si l’homme avait été créé avant la bête, et qu’il ait à ce moment-là fauté, il aurait encouru la mort. En réfléchissant à cela, on comprend parfaitement pourquoi il n’a pas été créé avant. Il fallait qu’il voie toute la création, afin qu’en constatant que tout était là en sa faveur, il ne puisse plus s’enorgueillir et que cela lui enseigne les voies du repentir.

En effet, Dieu connaît la nature de l’homme, qui est de s’enorgueillir. C’est ce qui risque de lui arriver s’il voit toute la création, car il s’imaginera être quelque chose, c’est pourquoi il a été créé en dernier : à ce moment-là on pourra lui dire que même un moustique a été créé avant lui. Il apprendra en outre des animaux le don de soi et la bienséance. Et bien qu’il soit plus facile à la bête de se maîtriser, puisqu’elle n’a pas du tout de mauvais penchant, contrairement à l’homme, celui-ci peut également y arriver, car la Torah lui a été donnée pour lutter contre le mauvais penchant. Dans les termes de la Guemara : « J’ai créé le mauvais penchant, et j’ai créé la Torah comme antidote » (Kidouchin 30b, Baba Batra 16a).

D’après ce que nous avons dit jusqu’ici, nous allons comprendre l’ordre que Dieu a donné aux benei Israël au moment de la sortie d’Egypte : « Le dix de ce mois-ci, prenez chacun un agneau par famille, un agneau par maison » (Exode 12, 3). De plus, Il a ordonné de l’attacher au pied du lit devant les Egyptiens, et de l’égorger ensuite, toujours aux yeux des Egyptiens, qui observent le tout sans rien faire (Zohar I 256a, III 251a), or comme on le sait, l’agneau était le dieu des Egyptiens (Chemoth Rabah 11, 4). Les Sages ont même traité cet épisode de miracle, et c’est l’une des raisons pour lesquelles ce Chabath s’appelle « Chabath Hagadol » (« le grand Chabath »).

Tout cela s’éclaire à la lumière de l’opinion du Rambam et du Ramban sur la raison des sacrifices. D’après le Rambam, Dieu voulait que les benei Israël sortent de leurs concepts égyptiens. Nous avons dit que ces idolâtres prenaient la bête pour un dieu et l’adoraient, or ici ils sont obligés de constater que ce n’est qu’une bête en qui il n’y a aucune divinité, puisqu’on l’attache au pied du lit. Il faut donc adorer Dieu seul. De plus, en l’égorgeant, les benei Israël donnent le coup de grâce à la notion que la bête peut être une idole, car leur cœur n’abrite aucune des croyances des Egyptiens. C’est d’ailleurs également la raison pour laquelle Dieu leur a ordonné de prendre du sang et de le mettre sur les montants et le linteau de leurs portes (Exode 12, 7), en signe qu’ils ne portent aucun intérêt au sang de la bête (qui symbolise sa vitalité divine), et ne croient qu’en l’Eternel. Cet acte de foi leur vaudra le salut, car Dieu passera par-dessus la porte et ne permettra pas à l’ange destructeur de venir frapper (Ibid. 12, 23), les benei Israël ayant fait la preuve qu’ils ne croient pas dans les divinités des païens mais uniquement en Dieu.

Et si l’on suit l’avis du Ramban, on peut dire que tout le but est de faire remonter les benei Israël de leur impureté, c’est-à-dire que le fait d’attacher l’agneau enseigne à l’homme de toujours rester attaché au service de Dieu en se donnant de son mieux, comme cet agneau qu’on s’apprête à égorger pour l’honneur de Dieu. L’acte en question montre en outre que cet animal qui est un dieu pour les Egyptiens n’est là en réalité que pour guérir l’homme et le servir (Tana Debei Eliahou Rabah 1). Ainsi les benei Israël mériteront la rédemption, car ils ont courageusement attaché l’agneau, sans craindre les Egyptiens, si bien que ces derniers ne pourront leur faire aucun mal.

Il se dégage de tout cela l’enseignement que quand l’homme fait une mitsvah sans aucune réserve, il finira par être sauvé et on lui fera un miracle. Mais c’est à condition toutefois que son engagement soit total, sans espoir de miracle, car « Quiconque donne sa vie en croyant qu’on lui fera un miracle n’en verra aucun » (Sifra Vayikra 22, 32). Il ne doit agir que pour sanctifier le Nom de Dieu. C’est d’ailleurs pourquoi Dieu a ordonné de mettre du sang sur les montants et le linteau : le sang fait allusion à la chaleur du corps quand il accomplit une mitsvah avec désintéressement, si bien que cette mitsvah enseigne aux benei Israël à se conduire valeureusement, sans craindre les Egyptiens. On apprend tout cela des lois qui concernent les bêtes.

 

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