Les remontrances aident l’homme à s’élever en sainteté

Sur le verset : « Dis aux cohanim... et tu diras », on connaît l’objection (déjà été posée et résolue par Rachi) : pourquoi cette répétition du terme « dire » ? Je vais également tenter de donner ma propre réponse.

On sait que le Saint béni soit-Il désire par-dessus tout que les benei Israël soient saints, ainsi qu’il est écrit : « Soyez saints » (Lévitique 19, 2), ou encore : « Sanctifiez-vous et soyez saints » (Ibid. 11, 44). Or si l’homme veut se sanctifier, il doit sortir de la matérialité, s’effacer totalement devant le Saint béni soit-Il et Ses mitsvoth et s’annuler lui-même, en accomplissant les mitsvoth sans poser de questions, comme des décrets, et ne pas chercher à les justifier. Ainsi à propos de l’interdiction de manger du porc, on ne doit pas dire « je n’en ai pas envie », mais plutôt « j’en ai bien envie, mais que puis-je faire, cela m’a été interdit » (Sifra et Rachi sur Kedochim 20, 26, Torath Cohanim 20, 128). Cette attitude représente un anéantissement de la matérialité pour mieux rentrer dans la spiritualité, et c’est ainsi que l’homme devient saint, car même son côté physique finira par se transformer en sainteté, comme s’il était un ange, dans l’esprit de ce qu’ont dit les Sages : « L’homme doit toujours se considérer comme si un saint se trouvait dans ses entrailles » (Ta’anith 11b), alors il n’en viendra pas à fauter.

Certes, il est écrit : « Il n’a pas confiance dans Ses saints » (Job 15, 15), car tant que l’homme vit en ce monde matériel, il possède le libre arbitre et risque toujours de s’égarer vers le mal, c’est pourquoi il doit se relier à Dieu tous les jours de sa vie jusqu’au dernier, se raffermir et s’élever à nouveau chaque jour sans rester au même niveau qu’hier, car s’il reste immobile il risque de tomber. Il est en effet impossible d’être immobile, ou l’on s’élève ou l’on descend, comme nos Sages l’ont dit sur le verset : « Avram partit en marchant sans cesse » (Genèse 12, 9), cela signifie qu’il s’élevait chaque jour. Il y a une allusion à cette idée dans l’injonction des Sages : « Que les paroles de Torah soient chaque jour comme neuves à tes yeux » (Tan'houma Ekev 7, Rachi Ytro 19, 1). On doit avoir l’impression de les recevoir à nouveau chaque jour, c’est-à-dire qu’hier est déjà passé et que l’homme doit recommencer à se renouveler et à s’élever, en revenant sans cesse et sans interruption sur les paroles de la Torah.

Donc quand il est écrit : « Dis et tu diras », avec répétition, cela signifie se renouveler sans cesse, et aussi de se sanctifier selon la volonté de Dieu, comme l’indique la suite du verset : « il ne se rendra pas impur par le contact avec un mort » ; il s’agit de se sanctifier selon la volonté de Dieu, sans jamais s’interrompre.

On peut encore dire que l’Ecriture vient mettre l’homme en garde dans trois domaines en ce qui concerne les remontrances : envers lui-même, envers ses enfants et sa famille, et envers les autres.

1) « Dis et tu diras » : avant de faire des remontrances aux autres, fais-en à toi-même, dans l’esprit du verset : « Ressaisissez-vous, et aidez les autres à se ressaisir » (Sophonie 2, 1), ce que la Guemara (Baba Batra 60b) interprète ainsi : Occupe-toi de toi-même avant de t’occuper des autres, afin de te conduire en accord avec ce que tu enseignes (‘Haguigah 14b). De plus, désire de tout ton cœur accomplir tout ce que tu conseilles aux autres. Cette idée se trouve en allusion dans : « EmoR VéamarTA », « Dis et tu diras », la valeur numérique des dernières lettres étant la même que celle de kesher (« lien »), ce qui signifie que si tu es toi-même lié par cette mitsvah, tu pourras dire aux autres « Ne te rends pas impur », mais si toi-même tu ne l’accomplis pas, il sera inutile de l’exiger des autres.

2) « Dis et tu diras », c’est pour enjoindre aux grands de mettre en garde les petits (Yébamoth 114a). L’Ecriture vient ici enseigner au père la voie de la vie et de la morale, et lui montrer comment éduquer ses enfants. En effet, il ne suffit pas de dire quelque chose une seule fois à son fils, doucement et délicatement, pour être quitte de son devoir. Il faut également « et tu diras », encore et encore. Par exemple, si le père réveille son fils pour aller à la prière et que celui-ci répond qu’il est fatigué, il ne doit pas le laisser tranquille, mais « dis et tu diras », il faut le réveiller encore et encore pour qu’il accomplisse les mitsvoth de son Créateur (voir Choul’han Aroukh  Ora’h ‘Haïm 1, 1), sans quoi il perdra le lien avec Dieu en écoutant ses instincts, et à la fin il se rendra impur, deviendra méchant et prendra la mauvaise voie. C’est pourquoi la Torah prévient le père de veiller à l’âme de son fils afin qu’il ne se rende pas impur. Il ne doit pas laisser son fils tranquille, la culpabilité en retomberait sur ses propres épaules, mais au contraire « dis et tu diras », il le réprimandera encore et encore et lui enseignera les voies de Dieu.

Or à cause de nos nombreuses fautes, aujourd’hui beaucoup de parents voient leurs enfants commettre des fautes légères, et il est vrai qu’ils les réprimandent ou les réveillent, mais une fois seulement, délicatement ou avec un sourire, et pas avec le sérieux qui s’impose. Dans ces conditions-là, les reproches ne rentrent pas dans le cœur des enfants, qui continuent à mal se conduire jusqu’à ce qu’ils en arrivent à des infractions plus graves.

Par exemple, le camarade de classe d’un écolier vient parfois chez lui pour étudier ou faire ses devoirs avec lui. Seulement il se trouve que ce camarade n’est pas juif... Au début, le père et la mère sont légèrement choqués en voyant leur fils en compagnie d’un non-juif, et ils le réprimandent. Mais le fils répond à son père : « N’aie pas peur, ce n’est qu’un camarade de classe qui vient préparer ses devoirs avec moi ». Le père se laisse convaincre. Seulement ce non-juif peut avoir une influence très néfaste sur le juif qui n’a pas l’habitude de sa façon de vivre, et ainsi se crée un lien entre eux, jusqu’à ce que l’âme du juif risque de s’éloigner complètement du judaïsme, au point d’épouser un jour une non-juive, car l’avenir n’est entre les mains de personne, et qui va l’en empêcher ? Une fois que son âme s’est complètement abîmée, ni son père ni sa mère ne pourront plus avoir aucune influence sur lui pour le ramener dans le droit chemin, et il se rendra impur dans son peuple. Ce sont des histoires qu’on entend tous les jours, que Dieu nous prenne en pitié.

Qui est fautif ? Le père et la mère, qui ne lui ont pas immédiatement interdit de se lier d’amitié avec ce non-juif. Ils n’ont pas extirpé le mal à la racine et ne l’ont pas réprimandé à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il cède, ils sont donc responsables des mauvaises actions de leur fils. C’est cela « Dis et tu diras », ne pas se contenter de dire une seule fois, cela ne suffit pas, le risque de se rendre impur dans son peuple demeure, mais il faut dire et répéter à ses enfants qu’ils fuient la façon de vivre des non-juifs pour se rattacher uniquement à leur Créateur en accomplissent Ses mitsvoth selon Sa volonté.

3) Il y a aussi là une leçon pour les rabbanim qui réprimandent le public : les grands doivent faire attention aux petits. Les grands sont les rabbanim qui admonestent les petits, les gens du peuple, en leur enjoignant sans cesse paisiblement de suivre les voies de nos pères Abraham, Isaac et Jacob [ce qui se trouve en allusion dans le fait que le mot Emor (« dis ») a la même valeur numérique que Abraham, alors que Lehazhir guedolim (« mettre en garde les grands ») a la même valeur numérique que Isaac et Jacob, en ajoutant la lettre mem (valeur numérique : quarante), qui représente la Torah reçue en quarante jours, et qu’il faut observer...], car c’est uniquement ainsi qu’on sera relié à Dieu et qu’on s’élèvera sans cesse dans la sainteté et la pureté.

Comment faut-il se conduire ?

« Dis et tu diras » nous enseigne la mitsvah de se réprimander soi-même avant de réprimander les autres, faute de quoi ils ne nous écouteront pas. Il faut également ne pas se lasser de réprimander ses enfants et sa famille, c’est uniquement ainsi qu’on pourra les voir prendre la voie de leurs pères en sainteté et en pureté. C’est ce que signifie « mettre en garde les grands à propos des petits ».

 

« Dis et tu diras » – la réparation du mal qu’on fait avec la langue
Table de matière
L’orgueil est la source de toutes les fautes

 

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