Le septième jour de Pessa’h : un jour de foi

L’appellation particulière de « septième jour de Pessa’h » peut susciter notre interrogation : ce dernier jour de Pessa’h (en Israël) en fait pourtant bien partie, aussi pourquoi a-t-il mérité une désignation à part entière ? D’ailleurs, le fait que, contrairement au jour de Chemini Atsérèt (dernier jour de Souccot), nous n’y prononcions pas la bénédiction de Chéhé’héyanou prouve bien qu’il n’est pas considéré comme une fête en soi, donc qu’est-ce qui justifie son surnom particulier, que n’ont pas mérité les autres jours de Pessa’h ? Si l’on suppose que sa spécificité est liée à la séparation de la mer des Joncs qui eut alors lieu (Mekhilta Bechala’h), une autre difficulté apparaît, puisque nos ancêtres bénéficièrent d’autres miracles les jours précédents. Par conséquent, qu’est-ce qui justifie l’appellation de « septième jour de Pessa’h » ?

Tentons de répondre en nous appuyant sur les écrits du Ari zal, qui définit le septième jour de Pessa’h comme une « naissance amorcée le premier jour ». L’auteur de Yisma’h Israël  explicite cette idée en écrivant que toutes les lumières et l’amour qui se sont manifestés le premier jour de Pessa’h étaient cependant dissimulés jusqu’au septième jour, où ils sont apparus clairement. Il est connu, à cet égard, que toute qualité pour laquelle un homme travaille durant sept jours s’ancre en lui au bout de cette période – le chiffre sept évoquant les sept planètes les plus proches qui gravitent autour du soleil, qui symbolisent chacune un attribut spécifique. C’est dans ce sens que le septième jour de Pessa’h est considéré comme une « naissance amorcée le premier jour », car tout l’amour que les enfants d’Israël avaient ressenti et qui leur a été témoigné dès l’entrée de cette fête s’ancra profondément en eux à sa clôture, le septième jour.

Tel est le sens, poursuit le Yisma’h Israël, de la phrase prononcée par Moché au peuple juif : « Attendez et vous serez témoins de l’assistance que l’Eternel vous procurera » (Chemot 14:13). Autrement dit, restez sur vos positions, maintenez les lumières que vous avez acquises jusqu’à présent et elles s’ancreront en vous ; si vous confirmez ainsi vos acquis, vous verrez dès aujourd’hui les lumières et le salut divin, car ces lumières et l’amour seront ancrés en vous.

J’ajouterais que la vertu qu’ils ont particulièrement travaillée durant ces sept jours fut celle de la foi. Or, pour l’acquérir et y adhérer, il est nécessaire d’être humble et de se soumettre au Créateur. D’où l’ordre de la Torah de ne pas manger de ‘hamets durant les sept jours de Pessa’h (cf. Chemot 12:20), celui-ci symbolisant l’orgueil, la jalousie et la recherche des honneurs ; en s’abstenant d’en consommer durant sept jours, nos ancêtres parvinrent à un haut niveau de foi en D.

D’ailleurs, si le texte précise par la suite (ibid. 12:39) qu’à leur sortie d’Egypte, les enfants d’Israël n’eurent pas le temps de se munir d’autres provisions que de pains azymes, ce n’est pas fortuit : c’est pour souligner qu’ils étaient tout d’abord occupés à s’emparer du butin de l’Egypte, se pliant à cet ordre de l’Eternel qui visait à l’accomplissement de Sa promesse, formulée à Abraham – « et alors, ils la quitteront avec de grandes richesses » (Beréchit 15:14). Il s’agissait donc là de leur premier témoignage de foi en D.

En outre, au moment où ils prirent ce butin, pas un chien n’aboya contre eux (cf. Chemot 11:7), alors que ces animaux sont généralement fidèles à leurs maîtres et défendent leurs possessions. Ceci souligne une fois de plus l’importance de la foi qui animait nos ancêtres, pour lesquels rien ne comptait hormis l’accomplissement de l’ordre divin de s’emparer du butin égyptien – ce pourquoi, comme nous l’avons vu, ils ne se soucièrent pas d’emporter des provisions. Car dès l’instant où la foi est ancrée dans le cœur de l’homme, il ressemble à un nouveau-né qui n’a pas encore goûté à la faute, ou encore à un non-juif qui se convertit (Yevamot 22a ; Bekhorot 47a) ; il est alors « rassasié » (savéa) de foi et celle-ci adhère profondément à son être : telle est bien la signification profonde du septième jour (chevii).

C’est donc dans le domaine de la foi que les enfants d’Israël devaient particulièrement se travailler les sept jours suivant leur sortie d’Egypte, de sorte à finalement se hisser au niveau de : « Ils eurent foi en l’Eternel et en Moché Son serviteur » (Chemot 14:31). Le septième jour, où ils devaient parvenir à une croyance parfaite, le Saint béni soit-Il les y a aidés en leur enseignant quelques points fondamentaux dans ce domaine, notamment sa constance et son lien vital avec la Torah. Ainsi, même si notre prière n’est pas immédiatement agréée, nous avons le devoir de persister dans notre foi. De même, il est exclu de ne prier et de ne croire en D. qu’à des moments isolés. En outre, en l’absence de Torah, on ne peut être animé d’une foi authentique, car c’est la Torah qui nous la raffermit constamment. Enfin, l’Eternel leur a également transmis l’interdiction de croire en soi, et ce, jusqu’au jour de sa mort, comme le prouve le comportement de Na’hchon ben Aminadav.

Le septième jour de Pessa’h, de dimension chabbatique

En approfondissant le sujet, j’ai pensé que le septième jour de Pessa’h a la même dimension que le Chabbat, septième jour de la semaine, de même que la chemita, septième année, et que le Jubilé, cinquantième année qui suit sept cycles de sept ans, cette dimension étant celle de la foi.

En effet, respecter le Chabbat c’est, avant tout, croire dans le fait que le Saint béni soit-Il a créé le monde en six jours, puis S’est reposé le septième, comme l’atteste le verset : « Car en six jours l’Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et Il S’est reposé le septième jour » (Chemot 20:11). C’est la raison pour laquelle toute activité nous est interdite le Chabbat, jour saint lors duquel il nous incombe de placer notre entière confiance dans le Créateur. Ainsi, nous devons être convaincus que le déficit qui résulte de ce chômage sera comblé par D. après Chabbat. D’ailleurs, nos Maîtres ont affirmé (Betsa 16a) que « la subsistance d’un homme est fixée depuis Roch Hachana jusqu’à Kippour, à l’exception des dépenses du Chabbat (…) pour lesquelles il est dédommagé des frais supplémentaires occasionnés ».

De nos jours, nous constatons malheureusement que de nombreux commerces sont ouverts le samedi, où ils jouissent justement de grands bénéfices. Néanmoins, il faut savoir que cette prospérité apparente n’est que le fruit des incitations du Satan, et que l’homme qui place son entière confiance en D. récoltera de bien plus grands intérêts que celui qui profane le Chabbat, dont le statut équivaut à celui d’un voleur – car comment considérer que le Créateur lui aurait accordé de plein droit tant de bénéfices de sa profanation du Chabbat ?

A présent, outre le sens premier du verset nous exhortant au respect du Chabbat, « six jours durant tu t’occuperas de tes travaux, mais au septième jour tu chômeras » (Chemot 23:12), nous pouvons y lire une invitation à travailler notre foi pendant les jours séculiers, de sorte qu’elle soit ancrée en nous et menée à la perfection le jour du Chabbat. Cette vertu est effectivement la plus difficile à acquérir et exige un travail soutenu, s’étalant, de semaine en semaine, sur toute notre vie. De plus, le respect du Chabbat équivaut à celui de toutes les autres mitsvot réunies (Yerouchalmi Berakhot 1:5a ; Chemot Rabba 25:16), et c’est justement pourquoi il exige une très grande dose de foi. Celle-ci est d’ailleurs considérée en soi comme équivalente à toutes les mitsvot, comme le soulignent les versets : « tous Tes commandements sont foi » (Tehilim 119:86), et « le juste vivra par sa foi » (Habacuc 2:4). Par conséquent, celui qui travaille sa croyance comme il le doit en viendra automatiquement au respect de toutes les mitsvot.

Pour en revenir au premier Pessa’h célébré par nos ancêtres, nous pouvons donc dire que, dès l’entrée de cette fête, ils se mirent à travailler leur foi, travail sur soi qu’ils poursuivirent tout au long de celle-ci pour finalement parvenir à parfaire cette vertu le septième jour. Dès lors, l’appellation spécifique de « septième jour de Pessa’h » semble justifiée : il s’agit bien d’un jour à part, d’une portée déterminante, lors duquel ils établirent fermement les bases de la foi dans leur cœur, duquel ils évacuèrent toute peur vis-à-vis de Paro, c’est-à-dire du mal et des puissances impures qu’il représente. Précisons toutefois qu’avant qu’ils ne soient témoins du miracle qui allait se produire en ce jour, ils avaient encore peur ; aussi Moché les rassura-t-il en leur disant : « Attendez et vous serez témoins de l’assistance que l’Eternel vous procurera » (Chemot 14:13). Aussitôt, ils virent les Egyptiens se noyer dans le fleuve et, face à la mort de leurs ennemis, leur foi se renforça pour atteindre son apogée.

C’est en cela que le septième jour de Pessa’h est avant tout un jour de foi, à laquelle nos ancêtres aboutirent suite à un processus de déracinement du passé et de saut vers le présent. En effet, comme le soulignent nos Sages (Yalkout Chimoni Chemot 195:206), ils durent retirer leurs mains de l’idolâtrie et prendre, à la place, un agneau, destiné à la mitsva du sacrifice pascal. C’est pourquoi, explique le Zohar (III 251a), l’Eternel leur ordonna d’attacher cet agneau au pied de leur lit, le terme sé (agneau) équivalant numériquement au terme hakar (le froid), en allusion à leur devoir de lier leur tendance au refroidissement dans le Service divin, qui est à l’antipode de la foi.

Le Saint béni soit-Il offre toujours à l’homme les moyens de se préparer et de renforcer sa croyance. Ainsi, le Chabbat raffermit la foi de l’homme pour tous les jours de la semaine, tandis que Pessa’h, et en particulier son septième jour où nos ancêtres devinrent réceptifs aux lumières spirituelles, est le moment de l’année le plus opportun pour renforcer cette vertu, de par l’influx de foi qu’il nous transmet.

Dès lors, nous sommes en mesure de comprendre les mots du Ari zal, qui affirme que le septième jour de Pessa’h est « une naissance amorcée le premier jour ». En effet, chaque fête détient un potentiel de sainteté propre à son essence particulière. Or, ce potentiel est à l’état latent au début de la fête, alors qu’il devient apparent à son issue. Concernant Pessa’h, l’influx de foi commence à se manifester dès le premier jour, qui correspond à la « naissance », puis il se confirme tout au long de la fête pour finalement atteindre son apogée le septième jour, où il apparaît de manière révélée. Ceci est comparable à un embryon qui, durant neuf mois, vit dans le ventre maternel, duquel il est partie intrinsèque, puis fait son apparition en naissant, tout en restant attaché à sa mère par le biais de l’allaitement.

Ainsi donc, le septième jour de Pessa’h est la naissance de la foi, naissance qui a été amorcée le premier jour. De même qu’il ne peut y avoir de naissance sans conception, de même on ne peut adhérer à la foi sans s’y préparer à l’avance. Une fois toutes ces étapes franchies et l’influx spirituel de Pessa’h pleinement exploité, nous jouirons de ces lumières tout le reste de l’année, comme si cette naissance se prolongeait chaque jour.

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