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Rabbi Akiba Eiger

La yéchivah « Beith Rubinstein », qui était sous la direction du Rav de Poniewitz, comptait parmi ses enseignants Rabbi Bertchik (Dov) Rickles Zatsal. C’était un gaon en Torah, d’une intelligence claire et pénétrante. Il approfondissait toujours dans ses cours les enseignements de Rabbi Akiba Eiger, et comptait véritablement chaque mot et chaque lettre de ses saintes paroles. Voici ce qu’il disait à ses élèves en un yiddish piquant : « Mes enfants, tout le monde fait d’un mot une phrase, mais Rabbi Akiba Eiger fait d’une phrase un mot ». L’enseignement de Rabbi Akiba Eiger est concis. Il était très exigeant sur le langage, et comptait les mots comme on compte des pièces d’or.

Je me souviens quand nous étions de jeunes garçons et que nous nous efforcions de comprendre les petites lettres écrites sur le côté, en lisant tout haut la page de Guemara, nous nous demandions toujours qui était le Rav qui avait prié : « Que Dieu éclaire mes yeux aveugles », et pourquoi il avait mérité de voir imprimer ses réflexions sur une page de Guemara. Alors notre maître disait : « Sachez, mes chéris, que notre maître Rabbi Akiba Eiger était un homme accompli dans tout ce qu’il faisait, pur et saint dans toutes ses actions, humble et fuyant la notoriété, c’est pourquoi il a mérité ce grand honneur. Alors il nous racontait beaucoup d’histoires sur la vie du gaon Rabbi Akiba Eiger, et je vais moi aussi, chers lecteurs, vous en raconter quelques-unes.

Rabbi Akiba Eiger est né de Rabbi Moché Guinz et de son épouse Guittel née Eiger, le premier ‘Hechvan 5522 (1762) à Eisenstadt qui appartenait alors à la Hongrie.

Dès sa jeunesse, on s’aperçut qu’il avait l’étoffe de la grandeur. C’était un enfant prodige qui ne faisait rien comme les autres, et se distinguait par une application extraordinaire, une compréhension rapide et un intellect incroyablement vif.

On raconte qu’à l’âge de six ans, il connaissait parfaitement les six ordres de la Michnah avec le commentaire de Rabbeinou Ovadia de Bartenora.

Dans son très jeune âge, il fut élevé essentiellement par son père Rabbi Moché, qui était un grand talmid ‘hakham, et par sa mère, qui était connue pour sa grande érudition.

A douze ans, il partit étudier à la yéchivah du gaon Rabbi Yitz’hak Yossef Teomim, à Breslau, où il resta six ans. A cette époque, il commença à se faire la réputation de quelqu’un qui étudiait en profondeur. Il commença aussi à donner des cours et montra à ses élèves la voie droite qui permet d’arriver à la profondeur et à la vérité de la Torah.

A dix-huit ans, il épousa la fille de Rabbi Yit’haz Margalit de Lissa, qui était riche. A Lissa, il put se consacrer à l’étude et au service de Dieu, l’esprit libéré de tout souci matériel. Il vivait saintement et pieusement, mangeant et dormant peu et étudiant intensément.

Il fut rabbin pendant quarante-huit ans, d’abord à Markisch-Friedland, puis à Pozna. Il avait une grande yéchivah, où affluaient des élèves, de près et de loin, pour entendre la Torah de sa bouche. Il les traitait avec beaucoup d’affection. Ils voyaient en lui un père, et lui voyait en eux des fils, allant jusqu’à les marier et à leur chercher des sources de revenus.

Rabbi Akiba Eiger détestait le rabbinat. On raconte qu’il aurait préféré être bedeau, ou même employé dans un mikvé.

Il paraît qu’un jour, il apprit que dans la ville voisine de Pozna, l’employé du mikvé était mort. Il se dépêcha d’écrire à sa fille, qui vivait dans cette ville, en lui demandant d’essayer de lui faire obtenir ce poste.

Il lui écrit : « Dans ma vieillesse, je voudrais gagner ma vie de façon permise et non interdite... ».

Mais comme il était obligé d’être Rav, il ne s’enferma pas dans la tente de la Torah. Il était entièrement dévoué à sa communauté, pour laquelle il effectua un travail qui fut également reconnu comme exceptionnel par le gouvernement de Prusse.

En 5591 (1831), une épidémie de peste éclata en Allemagne. Elle se répandit également dans la ville de Rabbi Akiba Eiger, à Pozna. Dans la population chrétienne, plus de six cents personnes moururent, et chez les juifs quelques personnes seulement. Tout le monde était stupéfait. Les juifs étaient protégés de l’épidémie par le mérite de leur Rav. Il édicta des décrets sur la façon dont ils devaient se comporter pendant l’épidémie, prit soin de fournir de la nourriture aux pauvres, et enseigna même à ses frères des rudiments d’hygiène. Il organisa aussi des comités spéciaux pour veiller à ce que les décrets soient exécutés. Quand l’empereur, Frédéric Guillaume III, apprit le grand dévouement du Rav pour les membres de sa communauté, il décida de lui envoyer lui-même une lettre de remerciements portant sa signature.

Ce géant spirituel était humble et avait les honneurs en horreur. Une fois, les habitants de Vilna lui demandèrent d’être leur Rav. Rabbi Akiba fut bouleversé, et dit : « qui suis-je pour venir occuper le poste de Rav dans la ville du Gra ? Je voudrais avoir le mérite d’être bedeau dans la synagogue de Vilna ! »

Un jour, il se rendit à Varsovie avec Rabbi Ya’akov de Lissa (l’auteur des Nétivoth). Ils descendirent dans une auberge, et beaucoup de gens vinrent accueillir les deux plus grandes figures de la génération. Il arriva que quelqu’un se présente à l’auberge au moment où Rabbi Ya’akov sortait, Rabbi Akiba se trouvant seul dans la chambre. L’homme frappa à la porte, Rabbi Akiba Eiger lui ouvrit et lui demanda ce qu’il voulait.

« – Je suis venu, dit l’homme en tremblant d’émotion, voir notre maître. – Notre maître, répondit Rabbi Akiba Eiger, n’est pas là en ce moment, il reviendra bientôt. »

Il était extrêmement pointilleux sur la mitsvah de l’hospitalité. Le Chabath et les fêtes, il invitait plusieurs personnes qui mangeaient à sa table.

Un certain soir de séder, alors que Rabbi Akiba et ses hôtes étaient attablés et parlaient de la délivrance d’Egypte, la main d’un invité heurta le verre de vin qui était devant lui, le verre tomba, et le vin se renversa sur la nappe toute blanche.

Pour qu’il n’ait pas honte, Rabbi Akiba ébranla la table, fit tomber le verre qui était devant lui, renversa le vin et dit :

– J’ai l’impression que la table n’est pas bien en équilibre.

Le 13 Tichri 5593 (1833) notre maître rendit son âme pure à son Père des Cieux, à l’âge de soixante-seize ans.

On raconte que jusqu’au dernier moment, celui où son âme s’échappa, il avait à la bouche le verset « Ma bouche dira la louange de Dieu ». Et en vérité, ce verset reflète toutes ses qualités, ses actes et ses comportements, car toute sa vie symbolisait la louange de Dieu.

Notre maître a laissé derrière lui sept fils et six filles. Tous sont grands en Torah, à commencer par son gendre Rabbi Moché Sofer, auteur du ‘Hatam Sofer. On a aussi imprimé beaucoup de ses commentaires sur la Michnah et la Guemara. Et jusqu’à aujourd’hui, dans toutes les yéchivoth, on étudie sa Torah et sa sagesse.

L'humilité de Rabbi Akiva Eiger

Les juifs de Nickelsbourg furent saisis d’une grande émotion : un invité de marque allait arriver dans la ville, le gaon Rabbi Akiba eiger, qui allait à eisenstadt en Hongrie pour le mariage de sa fille la tsaddeket avec Rabbi Moché Sofer, le « ‘Hatam Sofer ». On disait qu’en chemin, il allait passer par Nickelsbourg et rencontrerait le Rav de la ville, Rabbi Mordekhaï Benett.

Il n’est donc pas surprenant que tous les juifs de la ville, du plus jeune au plus âgé, sortent à la rencontre de l’invité célèbre pour chercher à l’apercevoir. Ceux qui étaient grands en Torah espéraient aussi mériter d’entendre ses divrei Torah.

Les juifs de Nickelsbourg se réjouissaient donc que vienne chez eux quelqu’un qui avait la réputation d’être un gaon comme il y en a peu !

Cependant, de son côté, le Rav de la ville, Rav Mordekhaï Benett, était très réticent. Il s’entretint de Torah avec l’invité, sans entendre de lui fût-ce une seule explication originale ! « Je ne comprends pas pourquoi on s’extasie tant sur Rabbi Akiba Eiger », dit-il ensuite. « J’ai parlé avec lui de Torah, et je n’ai trouvé en lui aucun signe de grandeur ni de génie qui sorte de l’ordinaire ! »

Au bout de quelques jours, Rabbi Akiba poursuivit son voyage. Mais peu de temps après il revint à Nickelsbourg, pour demander à parler avec le Rav Mordekhaï Benett de sa petite communauté, dans laquelle il y avait des choses à améliorer de toute urgence.

Cette fois-ci, pendant la conversation, Rabbi Akiba fit entendre certaines de ses merveilleuses interprétations. Rabbi Mordekhaï fut extrêmement surpris, et pria l’invité de parler le Chabath suivant dans la grande synagogue de Nickelsbourg.

Rabbi Akiba accepta, et le Chabath il monta sur l’estrade et commença à faire un exposé devant la grande communauté.

Le Rav de Nickelsbourg faisait évidemment partie du public, et voilà que pendant le discours, il se mit à discuter avec l’invité et même à le contredire ! Sans rien lui répondre, Rabbi Akiba eiger interrompit son exposé en plein milieu, quitta l’estrade et alla s’asseoir à sa place parmi les fidèles.

Après la prière, l’invité s’apprêta à rentrer là où il logeait. Mais Rabbi Mordekhaï regrettait déjà son attitude. « Peut-être lui ai-je fait honte ? » se reprochait-il. Et il décida de se rendre chez l’invité pour s’excuser et lui demander de lui pardonner de tout cœur.

Lorsque Rabbi Mordekhaï arriva, il se rendit compte que Rabbi Akiba Eiger ne se souciait pas du tout de la honte qu’il lui avait causée à la synagogue. Mais maintenant qu’ils étaient seuls, il lui prouva que ce qu’il avait dit à la synagogue était absolument exact, et qu’il était tout à fait impossible de le contredire, comme avait voulu le faire le Rav.

Rabbi Mordekhaï étudia le sujet à fond, et s’aperçut que le discours de l’invité touchait à la vérité de la Torah. Il s’excusa donc à nouveau. « Mais, ajouta-t-il avec étonnement, pourquoi notre maître ne m’a-t-il pas fait remarquer mon erreur et les contradictions qu’elle entraînait lorsqu’il parlait à la synagogue ? »

Rabbi Akiba répondit : « Rabbi Mordekhaï est le Rav de la ville, le Rav de tout le pays, et sa communauté doit l’honorer. Pourquoi viendrais-je le contredire ? Il vaut mieux qu’on contredise mes propres paroles, car je ne suis qu’un invité de passage. Aujourd’hui je suis ici, et demain je reprendrai la route. Ce n’est pas moi qu’ils doivent honorer... »

En entendant cela, Rabbi Mordekhaï Benett, qui était un homme d’une grande droiture, rassembla sa communauté à la synagogue et lui raconta exactement ce qui s’était passé. « A présent j’ai appris deux choses, dit-il à sa communauté ; d’abord j’ai constaté la grandeur de Rabbi Akiba en Torah. Mais en plus de cela, j’ai appris jusqu’où vont sa droiture et sa sainteté. Quand il était là pour la première fois, il a délibérément évité de me montrer sa grandeur en Torah, c’est pourquoi je me suis permis d’estimer qu’il n’était pas si génial que cela, et de le contredire. Mais maintenant, j’ai compris que non seulement c’est un gaon extraordinaire, mais aussi un homme d’une droiture et d’une modestie comme il y en a peu ! »

 

 
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