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Rabbi Avraham Chemouël Binyamin • Le « Ketav Sofer »

De nombreuses années s’étaient écoulées, et Rabbi Moché Sofer, le Rav de Presbourg, n’avait toujours pas d’enfants. Après la mort de sa femme la rabbanit Malka, il épousa Sarali, la fille de Rabbi Akiba Eiger, et avec elle il mérita d’établir une grande lignée.

Le 1er Adar 5675 (1815), la rabbanit Sarali donna naissance à un fils. Les habitants de Presbourg accueillirent cette nouvelle avec la plus grande joie. C’était comme s’il était né un héritier au roi, après une longue attente de nombreuses années. Rabbeinou Moché avait cinquante-deux ans à la naissance de son fils aîné.

La légende raconte que lorsque la rabbanit fut sur le point d’accoucher et que la naissance s’avéra difficile, certains disciples de Rabbi Moché vinrent lui demander de prier pour qu’elle ait une délivrance rapide et cesse de souffrir. Rabbeinou Moché, auteur de ‘Hatam Sofer, leur répondit : « Ne connaissez-vous donc pas l’enseignement des Sages sur le verset : « Le soleil se lève et le soleil se couche » ? Avant que ne s’éteigne le soleil de ce tsaddik-ci brille le soleil d’un autre tsaddik. Je suis rempli d’espoir qu’il va me naître un tsaddik, et je ne veux pas raccourcir les jours d’un autre tsaddik à cause de celui-ci par mes prières. » Quand l’enfant eut neuf ans, il tomba malade et ses jours étaient en grand danger. Les médecins affirmèrent que son cas était désespéré. Son père Rabbi Moché se mit devant l’armoire qui contenait ses écrits, et supplia Dieu d’avoir pitié de l’enfant. Sa prière fut acceptée et son fils resta en vie.

Bien que son père ait tout fait pour éviter qu’il devienne célèbre, ce fils aîné, Avraham Chemouël Binyamin, était connu dès l’âge de quinze ans comme une tête prodigieuse. Il était très assidu de nature, et étudiait la Torah jour et nuit.

A dix-sept ans il correspondait déjà sur des sujets de Torah avec de grands rabbanim. Tout le monde était conscient qu’une grande lumière montait dans le ciel du judaïsme.

A cette époque-là, il épousa une jeune fille du nom de ‘Hana Léah, fille du célèbre Rav Rabbi Yitz’hak Weiss, de la ville de Garlitz. Son beau-père, qui était riche, promit de prendre le couple en charge pendant six ans, pour que son gendre puisse s’installer dans la tente de la Torah et étudier dans la sérénité et la paix.

Pendant la première année de son mariage, il resta chez son père, et l’aida dans sa sainte tâche. Celui-ci prenait conseil de lui et lui demandait son aide dans toutes ses affaires. Plusieurs fois, il le laissa également répondre à des questions en matière de halakhah. Le ‘Hatam Sofer relisait la réponse, et la signait : « le père de Chemouël ».

Le 25 Tichri, jour du décès de Rabbi Moché et fin de l’époque du ‘Hatam Sofer, s’ouvrit un nouveau chapitre dans la vie de la communauté de Presbourg – un chapitre brillant écrit en lettres d’or : celui du Ketav Sofer...

Rabbi Avraham Chemouël Binyamin avait vingt-quatre ans lorsqu’il assuma le poste de Rav, mais malgré son jeune âge, il dominait le peuple de toute sa stature. Au bout de peu de temps, il émerveillait toute la communauté par sa conduite ferme et résolue. Il observait de près tout ce qui se passait dans la ville et veillait à l’observance de toutes les coutumes et tous les décrets de son père. Il se consacrait également de tout son cœur et de toute son âme à la yéchivah, et y introduisit des nouveautés correspondant aux besoins de l’époque. Il se levait de bon matin pour préparer les cours qu’il devait prononcer à la yéchivah, et aimait à dire qu’il n’y a pas de plus grand plaisir que de se lever à l’aurore pour étudier la Torah avec une tête claire.

Outre sa grandeur en Torah, il se distinguait particulièrement par ses actes de générosité. Il mettait de côté un dixième de son argent pour la tsedakah, soutenait financièrement beaucoup de talmidei ‘hakhamim et avait la coutume d’envoyer du vin à tous ceux qui étudient la Torah en l’honneur des fêtes. Il donnait aussi beaucoup de tsedakah en cachette pour ne pas faire honte à ceux qui la recevaient.

Mais surtout, il grandit avec ses élèves de la yéchivah de Presbourg. Il les aimait énormément, et s’efforçait de les aider dans toute la mesure du possible. S’il voyait quelqu’un de pâle, il l’envoyait en cure à ses frais. Il donnait à ses élèves pauvres des vêtements neufs. Il les aidait également à se marier, et participait à leur mariage, exactement comme s’ils étaient ses fils.

L’épisode de sa guerre contre les destructeurs de la religion, qui voulaient introduire des réformes dans la Torah d’Israël, tint une grande place dans sa vie. Il se rendit chez des rois et des ministres pour défendre les valeurs saintes d’Israël par ses douces paroles, et celles-ci, qui sortaient d’un cœur pur et saint, faisaient toujours une grande impression. Une fois, le roi lui dit : « J’ai été heureux de recevoir aujourd’hui dans mon palais un homme grand et noble. »

Le Ketav Sofer dirigea la communauté pendant trente-trois ans, et vit une grande bénédiction dans tout ce qu’il entreprenait. Mais tout à coup, il tomba malade. Il eut encore le temps de donner à l’imprimeur la première partie de ses réponses sur Ora’h ‘Haïm. Il sentait que ses jours étaient comptés, que l’heure était venue de se séparer de sa communauté, et il ordonna que son fils Rabbi Sim’ha Bounim le remplace.

Le premier jour de la parachat Chemoth, le 19 Téveth 5732 (1872), après avoir été Rav à Presbourg pendant trente-trois ans, comme son père, qui avait servi pendant le même nombre d’années, son âme pure monta aux cieux, alors qu’il n’avait même pas encore cinquante-sept ans. Rabbi Sim’ha Bounim, auteur de Chéveth Sofer, devint Rav.

Voici une histoire qu’on raconte souvent à propos du Ketav Sofer :

Dans la maison du gaon et tsaddik Rabbi Avraham Chemouël Binyamin Sofer se tenait une grande réunion. Tous les grands rabbanim de la génération étaient venus.

Le Rav de Presbourg, dans son désir d’honorer ses hôtes, leur présenta une pièce de monnaie en or, et dit : « Regardez cette pièce précieuse, il y a bien des années qu’elle se trouve dans ma famille. Elle fait partie des pièces battues par le roi David, et il n’y en a plus aucune autre au monde. »

Les rabbanim admirèrent la pièce et la regardèrent longuement. Elle passa de main en main, et chacun remercia le Rav du grand honneur qu’il leur avait fait en leur montrant une chose aussi précieuse. Et tout à coup, sans que personne sache comment, la pièce avait disparu ! Les rabbanim se regardaient et ne savaient que faire. Il était impossible d’imaginer que l’un d’eux ait volé la pièce.

Quand on eut désespéré de pouvoir la trouver, l’un des rabbanim se leva et dit : « Messieurs ! Nous n’avons pas encore fait assez. Chacun d’entre nous doit vérifier ses poches, au cas où la pièce y serait tombée. »

Tout le monde obtempéra. Mais même alors, on ne trouva pas la pièce. Quelqu’un de l’assemblée se leva de nouveau et dit : « Tant que nous ne l’aurons pas retrouvée, nous sommes tous suspects de vol. Nous sommes donc obligés de nous fouiller mutuellement, pour ne laisser aucune place aux soupçons. »

Tout le monde était d’accord, mais quelqu’un, un homme très honorable et le plus âgé de tous, se leva et déclara : « Messieurs ! Ne faisons pas une chose pareille, qui comporte un élément insultant pour l’honneur de la Torah. Attendons un peu, peut-être va-t-on la retrouver. » Une demi-heure passa, et la pièce était toujours absente. Alors le maître de maison se leva et demanda d’une voix tremblante que l’on se fouille mutuellement, comme il avait été suggéré. A ces mots, le grand et honorable Rav pâlit. Les sages le regardaient, et ils se mirent à le soupçonner dans leur cœur d’avoir pris la pièce...

A ce moment-là, la porte s’ouvrit et l’un des habitants de la maison entra en annonçant qu’une pièce était tombée dans l’une des assiettes qu’on avait enlevées de la table, et qu’on l’avait trouvée en faisant la vaisselle. Tout le monde fut soulagé, et le repas se termina dans la joie et la bonne humeur. Ensuite, le vieux Rav se leva et sortit de sa poche une pièce exactement identique à celle du maître de maison.

Il raconta qu’il possédait également une pièce comme celle-là, qu’il avait héritée de ses ancêtres, et qu’il la portait toujours avec lui à cause de sa sainteté. Quand le maître de maison, le Rav de Presbourg, avait montré la sienne en disant qu’elle était unique au monde, il s’était tu pour ne pas lui faire de peine. Au moment où la pièce avait disparu et où on avait envisager une fouille, il était dans une grande détresse : qui allait le croire si l’on trouvait la pièce sur lui ? C’est pourquoi il avait prié Dieu de le faire sortir de ce mauvais pas, et sa prière avait été entendue.

Le gaon et tsaddik Rabbi Avraham Binyamin Sofer se leva, et dit : « Savez-vous pourquoi nous nous sommes rassemblés ici ? Pour apprendre la signification de la michnah : « Juge tout homme favorablement ». Quand un accusé se tient devant toi, même si tu l’estimes probablement coupable, tu dois néanmoins t’efforcer de tout ton pouvoir, avant de prendre une décision, de lui trouver une excuse, et peut-être y arriveras-tu. Et quand tu te donnes du mal, tu peux trouver !

 

 
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