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Rabbi Chemouel Mohliwer le Rav de Byalistok

Rabbi Chemouël Mohliwer aimait son peuple de tout son cœur et de toute son âme. Sans tenir aucun compte de sa santé ni de son argent, il se plaça entièrement au service du peuple d’Israël. Il souffrait des malheurs de la nation, et ses peines ne lui laissaient aucun répit. Voici comment Rabbi Chemouël interprétait les paroles du prophète Jérémie (8, 18) : « Comme je voudrais dominer ma douleur ! Mon cœur souffre au-dedans de moi » : Si cette douleur ne concernait que moi, si seul mon cœur souffrait au-dedans de moi, je le supporterais ; mais : « Voici, j’entends la voix suppliante de la fille de mon peuple venant d’un pays lointain » ; si cette voix-là aussi monte d’un pays lointain... « A cause de la catastrophe qui a brisé la fille de mon peuple, je suis brisé, je suis voilé de deuil, en proie au désespoir », sur cette tristesse de la cassure de mon peuple je n’ai déjà plus la force de me contenir. Et les souffrances du peuple juif à cette époque l’ont mené à travailler toute sa vie en faveur d’Erets-Israël. En lui-même, il avait la vision que c’était le pays qui rassemblerait dans son sein tous les exilés d’Israël.

Rabbi Chemouël est né le 27 Nissan 5584 (1824) dans la petite ville de Globocki, dans la région de Vilna. D’après une tradition familiale, il y a eu dans toutes les vingt-deux générations qui l’ont précédé des rabbanim ou des talmidei ‘hakhamim. Son père Rabbi Yéhouda Leib était un grand talmid ‘hakham, mais il ne voulait pas être Rav et resta toute sa vie commerçant. Ce n’est qu’à l’âge de la vieillesse, quand il perdit tous ses biens, qu’il accepta de devenir Rav de la ville de Schalak. Il ne lui resta rien de toute sa fortune, à l’exception de quelques armoires pleines de livres. Rabbi Yéhouda Leib regardait toujours ses livres avec bonheur. Un jour, son fils Rabbi Chemouël lui demanda : « Papa, pourquoi regardes-tu si souvent tes livres ? » Il répondit : « Mon fils, je regarde les livres et j’envie leurs auteurs, qui ne plaçaient pas de récipient auprès de leur lit pour se laver les mains le matin, comme nous en avons l’habitude. » Rabbi Chemouël s’étonna et ne comprit pas ce qu’il voulait dire.

– Pourquoi t’étonnes-tu ? Ce que j’ai dit est la pure vérité. Ces auteurs, dont les paroles nous font vivre, faisaient de leurs nuits des jours pour étudier la Torah... Avec des histoires de ce genre, son père réussit à lui faire entrer dans le cœur un grand amour pour la Torah.

A l’âge de trois ans, il avait déjà des dons extraordinaires, à quatre ans il étudiait le ‘Houmach avec le commentaire de Rachi, et à dix ans il était connu de tout l’entourage sous le nom du « prodige de Globocki », et ses maîtres affirmaient qu’il serait un jour grand en Israël. Il était également versé en calcul et en astronomie, au moyen desquels il expliquait certains passages difficiles du Talmud. Cette science l’aida dans sa vieillesse à écrire une grande réponse sur l’observance du Chabath dans divers pays (dans son livre « Recherches sur la halakhah et Responsa », ch. 6).

Quand il eut quinze ans, il se maria et vécut chez son beau-père. Il étudia avec une grande assiduité pendant trois ans et devint expert dans tout le Talmud, puis il partit à la yéchivah de Volojine pour y étudier. Au bout de six mois, il fut ordonné Rav par Rabbi Yitsel (Yitz’hak), le Rav de Volojine, et par son gendre le Rav Eliezer Yitz’hak, et commença à faire du commerce. Il fit le commerce du lin pendant quelques années, mais cela restait à ses yeux quelques chose de secondaire, l’essentiel étant la Torah et l’écriture de responsa aux plus grands esprits de son temps.

En 5608 (1848), alors qu’il avait vingt-quatre ans, le beau-père qui l’avait toujours soutenu mourut. Il accéda alors à la demande des habitants de sa ville natale de Globocki d’être leur Rav. Il y resta six ans, vivant dans la pauvreté, et quand un jour les responsables de la communauté se réunirent pour augmenter son maigre salaire, il refusa en disant :

– A Globocki il y a des juifs qui sont plus pauvres que moi, ils meurent de faim, et la communauté doit s’occuper d’eux en priorité.

En 5614 (1854), sa situation s’améliora quelque peu car il fut nommé Rav de la ville de Schaki. Il y resta aussi six ans puis devint Rav de la grande ville de Souvalk. A partir de là, il commence à être connu non seulement comme un gaon en Torah, mais aussi comme un responsable communautaire et surtout comme un grand tsaddik. Rabbi Eliahou ‘Haïm Maizel, le Rav de Lodz, lui demandait de prier pour un malade que Dieu lui envoie la guérison. Et quand il fut Rav de la ville de Radom, les ‘hassidim, qui connaissaient sa brûlante crainte du Ciel, voulurent faire de lui un Admor. Finalement, il fut nommé Rav dans la très grande ville de Byalistok, d’où était originaire l’auteur du Oneg Yom Tov.

Dans toutes les villes où il vécut, il fit beaucoup pour ses frères juifs et les sauva plus d’une fois des chrétiens malveillants.

Une fois, on avait condamné plusieurs habitants très respectables de la ville de Soubalk à être pendus. Le jour de l’exécution fut fixé au lendemain de Yom Kippour. La veille de Kippour, le Rav alla se présenter aux autorités militaires. Les yeux remplis de larmes, il parla au commandant et jura que ces juifs étaient innocents et n’avaient été condamnés qu’à cause d’un mensonge malveillant ; comme le commandant ne pouvait pas annuler le verdict, il lui demandait que tout au moins il les laisse venir à la synagogue à Yom Kippour pour qu’ils puissent épancher leur cœur devant Dieu avec leurs frères avant de quitter ce monde. Le commandant lui répondit qu’il acceptait, mais qui se porterait garant que ces juifs ne s’évaderaient pas ? – Je serai garant avec ma vie, répondit le Rav, de les ramener à tout moment où vous l’exigerez. » Le commandant leur donna la permission d’aller à la synagogue. Mais les paroles du Rav avaient fait sur lui grande impression, il commença à douter du verdict et finalement les gracia, ce qui fut considéré comme un miracle.

Il se souciait aussi des soldats juifs qui servaient dans l’armée près de la ville et organisa pour eux de la nourriture cacher. En particulier pendant la fête de Pessa’h, il prévoyait une cuisine spéciale pour tous les soldats qui servaient aux alentours, et leur fournissait trois repas de la nourriture de la fête.

Une fois, quelques jours avant Pessa’h, le responsable de la communauté vint le trouver et lui dit :

– Notre maître, cette année est une année de disette, tout est très cher, et les habitants de la ville n’ont pas de quoi préparer la fête de Pessa’h.

– S’il en est ainsi, dit Rabbi Chemouël, convoquons les dayanim et autorisons les kitniot pour ce Pessa’h.

– Notre maître, dit le responsable, soyez béni, je me faisais du souci pour les soldats. Maintenant cela va mieux. Eux aussi, les soldats, mangeront des kitniot.

– Des soldats juifs ? se fâcha Rabbi Chemouël. Dans notre ville, cela ne sera pas. Moi et vous et tous les habitants de la ville nous mangerons des kitniot ce Pessa’h. Mais nous devons nourrir les soldats juifs de nourritures propres à Pessa’h et de délices pour la fête comme chaque année.

Mais sa plus belle activité fut son travail en faveur du yéchouv d’Erets-Israël. En 5635 (1875), le judaïsme de Russie fêta le quatre-vingt dixième anniversaire du ministre Moïse Montefiori, et dans toutes les villes on ramassa de l’argent pour un fonds appelé « Mazkéret Moché » (« en souvenir de Moïse ») destiné à établir de nouveaux villages en Erets-Israël. Rabbi Chemouël s’investit de toutes ses forces dans ce travail et ramassa beaucoup d’argent. A partir de là, l’idée de l’installation en Erets-Israël devint la mission de sa vie.

Il se rendit dans d’innombrables endroits, et partout il parlait de la mitsvah de peupler Erets-Israël. A Paris il fut introduit au baron Edmond (Binyamin) de Rothschild et le poussa à se consacrer à construire Erets-Israël détruite et déserte. Le baron de Rothschild aida effectivement beaucoup les juifs qui étaient déjà installés en Erets-Israël. Il acheta aux Arabes de grandes étendues de terrain et y installa de nombreux juifs. Au cours du temps, il finit par être connu sous le nom de « célèbre mécène ».

En Iyar 5650 (1890), Rabbi Chemouël partit visiter Erets-Israël. Malgré son âge et sa santé chancelante, il était à la tête de la première caravane des « amants de Sion » en route pour notre Terre Sainte.

Le 1er Sivan, ils atteignirent le port de Jaffa. Quand le Rav arriva à Jérusalem, il fut accueilli avec de grands honneurs par toutes les communautés. Le Chabath, il donna un cours, selon la demande de Rav Chemouël Salant, à « ‘Hourba » (la grande synagogue de la vieille ville). Après avoir visité diverses institutions à Jérusalem, il partir vers les nouvelles implantations, sans en oublier presque aucune. Il s’intéressait particulièrement à la construction de Peta’h Tikva, la plus ancienne agglomération, qui avait été établie par des benei Torah craignant Dieu. A Yahoud, proche de Peta’h Tikva, il rencontra son ami de toujours, le gaon Rabbi Mordekhaï Guimpel Yaffé, Rav de Rojinoï. Il le vit alors qu’il se promenait avec ses élèves dans les champs d’oliviers de Yahoud, pour respirer l’air pur et profiter de la beauté de la nature de notre saint pays. A ce spectacle, il s’écria : « Quiconque veut avoir une idée du monde à venir n’a qu’à aller à Yahoud, et il y verra l’univers de Rabbi Mordekhaï Guimpel, où il n’y a ni jalousie ni haine et où les tsaddikim sont installés pour jouir de l’éclat de la Chekhinah. »

Au retour de son voyage, il poussa les riches à se hâter d’acheter du terrain en Terre sainte, et à en acquérir le plus possible.

C’est ainsi que le gaon Rabbi Chemouël servit son peuple et son pays jusqu’aux derniers instants de sa vie. Il mourut le 13 Sivan 5658 (1898). Son nom figurera à jamais parmi ceux des bâtisseurs d’Erets-Israël, ce qui est l’une des plus grandes mitsvoth de notre Torah.

 

 
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