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Rabbi Itshak Levy de Berditchev

Lorsque l’on parle d’un Tsadik, un Juste, deux adages de nos Maîtres viennent aussitôt à l’esprit. Le premier, «Le Tsadik est le fondement du monde», Nous apprend que si, malgré les tourmentes de son histoire, le peuple juif réussit à survivre là où d’autres nations ont disparu, c’est à la présence des Tzadikim qu’il le doit. Le second «Le Tsadik décide et l’Eternel s’exécute illustre», quand à lui, parfaitement, l’influence considérable du Tsadik, symbole vivant de piété et de vertu, sur les plus hautes instances célestes qui régissent l’Univers tout entier.

Ces deux adages sembles avoir été forgés pour définir la personnalité hors du commun de Rabbi Levy-Itshak, de Berbitchev : qui dit Rabbi Levy-Itshak, de Berbitchev, pense instantanément au défenseur du peuple juif. Ce Tsadik, en effet, un des principaux piliers du Hassidisme, s’est imposé dans la mémoire collective comme celui qui, en toutes circonstances, n’hésitait pas à prendre l’Eternel à témoin pour plaider la cause d’Israël. Lorsqu’il s’agissait de solliciter des bienfaits pour la communauté, ou de trouver des arguments souvent inattendus, mais si pleins d’une ferveur vraie et naïve que le Tribunal Céleste lui-même ne pouvait que s’y rendre.

Il faut dire que Rabbi Levy-Itshak avait été doté par l’Eternel d’immenses pouvoirs spirituels qui lui permettaient chaque fois que nécessaire, d’élever son âme vers les palais célestes. C’est là qu’il se faisait l’avocat pathétique du peuple juif et, le plus souvent, obtenait gain de cause.

C’est d’un amour absolu, inconditionnel pour le peuple juif que brûlait le Coeur de Rabbi Levy-Itshak. Cet amour était tellement manifeste que quiconque approchait le Tsadik n’avait plus qu’un seul désir : lui ressembler un tant soit peu, s’abriter lui aussi sous les ailes de la Chékhina, la Providence. Pour cela, tous devenaient prêts à reprendre le chemin de la Torah et des Mitzvot. C’est ainsi que, grâce à lui, quantité de nos frères de Russie, qui s’étaient plus ou moins gravement écartés du Judaïsme, en vinrent à faire le choix décisif de la Téchouva. Tout comme pour Moïse, on dit de Rabbi Levy-Itshak : «Nombreux furent ceux qu’il écarta du péché».

Innombrables, en effet, sont les récits et les témoignages évoquant la noble mission que s’était fixée Rabbi Levy-Itshak et la manière unique dont il s’en acquittait. Chacun d’eux nous invite à l’imiter, car comme nous l’enseignent nos Maîtres, le Saint-Béni se réjouit chaque fois qu’un juif l’invoque pour prendre la défense d’un autre. Et, ajoutent nos Maîtres, plus ce phénomène se multipliera plus il hâtera l’avènement de la Guéoula, la Délivrance tant attendue. Voici l’un de ces récits :

Cela se passait donc à Berbitchev, au premier jour de Roch Hachana. Dans la grande synagogue archi-comble, Rabbi Levy-Itshak lui-même se tenait prés du Amoud, le pupitre de l’officiant. Sa voix, tout à la fois puissante et belle, ainsi que ses prières chantées avec cette force et cette émotion qui n’appartenaient qu’à lui, faisait tout vibrer autour d’elle : les fidèles, bouleversés jusqu’aux tréfonds de leur âme en ce Yom Hadine, Jour du Jugement, ne perdaient pas un mot de la prière du Rabbi tandis que leurs yeux étaient baignés de larmes. Tel un irrésistible aimant, Rabbi Levy-Itshak entraînait tous les juifs de la ville dans sa propre émotion.

Après la Amida (prière des 18 bénédictions) et juste avant la Kédoucha (sanctification solennelle du Nom divin), Rabbi Levy-Itshak entonne, d’une voix tremblante, le cantique La-El Orèkh Dine (A l’Eternel qui juge). Chacun des fidèles sent alors son coeur se serrer, chacun est réellement et profondément conscient de comparaître, en cet instant, devant le Roi des Rois qui préside le Tribunal d’En-Haut, qui juge la terre entière; qui pose sur l’un et l’autre des plateaux de la balance les bonnes actions et les fautes de chaque créature; qui scrute d’un regard pénétrant et irrésistible le coeur de tous; qui met au jour tous les secrets; qui connaît la moindre de nos pensées et qui, tout à l’heure, prononcera son verdict. «Avinou Malkènou ! Notre Père, notre Roi!» : un seul et même cri jaillit de toutes les bouches : «Considère-nous avec bienveillance et miséricorde. Autrement, nul d’entre nous ne pourrait résister face à Toi!».

Or, voilà que juste avant de psalmodier la phrase Lékoné Avadav Bédine (A Celui qui acquiert ses serviteurs en toute justice), Rabbi Levy-Itshak s’arrête brusquement. Son visage devient pâle, blanc comme de la chaux. Il est incapable d’émettre le moindre son. Les fidèles, d’abord étonnés de cette interruption, sont ensuite consternés par le spectacle qui s’offre à leurs yeux : le Tallit (châle de prière) de leur Rabbi glisse lentement de sa tête, jusqu’à ses épaules. S’étant approchés, certains des Hassidim de longue date du Rabbi le trouve immobile, les yeux fermés, comme si, à D-ieu ne plaise, contrairement au reste de l’assistance, ces disciples comprennent ce qui se passe. Grâce à son Rouah Hakodech (Inspiration Divine) Rabbi Levy-Itshak a appris qu’en ce moment même, le Tribunal Céleste nourrissait une grande colère à l’encontre du peuple juif. Aussitôt, imitant leur Rabbi, ils ferment les yeux et se plongent, à leur tour, dans une profonde méditation de Téchouva, en regrettant les mauvaises pensées qui ont peut-être habité un jour leur esprit.

Toute la synagogue reste ainsi, de longues et interminables minutes, comme figée. Enfin, Rabbi Levy-Itshak rouvre les yeux, et ses traits retrouvent peu à peu leur apparence habituelle. Chacun a véritablement l’impression que le Tsadik, après avoir quitté ce monde, vient à peine de ressusciter. Tous les fidèles sont d’autant plus heureux et rassurés qu’à présent, le visage de Rabbi Levy-Itshak rayonne de joie au moment où il entonne enfin ce fameux cantique Lékoné Avadav Bédine (A celui qui acquiert ses serviteurs en toute justice).

A l’issue de l’office, alors que le Rabbi et ses disciples étaient réunis autour de la table pour déjeuner, l’un des Hassidim prit son courage à deux mains pour demander à son Maître ce qu’il avait vu dans les mondes supérieurs. Le Rabbi accepta de répondre et dit :

- J’ai vu tout à coup le Satan qui tirait un grand sac derrière lui, et cela m’a donné un pressentiment très désagréable. J’ai compris que, dans ce sac, le Procureur gardait tous les péchés que le peuple juif avait commis durant l’année écoulée. Je m’approchais pour en voir le contenu : médisance, haine gratuite, mesquinerie, négligence de l’étude sacrée, il y avait de tout, suffisamment pour réjouir le Satan qui se précipitait au-devant du Tribunal Céleste pour prononcer le plus violent des réquisitoires contre notre peuple. Je me suis dit aussitôt : «Malheur !» Cette vision m’avait plongé dans une telle détresse que je ne savais plus que faire.

Tout à coup, voilà que le Satan s’arrêtait. Ses yeux perçants venaient de surprendre un Juif qui, en ce jour même de Roch Hachana, était en train de commettre une faute. Il laissa donc son sac et courut en direction de ce Juif pour prendre sa faute et l’ajouter à sa sinistre moisson. J’en profitais pour m’approcher du sac et examiner chacune des fautes. Je me rendis compte alors que leurs malheureux auteurs ne manquaient pas de circonstances atténuantes : qu’il s’agisse de l’amer exil auquel nous avons été condamnés, de la misère qui est le lot de tant de gens parmi nous, l’ignorance, etc.. etc... Que pouvaient faire nos frères dans pareilles situations et face à de telles tentations, capables de faire oublier à un Juif même son identité spirituelle et de transformer le peuple du D-ieu d’Avraham en êtres grossiers qui se vautrent dans les péchés ? Mais par ailleurs, me dis-je, qu’étaient ces fautes comparées aux meurtres, aux actes de brigandage et aux vols à main armée auxquels se livrent tant de gens au sein des autres nations du monde ?

A mesure que je méditais, voilà que les fautes de nos frères disparaissaient de ce terrible sac. Le découvrant vide, il poussa un cri : «Voleurs ! On m’a volé toutes les fautes des Juifs que je m’étais donné tant de peine à ramasser !». C’est alors qu’il me vit, debout prés du sac, et comprit que je m’étais joué de lui. Il me saisit par mon vêtement et exigea de moi des indemnités pour l’avoir dépouillé des fautes de nos frères ! Je répondis que je n’avais pas d’argent. Mais le Satan, qui sait la Torah, me répliqua qu’il faudrait alors me vendre comme esclave ! Il me saisit par ma barbe et me proposa au premier ange qui passait par là. Celui-ci refusa, expliquant que j’était un juif exilé qui avait besoin de gagner sa vie. Il ne voulait pas avoir à m’assumer, quand bien même il m’obtiendrait gratuitement. Vous rendez-vous compte ? Même gratuitement, il ne voulait pas de moi ! Tous les autres anges auxquels me proposa le Satan comme esclave refusèrent.

Ce que voyant, le Satan m’entraîna jusqu’au Maître de l’Univers qui siégeait sur son Trône Royal. Le Saint-Béni écouta attentivement les arguments du Procureur, puis déclara, en citant le Psaume de David:

«C’est Moi qui ai agi, Moi qui assumerai et Moi qui sauverai !» C’est moi-même qui vais t’acheter !

A ces mots, le Satan resta figé et bouche bée. Il était à bout d’arguments. C’est alors que je repris mes esprits. Comme vous le voyez, on peut mieux comprendre à présent la phrase du cantique sur laquelle je m’était immobilisé : Lékoné Avadav Bédine (A Celui qui acquiert ses serviteurs en toute justice). Nous sommes les serviteurs du Saint-Béni et, grâce à notre piété, nous pouvons échapper aux griffes du Satan.

Adaptation de l’Hébreu Par J. Benaudis

 

 
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