Le pouvoir de la techouva : les fautes transformées en mérites
« Grande est la techouva qui transmue les fautes volontaires en mérites. »
(Yoma 86b)
Cette affirmation de nos Maîtres ne manque de nous étonner, dans la mesure où il est question d’une personne consciente de l’interdit et qui pèche quand même ! N’est-ce pas pourtant assimilable au cas de celui qui dit : « Je vais pécher puis me repentir » (cf. Yoma 88b ; Tanna debé Elyahou Rabba 6), et dont la techouva est considérée comme impossible ? Plus étonnant encore est le fait que non seulement il est pardonné mais voit même ses fautes transformées en mérites !
Lorsque nos Maîtres évoquent les chances de repentir du pécheur impénitent, jugées bien minces, voire inexistantes, ils emploient la formule, traduite ici littéralement : « on ne lui donne pas la possibilité de faire techouva ». Autrement dit, du Ciel, on ne l’aide pas dans ce sens. Mais si, par lui-même, l’homme se renforce, surmonte son mauvais penchant, et, sans la moindre aide divine, se repent par amour, il mérite que même ses fautes volontaires soient transformées en mérites, au vu des considérables efforts déployés pour mener à bien une démarche de repentir complète.
En vérité, l’homme qui était lié au mauvais penchant et, sans aucune aide, est parvenu à s’en détacher et à se repentir par amour a un très grand mérite. A la lumière de cette explication, on peut comprendre la chute de Elicha ben Aboya, dit A’her (l’autre), sage qui finit par mal tourner. Nos Maîtres expliquent (‘Haguiga 15a) qu’il avait entendu une voix céleste proclamant : « Revenez, fils rebelles, excepté A’her ! » Cela semble pourtant contredire le principe en vertu duquel D. ouvre une brèche pour tous ceux qui veulent se repentir. Pourquoi A’her n’aurait-il pas le droit de faire techouva comme tous ? En vérité, ce droit, cette possibilité ne lui étaient pas déniés, mais il ne pouvait prétendre à la moindre aide divine. Du Ciel, il ne serait ni poussé ni repoussé. Cependant, lui-même ne désirant pas se repentir, il ne pouvait être question ni de poussée céleste, ni même d’acceptation de sa techouva.
A l’époque de la sortie d’Egypte, D. conféra des mérites particuliers aux enfants d’Israël, les rapprochant ainsi de Lui. Sur le verset (Ye’hezkel 16:6) : « Mais Je passai auprès de toi, Je te vis te vautrer dans ton sang et Je te dis : Vis par ton sang ! (…) », nos Sages expliquent (Chemot Rabba 17:3 ; Chir Hachirim Rabba 5:3) que le Saint béni soit-Il vit le sang de la mila, mêlé au sang des sacrifices de l’agneau pascal, et que, par ce mérite, il libéra les enfants d’Israël d’Egypte.
Le Rav Yi’hia Teboul chelita m’avait rapporté une question très intéressante sur cette interprétation : comment peut-on assimiler le sang dans lequel se vautre le peuple juif au sang de la brit mila ? Si les sacrifices provoquent certes un « bain de sang », la mila ne fait sourdre que quelques gouttes, loin d’une mare dans laquelle on se « vautrerait ».
Voici la réponse que je lui proposai : le Saint béni soit-Il vit les enfants d’Israël se vautrer dans leur sang, autrement dit dans les quarante-neuf portiques d’impureté (Zohar ‘Hadach Yitro 39a). Ils étaient tellement plongés dans l’impureté qu’ils s’y noyaient presque et en étaient presque arrivés à un point de non-retour. C’est pourquoi D. leur dit : « Vis par ton sang ! » En d’autres termes, malgré et avec ces fautes qui vous entachent et vous rattachent aux forces impures, recommencez à vivre dans la pureté, en transformant le mauvais penchant en bon, selon le principe cité en préambule.
Tel est, à mon sens, une lecture possible de ce verset. D. vit les enfants d’Israël se vautrant dans leur sang – dans l’impureté et le mal – et Il leur dit, S’adressant directement à eux : « à travers ces mêmes éléments par lesquels vous étiez plongés dans l’impureté, vous devez vivre, ce qui vous permettra de transformer les fautes en mérites, le mal en bien, et d’atteindre la sainteté. On notera d’ailleurs, comme allusion, que hadam (« le sang ») a une valeur numérique de quarante-neuf, allusion aux quarante-neuf niveaux d’impureté qui, par la techouva, doivent laisser place à leur pendant.
Même si l’homme est plongé dans l’impureté, veut nous signifier le Maître du monde, il peut se transformer et changer le mal en bien, bénéficiant dans son processus de purification, de l’aide divine (cf. Chabbat 104a ; Yoma 38b), le fameux « vis par ton sang ». Même s’il a sciemment commis une faute et ne peut prétendre à ce soutien, par ses propres efforts, il peut parvenir à transmuer ses fautes en mérites.
Résumé
•Grande est la techouva, qui transmue les écarts volontaires en mérites. Pourtant, celui qui prévoit de pécher puis de se repentir peut-il faire techouva ? Cela ne lui est pas impossible, mais il ne bénéficie pas de l’aide divine. Cependant, s’il fournit des efforts et se repent par lui-même, c’est une éclatante victoire sur le mauvais penchant, qui lui vaut la transformation de ses fautes en mérites. Du fait qu’A’her ne fournit pas ces efforts personnels, il ne bénéficia pas du soutien du Ciel pour se repentir.
•Au moment du premier Pessa’h de l’histoire, il est écrit que D. nous vit nous vautrant dans le sang… de la brit mila et du sacrifice de l’agneau pascal, et nous dit : « vis par ton sang ». Nous étions alors plongés dans les quarante-neuf degrés d’impureté et, en voyant nos efforts pour nous en tirer, les péchés furent transformés en mérites. L’amendement fut donc obtenue à travers celles-ci, et le mal transformé en bien, afin de nous permettre de passer de la servitude à la liberté.