Unité et Torah – bases de la techouva
Le prophète s’écrie (Hochéa 14:2) : « Reviens Israël jusqu’à l’Eternel ton D., car tu as trébuché par ton péché. Munissez-vous de paroles et revenez à D. »
A ce titre, nous connaissons l’importance du Chabbat Chouva, nommé d’après son thème central. La techouva y occupe donc une place fondamentale et a alors un immense pouvoir. De ce fait, l’homme peut aisément revenir véritablement « jusqu’à l’Eternel ».
Cependant, quelle est la particularité de ce Chabbat ? En outre, comme le demande le Le’hem Chelomo, que signifie l’expression « munissez-vous de paroles » ? Comment peut-on se munir d’une chose dénuée de consistance ?
Rappelons, en explication, que la techouva a deux fondements : unité et Torah. Par le premier point, par l’union entre les hommes, chacun peut se repentir, se rapprocher de D. et s’élever de niveau en niveau.
C’est la raison pour laquelle le prophète lance son appel au départ au singulier : « Reviens, Israël ». Lorsque chacun estime l’autre, sait s’effacer et se soumettre devant lui, la techouva est possible. Plus que cela, il est nécessaire que tout le peuple juif fasse preuve d’une solidarité à toute épreuve (Chevouot 39a ; Sanhedrin 27b ; Chemot Rabba 2:8) et forme une seule entité.
C’est là le sens de l’appel : « reviens (chouva) Israël », au singulier. En outre, chouva a une valeur numérique identique, plus ou moins un, à celle du Nom divin Cha-daï, gardien des portes d’Israël.
Et pour cause : lorsque l’unité règne et que chacun se repent concernant les orifices par lesquels il a failli – bouche, yeux, oreilles, etc. –, D. se porte garant de ces « portes » et le met à l’abri de toute faute de cet ordre.
En outre, en l’absence d’unité avec son prochain, la techouva de l’homme reste lettre morte, car il est alors impossible de réparer ces atteintes aux orifices susmentionnés. Comme l’affirment nos Sages (Yoma 85b ; Pessikta Rabbati 39) : « En ce qui concerne les fautes envers autrui, Yom Kippour n’apporte pas l’expiation tant que son camarade n’a pas été apaisé. »
Ainsi, la techouva doit arriver « jusqu’à (ad) l’Eternel ton D. », ce terme étant composé des mêmes lettres que le verbe da (sache). Autrement dit, par la techouva, l’homme est protégé au niveau de toutes ses ouvertures sur le monde extérieur ; il prend conscience du Créateur et de la gravité de sa faute, dans l’esprit du verset : « Mon péché est constamment face à moi. » (Tehilim 51:5) C’est ainsi qu’il mérite d’être sauvegardé de toutes les fautes.
Tant que l’homme ne pallie pas à ce manque d’unité, il ne peut prendre la mesure de la gravité de ses fautes et « connaître » le Créateur. Cette conscience lui fera défaut et il ne pourra être protégé à l’avenir.
Au contraire, cette prise de conscience peut l’amener au niveau de « Sachez devant qui vous vous tenez » (Berakhot 28b) et à un retour authentique à D. Mais, au préalable, il aura rétabli l’unité et la concorde avec son prochain.
Or, au cours de la septième année – la chemita –, allusion au jour du Chabbat (cf. Or Ha’haïm sur la paracha de Behar), il est interdit de travailler la terre et il faut faire preuve de foi et de confiance en D. Il faut aussi en profiter, comme au cours du Chabbat où l’on se bénit l’un l’autre, pour renforcer nos liens avec les autres. Cet amour entre les hommes mène à l’amour de D., et D. envoie alors sa bénédiction aux enfants d’Israël (cf. Vayikra 25:21).
L’importance du respect d’autrui ressort d’ailleurs clairement du passage de Guemara (Pessa’him 87a), nous relatant une discussion entre D. et… Hochéa. « Tes fils ont commis une faute », lui dit le Créateur. Et Hochéa de lui suggérer d’élire à leur place un autre peuple. Mais le débat n’est pas clos et le Créateur se refuse à admettre une telle solution. Aussi indisciplinés soient Ses enfants, Il n’est pas prêt à les troquer contre d’autres. Comprenant son erreur, Hochéa demande alors pardon au Créateur, qu’il implore en sa faveur ainsi qu’en faveur de ses coreligionnaires, lançant le fameux appel : « Reviens Israël jusqu’à l’Eternel ton D. ».
Ce passage nous démontre qu’en dépit du fait qu’il était prophète, comme il accusa les enfants d’Israël, la conscience du Divin lui fit défaut et ce n’est que lorsqu’il implora le pardon divin en faveur de tous ses frères que cet écart lui fut pardonné. Car il est interdit d’accuser autrui.
Or, le précurseur de ce mouvement de techouva n’était autre que son grand-père, Reouven, fils de Yaakov, qui fut le premier à opérer un tel processus, couronné par la promesse divine (Beréchit Rabba 84:18 ; Yalkout Chimoni ad loc. §142) suivante : « Par ta vie, Je jure que le fils de ton fils, Hochéa, sera le premier à ouvrir la techouva, comme il est dit (Hochéa 14:2) : “Reviens Israël ”. »
Or, ce qui valut à Reouven un tel mérite, c’était justement le fait de s’être abstenu d’accuser Yossef, à la vente duquel il ne prit nullement part, tentant au contraire de le sauver de ses frères et de le ramener à son père (cf. Beréchit 37:23). En dépit du mal que Yossef avait dit de lui à son père, il fit tout pour lui épargner le meurtre (v.22). Voici donc une preuve éclatante que l’union et l’amour du prochain permettent de parvenir à un repentir sincère.
« Munissez-vous de paroles » – la Torah
Toutefois, l’unité seule ne suffit pas pour assurer la protection de l’homme, et c’est pourquoi le prophète poursuit : « Munissez-vous de paroles ». Que signifie cela ? De quelles paroles faut-il se munir?
Lorsque la conscience de D. fait défaut à l’homme, même s’il est érudit, et à plus forte raison s’il est ignorant, ce manquement le détourne de la Torah. Du fait qu’il se consacre à des futilités et non à la Torah, cet éloignement de la Torah provoque un éloignement du Créateur. Or, comme l’écrit le Rambam, en conclusion des Hilkhot Issouré Bia : « Les pensées de débauche ne se renforcent que dans un cœur dénué de sagesse » – autrement dit, de Torah, et le risque est alors majeur.
De ce fait, nous avertit le prophète, « munissez-vous de paroles ». L’homme doit donc se munir du bien le plus précieux du monde, la Torah, comme il est dit (Michlé 4:2) : « Car Je vous ai donné un bon enseignement » – « il n’est de bon que la Torah » (Berakhot 5a ; Yerouchalmi Roch Hachana 3:8) Aussi faut-il se renforcer dans l’étude de la Torah, tremplin permettant naturellement de faire techouva et de se rapprocher du Créateur.
« Munissez-vous de paroles », nous engage le prophète. « Munissez-vous » fait allusion à la Torah écrite, la Torah révélée, tandis que les « paroles » (devarim) évoquent les secrets (razim) de la Torah, sa face cachée et mystique, ces deux derniers termes ayant, plus ou moins un, la même valeur numérique.
L’homme doit donc se munir, presque au sens propre, de ces deux facettes de la Torah, se les approprier en se plongeant dans l’étude. Car la Torah est telle une munition dont on doit s’armer, dès lors que D. nous l’a transmise, comme Il le dit Lui-même, pour reprendre cette analyse du Ramban : « J’ai été vendu avec elle ».
A cet égard, l’homme doit savoir qu’il ne lui suffit pas d’étudier la Torah écrite, mais qu’il doit également pénétrer les mystères et l’intériorité de celle-ci, sa face cachée, car l’alliance des deux lui permet de se lier à D. et d’avoir une connaissance de D. claire, ce à quoi ne permet pas d’accéder l’étude de la Torah écrite seule.
En résumé, il y a deux types de techouva : dans le domaine des relations interpersonnelles, en cultivant l’unité, ce qui amène à la connaissance de D. et permet à l’homme de jouir de la sauvegarde divine contre la faute, et de se repentir. Le second aspect de la techouva concerne les relations vis-à-vis de D., à travers les aspects révélés et mystiques de la Torah. Sur ce point comme sur le premier, il convient de se repentir.
Ces deux directions apparaissent allusivement dans les paroles du prophète : « Reviens Israël », au singulier – importance de l’unité – et « munissez-vous de paroles » – étude de la Torah révélée et mystique. Ces deux directions constituent les deux piliers essentiels de la techouva.
Cela étant, nous pouvons réaliser la grande valeur et la particularité du Chabbat Chouva, encadré par Roch Hachana et Yom Kippour.
En effet, quel meilleur moment pour la techouva que le Chabbat, jour où la Création atteint un degré de perfection et d’unification incomparables, outre le fait que c’est le jour idéal pour étudier la Torah, comme il est dit (Tanna debé Elyahou Rabba 1) : « Le Chabbat sera entièrement consacré à la Torah. »
Ainsi, ces deux piliers du Chabbat que sont l’unité et la Torah sont particulièrement importants au cours du Chabbat Chouva, permettant à l’homme de parvenir à la reconnaissance du Créateur. A ce niveau, le Nom Cha-daï préserve l’homme de la faute et l’amène à la techouva, à laquelle répond le Créateur en lui accordant Son pardon à Yom Kippour.
Alors, D. affirme, comme il l’avait fait à Moché : « J’ai pardonné selon ta parole » (Bamidbar 14:20). Car l’homme a recours à la même « technique » que celle employée par le leader du peuple juif : unité et Torah. Et, de même que Moché Rabbénou atteignit ainsi des sommets, tout homme qui l’imite peut parvenir à une véritable techouva et à une grande proximité de D.
A la lumière de ces explications, nous pouvons comprendre ce célèbre enseignement de la Guemara : « Le fils de David ne viendra que lorsque les poches se seront vidées de leurs sous. » (Sanhedrin 97a). Est-ce à dire que quand le Machia’h arrivera, plus personne n’aura un sou vaillant ?
Lorsque la Guemara évoque cette notion de sous (perouta, en hébreu), elle évoque en fait la peratiout – l’individualité. Autrement dit, lorsque l’homme cessera d’être égoïste, de ne s’intéresser qu’à lui-même pour se tourner vers l’autre, en tant que membre du même peuple, lorsqu’il vivra harmonieusement et en unité avec celui-ci, la Rédemption arrivera.
A ce titre, la poche évoque le cœur. Si nous cessons, au fond de notre cœur, de nous préoccuper seulement de nous-mêmes, d’être égocentristes mais si nous intéressons sincèrement à autrui, le Machia’h viendra, bientôt et de nos jours, amen !
Puisse le Très-Haut nous permettre de mériter effectivement de nous repentir complètement et de parvenir à une conscience claire et totale du Créateur ! Amen.
Résumé
•Nous nous sommes interrogés sur le singulier du début de l’appel : « reviens Israël ». Ensuite, que signifie : « munissez-vous de paroles » ? Il ne s’agit pourtant pas d’une réalité tangible qu’on pourrait prendre en main. En outre, quelle est la particularité du Chabbat Chouva ?
•La techouva requiert deux préalables : l’union et la Torah. Lorsqu’un Juif est uni avec l’autre – tout Israël étant solidaire –, D. le protège des fautes et lui permet de se repentir. Il arrive alors « jusqu’à » D. – ad, terme qui à l’envers forme le verbe da (savoir, connaître) –, il parvient alors à la connaissance claire du Créateur.
•Telle est l’essence de la techouva, comparable à la chemita, laquelle équivaut au Chabbat. Le message de ces jours est donc de développer l’amour du prochain et de D., facteur de repentir. Le prophète Hochéa, qui avait accusé les enfants d’Israël, fut un précurseur de la techouva, en lançant son appel : « reviens Israël ». Il suivit en cela la voie ouverte par son ancêtre Reouven, fils de Yaakov, qui mérita de parvenir à une techouva absolue parce qu’en dépit de tout, il aimait Yossef et n’avait pas cherché à l’accuser.
•Le second point fondamental est la Torah – les « paroles » dont le prophète invite à se munir –, renvoyant au rapport à D., qui permet de se repentir. Pour cela, il faut se concentrer sur les deux facettes de la Torah : sa face dévoilée tout comme les mystères qu’elle recèle.
•Le Chabbat chouva, comme son nom l’indique, porte en lui ces deux dimensions génératrices de repentir. C’est d’une part un jour d’unification de la Création et de l’autre, le moment idéalement consacré à l’étude. Ces deux points permettront, si D. veut, d’amener la Délivrance, car « le fils de David ne viendra que quand les poches se seront vidées de leurs sous (perouta) », métaphore du dépassement de l’individualité (peratiout), de l’individualisme et de l’égoïsme au profit de l’amour du prochain, sans oublier, comme nous l’avons dit, l’étude de la Torah, ces deux aspects étant vecteurs de techouva et de Délivrance.