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paracha de la semaine

Tsav

19 Mars 2011

13 Adar II 5771

ARCHIVES DE L'ANNEE 2002 A 2012 ARCHIVES

VOICI LA LOI DE L’ELEVATION DANS LE SERVICE DE D.

(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)

« Hachem parla à Moché en disant : ordonne à Aharon et à ses fils en disant : ceci est la loi de l’holocauste, c’est l’holocauste sur le brasier de l’autel toute la nuit jusqu’au matin, le feu de l’autel doit y brûler. »

On ne comprend pas pourquoi il est dit « leemor » (en disant) deux fois, alors qu’on aurait pu écrire : « Hachem dit à Moché : ordonne à Aharon et à ses fils en disant : ceci est la loi de l’holocauste. »

Rachi cite le Midrach qui dit : « le verset doit particulièrement mettre en garde là où il y a une dépense financière. » Les commentateurs ont expliqué que comme les cohanim ne tirent aucun profit du sacrifice de l’holocauste, puisqu’il est entièrement consumé pour D., la Torah a dit : peut-être que les cohanim ne vont pas s’empresser de le sacrifier, c’est pourquoi elle a mis en garde par le mot « ordonne », ce qui est un terme destiné à stimuler, pour leur enseigner qu’ils ne doivent montrer aucune paresse à ce propos.

C’est surprenant ! Est-ce que les cohanim n’ont accompli tout leur service dans le Temple que pour avoir un avantage financier, au point qu’il faille les pousser là où ils ne tirent aucun profit du sacrifice ?

Il faut également comprendre pourquoi le verset fait passer le passage sur l’holocauste, qui ne comporte aucun avantage pour les cohanim, avant celui sur le sacrifice expiatoire, dans lequel ils ont une part. Habituellement, quand un roi de chair et de sang donne un ordre à ses serviteurs, il commence par leur dire ce qui est facile pour en arriver au plus difficile, afin qu’il leur soit aisé d’accomplir ses ordres. Alors pourquoi Hachem ne Se conduit-il pas de cette façon avec les cohanim, mais commence-t-Il par ce qui est difficile, l’holocauste dont ils ne profitent pas, pour ensuite seulement leur faire part des sacrifices plus faciles dans lesquels ils ont une part ?

Sanctifie-toi par ce qui t’est permis

On peut l’expliquer d’après ce que dit le Ramban (Vayikra 1, 9) sur la raison pour laquelle Hachem a ordonné aux bnei Israël de Lui offrir des sacrifices : « Au moment où il offre un sacrifice, l’homme doit penser qu’il aurait été juste que son sang soit versé et son corps brûlé, sans la bonté du Créateur qui accepte à sa place ce sacrifice en rachat, son sang pour son sang, sa vie pour sa vie, les organes du sacrifice pour ses organes. » Maintenant qu’à cause de nos fautes le Temple a été détruit ainsi que l’autel, qu’est-ce qui vient racheter l’homme pour remplacer sa vie ? La réponse est que lorsque l’homme sanctifie pour Hachem ses sens, ses actions et ses pensées, l’Ecriture le lui compte comme s’il avait offert un holocauste dans le Temple et que son sang ait été jeté sur l’autel, car quand le Temple était là, c’était le but du sacrifice : élever les sens et les sanctifier, car c’est ce qui rachète la faute.

La preuve en est que tout homme qui s’élève dans le service de D. doit offrir à Hachem et sanctifier pour Lui tout son être, y compris ses pensées les plus secrètes. La Torah a écrit pour l’holocauste (Vayikra 1, 2-3) : « Si un homme d’entre vous offre un sacrifice à Hachem, vous pourrez choisir votre offrande de bétail dans le petit ou le gros bétail. » Que signifie « Si un homme d’entre vous offre » ? Cela nous enseigne que même quand il n’y a plus de Temple, l’homme peut être racheté de ses fautes de la même façon que l’holocauste le rachetait dans le Temple. Comment ? En se sacrifiant soi-même totalement pour Hachem, on mérite de monter dans les degrés de la Torah et de la crainte du Ciel, et les fautes sont pardonnées. Comme la Torah a écrit « si un homme d’entre vous offre » à propos de l’holocauste, et que l’holocauste vient racheter les pensées du cœur (Yérouchalmi Yoma 8, 7), il s’ensuit que l’holocauste ne rachète que lorsqu’il s’accompagne de repentir. De plus, même du gros bétail, c’est-à-dire même la bestialité qu’il y a dans l’âme humaine, l’homme doit la sacrifier à Hachem, ainsi que l’ont dit les Sages (Yébamot 20a) : « Sanctifie-toi par ce qui t’est permis », c’est-à-dire au-delà de tes obligations. Quand l’homme se conduit ainsi, il mérite d’être entièrement pour Hachem, alors ses fautes sont rachetées et on le préserve de la faute, car il ne tombe dans la faute que s’il y a d’abord pensé, ainsi qu’ont dit les Sages (Ketoubot 46a) au nom de Rabbi Pin’has ben Yaïr : « L’homme ne doit pas avoir de mauvaises pensées dans la journée, pour ne pas tomber dans l’impureté la nuit. » Nous avons appris plus encore (Yoma 29a), à savoir que les intentions de faute sont plus graves que la faute elle-même. Par conséquent, quand on sanctifie ses pensées pour D., à la façon d’un holocauste, on ne tombe pas dans la faute.

Cela explique pourquoi la Torah a parlé de l’holocauste avant tous les autres sacrifices. En effet, l’homme n’est préservé de la faute que s’il se sacrifie et se sanctifie entièrement pour Hachem, au point de ne pas détourner sa pensée de Lui, c’est pourquoi le sacrifice de l’holocauste a plus d’importance que les autres, car par l’holocauste l’homme peut être entièrement à Hachem, et élever même sa matérialité en se sanctifiant dans ce qui lui est permis, au-delà de ses obligations, afin de monter très haut. S’il vit à ce niveau, il ne pèchera pas et n’aura pas besoin de sacrifice expiatoire.

Comment l’homme saura-t-il s’il est arrivé à se sanctifier et à devenir un holocauste pour Hachem ? Quand il s’efforce continuellement de monter et de continuer à monter encore sans se contenter de ce qu’il a fait hier, mais en ajoutant sans cesse. C’est ce que la Torah suggère par « ceci est la règle de l’holocauste, c’est l’holocauste (ola) », c’est-à-dire que toute la nature du sacrifice est de monter (olé), que ce soit une montée vers Hachem. Si l’homme ne sent pas d’élévation spirituelle, et au lieu de se demander s’il a véritablement servi Hachem hier comme il convient et s’il faut ajouter aujourd’hui se dit plutôt : « Qu’ai-je besoin de me sanctifier plus qu’il ne faut, est-ce que cela n’a pas de fin ? J’ai prié, j’ai étudié, je me garde de la faute, cela suffit ! » Celui qui se dit cela doit savoir qu’il n’est pas encore arrivé à être un holocauste pour Hachem et n’a pas sacrifié au Ciel la bestialité qui est en lui. En effet, si elle avait été transformée pour devenir spirituelle, elle ne l’aurait évidemment pas empêché de s’élever dans le service de Hachem même dans les choses qui sont au-delà de ses obligations. De plus, comme celui qui se dit cela néglige son service et ne se renouvelle pas chaque jour, cela va devenir pour lui une habitude, et il ne va pas monter de niveau dans la crainte du Ciel, car il est impossible d’arriver à un niveau élevé d’un seul coup, il faut le faire petit à petit. C’est pourquoi il est dit « ceci est la loi de l’holocauste (ola), c’est l’holocauste (ola), une élévation (aliya) après l’autre, jusqu’à ce qu’on atteigne le niveau supérieur.

GARDE TA LANGUE

Qui est appelé « apikoros » (impie) ?

On appelle « apikoros » (quelqu’un qu’il y a une mitsva de mépriser et d’humilier) celui qui renie la Torah et la prophétie d’Israël, que ce soit la Torah écrite ou la Torah orale, et même s’il dit : « Toute la Torah vient du Ciel, sauf un seul verset ou un seul raisonnement a fortiori, ou une seule « guezeira chava » ou un seul petit détail », lui aussi fait partie des impies.

(‘Hafets ‘Haïm)

A LA LUMIERE DE LA PARACHAH

Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita

Hachem ne repousse jamais le repentir d’Israël

La joie de Pourim est supérieure à celle de ‘Hanoukka, car lors des événements de ‘Hanoukka, les Grecs ont voulu s’attaquer aux âmes des juifs, sans toutefois menacer leur existence physique. En effet, dans la Torah, Hachem promet à Israël (Vayikra 26, 44) : « Et pourtant, même alors, quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, Je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre Mon alliance avec eux. » Même lorsque les juifs s’étaient rendus impurs dans le pays de leurs ennemis, tant qu’ils avaient été laissés en vie, ils gardaient la possibilité de se repentir, et D. les y a même aidés en leur permettant de s’extraire de cette impureté dans laquelle les impies les avaient plongés.

Cependant Haman, le mécréant, a d’abord voulu souiller leurs âmes au moyen du festin, pour pouvoir immédiatement après les exterminer physiquement. De plus, ce massacre devait avoir lieu en une seule journée afin qu’ils n’aient pas le temps de se repentir et que, à D. ne plaise, le peuple d’Israël ne s’en relève pas.

Nos Sages rapportent (Meguila 12, 1) que les disciples de Rabbi Chim’on bar Yo’haï lui ont une fois demandé : « Pourquoi les juifs de cette génération méritaient-ils d’être détruits ? » Il leur a dit : « Répondez vous-mêmes ! » Les élèves ont alors répondu : « Parce qu’ils ont joui du banquet d’un impie. »

Le Rambam nous a déjà enseigné (Déguel Ma’hané Ephraïm ‘Ekev) que le sang d’une personne se constitue à partir des aliments et des boissons qu’elle consomme. Ce sang circule dans le foie, qui le ‘filtre’ partiellement, puis il passe dans le cœur. A partir de là, ce sang raffiné irrigue le cerveau, lieu central de l’intelligence et de la vitalité de l’homme. Quiconque se retient de consommer des aliments interdits aura donc un sang limpide et pur. Quiconque est encore plus scrupuleux et sanctifie son alimentation selon les voies tracées par Hachem dans sa Torah ‘alimente’ favorablement son esprit, et ses 248 membres s’en trouvent alors sanctifiés et purifiés. A l’inverse, si un homme se nourrit sans distinction, son esprit sera troublé par des idées étrangères et sa vitalité s’éteindra. Cet état constitue le sommet de l’impureté : ses 248 membres seront souillés, il sera considéré « impur » pour toute chose et s’enfoncera dans des idéologies douteuses.

Nous apprenons donc que l’ingestion d’aliments défendus détruit nos âmes. Telle était la motivation de Haman lorsqu’il a conseillé à Assuérus d’inviter les bnei Israël à sa réception : il voulait que ceux-ci se rendent impurs par des aliments interdits et par la prostitution (Esther Rabba 7, 19), et qu’ils s’en trouvent pervertis. Son intention était ensuite de les anéantir physiquement, de sorte que le peuple d’Israël ne puisse plus se rétablir.

Son projet de décimer le peuple d’Israël en l’espace d’un seul jour et non en deux ou trois jours était mûrement réfléchi. En effet, il s’est dit : « Leur D. tend la main à ceux qui se repentent. Même s’ils se sont dégradés par des aliments défendus et que leurs âmes ont été abîmées, il y a toujours un ‘risque’ que certains, face à l’épreuve, prennent conscience de leurs fautes et reviennent vers Lui. Or D. ne dédaigne jamais le repentir d’Israël, même si ce dernier est consécutif à une épreuve, ainsi qu’il est dit (Devarim 4, 30-31) : « Dans ta détresse, quand tu auras essuyé tous ces malheurs, après de longs jours tu reviendras à l’Éternel, ton D., et tu écouteras Sa voix. Car c’est un D. clément que Hachem ton D., Il ne te délaissera pas, Il ne consommera pas ta perte, et Il n’oubliera pas l’alliance de tes pères, l’alliance qu’Il leur a jurée. »

Hachem s’est alors comporté avec Haman mesure pour mesure. Ce dernier a voulu exterminer le peuple d’Israël : il a été pendu à un arbre. Il a voulu briser l’âme et la Torah du peuple juif : D. lui a rendu la pareille en lui donnant une progéniture qui étudierait la Torah à Bnei Brak, c’est-à-dire une descendance qui abandonne la religion de son ancêtre pour s’attacher à celle du peuple d’Israël !

C’est pourquoi nos Maîtres affirment que la génération qui vivait à l’époque d’Assuérus a une nouvelle fois reçu la Torah, ainsi qu’il est dit (Esther 9, 27) : « Les juifs ont accompli et accepté – ils ont accompli ce qu’ils avaient déjà accepté. » En effet, puisqu’ils avaient consumé leurs âmes en profitant du repas offert par Assuérus, ils ont dû se repentir et les ‘récupérer’ pour retrouver le niveau qui avait été le leur avant la faute.

A LA SOURCE

« Ordonne à Aharon et à ses fils en disant » (6, 2)

C’est un principe : partout où il est dit « leemor » (en disant), c’est pour dire aux autres, donc Moché a reçu l’ordre d’enseigner cela à trois générations, à Aharon, à ses fils et aux fils de ses fils.

Rabbi Ya'akov ‘Haïm Sofer zatsal, dans « Yisma’h Israël », y voit une allusion à l’enseignement de nos Sages : « Elles [les paroles de la Torah] ne sortiront pas de votre bouche ni de la bouche de votre descendance ni de la bouche de la descendance de votre descendance à jamais – quand l’homme est devenu sage, son fils sage et son petit-fils talmid ‘hakham, la Torah ne quitte plus sa descendance, car elle revient à son auberge. »

C’est pourquoi le verset dit « Ordonne à Aharon et à ses fils », voici déjà deux générations, « en disant », c’est déjà la troisième génération. « Voici la Torah de l’holocauste » nous enseigne les lois qui se rapportent au sacrifice de l’holocauste. Alors, de cette façon, on mérite le « c’est l’holocauste », cette Torah reviendra toujours dans son auberge, tout le monde la connaîtra parfaitement.

 « C’est la règle de l’holocauste, c’est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l’autel » (6, 3)

Ce verset est expliqué par le Ben Ich ‘Haï en rapport avec l’histoire d’un grand sage qui est entré au beit hamidrach et y a vu beaucoup d’élèves en train d’étudier par le « pilpoul » de façon acérée, mais il a compris que tous étudiaient la Torah avec un but ultérieur. Il leur a dit : Je vois le beit hamidrach rempli de Torah jusqu’à ras bord, et les élèves se réjouirent de ces paroles, car ils pensaient qu’il parlait pour leur faire un compliment.

Quand le sage vit qu’ils n’avaient pas compris ses paroles, il leur dit : Sachez que le souffle de l’étude monte devant Hachem, car la Torah s’appelle « feu » et la nature du feu est de monter. Mais si l’étude a des raisons intéressées, le souffle de la Torah n’a pas la force de monter, car d’en haut on le repousse, et il reste dans le beit hamidrach. C’est pourquoi j’ai dit que je vois le beit hamidrach rempli de Torah…

Ceci se trouve en allusion dans le verset « voici la loi (Torah) sur l’holocauste », c’est-à-dire que la Torah de la meilleure qualité « c’est l’holocauste » qui monte (oleh) immédiatement en haut et n’est pas repoussée vers le bas. A une condition, qu’elle soit « sur le brasier de l’autel », que l’étude se fasse avec enthousiasme et pour l’amour du Ciel uniquement.

 « Pour offrir leurs sacrifices à D. dans le désert du Sinaï » (38, 7)

Que signifie l’accent particulier mis sur « dans le désert du Sinaï », qu’est-ce qu’il y avait de spécifique dans le désert du Sinaï par rapport aux autres endroits où l’on a offert des sacrifices

Rabbi ‘Hizkiyahou bar Manoa’h, le « ‘Hizkouni », sent cet étonnement et explique que comme les bnei Israël n’ont pas offert de sacrifices avant d’arriver au désert du Sinaï, et que là ils sont restés une année entière moins dix jours (effectivement, le 1er Sivan de la première année, ils sont arrivés au désert du Sinaï, et la deuxième année, le 20 du deuxième mois, la nuée s’est levée).

Une fois qu’ils ont quitté le désert du Sinaï, ils n’ont plus offert de sacrifices, car le prophète Amos (5, 21) dit : « Est-ce que vous m’avez offert des sacrifices et des offrandes dans le désert ? » Même le sacrifice de Pessa’h n’a été offert qu’en Egypte et dans le désert du Sinaï, et les sacrifices de Yom Kippour la deuxième année.

C’est pourquoi le verset souligne « pour offrir leurs sacrifices à D. dans le désert du Sinaï ».

SUJET D’ACTUALITE

Le protecteur d’un peuple unique

 « Puis Haman dit au roi Assuérus: Il est une nation ‘une’, répandue, disséminée parmi les autres nations ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation ; quant aux lois du roi, ils ne les observent pas. » (Esther 3, 8)

Lorsque Haman l’impie cherche à mettre en garde le roi Assuérus contre le peuple juif, il attise sa haine par ces paroles : « Il est une nation ‘une’, répandue, disséminée parmi les autres nations. » Le midrach questionne : le mot « une » n’est-il pas superflu ? En effet, chaque peuple est ‘un’ par rapport aux autres ! Alors, pourquoi préciser « Il est une nation ‘une’ » ?

Il explique alors que Haman et Assuérus avaient du mal à comprendre le secret de la pérennité du peuple juif. En effet, il s’agit d’un peuple qui vit dispersé, disséminé à travers 127 provinces, et qui malgré tout reste ‘un’. Comment cela est-il possible, qui et quoi les unit ? Pour quelle raison, s’il arrive malheur aux juifs d’Inde, ceux des autres pays viennent-ils à leur secours ?

Lorsqu’une accusation de meurtre rituel a eu lieu à Damas avant la Première Guerre mondiale, Sir Moses Montefiore a lancé un appel d’Angleterre pour venir en aide aux accusés. Le roi de Syrie, qui était alors avec lui, n’a pas pu s’empêcher de le questionner avec une curiosité empreinte d’étonnement : « Sir ! Vous venez d’Angleterre, quelle attache avez-vous avec un juif emprisonné à Damas ? Il faut que vous m’expliquiez le sens d’une telle solidarité : vous êtes anglais, non syrien, en quoi cela vous concerne-t-il ? » C’est ainsi que le roi s’est exprimé, comme pour dire : ‘si l’on condamnait un syrien non juif à l’échafaud pensez vous qu’un autre non juif d’origine indienne chercherait à le secourir ?’

Mais le mécréant Haman a découvert le ‘secret’, la force mystérieuse du peuple d’Israël, dissimulée dans le mot ‘une’ : « Il est une nation ‘une’. » Voici ce qu’il voulait dire : il est vrai que cette nation est répandue et disséminée, mais le mot ‘une’ (e’had) est celui qui les lie. De l’Inde à l’Ethiopie, ils récitent tous le verset « Ecoute Israël, Hachem est notre D., Hachem est ‘Un’ (Chema Israël Hachem Elokeinou Hachem E’had) ». Ce mot-là (‘Un’) est l’unificateur des millions de juifs dispersés aux quatre coins du monde.

Rabbi Ya’akov Galinski, directeur de la Yéchivat ‘Hadéra et prédicateur, a souvent raconté ce qui lui était arrivé pendant la deuxième Guerre Mondiale : « Alors que nous fuyions d’un endroit à l’autre, cette guerre terrible et menaçante progressait et nous assaillait de toutes parts. Nous cherchions donc tous des trains pour nous rendre vers l’intérieur du pays. Mais il n’y en avait pas toujours.

« Une fois, lors de ma fuite, je me suis retrouvé bloqué à la gare de Boukhara sans billet pour poursuivre mon chemin. Evidemment, je n’avais ni ami ni parent dans la région, donc aucune issue. La nuit allait bientôt tomber et je savais que quiconque rôdait le soir dans les rues sans être de la région était directement emmené en prison, et de là… vers la mort. »

Le Rav poursuit :

« Je me tenais tout seul, perdu, au milieu de la gare, une demi-heure avant le coucher du soleil. Il faisait de plus en plus sombre mais je ne voyais toujours aucun train qui puisse me permettre de poursuivre mon chemin (sans billet). Où pouvais-je aller ? Si je me cachais sous un banc de la gare, les policiers locaux m’auraient trouvé.

« Soudain, j’ai aperçu un vieil homme assis dans un coin qui cirait les chaussures à quiconque le lui demandait. Alors je me suis laissé envahir par une once d’espoir, teintée de crainte : ‘Si c’était un juif…’

« Je réfléchissais à la situation : si j’allais lui demander ‘Etes-vous juif ?’ et que je me trompe, malheur à moi ! Maître du monde !

« Je me tenais donc là, impuissant, mes genoux s’entrechoquant de terreur. Je m’interrogeais sur la conduite à adopter. Je me suis alors approché de lui, dans un mélange d’appréhension et d’émotion, et j’ai prononcé à haute voix (en hébreu) le verset ‘Ecoute Israël, Hachem est notre D., Hachem est Un’, en me disant que s’il était goy il ne me comprendrait de toute façon pas.

« Mais le cireur de chaussures m’avait bel et bien entendu et avait saisi le sens de ces mots. Il a levé les yeux et a murmuré à mon intention ‘Loué soit à jamais le nom de Son règne glorieux (Baroukh chem kevod mal’houto léolam vaèd)’ avec un vieil accent boukharien. Oh ! J’étais devant un juif boukharien !

« Je me suis réfugié chez lui durant onze jours. Il ne me comprenait pas car j’étais originaire de Pologne, il ne parlait pas du tout le yiddish et ne s’exprimait qu’en boukharien, langue que je ne connaissais pas. Ainsi, nous communiquions avec les mains. Grâce à D., j’ai finalement eu la vie sauve.

« Une nuit, je pensais à tout cela, et de chaudes larmes ont inondé mes yeux :

« Si je n’avais pas été juif, tout ce que j’aurais pu lui crier en polonais n’aurait servi à rien. « Va au diable ! » m’aurait lancé ce cireur de chaussures en me renvoyant. Maître du monde ! Quel lien ai-je avec ce juif boukharien ? Il ne comprend pas ma langue, il ne connaît pas mes parents, n’a jamais vu un juif polonais, mais… mais ! Tous deux, lui et moi, récitons le même ‘Chema Israël’. Les larmes coulaient de mes yeux : qu’est-ce qu’un juif…

« Là-bas, au fin fond de Boukhara, j’ai compris la problématique du mécréant Haman : « Il est une nation ‘une’, répandue, disséminée. » Certes cette nation est répandue et disséminée dans tous les coins du globe et dispersée à travers 127 provinces, mais tous ses membres respirent le même air : celui de la sainte Torah et l’omniprésence du Créateur, qui est Un et dont le nom est Un. »

UNE VIE DE TORAH

Quand le Admor Rabbi Na’houm Mordekhaï de Novominsk zatsal atteignit la vieillesse, il était atteint de maux extrêmement douloureux et oppressants. Il fut obligé de subir une grave opération du ventre, en résultat de quoi toute alimentation lui était excessivement douloureuse, mais pour continuer à vivre il devait manger. A la fin d’un repas des plus légers, le Admor s’écroulait sans force tant il souffrait. Il n’avait presque pas la force d’ouvrir une Guemara et de la feuilleter. Mais dès qu’il ouvrait la Guemara, il se secouait comme un lion de sa tanière, se mettait à parler avec flamme, élevait la voix, se dressait sur ses jambes et courait apporter le livre dont il avait besoin pour justifier son opinion.

Parfois, la Rabbanit, qui craignait pour sa santé, entrait au beit hamidrach pour le supplier de faire une pause au milieu de son étude, afin ne pas abuser de ses forces. Mais Rabbi Na’houm Mordekhaï s’irritait et lui disait vivement : « Est-ce que tu veux me prendre la vie ? »

Il reprenait l’étude avec les forces de la jeunesse

Le gaon Rabbi ‘Haïm Schmuelewitz zatsal, le Roch Yéchivah de Mir, avait lui aussi de douloureux problèmes de santé. Depuis sa naissance, il a souffert de déficiences de l’ouïe, et au fur et à mesure des années il a perdu l’ouïe dans une oreille. Dans la seconde oreille, elle s’est également affaiblie, au point qu’il avait besoin d’un appareil d’audition. Dans ses oreilles il y avait un bourdonnement constant, qui est allé en s’accroissant avec le temps, jusqu’à ce qu’une machine infernale lui résonne dans la tête. Son cœur s’est affaibli, sa tension montait beaucoup, et il souffrait constamment de terribles maux de tête. A tout cela s’ajoutait une maladie qui lui donnait des douleurs dans le corps. Et un jour, il fut frappé de paralysie dans la gorge et la bouche, et jusqu’à la fin de ses jours il n’en guérit jamais complètement.

Mais toutes ses souffrances n’ont pas pu le détourner de son étude. Avec l’amour de la Torah qui brûlait en lui, il tirait profit de tout instant où son cerveau était capable de réfléchir. Ses forces de concentration et son assiduité étaient en lui avec toute leur puissance, et ne laissaient aucune place à la dispersion. Par un effort surhumain, il se dressait comme un lion pour servir Hachem. Même celui qui ne connaissait pas sa grande faiblesse et l’intensité de ses douleurs était stupéfait de la force corporelle et spirituelle qu’il mettait dans son étude. Mais pour ceux qui étaient proches de lui et le voyaient souffrir et se dominer, il n’y avait aucune limite à leur émerveillement.

Quand il vivait en diaspora, Rabbi ‘Haïm attrapa le typhus, et pour des raisons faciles à comprendre il ne pouvait plus étudier. L’un de ses élèves, qui le voyait en souffrir, lui dit en guise de consolation : « Quand quelqu’un est contraint, le Miséricordieux le dispense. » Mais Rabbi ‘Haïm se mit à trembler et lui dit d’une voix véhémente : « Comment peut-on parler comme cela de l’étude ? »

Vers la fin de sa vie, il arriva un jour que Rabbi ‘Haïm perdit connaissance. On appela un médecin à son chevet et il reprit ses sens. Quand il se réveilla, il se rappela qu’il devait donner un cours à la yéchivah, mais il en avait été complètement empêché. Une autre fois, il s’écroula et perdit connaissance. Il se passa près d’une demi-heure à partir du moment où il se réveilla jusqu’à ce qu’on puisse échanger quelques mots avec lui, et alors il dit à ceux qui l’entouraient : « En un moment comme cela où je suis empêché de parler, je ne pouvais rien faire, c’est pourquoi j’ai eu le temps de préparer le cours. »

Quelquefois, à cause de l’effort de l’étude, ses forces le quittaient. En de pareils moments, il se levait de la table et allait se reposer un peu dans sa chambre. Il ne se passait pas plus de huit minutes avant qu’il soit de nouveau à la table, avec des forces renouvelées, rayonnant entièrement des forces de la jeunesse, pour recommencer à étudier.

Les plus belles années de ma vie

Notre maître le Roch Yéchivah Rabbi Eliezer Man Schakh zatsal avait l’habitude de payer un avrekh doué qui d’après ses consignes étudiait la Guemara avec un jeune garçon de la yéchivah ketana pour le faire progresser dans son étude. Personne ne savait pourquoi il voulait aider justement cet élève-là, jusqu’à ce qu’on découvre que ce garçon était le seul descendant d’une femme qui lui avait fait du bien dans sa jeunesse en diaspora, et il le faisait par reconnaissance. Voici ce qu’il raconta :

Il me restait une seule et unique chemise, que j’avais portée pendant de longues années. Au fil du temps, elle était devenue pleine de trous, mais je n’en avais pas d’autre. Je la lavais une fois par semaine, parfois dans le fleuve, et parfois dans le lavabo de l’une des synagogues, et jusqu’à ce qu’elle sèche, je me cachais dans un coin pour étudier. Un jour, alors que j’allais laver ma chemise, une femme qui se tenait au loin m’a remarqué. Elle s’est approchée de moi et m’a dit : « Je vous observe depuis longtemps, et j’ai vu que de temps en temps vous alliez laver votre chemise, mais elle est pleine de trous, comment pouvez-vous la porter ? » Elle se dépêcha de m’apporter deux chemises, l’une pour Chabat et l’autre pour la semaine !

Son élève, Rabbi Méïr Heizler chelita, a raconté :

Une après-midi, le Rav Schakh arriva à la yéchivah complètement épuisé, et il s’écroula immédiatement sur une chaise. Je lui ai demandé d’où il venait. Il répondit qu’il était revenu à pied de l’enterrement d’un juif à Guivatayim. J’ai demandé qui était le juif qui avait mérité cet honneur particulier. La réponse que je reçus était qu’il l’avait connu dans l’une des petites villes où il avait étudié dans sa jeunesse. Je lui ai de nouveau demandé pourquoi il n’y était pas allé en autobus. Il répondit : « Ce défunt méritait que j’aille pour lui à pied. Je vais vous raconter comment je l’ai connu ! »

« Dans ma jeunesse, j’étudiais au beit hamidrach. Pendant de nombreuses années j’ai porté le même vêtement, mes chaussures étaient déchirées et usées au point que mes orteils en sortaient. Je pouvais renoncer à la nourriture, mais la nuit j’avais très froid. Des garçons prenaient la place à côté du poêle, mais moi je n’avais pas l’habitude de faire cela. Je dormais dans un froid terrible sur un banc, et s’il arrivait que je trouve quelques morceaux de bois pour poser ma tête dessus, j’étais déjà aussi content que si c’était un bon oreiller. Un beau jour, un juif rentra dans le beit hamidrach et me donna un vieux manteau pour me couvrir. A partir de là ma situation s’est améliorée, le froid ne me faisait déjà plus souffrir. Aujourd’hui, c’était l’enterrement de ce merveilleux juif, et il mérite bien que j’aille à pied l’accompagner à sa dernière demeure.

A propos de cette époque-là, le Rav écrit dans son Introduction à « Avi Ezer » (5753) : « Que rendrai-je à Hachem pour toutes Ses bontés envers moi, depuis ma jeunesse où j’ai passé longtemps dans une misère absolue, indescriptible, depuis le jour de la Première guerre mondiale en 5674, qui a eu pour conséquence que par un décret de l’Etat, tous les juifs ont été expulsés des villes de Lituanie. Je ne savais pas où étaient mes parents, car j’étais seul à Slotzk et je n’avais aucun moyen de communiquer avec eux. Plusieurs années se sont passées comme cela, la souffrance était grande. »

Malgré cette grande souffrance qui était son lot, le Rav Schakh a parlé de cette époque en disant : « Ce furent les plus belles années de ma vie ! » En une autre occasion, il ajouta : « La vie la meilleure pour moi était à ce moment-là. » Il ajouta encore qu’il n’avait pu supporter les difficultés que parce qu’il étudiait la Torah, et rien ne le dérangeait, « sans la Torah mes délices, j’aurais été perdu dans ma pauvreté… ».

 

 
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