Tazria 2 Avril 2011 27 Adar II 5771 |
|
LE LACHON HARA PORTE ATTEINTE A LA SAINTETE DE LA CHEKHINA
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Pendant tout les jours où la plaie est en lui, il est impur, il restera solitaire, sa place est en dehors du camp. »
Nos Sages ont dit (Torat Cohanim Tazria 5, 12) que le metsora était renvoyé en dehors des trois camps. La Guemara dit également (Berakhot 5b) : « Quiconque a l’un de ces quatre aspects de plaie, elles sont pour lui comme un autel de rachat », et Rachi explique que c’est parce qu’il est renvoyé en dehors du camp et en a honte.
Mon fils m’a demandé pourquoi le Saint béni soit-Il a ordonné à Moché le jour de l’inauguration de l’autel qu’il humilie les lépreux au point de les chasser des trois camps, puisque même ceux qui sont passibles de malkout, s’ils ont subi une humiliation, cela les dispense de recevoir les coups (Makot 22b). En quoi sont-ils différents des lépreux, puisqu’ils ne reçoivent pas les coups quand ils ont subi une humiliation, alors que les autres, bien qu’ils aient été humiliés au point d’être renvoyés des trois camps, ne sont pas dispensés pour autant de leur punition ?
C’est que les Sages ont dit (Vayikra Rabba 16, 6) : « Voici quelle sera la loi pour le metsora » (Vayikra 14, 2), le « metsora » est celui qui est « motsi chem ra », qui a dit du lachon hara. Cela nous enseigne que quiconque dit du lachon hara transgresse les cinq livres de la Torah. C’est pourquoi Moché met en garde les bnei Israël : « Voici quelle sera la loi pour le metsora », c’est-à-dire que les plaies viennent à cause de la faute du lachon hara et de la médisance.
C’est pourquoi le Saint béni soit-Il a dit à Moché le jour de l’inauguration de l’autel qu’il fasse honte à ceux qui disent du lachon hara. Pourquoi ? Parce que quand on dit du lachon hara, pour ainsi dire le Saint béni soit-Il a honte devant les armées célestes. En effet, les Sages ont dit (Sanhédrin 38b) que lorsque le Saint béni soit-Il a voulu créer l’homme, il a créé une légion d’anges du service et leur a dit : « Voulez-vous que nous fassions l’homme à notre image ? » Ils ont répondu : « Maître du monde, que fera-t-il ? » Il leur a dit : « Voici ce qu’il fera ! » Ils ont répondu : « Maître du monde, ‘qui est l’homme pour que tu t’en souviennes et le fils de l’homme pour que tu le protèges ?’ (Téhilim 8, 5) » Il a tendu Son petit doigt vers eux et les a consumés, et de même pour la deuxième légion. Les anges de la troisième légion ont dit : « A quoi cela sert-il, le monde entier est à Toi, tout ce que tu veux faire dans Ton monde, fais-le ! »
Quand l’homme pèche devant Lui et que les anges du service Lui disent : « Maître du monde, Tu as voulu créer l’homme, et nous ne voulions pas, maintenant que Tu l’as créé, il a fauté et a abîmé Ton monde, quel profit as-tu de lui dans Ton monde ? » La Guemara dit également au même endroit : quand on en est arrivé à la génération du déluge et à la génération de la dispersion, dont la conduite était dépravée, ils ont dit devant Lui : « Maître du monde ! Les précédents n’ont pas bien parlé devant Toi ! »
A ce moment-là, pour ainsi dire, D. a honte devant les armées célestes des actes commis par les méchants, et ceci étant, quelqu’un qui dit du lachon hara ne manifeste aucune considération pour le respect dû à son Créateur. De plus, tout homme a été créé à l’image de D., ainsi qu’il est dit (Béréchit 1, 27) : « D. créa l’homme à son image, à l’image de D. Il le créa », donc quand il dit du lachon hara sur l’image de D., c’est comme s’il avait parlé de Lui-Même. Sans compter que le lachon hara est très grave, car il tue trois personnes, c’est donc une humiliation pour trois images de D., c’est pourquoi il est renvoyé des trois camps, mesure pour mesure ; de la même façon qu’il a humilié D. trois fois, ainsi il est humilié et renvoyé des trois camps.
Quitter la jalousie et la haine
Mes chers frères, évitez de dire du lachon hara. Raconter sur autrui même quelque chose de vrai fait partie du lachon hara et finit par habituer à dire des mensonges. Quiconque dit du lachon hara sur quelqu’un, c’est uniquement parce qu’il voudrait que les autres détestent l’homme dont il parle, ce qui est le contraire de l’unité. Celui qui respecte la parole de D. fuira le lachon hara sur qui que ce soit des grands d’Israël. Voici ce que dit à ce propos le « Likoutei Moharan » :
« Sache que le lachon hara cause du mal et altère l’humilité. En effet, à cause du lachon hara qui se dit dans le monde et des dégâts qu’il cause, il est impossible aux tsaddikim d’être humbles, car le lachon hara crée une séparation entre l’humilité et la sagesse. L’humilité s’en trouve détériorée, et il devient impossible d’être humble. Or l’humilité n’est rien sans la sagesse, car ce n’est certainement pas de l’humilité de se montrer la tête baissée par bêtise, c’est comme une humilité indigne. L’humilité n’a de valeur que lorsqu’elle s’accompagne de sagesse. Or à cause du défaut occasionné par le lachon hara, il s’opère une séparation entre l’humilité et la sagesse, si bien qu’il est impossible d’être humble. C’était la qualité de Moché dont la Torah le glorifie : il était tellement grand dans la qualité de l’humilité que même le lachon hara ne pouvait rien contre sa modestie, ainsi qu’il est écrit : « Elle parla de Moché, etc. » Il y avait donc dans le monde un défaut dû au lachon hara, et pourtant, « l’homme Moché était très humble. » En effet, il était à un niveau tellement élevé que même le défaut créé par le lachon hara ne pouvait rien contre son humilité. »
Par conséquent, quand des gens ordinaires disent du lachon hara, ils portent aussi atteinte aux tsaddikim. Pour réparer, il faut que les grands se mettent d’accord entre eux et que les petits surveillent leur langage, et alors tout le monde sera dans l’unité. De plus, il arrive qu’à cause du lachon hara qu’on dit sur autrui, les autres se mettent à le voir différemment et le méprisent plus qu’auparavant, donc on provoque une imperfection dans l’image de D. de l’autre, qui est l’œuvre des mains du Créateur, pour qui Il a créé le monde. Les Sages ont dit que l’homme a été créé seul pour nous enseigner que quiconque porte atteinte à une vie juive, c’est comme s’il avait détruit tout un monde. S’il en est ainsi, dire du lachon hara est considéré comme si l’on avait détruit le monde du Saint béni soit-Il. C’est une faute impossible à réparer à moins de demander pardon à tous ceux dont on a dit du lachon hara. Si on ne le fait pas, cette faute vous accompagnera jusqu’à la tombe. On devra rendre des comptes, même si dans le cas de quelqu’un de grand.
Nous voyons que tous les malheurs du monde commencent par la haine gratuite. Efforçons-nous donc d’abandonner la jalousie et la haine entre nous, et de ne plus dire de lachon hara sur autrui, alors nous mériterons d’accueillir le Machia’h, rapidement et de nos jours.
HISTOIRES VECUES
La force du silence
Au centre de notre paracha se trouve la description de tous les dommages que peut causer la parole : « La vie et la mort dépendent de la parole. » Combien est grande la punition de quiconque utilise sa langue pour provoquer disputes et querelles entre les hommes, séparant ainsi ceux qui sont liés ! Une telle personne sera atteinte dans son corps, dans ses vêtements et parfois même dans sa maison. Parallèlement, nous savons combien nos Sages estiment celui qui reste muet durant une querelle, face à ceux qui le calomnient, qui préfère être de ceux qui est insulté mais n’insulte pas. Il est dit à propos d’un tel homme : « Ceux qui L’aiment sont comme le soleil qui sort dans toute sa gloire. »
Voici une merveilleuse histoire qui a eu lieu récemment, racontée par le Rav Zilberstein dans le livre « Barkhi Nafchi » :
« J’étais installé dans une maison d’étude à Jérusalem lorsque quelqu’un s’est approché de moi et m’a confié : ‘Je suis resté sans enfants durant de longues années. Mon épouse et moi-même étions accablés par cette situation. Nous avons couru d’un médecin à l’autre afin de tenter de réaliser le rêve de tout un chacun : mériter une descendance, malheureusement sans résultat !
Puis un jour, j’ai trouvé dans le livre ‘Aleinou Léchabea’h’ un conseil prodigué par le Rav Kaniewski à un homme privé d’enfants : il devrait trouver une personne qui préfèrerait se laisser humilier plutôt que d’humilier l’autre, et lui demander de le bénir. C’était le moyen d’être délivré de cette épreuve.
Il était également rapporté dans le livre que l’homme avait suivi ce conseil et avait été exaucé de manière particulièrement miraculeuse.’
Mon interlocuteur pensait que si D. lui avait donné l’occasion de lire cette histoire et ce conseil, il s’agissait certainement d’un signe et que ce ‘remède’ devait aussi le concerner.
‘J’ai donc décidé, m’a-t-il dit, qu’au lieu de poursuivre des traitements médicaux, j’allais partir en quête d’un juif qui, bien que soumis à des humiliations, ne répondrait pas, ne réagirait pas, mais accepterait les insultes proférées contre lui. Alors, je lui demanderais de me bénir…
C’est alors que les doutes ont commencé à m’assaillir : Où trouver un tel homme, que l’on offense mais qui ne le rend pas ? Il était impossible de publier dans les journaux que j’étais à sa recherche, afin qu’il me contacte… il était tout aussi inenvisageable d’accrocher une annonce à la synagogue…
J’ai alors décidé de me lever et de m’atteler à cette tâche.
Et voilà que l’incroyable s’est réellement déroulé sous mes yeux !!! tout au début de ma démarche, je suis entré dans une maison d’étude, et une scène qui ‘correspondait’ parfaitement à ce que je recherchais s’y déroulait…
Plusieurs personnes entouraient un homme seul et l’insultaient… et lui ne réagissait pas ! Ni plus ni moins !!! La scène s’est poursuivie pendant quelques minutes puis, dès que les agresseurs l’ont quitté, je me suis approché de lui avec beaucoup d’émotion, lui ai raconté tout ce qui m’arrivait et lui ai demandé de me bénir.
Il m’a béni, et neuf mois plus tard notre petit garçon est né.’ »
Il ne semble pas nécessaire de s’attarder sur les leçons à tirer de cette histoire. Il y a plutôt lieu d’en retenir l’essentiel : la grandeur de celui qui est insulté mais qui ne réplique pas. Que quiconque se conduit ainsi sache qu’il est détenteur de forces particulières et puissantes, et que sa prière ne ressemble pas à celle d’un homme ordinaire… même si personne ne vient lui demander de bénédiction.
La prière d’une telle personne a le pouvoir d’apporter de grandes délivrances, pour lui-même et pour tous ceux qui l’entourent.
C’est pourquoi, à l’instant où il se retient de réagir, qu’il supplie Hachem de faire disparaître toutes les choses qui l’importunent, ainsi que toutes les embûches et tous les obstacles qui pourraient contrarier son service de D.
D’autre part, quelqu’un qui se dépasse et ne réagit pas quand on l’attaque a conscience de sa grandeur et de ses forces miraculeuses. Sachant qu’il bénéficie d’un grand cadeau du ciel, il lui sera plus facile de surmonter cette épreuve et de rester inébranlable comme un roc face à ceux qui l’offensent !
Quatre filles de la classe ont trouvé leur conjoint
Evoquons une autre histoire, racontée dans ce livre et qui se rapporte au même sujet :
Une jeune fille qui faisait ses études dans un séminaire de Bnei Brak s’était une fois rendue chez le Gaon Rabbi ‘Haïm Kaniewski pour lui faire part du phénomène étonnant qui touchait sa classe. Bien que les filles de cette classe fussent déjà en âge de se marier, aucune ne s’était encore fiancée. Elle sollicitait donc l’avis du Rav et son conseil.
Le Rav lui avait répondu que puisque toute la promotion était concernée, cela était certainement dû à une « faute collective » et qu’elles devaient retrouver de quel mauvais comportement toute la classe s’était rendue coupable. Il y avait deux possibilités : soit elles avaient offensé un professeur, soit elles avaient vexé l’une de leurs amies. Le message a été transmis aux camarades de la classe, et après une discussion ouverte et sincère, toutes ont conclu ne pas avoir manqué de respect à un maître… mais très probablement à l’une des filles de la classe. Il s’agissait d’une jeune fille délaissée. Bien qu’aucune des amies n’ait cherché à la blesser intentionnellement, il y avait eu, d’une manière ou d’une autre, une atteinte à sa dignité. L’offense était certainement légère (peut-être ne l’avait-on pas salué chaleureusement, peut-être lui avait-on fait remarquer son apparence négligée), mais elle avait existé…
Une déléguée respectable chargée d’implorer son pardon a été envoyée. Mais, à sa grande surprise, la jeune fille a refusé explicitement de pardonner !
Ses camarades ont alors compris qu’il s’agissait d’une affaire sérieuse et elles savaient à présent que tant qu’elles ne seraient pas réconciliées, « le blocage » dans leurs chidoukhim se poursuivrait.
Elles ont renouvelé leur démarche et ont décidé que toute la classe devait aller s’excuser sincèrement et avec insistance. Elles ne se sont pas arrêtées là et ont pris encore d’autres initiatives pour parvenir à la paix.
Elles se sont rendues chez leur camarade offensée, se sont excusées de leur comportement et ont promis de s’investir elles-mêmes, avec tous leurs moyens, pour lui trouver un bon chidoukh. Si cela ne devait pas aboutir, un des parents était prêt à assumer financièrement les frais d’une professionnelle jusqu’à concurrence de mille dollars.
Lorsque la jeune fille a constaté que ses amies étaient sérieuses, qu’elles regrettaient vraiment ce qu’elles avaient fait et qu’elles désiraient améliorer leur conduite, elle s’est apaisée et leur a pardonné sincèrement.
Quinze jours plus tard, quatre jeunes filles de la classe se fiançaient !
GARDE TA LANGUE
Un véritable crime
Sache que même de mépriser et de dénigrer les morts est interdit. Les décisionnaires ont écrit qu’il y a un anathème des anciens sur le fait de dénigrer un mort ou de lui faire une mauvaise renommée. Tout cela même si le mort était un ignorant, à plus forte raison si c’était un talmid ‘hakham, il est certain que celui qui le dénigre commet un véritable crime, et doit être écarté de la communauté pour cela, selon la décision de Yoré Dea (243, 7). L’interdiction de dénigrer un talmid ‘hakham s’applique même si c’est lui-même qu’on dénigre, à plus forte raison si c’est sa Torah.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
L’exil est une conséquence de la médisance
A plusieurs reprises, nous constatons que l’exil vient en punition de la médisance. En effet, lorsque Caïn tue son frère Hével, D. décrète : « Tu seras errant et fugitif de par le monde. » Or, dans cet épisode, Caïn a bien été coupable de médisance en déclarant : « Suis-je le gardien de mon frère ? », ce qui signifiait : « Je le hais tellement que je ne peux me trouver à proximité de lui. »
A la suite de cette déclaration, D. le condamne à l’exil (« Tu seras errant et fugitif de par le monde »), malgré son repentir, car calomnier est une faute extrêmement grave. On trouve une allusion au lien entre exil et médisance dans les mots mêmes. En effet, les deux dernières lettres de « lachon hara’ » sont Noun et ‘Ayin, celles là mêmes qui composent le mot hébreu « na’ » qui signifie « errer ».
J’ai une fois découvert le lien de causalité qui existe entre la calomnie et l’exil : c’est une « mesure pour mesure ». En effet, en calomniant son prochain on cherche à le dénigrer aux yeux des gens afin que ceux-ci le déconsidèrent et ne lui fassent plus confiance. En décrétant la fuite et l’errance pour le médisant, D. fait que ce dernier se trouve toujours en situation d’étranger. Par conséquent on ne lui fera pas confiance, on ne prêtera pas attention à ses paroles et il s’en trouvera dénigré.
En réalité, l’extrême gravité de la médisance vient du fait que cette faute en entraîne d’autres, comme la mésentente, la diffamation, le colportage, les paroles offensantes, l’humiliation, les propos mensongers et parfois même le meurtre. En effet, nos maîtres expliquent que lorsqu’on transgresse le commandement « tu ne haïras pas », on en vient à transgresser « tu ne tueras pas ». On apprend cela du verset : « Si quelqu’un, animé de haine pour son prochain, le guette, se jette sur lui et le frappe de manière à lui donner la mort… », à l’image de Caïn qui a tué Hevel par simple haine, comme nous l’avons expliqué.
A LA SOURCE
« Partout où les yeux du cohen peuvent voir » (13, 12)
Nos Sages déduisent de ce verset un enseignement sur les affections lépreuses : « On ne doit pas examiner les plaies lors d’un jour nuageux. » De même, un Cohen qui serait borgne ne pourrait voir les plaies, puisque le verset précise : « partout où les yeux du cohen peuvent voir ».
Le livre « Guelilei Zahav » interprète ce verset sur le mode de l’allusion :
« Lors d’un jour nuageux » : lorsque des nuages épaississent les cieux d’Israël et que des mauvais décrets s’abattent sur le peuple, alors « on ne regarde pas les plaies » : il n’y a pas lieu d’examiner les failles des bnei Israël mais plutôt de s’attarder sur ce qui les a provoquées. Regarder les tribulations et non les fautes !
C’est la raison pour laquelle un Cohen qui serait borgne, c’est-à-dire qui ne s’intéresserait qu’à la plaie sans se pencher sur les circonstances qui l’ont précédée, et qui ne serait pas capable de juger l’autre favorablement, est inapte pour l’examen des affections lépreuses.
« C’est un individu lépreux, il est impur : le pontife doit le déclarer impur, sa tête est le siège de la plaie. » (13, 44)
Le Or Ha’Haïm demande pourquoi le verset dit : « c’est un individu lépreux » au lieu de « c’est la lèpre », comme dans les versets précédents.
Il répond que qualifier un homme de « lépreux » a une connotation plus méprisable et plus dégradante que de dire : « Il est atteint de lèpre. » La Torah nous enseigne à travers cela que cet homme, à cause de ses mauvaises actions, est dédaigné de D. au point qu’Il le rende lépreux.
En général, la plupart des plaies touchent la personne à des endroits cachés, car Hachem préserve la dignité de Ses créatures. Même lorsqu’Il doit les punir, Il le fait de manière à ne pas les déshonorer aux yeux des gens.
Cependant, cet individu est si abhorré de D. que la lèpre l’atteint à un endroit exposé : « sur la calvitie postérieure ou antérieure ». Tout le monde découvre alors qu’il est méprisable et haïssable aux yeux de Hachem, et par là même, aux yeux des hommes.
« Si le cohen observe que cette plaie, après avoir été lavée, n’a pas changé d’aspect » (13, 55)
Rabbi Ya’akov Abou’hatseira explique dans son livre « Pitou’hei ‘Hotam » qu’on commet parfois des fautes puis, avec le recul, on se rend compte qu’on a trébuché et qu’on ne s’est pas comporté correctement. Alors on s’engage à changer d’attitude et à suivre désormais le bon chemin : heureux est celui qui agit ainsi, et heureux est son sort. Cette situation est comparable à celle d’un vêtement qui était taché, puis lavé.
Décider de modifier sa conduite, (la résolution pour l’avenir) ne constitue cependant qu’une partie de la mitsva du repentir. En effet, « la plaie n’a toujours pas changé d’aspect » : la transgression n’est ni effacée ni annulée tant que le fauteur n’a pas terminé le processus du repentir par un regret sincère et un aveu explicite. Ainsi le verset y fait allusion en disant « tu la consumeras par le feu » : par un regret qui provient des profondeurs du cœur.
« Il sera présenté au cohen » (14, 2)
Rabbi Yossef Caro, dans son livre « Or Tsadik », relève une particularité quant aux termes employés : pourquoi dit-on « il sera présenté » et non « il viendra » (de lui-même), comme il est écrit plus loin « il viendra vers le prêtre » ? Ceci vient nous enseigner que si l’individu lépreux tarde à se rendre chez le cohen de peur d’être mis en quarantaine ou déclaré impur et de s’en trouver humilié, la Torah ordonne qu’il « soit présenté au cohen » même contre son gré.
Mais plus loin, lorsque le verset emploie l’expression « il viendra », il s’agit d’un avertissement à l’égard de l’individu atteint : qu’il ne dissimule pas la réalité même s’il est le seul à la connaître. Il en résulte qu’un homme animé de la crainte de D. acceptera le jugement divin dans la joie, et Hachem sera miséricordieux avec lui.
« Le cohen examinera la plaie et la fera enfermer durant sept jours. » (13, 50)
Le Or Ha’Haïm questionne : pourquoi la procédure concernant la lèpre qui apparaît sur un vêtement est-elle différente de celle concernant la lèpre qui apparaît sur la peau ? En effet, lorsqu’un homme est atteint de lèpre, il est considéré impur avant même que le cohen ne décide de l’isoler. Cependant lorsqu’un vêtement est touché par la lèpre, le cohen ne fait qu’isoler l’individu, sans le déclarer impur. Il semblerait que la Torah attribue plus de considération aux vêtements qu’à l’homme lui-même. N’est-ce pas étonnant ?
Il répond que si le cohen déclare les habits impurs dès la première fois, ceux-ci seront condamnés (et brûlés) même si l’individu se repent et regrette la faute qui est à l’origine de cette affection lépreuse. Or il est bien connu que D. ne veut pas nous causer de perte financière.
Cela rejoint l’explication de nos Sages sur le verset « Le pontife ordonnera qu’on vide la maison… » (Metsora 14, 36) : Hachem sauvegarde même l’argent des impies.
Ainsi, on ne peut déclarer impurs des vêtements dès la première fois, ce qui n’est pas le cas de l’homme qui, lui, peut faire techouva et réparer le dommage même quand le cohen l’a déclaré impur. En effet, cette déclaration ne provoque pas sa destruction mais seulement un isolement pour quelque temps, et lorsqu’il se sera repenti, la plaie disparaîtra et il redeviendra pur.
UNE VIE DE TORAH
Les paroles du Rambam sont comme un phare qui a guidé les pas des grands de la Torah en Israël à travers toutes les générations. Il a tracé les lignes de conduite et le programme à suivre pour réussir avec certitude dans l’étude de la Torah (Hilkhot Tamud Torah 3, 12) : « Les paroles de Torah ne se maintiennent pas chez celui qui manifeste de la négligence, ni chez celui qui s’y investit dans le confort et la satiété, mais plutôt chez quiconque est prêt à mourir pour elles, fût-ce au détriment constant de leur corps… »
« En même temps (af) ma sagesse me restait comme appui » (Kohélet 2, 9) : la sagesse que j’ai acquise dans des conditions difficiles (af) est celle qui s’est maintenue en moi.
Lorsque le Gaon Rabbi Isser Zalman Meltser, Roch Yéchiva d’« Etz ‘Haïm », devait consulter un livre pour les besoins de son étude, il n’était pas possible de le prendre de vitesse ! Il s’approchait de la bibliothèque avec une rapidité et un zèle impressionnants et en retirait l’ouvrage dont il avait besoin. Ses élèves ne sont jamais parvenus à le faire pour lui.
Cette attitude faisait forte impression : malgré son âge et sa faiblesse, le Rav ne permettait en aucune manière à ses élèves de lui chercher le livre qu’il désirait consulter. Il s’activait toujours lui-même, prenait l’échelle avec une extraordinaire agilité et y montait pour retirer son livre.
Le Rav Shakh explique que ce comportement avait une double motivation : ne pas déranger son prochain et inclure cet effort dans son labeur pour la Torah.
Le Rav Aharon Kotler explicite ce sujet en ces termes: « Le labeur et la fatigue qui visent à l’acquisition de la Torah ont tant de valeur qu’il est impossible d’envisager une étude faite dans le repos et sans peine. En revanche, la fatigue qui ne vient pas pour l’étude elle-même n’est pas considérée comme un effort investi pour la Torah et ne lui est donc pas associée. »
Le remède aux souffrances : l’étude de la Torah
Le Gaon Rabbi Fischel Rabinovitz chelita, Roch Yéchiva de Bayan, raconte sur un de ses amis de jeunesse de la yéchivah de Kamenitz, Rabbi Moché ‘Haïm ‘Heshin zatsal (auteur du célèbre livre « Hamasoret » destiné aux enfants) : « Il faisait partie de l’élite de la yechiva ! Il était estimé de tous et on aimait s’entretenir de Torah avec lui.
Faire des efforts pour la Torah constituait toute sa vie. Il a composé la majorité de ses interprétations des textes pendant la nuit, alors qu’il souffrait, et lorsqu’il se rendait à son travail, au ‘héder. Pendant les nuits, de terribles douleurs l’empêchaient de dormir. Que faisait-il alors ? Il se levait et rédigeait des explications de Torah jusqu’à que ses souffrances s’estompent.
Fort de son expérience, il avait l’habitude de dire à ses élèves :
« Le remède aux souffrances est l’étude de la Torah ! »
Il estimait qu’il était impossible de marcher les yeux ouverts sans être confronté à la débauche, sur le chemin du ‘héder « Etz ‘Haïm » où il enseignait et qui se situait au centre de la ville. Il disait alors à son fils qu’il priait Hachem à chaque fois avant de prendre la route pour qu’Il lui permette de trouver des explications nouvelles en Torah sur le chemin. Il a lui-même témoigné avoir composé la majorité de ses interprétations sur la Torah en chemin. »
Je suis parti de devant lui, l’âme troublée
On raconte sur le Gaon Rabbi Tsvi Pessa’h Frank, Rav de Jérusalem, qu’une fois, il était gravement malade et devait être transféré à l’hôpital pour y subir une opération. Avant de partir, il a demandé qu’on lui apporte un certain volume de la Guemara à l’hôpital. L’intervention délicate s’est déroulée et de retour de la salle d’opération, tous les membres de sa famille l’attendaient soucieux et tendus. Pourtant, il a simplement fait signe à son fils de lui apporter la Guemara, puis s’est remis immédiatement à son étude. La célèbre maxime du roi David lui correspondait parfaitement : « Si ta Loi n’avait fait mes délices, j’aurais succombé dans ma misère. »
Un jour, le Gaon Rabbi Eliézer Yéhouda Waldinberg zatsal est venu rendre visite à Rav Tsvi Pessa’h qui s’apprêtait à subir une lourde opération, et l’a trouvé plongé dans des réflexions sur la confiance en D. et l’approfondissement de la sainte Torah. Le Rav s’est tourné vers son visiteur en lui confiant : « Le roi David a dit dans les Psaumes (146, 5) : ‘Heureux qui a pour appui le D. de Ya’akov, et met son espoir en Hachem, son D. !’ Ce verset signifie la chose suivante : Heureux est celui qui, même lorsqu’il ‘a pour appui le D. de Ya’akov’, c’est-à-dire que rien ne lui manque, met malgré tout ‘son espoir en Hachem son D.’, toute sa confiance est en Hachem, et il n’oublie pas que c’est Lui qui lui procure tout. »
Après l’opération, Rav Waldinberg est venu à nouveau prendre des nouvelles de Rav Tsvi Pessa’h. Remarquant sa présence, le malade s’est réjoui et a répété l’explication du verset (cité plus haut) avec entrain. Malgré sa fièvre et les terribles douleurs qui l’assaillaient, il s’est entretenu avec lui de son projet d’imprimer ses Responsa, priant pour que Hachem l’aide dans cette mission. Il a aussi demandé à Rav Waldinberg de veiller à ce qu’on lui apporte le traité Erouvin…
« Je suis sorti de devant lui, raconte-t-il, troublé par l’image extraordinaire de cet homme qui se trouvait dans une situation physique terrible et qui malgré tout ne restait attaché qu’à Hachem et à Sa Torah. J’ai alors pensé : Qui pourrait se vanter d’être persévérant dans la Torah et empreint constamment d’une telle confiance en D. ? Puissions-nous n’arriver qu’à la moitié du niveau atteint par Rav Tsvi Pessa’h ! »
Rejeter tous les principes médicaux
L’histoire se déroule dans la dernière période où le Rav Chakh donnait des cours collectifs à la yéchiva de Poniewitz. Un jour, il a eu un malaise et sa famille a fait venir son médecin personnel.
Alors qu’il se faisait examiner, le Rav a demandé au médecin de se dépêcher car il devait aller enseigner. Le docteur a alors souri en lui disant : « Vous n’êtes même pas capable d’aller jusqu’à la yéchiva, comment imaginez-vous pouvoir donner un cours ? » Mais le Rav Chakh ne l’entendait pas ainsi et a demandé à ses proches de l’emmener à la yéchiva. Le docteur, surpris, est intervenu : « Je veux voir de mes propres yeux comment le Rav va pouvoir faire son cours. » Il l’a accompagné vers la grande salle de la yéchiva, qui était comble.
Le médecin s’est tenu sur le côté du beit hamidrach, observant avec stupéfaction comment le Rav Chakh, âgé et affaibli, soulevait une difficulté dans la compréhension de la souguia étudiée. Dans la salle est alors né un débat : l’un pose une question, et le Roch Yéchiva argumente… Une heure entière de ce « combat sacré », d’un bouillonnement de Thora impliquant cœur et cerveau, corps et âme, à la recherche de la vérité. A l’issue du cours, le médecin a déclaré aux disciples qui l’entouraient, curieux d’entendre le diagnostic qu’il était capable de faire après un tel cours du Rav : « A présent je suis obligé de rejeter tous les principes médicaux que j’ai appris à l’université, car selon eux, dans sa situation physique actuelle, le Rav Chakh ne devrait même pas pouvoir ouvrir la bouche ! »