BE’HOUKOTAÏ 21 Mai 2011 17 Iyar 5771 |
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LE GOUT DE L’ETUDE DE LA TORAH
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
Nos Maîtres ont dit dans le Midrach : « Si vous marchez dans Mes voies » est en mettre en rapport avec le verset « J’ai médité sur mes voies, et ramené mes pas vers Tes statuts » (Téhilim 119, 59), ce qui signifie que tous les jours, je méditais en me disant : je vais aller à tel endroit, dans telle maison, et mes pas m’amenaient dans les lieux de prière et d’étude, ainsi qu’il est écrit « ramené mes pas vers Tes statuts ».
Je n’arrive pas à comprendre quel rapport il peut y avoir entre les méditations du roi David et le verset de notre paracha, « si vous marchez dans Mes voies ». Commençons par citer ce qu’ont expliqué nos Sages (Sanhédrin 99b) sur le verset « l’homme est né pour le travail » (Iyov 5, 7). Ils commencent par citer le verset : « Quand quelqu’un travaille, son travail est à lui, car pressantes sont les exigences de sa bouche » (Michlei 16, 26), sur lequel ils observent qu’il travaille à un certain endroit, et la Torah travaille pour lui à un autre endroit. Rabbi Elazar a dit : Tout homme est né pour le travail, ainsi qu’il est dit : « car l’homme est né pour le travail » ; je ne sais pas s’il s’agit du travail de la bouche ou d’un travail manuel, mais comme il est dit « car pressantes sont les exigences de sa bouche », je comprends qu’il a été créé pour travailler avec sa bouche ; je ne sais pas encore s’il s’agit du travail de la Torah ou de la conversation, comme il est dit (Yéhochoua 1, 8) : « Ce livre de la Torah ne doit pas quitter ta bouche », j’en conclus qu’il s’agit du travail de la Torah. »
On comprend de là que plus quelqu’un étudie la Torah, plus il y trouve de goût, et plus il se plonge dans les vanités de ce monde, plus il y trouve de goût. C’est pourquoi on ne trouve la pratique de toutes les mitsvot que chez quelqu’un qui étudie la Torah, car c’est là le fruit de son travail. Les Sages enseignent (Sanhédrin 40b) que l’étude mène à l’acte. Il n’y a pas d’acte qui n’ait été précédé par l’étude. Rachi écrit là-dessus « afin d’observer et d’accomplir », c’est-à-dire que du fait qu’on étudie la Torah, le but de ce travail est qu’il mène à l’observance de toutes les mitsvot.
L’habitude
On comprend à présent ce que dit le Midrach. Le roi David étudiait intensément, au point qu’il faisait corps avec la Torah et les mitsvot. Si bien que lorsqu’il voulait aller ailleurs, dans un endroit où il n’y a pas de Torah, du fait qu’il étudiait tellement, ses jambes le menaient automatiquement dans les endroits de prière et d’étude. Il ne s’agit pas de ses « jambes » (raglav) mais de ses habitudes (reguilout). Le Midrach commence donc par ce verset pour nous dire que l’étude de la Torah mène à l’habitude de l’exécution des mitsvot, car seul celui qui étudie régulièrement peut les accomplir toutes.
De plus, le Saint béni soit-Il donne à celui qui étudie la Torah une récompense mesure pour mesure, c’est-à-dire un résultat dans le domaine matériel. Les Sages ont dit dans ce contexte que « la Torah travaille pour lui à un autre endroit ». Comme il a renoncé à se donner du mal dans ce monde éphémère pour pouvoir s’adonner à l’étude de la Torah, il en est arrivé à accomplir toutes les mitsvot, or seul quelqu’un qui a suffisamment de quoi vivre en est capable.
L’effort à investir dans la Torah
Les Sages ont dit (Chabbat 33b) : quand Rabbi Chimon bar Yo’haï et son fils Rabbi Elazar sont sortis du souterrain, ils ont vu des gens en train de labourer et de semer, et ils ont dit : « Ils délaissent la vie éternelle pour s’occuper de la vie temporaire ! » Partout où ils posaient les yeux, cela brûlait immédiatement. Quand arriva la veille du Chabbat au crépuscule, ils virent un vieil homme qui tenait deux tiges de myrte. Ils lui demandèrent pourquoi, il répondit que c’était en l’honneur du Chabbat. Ils lui demandèrent pourquoi deux tiges, et il répondit : une pour Zakhor, et une pour Chamor. Rabbi Chimon a dit à son fils : vois combien les bnei Israël aiment les mitsvot ! Et il se calma.
Cela présente une difficulté. Pourquoi Rabbi Elazar ne s’est-il pas calmé avant d’avoir trouvé ce vieil homme ? Il craignait apparemment ce qu’allait dire son père Rabbi Chimon bar Yo’haï, pour qui (Berakhot 35b) « est-il possible qu’on laboure au moment des labours, qu’on sème au moment des semailles, qu’on moissonne au moment de la moisson, qu’on batte le blé et qu’on le vanne aux moments adéquats ? Que va devenir la Torah ? » C’est pourquoi quand ils sont sortis du souterrain, et que Rabbi Elazar a vu ces gens délaisser la vie éternelle pour s’occuper de la vie temporelle, il leur en a voulu et les a brûlés.
Mais Rabbi Chimon lui-même n’était pas de cet avis, il savait qu’il est impossible que tout le monde étudie la Torah toute la journée, mais en labourant et en semant on améliore le grain pour qu’il devienne apte à ce qu’on dise une bénédiction sur lui. On accomplit beaucoup de mitsvot dans les champs, léket, chikhe’ha et pea (les prélèvements obligatoires), et les teroumot et maasserot ne vienne que grâce au travail des champs. Au moment où les bnei Israël s’occupent de la vie de ce monde, ils accomplissent par là beaucoup de mitsvot, et ne peuvent pas oublier l’essentiel.
Rabbi Elazar a dit : « Père ! Auparavant, tu disais « est-il possible qu’on laboure au moment des labours, qu’on sème au moment des semailles, que va devenir la Torah ? » Pourquoi as-tu changé d’avis, au point de dire que tout cela ne concerne pas seulement les labours et les semailles mais représente la cause qui permet d’accomplir des mitsvot ? » Quand ils ont rencontré ce vieillard qui portait deux tiges de myrte en l’honneur du Chabbat, Rabbi Chimon a répondu à son fils Rabbi Elazar : « Mon fils, s’ils respirent avec joie l’odeur de la myrte sans en avoir reçu l’ordre, et prennent deux tiges et non une seule pour faire honneur au Chabbat, toutes les autres mitsvot dont ils ont reçu l’ordre, à combien plus forte raison ils les accomplissent avec joie, et non par habitude ! Tu es obligé de reconnaître que tout ce qu’ils font en ce monde-ci n’est que pour avoir l’occasion d’accomplir des mitsvot, et ils n’oublient certainement pas D. ! »
Quand Rabbi Elazar a entendu cela, il s’est apaisé.
A PROPOS DE LA PARACHA
QUI MONTE A LA TORAH POUR LA TOKHE’HA ?
Au centre de la paracha de la semaine se trouve le « passage des remontrances » (tokhe’ha), qui contient des malédictions données à Moché au Sinaï contre les ennemis d’Israël.
Contrairement aux autres aliyot de la lecture de la Torah, que de nombreuses personnes se disputent et qu’elles sont prêtes à payer cher, tout le monde évite la aliya du passage des remontrances, comme si personne n’avait envie de recevoir de remontrances, ce qui semble impliquer qu’on ne les mérite pas.
C’est un malaise qui existe depuis très longtemps, et les hommes de chair et de sang tendent à s’éloigner des reproches durs autant que faire se peut.
Il méritera une bénédiction
Rabbi ‘Haïm Falagi zatsal évoque dans son livre « Séfer Ha’Haïm » les doutes des fidèles à ce propos, et écrit que les gens ont l’habitude d’éviter de monter à la Torah pour le passage des remontrances, « parce qu’ils ont peur que le mal qui est lu dans le séfer Torah s’attache à eux, et que s’ils n’ont pas de mérite, cela devienne pour eux un élixir de mort. Ils disent que si celui qui lit est un talmid ‘hakham, cela risque de s’accomplir même s’il y avait une condition qui n’est pas réalisée. Et le passage des remontrances qui se trouve dans la parachat Ki Tavo, on l’évite encore plus, parce qu’il est écrit au singulier et au présent, comme s’il s’adressait uniquement à la personne qui monte à la Torah, ce qui n’est pas le cas dans la parachat Be’houkotaï, où c’est écrit au pluriel. »
Le Rav zatsal exprime une certaine sensibilité et compréhension envers ceux qui évitent de monter à la Torah pour le passage des remontrances :
« J’ai déjà écrit que la Torah de vie n’était jamais, à D. ne plaise, un élixir de mort, et que du bien ne pouvait sortir le mal. Par conséquent comment la Torah, qui est notre vie et la longueur de nos jours, amènerait-elle une malédiction sur cet homme qui dit une bénédiction sur elle ? Mais il y a ici un vague soupçon que du Ciel, on vérifie si celui qui monte a accompli toutes les paroles de la Torah ou non. A cause de ce vague soupçon, on a l’habitude dans toutes les communautés que quelqu’un de fixe ait l’habitude de monter, auquel cas il n’y a aucun mépris pour la Torah. Mais s’il n’y a personne qui accepte de monter, on ne doit certainement pas délaisser la Torah ainsi avec mépris ; quiconque se présente alors pour lire est louable et sera béni par Celui à Qui appartiennent les bénédictions. »
On raconte une histoire terrible dans le livre « Derekh Ha’Haïm », entendue d’un vieil homme qui avait vu une fois, le Chabbat où on lit les remontrances, qu’un séfer Torah était resté ouvert et négligé pendant plusieurs heures, parce qu’il n’y avait personne qui accepte de monter pour le passage des remontrances. Il y avait là un vieux Rav qui s’est levé et à dit : « Cela m’étonnerait que cette communauté ne soit pas détruite ! »
Effectivement, cette année-là elle a disparu, à cause de nos nombreuses fautes. Et quiconque honore la Torah, son corps sera respecté par les hommes…
Bien calculer
Ici, nous en arrivons à un doute : qui donc va prendre sur lui-même un responsabilité aussi lourde, s’il existe un risque qu’on examine s’il a accompli toutes les paroles de la Torah ou non ?
Le « Séfer ‘Hassidim » dit que les Richonim appelaient un ignorant pour lire ce passage, pour qu’un homme important ne le lise pas et que ses paroles ne risquent pas de s’accomplir. Le Ari a dit qu’il n’était pas satisfait de cela, au contraire, c’est le plus grand de la génération qui devait le lire pour la communauté, avec amertume, pour insuffler la crainte dans les cœurs, et qu’on se mette à examiner ses fautes et à se repentir.
Dans le même esprit, le gaon Rabbi ‘Haïm Benvenisti zatsal écrit dans « Knesset HaGuedola » : Nous avons la coutume, le Chabbat où il y a la chira ou les Dix paroles ou les remontrances ou les malédictions dans Devarim, que ce soit le Rav qui enseigne la Torah à la communauté qui monte. S’il n’y a pas de Rav dans la communauté, on appelle le plus grand des présents. Et la coutume est que ce soit le Rav ou cet homme important qui lit. »
Les A’haronim ont fait remarquer que maintenant, la coutume est que le ba’al koré monte lui-même à la Torah pour cette aliya (Kaf Ha’Haïm 282, 8). Si le ba’la koré est un cohen, il est écrit dans Michna Beroura (428, 17) qu’il peut lire depuis le début de la parachat Be’houkotaï jusque après les remontrances. Et les années où Behar et Be’houkotaï sont lues ensemble, on organise les aliyot de telle façon que le ba’la koré monte pour la aliya de maftir, et dans cette aliya il lit le passage sur les remontrances jusqu’à la fin de la paracha.
Quoi qu’il en soit, la coutume des Sépharadim est que le cohen monte à partir de la quatrième aliya, en ajoutant l’introduction « bien qu’il soit cohen », et alors le cohen qui est ba’al koré peut monter à la cinquième aliya, et tout se passe dans l’ordre.
Que fait-on là où il n’y a pas de coutume établie ? Qui monte à la Torah pour le passage des remontrances ? Dans le livre de Responsa « HaElef Lekha Chelomo », on trouve la réponse qu’il faut tirer au sort. Celui sur qui le sort est tombé doit monter, et il n’en subira absolument rien de fâcheux.
Mi cheberakh
On avait l’habitude dans les communautés juives de bénir celui qui doit lire le passage des remontrances par un « Mi cheberakh », même si à cet endroit-là on n’a pas l’habitude de dire cette bénédiction pour les autres personnes qui montent à la Torah (Responsa « Vayitsaber Yossef »).
Le gaon Rabbi Yossef ben Moché zatsal, qui était le disciple principal du « Teroumot HaDechen » zatsal, raconte dans ses écrits l’histoire que l’un des garçons de la yéchivah avait voulu monter pour les remontrances, et le gaon ne l’avait pas laissé. Il a envoyé chercher un vieil homme qui était dans la synagogue de la communauté, et qui avait lu la Torah, et ensuite il lui avait dit : « Celui qui a béni Untel fils d’Untel, parce qu’il a pris sur lui les réprimandes de la Torah en l’honneur de la Torah, par ce mérite le Saint béni soit-Il le fera réussir dans toutes ses entreprises. »
L’année suivante, raconte Rabbi Yossef, dans la parachat Ki Tavo, le ‘hazan a appelé : « Que monte celui qui le désire », et il m’a dit : « Lève-toi pour aller au Séfer Torah. » Parce qu’il est dit à la fin du pérek « Bnei HaIr » (dans le traité Méguila) que Rabbi ‘Hiya bar Gamda a cité le verset « la remontrance de Hachem » et la fin du verset : « N’aies pas en horreur Sa remontrance ». Et il m’a dit « mi cheberakh » comme précédemment.
GARDE TA LANGUE
Que ce soit respectueusement
Il n’y a pas de différence dans l’interdiction de croire du lachon hara, qu’on l’entende d’autres personnes ou de son père, sa mère, ou autres personnes de sa famille. De plus, on trouve dans Tanna DeBei Eliahou chapitre 21 que si quelqu’un voit que son père et sa mère disent des choses inutiles, par exemple du lachon hara, outre le fait qu’il ne doit pas les croire, il doit également les empêcher de parler ainsi (en faisant attention à le faire respectueusement). S’il ne leur dit rien, lui et eux seront punis sévèrement.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Toutes les bénédictions d’en haut et d’en bas dépendent du septième jour
« Si vous marchez dans Mes voies et que vous observez Mes mitsvot et les accomplissez, Je vous donnerai vos pluies en leur temps, la terre donnera sa récolte et l’arbre des champs donnera ses fruits. »
La Guemara (Ta’anit 23a) explique que « en leur temps » désigne les nuits de Chabbat.
On a du mal à comprendre en quoi les nuits de Chabbat sont différentes des nuits de la semaine ! De plus, comment est-il possible que D. donne une récompense à ceux qui font Sa volonté en ce monde-ci, alors qu’« il n’y a pas de récompense pour les mitsvot en ce monde » (Kidouchin 39b) ?
Apparemment, d’après ce qu’écrivent les commentateurs, celui qui étudie la Torah le Chabbat obtient une récompense plus grande que pour la Torah qu’il étudie pendant la semaine. Selon le Midrach, la Torah a dit devant le Saint béni soit-Il : « Maître du monde, quand les bnei Israël rentreront dans leur pays, l’un courra vers sa vigne et l’autre vers son champ, et moi, qu’est-ce que je vais devenir ? » Il lui a répondu : « J’ai un conjoint pour toi qui s’appelle Chabbat. »
Il est écrit dans la Torah sur le Chabbat (Béréchit 2, 3) : « Il le bénit et Il le sanctifia. » De même que le Saint béni soit-Il a béni et sanctifié tout l’univers le jour du Chabbat, Il a béni et sanctifié la Torah qu’on étudie le Chabbat. La récompense donnée par Hachem est la pluie (guéchem), dont le nom évoque la matérialité (gachmiout), les nuits de Chabbat, sans que rien soit ôté aux mérites de la personne qui étudie, car le Saint béni soit-Il ne lui donne qu’un pour cent de la grande récompense qui lui est gardée pour le monde à venir.
C’est pourquoi la Torah parle de matérialité à propos du Chabbat : toute l’abondance dépend de l’observance du Chabbat, comme il est écrit dans le Zohar, que toute l’abondance d’en haut et d’en bas dépend du septième jour. La récompense du Chabbat, la pluie en son temps, est comparée à l’étude de la Torah, dont il est dit (Michlei 4, 2) : « Car Je vous ai donné un bon cadeau. »
A LA SOURCE
Je donnerai vos pluies en leur temps (26, 3)
Rabbi Eliahou Yelloz zatsal explique dans son livre « Pata’h Eliahou » la raison pour laquelle le verset dit « Je donnerai (vénatati) vos pluies » avec une forme de passé au lieu de la forme « vaéten », au futur :
Nous savons qu’« au moment de la fête, nous sommes jugés sur l’eau », et cela, il est impossible de le changer. Mais lorsque les bnei Israël ne font pas la volonté de D., soit la pluie tombe à un moment où le monde n’en a pas besoin, soit elle tombe dans un endroit désertique où personne ne peut en profiter.
C’est pourquoi le verset dit « vénatati », c’est-à-dire que je vous donnerai ce qui a déjà été décrété, mais si « vous marchez dans Mes voies », alors vos pluies seront en leur temps et dans leurs lieux, et non ailleurs, et elles viendront à un moment où le monde en a besoin.
« Je fixerai Ma résidence au milieu de vous et Mon âme ne vous aura pas en dégoût » (26, 11)
Le livre « Pera’h Levanon » explique pourquoi on trouve juxtaposé dans le même verset « Je fixerai Ma résidence au milieu de vous » et « Mon âme ne vous aura pas en dégoût ». Les commentateurs ont dit que comme l’âme provient d’un lieu très élevé, elle est une étincelle divine, elle ne veut pas demeurer dans un corps, et tous les jours elle demande à sortir. Mais quand elle voit que le Saint béni soit-Il, Qui est la source de la sainteté, accepte d’habiter avec les êtres inférieurs, elle fait un raisonnement a fortiori et retourne à sa place, dans le corps humain.
C’est donc la signification du verset : « Je fixerai Ma résidence au milieu de vous », Moi-Même J’habiterai personnellement parmi vous, et de cette façon « Mon âme ne vous aura pas en dégoût », l’âme que j’ai mise en vous n’aura pas de dégoût de vous, parce qu’elle fera un raisonnement a fortiori et ne voudra pas sortir du corps.
« Vous fuirez sans qu’on vous poursuive » (26, 17)
C’est surprenant : En quoi est-ce une malédiction de s’enfuir sans qu’on vous poursuive ?
Le Gaon de Vilna répond à cette question par ce que dit le Midrach sur le verset « D. recherche celui qui est poursuivi » : quand un juste poursuit un juste, D. est en faveur de celui qui est poursuivi, mais même quand un juste poursuit un méchant, D. est en faveur de celui qui est poursuivi et Se tiendra aux côtés du méchant.
La malédiction que contient ce verset nous enseigne que la fuite sera « sans qu’on vous poursuive », car s’il y avait un poursuivant, le Saint béni soit-Il serait pour ainsi dire obligé de vous sauver, puisque « D. recherche celui qui est poursuivi ». Mais comme vous n’aurez pas de poursuivant, vous ne vous appellerez pas « poursuivis », et Il ne sera pas obligé de vous sauver.
« Si vous agissez envers Moi comme au hasard » (26, 21)
Le Tourei Zahav commente les paroles du Choul’han Aroukh (Orah ‘Haïm 191, 3) : « Il est interdit de faire un travail pendant qu’on est en train de dire le birkat hamazon » en disant que c’est pendant le birkat hamazon seulement que les Sages ont interdit de faire un travail, et non pendant d’autres bénédictions ou pendant la prière. Mais il est évident que dans toute mitsva, on ne doit pas parler d’autre chose en même temps, car cela montre qu’on fait la mitsva sans concentration, comme par hasard.
Cette idée figure dans le verset « si vous agissez avec Moi comme au hasard », qui signifie : même si vous êtes en train de faire une mitsva, de toutes façons ce sera comme au hasard. »
« Je ferai de vos lieux saints une solitude et Je ne respirerai pas vos odeurs agréables » (26, 31)
Apparemment, ce verset est incompréhensible. S’il n’y a plus de Temple, il n’y a plus de sacrifices, alors évidemment, il n’y a plus d’« odeurs agréables » !
Le Rav Diskin rappelle ce que les Sages ont dit dans le Talmud (Yoma 39b) : Plusieurs années après la destruction du Temple, on sentait encore l’odeur agréable de l’encens, bien que beaucoup de temps se soit déjà écoulé.
C’est pourquoi le verset dit dans les paroles de remontrance : « Je ne respirerai pas vos odeurs agréables », même l’odeur de l’encens ne s’élèvera plus.
UNE VIE DE TORAH
Lignes de conduite dans le labeur de la Torah
Rachi interprète le verset « Si vous vous conduisez selon mes lois » par : « Donnez-vous de la peine pour l’étude de la Torah ! » « Se donner de la peine » signifie se fatiguer, faire des efforts en étudiant, comme nous trouvons dans la Haggada de Pessa’h, « notre fatigue : il s’agit des enfants. » Pour l’éducation de nos enfants, nous sommes prêts à nous surpasser et à aller à l’encontre de notre nature ; nous nous privons de sommeil et parfois nous veillons des nuits entières pour assurer le bien-être de notre progéniture. Dans l’étude de la Torah nous devons agir de la même manière et ceci est appelé « labeur ». Tant que nous nous sentons capables d’étudier nous le ferons sans nous préoccuper du sommeil : si le besoin de dormir est réel, la fatigue prendra le dessus et nous dormirons de toutes façons. Néanmoins, nous devons agir avec raison et tenir compte de nos limites, afin de ne pas porter préjudice à la qualité de l’étude du lendemain. Toutefois, nous ne devons pas agir en-deçà de nos capacités ! Tout cela relève d’un équilibre subtil, car chacun est naturellement préoccupé par son bien être et attentif à ses propres besoins.
Peiner pour acquérir la Torah est un chemin difficile au début, mais auquel on s’habitue avec le temps. Nous avons tous la capacité de changer notre nature : en effet, parfois des jeunes gens s’accoutument, du fait de leur fonction, à dormir très peu et à se fatiguer physiquement (longues marches, etc.) De la même manière, nous devons nous habituer à nous donner du mal pour la Torah, et quiconque s’y astreint dès son jeune âge en sera encore capable dans ses vieux jours.
Evidemment la tâche semble plus légère lorsque l’on prend conscience de l’avantage que l’on tire de son propre investissement. Imaginons que l’on propose à quelqu’un de naviguer pendant une semaine sur un bateau rempli de harengs diffusant une odeur nauséabonde, en lui promettant un appartement comme récompense : il acceptera sans aucun doute. Mais pourquoi n’est-il pas prêt à se donner autant de peine pour acquérir la Torah ? Personnellement, je consentirais à voyager dans un tel bateau pendant vingt ans si cela me permettait de connaître toute la Torah. Cela vaut évidemment la peine ! En effet, un appartement ou des millions n’ont aucune valeur, comparés au bénéfice apporté par le labeur de la Torah !
L’essentiel de l’investissement dans l’étude réside en une concentration extrême : on doit y être absorbé au point de ne plus percevoir ce qui nous entoure. Nous avons une Torah, elle est unique, elle constitue toute notre vie et est l’objet de notre désir : ceci doit être profondément ancré en nous. En effet, nous récitons dans la prière d’arvit « Car elles (mitsvot et lois) sont notre vie et notre longévité etc. » Aussi, nous nous efforcerons d’étudier sans superficialité, d’approfondir des sujets ardus afin de les intégrer, et enfin de nous pencher sur des thèmes auxquels peu de gens s’intéressent.
Cependant, étudier à ce rythme risque, à terme, de nous épuiser. C’est pourquoi je recommande de diversifier les domaines d’étude, c’est-à-dire de consacrer une partie du temps au Rambam, une autre à l’étude rapide de la Guemara, une troisième au Tanakh etc. Comme il sera expliqué plus loin, la combinaison de l’étude rapide et de celle plus en profondeur nous permettra d’accumuler des connaissances et de devenir un géant en Torah.
Le « labeur dans la Torah » consiste également à étudier sans paresse. En effet, le manque d’investissement provient de la paresse. Bien que le mauvais penchant trouve aisément des prétextes à toute forme de désoeuvrement, il n’aurait pas eu besoin d’en trouver si celui-ci n’était pas déjà en germe.
Cela m’est arrivé
La concentration dans l’étude est également primordiale. Plus particulièrement, si une souguia nous est obscure, nous ne devrions pas retrouver la tranquillité avant de l’avoir ‘décodée’. Un grand effort est nécessaire pour investir tout son intellect dans la compréhension d’un sujet, mais une étude réalisée avec effort n’est en rien comparable à une étude réalisée sans difficulté. On raconte que notre maître le Ari Zal s’épuisait physiquement et transpirait lorsqu’il étudiait : il savait que c’était là une condition de la réussite dans l’étude.
Mais même si l’on ne saisit pas immédiatement le sens d’une souguia, le travail qu’on aura fourni pour essayer de la saisir nous aidera à la comprendre par la suite, comme l’a dit Rabbi Yitz’hak (Méguila 6b) : « Si quelqu’un te dit ‘j’ai cherché et j’ai trouvé’, tu peux le croire. » Cette maxime demande à être expliquée : nous devons nous donner du mal dans l’étude chaque jour, à chaque instant. Pourtant, la solution arrive au moment où on ne la cherche pas ! Nous n’allons pas intentionnellement « réaliser une découverte » ! S’il en est ainsi, comment affirmer que celle-ci résulte de l’effort produit ? Il nous arrive d’étudier une souguia sans parvenir à la comprendre correctement, car nous rencontrons des difficultés que nous n’abordons pas sous le bon angle. Nous laissons alors le sujet de côté et continuons à avancer. Après quelque temps, Hachem éclaire notre esprit et toutes nos difficultés se résolvent. Il se trouve alors que sans la peine investie au préalable, nous n’aurions pas pu trouver à présent cette réponse. Tout provient donc de l’effort initial.
Cela m’est arrivé : j’ai une fois eu du mal à comprendre un texte du Maharam. Finalement, alors que je marchais, l’explication m’est soudain apparue clairement, telle une véritable trouvaille. C’est ainsi que les choses se passent dans le domaine de la Torah.
Le second élément est de s’habituer à étudier sans poser les mains sur la table et sans s’appuyer sur un banc. Il faudra s’y adonner avec joie et veiller à s’investir corps et âme. Seulement alors, on en retirera du plaisir, et si ce n’est pas le cas, c’est qu’on avait occulté une partie de l’étude. Plus une personne se donne de mal, plus elle s’écarte des tentations. Par exemple, quelqu’un qui a un proche parent malade et en danger sera préoccupé en permanence par l’état de celui-ci et en oubliera ses propres désirs. De la même manière, quiconque est totalement immergé dans la Torah ne peut être saisi de tentations. Le Rambam affirme d’ailleurs que le désir d’adultère ne se développe que dans un cœur dénué de sagesse.
De plus, quiconque se donne de la peine pour la Torah en est récompensé dans ce monde-ci, comme le déclare le Tanna dans Pirkei Avot : « Voici la voie de la Torah : tu mangeras du pain avec du sel, tu boiras de l’eau à petite dose, tu dormiras à même le sol, tu mèneras une vie de souffrance et tu te fatigueras pour la Torah. Si tu agis ainsi, heureux es-tu et tu auras du bien : heureux es-tu dans ce monde-ci, et tu auras du bien dans le monde à venir. »
A première vue, la question suivante se pose : est-il possible d’être heureux dans ce monde-ci en menant une vie de souffrance ?
En réalité après l’effort, l’étude de la Torah est notre source de bonheur. En effet, lorsque nous n’étudions pas, nous nous sentons amers et attristés, alors que quand nous nous donnons du mal pour la Torah, nous ressentons une satisfaction supérieure à celle du Gan ‘Eden. Je n’ai certes jamais vu le Gan ‘Eden, mais je suppose qu’il en est ainsi…
Très souvent, je peine beaucoup avant de découvrir enfin une halakha, mais en fin de compte cela me rend heureux. Mais il m’arrive parfois de saisir une explication facilement, et cela ne me satisfait pas autant que lorsque je me donne du mal, comme il est dit « L’homme préfère acquérir la part qui lui revient plutôt que de recevoir gracieusement les neuf parts de son voisin. »
Ajoutons enfin ce qu’a déjà dit Rabbi Ne’hounia ben Hakana : « Quiconque accepte le joug de la Torah est exempté de ceux de la royauté et de la vie quotidienne et quiconque se décharge du joug de la Torah est soumis à ceux de la royauté et de la vie quotidienne. » Ainsi, lorsque notre service divin est perturbé par des membres de notre famille ou par tout autre facteur, nous en sommes responsables et si nous acceptons le joug de la Torah nous serons libérés de tous les autres jougs.
(« Or Letsion » ‘Hokhma Oumoussar. ‘Amal Hatorah)