LEKH LEKHA 5 NOVEMBRE 2011 8 HECHVAN 5772 |
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Bien parler et bien agir
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Saraï, épouse d’Avram, prit Hagar l’égyptienne, sa servante. Il y avait dix ans qu’Avram demeurait au pays de Canaan, et elle la donna comme épouse à son époux Avram » (Béréchit 16, 3)
Hagar était la fille de Par’o. En effet, Rachi rapporte que lorsque ce dernier avait vu les grands miracles dont avait bénéficié Avraham à Our Kasdim et avait été témoin de la grandeur de Sarah, il avait déclaré : « Il est préférable que ma fille soit servante dans la maison d’Avraham que maîtresse dans une autre demeure. »
Hagar n’était pas une femme ordinaire, elle avait des mérites. Elle était certainement une personne de grande valeur pour avoir pu s’attacher au corps saint d’Avraham. Nos maîtres commentent d’ailleurs son nom « Ketoura » en disant que ses actes étaient agréables comme l’encens (ketoret), c’est pourquoi elle a été unie à Avraham. En réalité, le fait même d’accepter d’être servante est un signe de son abnégation et de sa soumission absolue : elle aurait pu devenir reine, mais consciente de la grandeur de la maison d’Avraham, elle a dédaigné les honneurs de la royauté et préféré une vie de servante auprès d’un tsaddik à une existence royale et pleine de plaisirs dans la maison de Par’o.
Ajoutons que la valeur numérique de son nom « Hagar », avec l’unificateur, est aussi celle du terme « autre » (a’her), à savoir 209 : ayant pris la mesure de la grandeur d’Avraham et de Sarah, elle a décidé de renoncer à son statut personnel et à la royauté et a ainsi mérité de devenir une femme « autre », différente. Il arrive que le surnom « autre » (a’her) soit utilisé dans un sens négatif. Ce fut le cas pour Elisha ben Abouya, maître de Rabbi Méir, lorsqu’il avait renié sa foi en D., mais dans notre situation sa signification est sainte puisque la grandeur de Hagar et sa soumission à un tsaddik l’ont rendue « autre ». De même, dans l’épisode des explorateurs, il est dit au sujet de Kalev ben Yéfouné : « Il était animé d’un esprit différent (a’heret) ».
Il est très étonnant que seule Hagar ait mérité de s’attacher à Avraham après avoir pris la mesure de sa grandeur ! Pourquoi Par’o, qui connaissait les miracles dont Avraham avait bénéficié dans la fournaise, qui avait vécu le ‘sauvetage’ extraordinaire de Sarah en Egypte et qui avait décidé d’envoyer sa fille avec Avraham après avoir apprécié l’excellence de cet homme, ne s’est-il pas éveillé au repentir et est-il resté enlisé dans son impiété ?
En réalité, le mauvais penchant est particulièrement fort pour inciter l’homme à « bien parler mais à mal agir ». Le yetser hara nous encourage à sermonner les autres mais à persister dans notre impiété et à maintenir nos mauvais comportements. Il nous donne même l’illusion d’être un juste… puisque nous encourageons les autres au repentir ! Mais nous ne nous transformons pas pour autant ! Par’o s’est dit que comme il avait encouragé sa fille à suivre Avraham et l’avait poussée à admirer la noblesse de sa maison, il n’avait donc plus besoin de s’amender lui-même ! C’est la raison pour laquelle il s’est maintenu dans sa mauvaise conduite et ne s’est pas éveillé au repentir.
Tout homme doit constamment méditer sur sa propre conduite. Il ne suffit pas d’écouter les paroles de moussar ou les remontrances d’autrui. Il faut s’approprier cette morale et savoir analyser son comportement pour mériter de devenir un homme différent. Nous connaissons d’ailleurs des personnes simples qui ont atteint un niveau très élevé grâce à cette remise en cause. Par exemple, la servante de Rabbeinou Hakadoch a une fois aperçu un homme qui commettait une faute et l’a excommunié. Même après le décès de cette servante, Rabban Gamliel n’a pas annulé cette excommunication, car selon le Roch, il la considérait comme plus élevée que lui et craignait donc d’annuler sa décision.
Comment Rabban Gamliel pouvait-il croire qu’elle lui était supérieure, alors qu’elle n’était qu’une servante ? Pourquoi l’estimait-t-il autant ? Il avait conclu que cette servante avait médité sur la grandeur de D. et s’était transformée en une personne de grande valeur puisque, malgré les travaux simples et les tâches ménagères ordinaires qui constituaient son quotidien elle avait été interpellée par la transgression de cet homme et s’était même montrée jalouse pour D. en l’excommuniant. Rabban Gamliel n’a donc pas voulu annuler l’excommunication prononcée par cette femme qui, bien qu’étant une simple servante, était devenue une femme différente et s’était élevée. En effet, l’introspection permet à tout un chacun de devenir « autre ». Lavan l’Araméen nous livre quant à lui un contre exemple de la bonne attitude. En effet, bien que témoin de la piété de Ya’akov et ayant vu toute la vérité, il ne s’est pas réveillé. Plus encore, il l’a poursuivi dans le but de le tuer ! Pourtant, Lavan était conscient que depuis l’arrivée de Ya’akov chez lui, il s’était beaucoup enrichi, que toutes ses entreprises avaient été couronnées de succès et que sa fortune avait été bénie. Il l’a d’ailleurs retenu de nombreuses années pour que la bénédiction continue de reposer sur sa demeure. Malgré cela il ne s’est pas repenti et est resté avec ses idoles. Comment expliquer une telle conduite ? Il ne suffit pas de constater la grandeur du Créateur et d’être ébranlé l’espace d’un instant : il faut constamment garder l’esprit en éveil et conserver un regard critique sur sa propre conduite. C’est en méditant sur nos façons d’agir que nous pourrons les améliorer. Mais pourquoi Lavan n’a-t-il pas mérité d’être éveillé à la techouva ? Il lui manquait, semble-t-il, la base, puisqu’il n’était pas engagé dans la voie de la Torah. Or il est impossible de bâtir un édifice sans fondation solide. N’ayant pas étudié et ne bénéficiant pas des fondements de la Torah, il ne s’est pas attaché à améliorer ses mauvais traits de caractère et est resté englué dans son impiété.
LES HOMMES DE FOI
Récits sur les tsaddikim de la famille Pinto
La tête du voleur est restée suspendue…
A l’époque de Rabbi ‘Haïm Pinto, que son mérite nous protège, s’est produite une histoire surprenante, qui a alimenté les conversations de tous les habitants de la ville. L’un des membres de la famille Pinto était pieux, saint et habitué aux miracles. Une certaine nuit, à l’époque des fêtes, alors que tout le monde était à la maison, un non-juif rentra tout à coup chez eux dans l’intention de voler.
Quand la femme du saint Rav vit le voleur, elle appela immédiatement son mari en lui disant : Lève-toi vite ! un goy est entré à la maison et il veut nous tuer. Le tsaddik a levé les yeux, a regardé le goy, et s’est mis à dire sur lui des versets et des Noms sacrés.
Avant qu’il ait eu le temps de finir les versets, le goy mourut sur place, et son crâne resta suspendu au plafond par une corde.
Qu’ainsi disparaissent tous tes ennemis, Hachem.
La maison où le miracle s’était produit est encore debout jusqu’à aujourd’hui dans le mellah de Marrakech. Beaucoup d’habitants de la ville y vont pour la voir de leurs yeux, y allument des bougies et prient dans la maison par le mérite du tsaddik.
Un fait célèbre et extraordinaire est que jusqu’à ce jour, ce crâne est resté pendu au plafond. Quiconque vient à Marrakech demande où est la maison et y voit de ses propres yeux le pouvoir des tsaddikim.
Cette histoire extraordinaire a été racontée par la rabbanit Mazal, la femme du tsaddik Rabbi Moché Aharon Pinto, qui est allée dans cette maison et a vu le crâne encore suspendu au plafond.
HISTOIRE VECUE
La parabole et sa leçon – se séparer de ce genre d’amis
« Hachem dit à Avraham : va t’en de ton pays, de ta ville natale et de la maison de ton père vers le pays que Je te montrerai » (Béréchit 12, 1).
Il faut regarder attentivement ce verset, qui apparemment ne suit pas l’ordre naturel. D’habitude, on sort d’abord de la maison de son père, puis de sa ville natale, et ensuite seulement de son pays. Alors pourquoi le verset a-t-il inversé l’ordre des choses ?
Le livre « Cha’arei Yéchoua » en donne une merveilleuse explication, d’après ce qu’ont dit les Sages dans le Midrach (Béréchit Rabba au début de la paracha) : « Ecoute, ô fille, vois et tends l’oreille, et oublie ton peuple et la maison de ton père » (Téhilim 45, 11), ce verset parle d’Avraham. S’il en est ainsi, tout va pouvoir parfaitement se comprendre. « Va » signifie qu’il doit oublier et quitter sa ville natale et la maison de son père, car habituellement, quand quelqu’un connaît des parents qui vivent loin et qu’il n’a pas l’habitude de voir souvent, il les oublie plus rapidement que ceux qui sont proches. Et il oublie plus rapidement les parents éloignés que la maison de son père, c’est pourquoi il est dit :
« Va t’en de ton pays » : d’abord oublier les habitants de son pays, ensuite ceux de sa ville natale, et ensuite seulement la maison de son père. De cette façon il pourra aller vers la Terre sainte pour faire la volonté de son Père des cieux et s’attacher à Hachem et à Ses voies. Il y a une belle parabole à ce sujet :
Cela ressemble à un homme qui avait trois amis. Il voyait l’un quelquefois, une fois par semaine, le deuxième tous les jours, et le troisième était avec lui nuit et jour.
Un jour, cet homme fut accusé d’un crime et appelé à comparaître en justice. Il partit demander à ses amis de venir à son aide. Il demanda au premier de venir avec lui au tribunal. Celui-ci lui répondit : « Je ne peux aller avec toi que jusqu’à la fin de la rue où tu habites et pas plus ! »
Il le quitta et partit trouver le second, il lui raconta tout ce qui lui arrivait et lui demanda de venir avec lui au tribunal. Celui-là aussi lui répondit : « J’irai avec toi jusqu’à la fin de la cour, mais pas un pas de plus ! »
Quand il alla trouver le troisième et lui raconta ce qui se passait, il lui répondit : « Moi, je ne bouge pas d’ici ! » Il était fort en peine, et soupirait et pleurait en disant : Ce sont là mes amis en qui j’avais confiance, avec qui je passais le plus clair de mon temps ? Et voilà qu’au moment où tout tourne mal pour moi, ils m’abandonnent !
Je vais te défendre
Pendant qu’il était en train de pleurer, quelqu’un qu’il connaissait et qu’il ne voyait pas très souvent s’approcha de lui, et lui demanda : « Dis-moi, mon cher ! Pourquoi pleures-tu ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? »
Il lui raconta son malheur d’avoir été convoqué en justice ainsi que sa peur, et il lui raconta aussi la grande peine de tout ce qui lui était arrivé avec ses trois amis. L’homme lui dit : « Ne t’en fais pas, je vais venir avec toi au tribunal et je te défendrai auprès des juges. »
L’intéressé s’étonna. Ses trois amis n’avaient pas accepté de venir avec lui et l’avaient renvoyé bredouille, alors que celui-là, qu’il ne considérait même pas comme un ami, venait avec lui et était même prêt à prendre sa défense.
La leçon est que l’homme a trois sortes d’amis. La première, ce sont ses amis et connaissances qui sont avec lui parfois, la deuxième sa femme et ses enfants qui sont avec lui en permanence, et la troisième son argent, qui court devant lui et le protège nuit et jour. Au moment où il doit rendre son âme à son Créateur, aucun d’entre eux ne veut aller avec lui devant le Tribunal céleste, et il est triste à cause des trois avec lesquels il a passé sa vie et qui ne peuvent rien pour lui.
Mais il y a un ami qu’il ne considérait pas comme tel parce qu’il ne le voyait que rarement : ce sont les mitsvot, la tsedaka et les bonnes actions qu’il a parfois faites dans sa vie, quand il en avait l’occasion, mais sans les rechercher particulièrement. Il ne les considérait pas comme des amis. En vérité, ce sont elles qui viendront à son secours dans le monde d’en-haut, ainsi qu’il est dit (Yéchayah 58, 8) : « Ta tsedaka marchera devant toi. » Les mitsvot le précèdent, lui éclairent la voie et font valoir ses mérites.
Qu’il s’attache à la Torah et aux bonnes actions
C’est l’allusion qui se trouve dans le verset : « Hachem dit à Avram » – qui est l’âme, « Va t’en de ton pays », ne perds pas de temps avec des amis méchants du même pays que toi, « de ta ville natale », ce sont ta femme et tes enfants, les enfants étant ce qui provient de toi, alors que la femme est celle qui t’enfante une descendance, « et de la maison de ton père », c’est ton argent, hérité de la maison de ton père.
Parce qu’il ne convient pas de trop s’attacher à ces trois-là, l’homme n’est pas essentiellement venu au monde pour eux, mais pour aller vers la Terre sainte, qui est la Torah. Il doit s’y attacher par les bonnes actions et la tsedaka qui seront en sa faveur dans l’avenir, en récompense de quoi il méritera « Je ferai de toi un grand peuple », et comme on le sait, des anges sont créés par les mitsvot, et ils portent tous le nom de leur auteur. C’est cela « J’agrandirai ton nom, et tu seras bénédiction. »
Le mot « berakha » (bénédiction) a la même valeur numérique que « zakhar » (mâle), c’est-à-dire que par ton mérite, J’épanche Mon abondance sur le monde, comme le mâle qui épanche son influence sur la femelle, ainsi toute l’abondance qui descend dans le monde sera par ton mérite.
GARDE TA LANGUE
La médisance par écrit
Sache encore qu’il n’y a pas de différence dans l’interdiction de médire entre raconter explicitement ce que quelqu’un vous a fait ou a dit de vous, et le dire par lettre. C’est la même chose, si on raconte à quelqu’un qu’Untel a lui-même dit du mal de lui, ou dit du mal de sa marchandise, car de cette façon on fait pénétrer de la haine dans son cœur contre lui.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Les bnei Israël sont caractérisés par l’humilité et l’effacement de soi devant D.
« Je rendrai ta descendance comme la poussière de la terre » (Béréchit 13, 16)
Il faut se demander pourquoi le verset dit « comme la poussière de la terre » et non « comme le sable de la mer » ou « comme les étoiles du ciel » ? Voici comment on peut l’expliquer : Avraham reçoit ici l’annonce que de même qu’il a surmonté l’épreuve, tous ses descendants surmonteront les épreuves sans faiblir. Et bien que leurs ennemis leur disent : « ou vous renoncez à votre foi ou vous allez mourir », ils se livreront à la mort plutôt que de renier leur foi. Avraham a surmonté l’épreuve grâce à l’humilité qui était en lui, et s’est rendu comme la poussière de la terre, ainsi qu’il est dit (Béréchit 18, 27) : « Je suis poussière et cendre », or la poussière ne s’enorgueillit pas, parce que tout le monde la piétine, et c’est cela la qualité d’Avraham, comme il est dit dans la Michna (Avot 5, 19) : « Un bon œil, un esprit humble et une disposition effacée, ce sont les disciples d’Avraham. » Par conséquent, les bnei Israël ont cette qualité d’humilité et d’effacement de soi devant D. De même qu’Avraham s’est effacé devant Lui, les bnei Israël se sentent devant Lui comme de la poussière, et surmontent l’épreuve. De façon générale, pour quiconque possède l’humilité et l’effacement de soi, il n’y a aucune épreuve insurmontable, étant donné qu’il s’annule devant D., et fait donc tout ce qu’Il lui ordonne sans protester. C’est pourquoi Hachem a dit à Avraham : « Je rendrai ta descendance comme la poussière de la terre. » Cela nous enseigne que les bnei Israël aussi seront humbles et effacés comme lui, et mériteront de surmonter les épreuves grâce à cette qualité. C’est donc la raison pour laquelle Avraham a été puni ensuite quand il a interrompu l’étude de ses disciples pour les envoyer en guerre contre les rois. En effet, il savait qu’il ne tomberait pas à la guerre et que ces rois ne pouvaient le vaincre, puisque D. lui avait déjà promis au moment où il était sorti de ‘Haran « lekh leikha ». Le Ba’al HaTourim dit que cette expression a la valeur numérique de cent, c’est donc une annonce qu’il allait vivre encore cent ans, si bien qu’il n’avait pas le droit d’enlever ses disciples à l’étude de la Torah. Et bien qu’il l’ait fait pour les besoins d’une mitsva, de toutes façons comme il avait reçu la promesse de D. qu’il ne tomberait pas à la guerre, il aurait pu y aller lui-même sans avoir besoin de déranger ses disciples. De plus, nos Sages ont dit (Tan’houma Lekh 9) que tout ce qui lui arriverait arriverait aussi à ses descendants, donc ses descendants apprendraient de lui à délaisser leur étude, c’est pourquoi il en a été puni. Non que cela ait comporté une faute, puisque c’est pour une mitsva qu’il les a dérangés, et que de plus Hachem l’aidait dans la guerre, il ne peut donc pas s’agir d’une vraie faute.
Mais cela constituait une exemple pour les générations à venir, qui devaient pourtant rester plongées dans leur étude, à moins d’un besoin impératif. Les Sages ont dit (Chabbat 119b) : « On n’interrompt pas l’étude même des petits garçons, et même pour construire le Temple. » Et ici, comme Avraham aurait pu partir seul à la guerre, il n’aurait pas dû interrompre l’étude de ses disciples.
A LA SOURCE
« Je bénirai ceux qui te béniront et ceux qui te maudiront Je les maudirai » (12, 3)
Pourquoi le verset place-t-il en premier la bénédiction pour ceux qui bénissent (Je bénirai ceux qui te béniront), alors que pour ceux qui maudissent, la malédiction vient après (ceux qui te maudiront – Je les maudirai) ? Le ‘Hida l’explique dans son livre « ‘Homat Anakh » d’après la notion selon laquelle le Saint béni soit-Il joint une bonne pensée à l’action, mais une mauvaise pensée, Il ne la joint pas à l’action (Kidouchin 40a). C’est pourquoi quand Il a béni Avraham, Il lui a donné la bénédiction que s’il a en lui-même fût-ce l’idée de bénir, la personne concernée sera déjà bénie par D. Lui-Même, la bénédiction vient en premier pour ceux qui bénissent. Ce qui n’est pas le cas envers ceux qui maudissent, pour eux le Saint béni soit-Il ne joint pas la mauvaise pensée à l’action. La malédiction de Hachem ne se produit pas si celui qui maudit n’a pas mis sa pensée à exécution.
« Il partit de là vers la montagne à l’est de Beit-E-l et y dressa sa tente » (12, 8)
Le Midrach dit qu’il est écrit « sa tente » (avec un hé, comme pour dire : sa tente à elle), ce qui nous enseigne qu’il a d’abord planté la tente de Sarah et ensuite la sienne.
Rabbi Zalman Sorotskin zatsal, auteur de « Oznei La Torah », fait remarquer qu’Avraham avait déjà cherché à enseigner une grande leçon aux générations suivantes, qui seraient plongées dans le tumulte et où l’incroyance serait fréquente : mieux vaut « la tente de Sarah » – pour convertir les femmes, que « la tente d’Avraham » – pour convertir les hommes. La « tente de Sarah » a la priorité sur « la tente d’Avraham », parce que nous savons que les femmes sont davantage portées vers la foi que les hommes, et celui qui commence par implanter la foi dans le cœur des femmes, pour ensuite aller vers les hommes, va du plus facile au plus difficile, ce qui est la démarche admise dans l’enseignement. Ensuite, les femmes influencent les hommes par leur foi.
C’est aussi ce que Hachem a dit à Moché (Chemot 19, 3) : « Voici comment tu parleras à la maison de Ya'akov » – ce sont les femmes, « et ce que tu diras aux bnei Israël » – ce sont les hommes, au moment où il s’est agi de préparer les bnei Israël à recevoir la Torah.
« Et je vivrai à cause de toi » (12, 13)
Rabbi Daniel Flavni chelita, dans son livre « Peninei Daniel » écrit : on peut y voir une allusion à l’enseignement des Sages selon lequel « la vie et la mort sont au pouvoir de la langue ». En effet, le mot « biglalekh » (à cause de toi) a la même valeur numérique que « peh » (bouche), c’est-à-dire qu’à cause de la bouche, l’homme mérite la vie, et c’est aussi ce qu’Avraham a dit à Sarah, que l’essentiel de la vie dépendait maintenant de la façon dont elle allait parler : « je vivrai à cause de toi.)
« Il y eut un conflit entre les bergers d’Avram et les bergers de Lot » (13, 7)
Et il est écrit plus loin : « Avram dit à Lot : qu’il n’y ait pas de dispute entre moi et toi. »
Au début : « il y eut un conflit (riv) », et ensuite « qu’il n’y ait pas de dispute (meriva) ».
Rabbi Moché Alcheikh écrit : Nos Sages ont dit dans la Guemara (Sanhédrin 7a) que la dispute est comme une eau sous pression, qui ne demande qu’à jaillir en inondant tout si on lui pratique la plus petite ouverture.
C’est cela la nature d’une querelle : elle commence par une petite chose, puis s’enfle et devient considérable.
C’est pourquoi Avram a demandé à Lot que comme jusque là il n’y avait pas eu de dispute entre eux, mais seulement entre leurs bergers, et même entre les bergers on n’en était pas vraiment arrivé à une dispute, meriva au féminin, qui engendre comme une femme, s’étend et se propage, mais seulement un conflit, riv au masculin, ce conflit masculin ne se mette pas à engendrer en devenant une meriva qui s’étend et se propage, jusqu’à ce que cela en arrive à « entre moi et toi ».
A la lumière du Zohar
« Dis je te prie que tu es ma sœur, pour qu’on me fasse du bien pour toi et que mon âme vive à cause de toi » (12, 13)
Rabbi Elazar a dit : Ce verset est difficile, est-ce qu’Avraham, qui craignait la faute, lui qui était aimé de D., dirait cela de sa femme pour qu’on lui fasse du bien ?
Mais bien qu’il ait craint la faute, il ne comptait pas sur son mérite et n’a pas demandé à D. de diminuer ses mérites pour le sauver. Il a plutôt compté sur le mérite de sa femme, certain que c’est grâce à elle qu’il gagnerait l’argent des autres peuples. En effet, l’homme mérite l’argent à cause de sa femme. C’est ce que dit le verset : « La maison et la richesse sont l’héritage des pères, et une femme intelligente vient de Hachem. » Celui qui mérite une femme intelligente – mérite tout.
Avraham allait manger par son mérite le butin des autres peuples, et a compté sur son mérite à elle pour qu’on ne puisse pas le punir et la violenter. C’est pourquoi il ne leur a rien donné en leur disant « elle est ma sœur », et de plus il y avait un ange qui marchait devant elle en disant à Avraham : « ne crains pas pour elle, le Saint béni soit-Il m’a envoyé pour faire sortir de l’argent pour elle des autres peuples et la protéger de tout. » Alors, Avraham n’a pas craint pour sa femme mais pour lui-même, c’est pourquoi il a dit « dis je te prie que tu es ma sœur, pour qu’on me fasse du bien pour toi et que mon âme vive à cause de toi. »
SUR LA VOIE DE NOS PERES
La force d’une bonne parole
Sur le verset de notre paracha « les âmes qu’ils avaient faites à ‘Haran » (12, 5), les Sages ont expliqué qu’il s’agit de l’œuvre d’expansion d’Avraham avec son épouse Sarah, qui faisaient rentrer les gens sous les ailes de la Chekhina, Avraham convertissant les hommes et Sarah les femmes, et le verset le leur compte comme s’ils les avaient « faits ».
Comme l’explique la Guemara dans le traité Sanhédrin (99b) : quiconque enseigne la Torah au fils de son ami, l’Ecriture le lui compte comme s’il l’avait engendré, ainsi qu’il est dit « les âmes qu’ils avaient faites à ‘Haran ».
Dans ce contexte, voici l’histoire de l’élève d’une yéchiva ketana qui venait d’une famille connaissant de grandes difficultés. La situation du garçon lui-même éveillait la pitié, il ne comprenait rien à l’étude de la Guemara et était obligé de travailler comme employé dans la cuisine de la yéchivah.
Le gaon Rabbi Mikhel Yéhouda Lefkowitz zatsal lui consacrait beaucoup de temps, et l’a même gardé une année de plus dans la yéchivah. Beaucoup s’en étonnaient et se demandaient pourquoi investir tellement d’efforts dans ce garçon qui ne paraissait pas avoir la moindre chance de donner quoi que ce soit... comment Rabbi Mikhel Yéhouda ne désespérait-il pas et ne le laissait-il pas tranquille ?
Le père de ce garçon, qui ne tenait pas à ce que son fils étudie à la yéchivah, venait constamment trouver Rabbi Mikhel Yéhouda pour le sonder sur son fils et voir si cela avait une utilité quelconque de le laisser à la yéchivah. Rabbi Mikhel Yéhouda lui répondait que son cher fils progressait dans ses études, et c’est uniquement pour cela que le père était prêt bon gré mal gré à lui permettre de continuer.
Le garçon entra à la yéchiva guedola, et tout à coup il abandonna ses études et partit au service militaire. Naturellement, Rabbi Mikhel Yéhouda en eut un profond chagrin, mais à la stupéfaction générale, à la fin de son service militaire, il revint étudier la Torah à la yéchivah avec beaucoup d’enthousiasme, en se rappelant les jours heureux qu’il avait passés auprès de son Rav, et il put fonder un beau foyer de Torah.
Alors, tout le monde vit les fruits de tout ce que Rabbi Mikhel Yéhouda avait investi en lui. Il l’avait ainsi sauvé, lui et toutes les générations à venir, à jamais. Et par la force de cette bonne action, la force d’une bonne parole !
Ya'akov était orphelin de père. Il était né dans une maison pratiquante, mais à l’époque l’esprit de la haskala soufflait puissamment, et petit à petit il fut entraîné à abandonner l’observance de la Torah et des mitsvot.
Un beau matin, il se réveilla en se rappelant que c’était le jour anniversaire du décès de son père, qui lui avait demandé avant de mourir de dire kadich pour lui le jour du yahrzeit pour l’élévation de son âme.
Là où il vivait, il n’était jamais entré à la synagogue. Il parcourut les rues de la ville de Wirtzbourg en Allemagne avec l’intention de trouver une synagogue. Au bout d’un long moment, il arriva à une magnifique synagogue et rentra à l’intérieur pour dire kadich pour son père. Il attendit patiemment la fin de la prière, puis entonna le kadich d’une voix forte pour l’élévation de l’âme de son défunt père.
La prière terminée, il voulut s’esquiver de la synagogue sans qu’on le voie, mais alors s’approcha de lui un juif au beau visage éclairé d’un large sourire. Il se présenta comme le Rav de la ville, Rabbi Yitz’hak Dov Halévi Bamberger zatsal.
« Shalom aleikhem », dit le Rav au garçon, puis il lui demanda de ses nouvelles et comment il vivait au quotidien, avec une chaleur sincère qui avait la force d’ouvrir un cœur de pierre. Le Rav exprima son émerveillement et sa grande appréciation du fait que malgré l’influence de la haskala qui entraînait les jeunes à se détacher totalement de la Torah et des mitsvot, il ne s’était pas laissé entraîner par cette marée mais observait fidèlement la tradition et le lien avec le judaïsme et les mitsvot.
Ya'akov se tenait comme pétrifié, la gorge contractée d’émotion. Des larmes lui picotaient les yeux, des larmes de soulagement, des larmes de nostalgie pour le monde pur et droit qu’il avait quitté. Il sortit de la synagogue inondé de pensées de regret. Un esprit de pureté passa sur lui, et il se mit à revenir à son Père des cieux.
Deux ans après ce kadich, Ya'akov se tenait sous la ‘houpa en tant que jeune homme craignant D. et observant la Torah dans tous ses détails, avec une fiancée d’une bonne famille orthodoxe, qui elle aussi observait les mitsvot, pour construire ensemble un véritable foyer juif. Les années passèrent. Treize enfants leur naquirent, et tous suivaient la voie de la Torah et des mitsvot.
Aujourd’hui, cent cinquante ans après ce kadich, l’un des descendants, qui observent tous la Torah et les mitsvot, s’est exprimé en disant : « Imaginez que le Rav Bamberger n’ait pas décidé de s’approcher de ce garçon, de lui demander comment il allait et de lui exprimer son appréciation, qui sait ce qui se serait passé ?
Combien une bonne parole peut avoir d’influence pour l’éternité ! »