Vayichlah 10 DECEMBRE 2011 14 KISLEV 5772 |
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L’étude de la Torah de Ya’akov dans la maison de Lavan
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« J’ai séjourné chez Lavan et prolongé mon séjour jusqu’à présent. » (Béréchit 32, 5)
Le « Midrach Pelia » rapporte que durant son séjour chez Lavan, Ya’akov a respecté le Chabbat. Cette remarque paraît étonnante, puisque l’on sait déjà qu’il avait continué d’y accomplir toutes les mitsvot. En effet, à travers le verbe « J’ai séjourné [‘garti’, de valeur numérique 613, comme le nombre de mitsvot de la Torah] (chez Lavan) », Ya’akov suggère à Essav qu’il a continué à respecter toutes les mitsvot tout en habitant chez Lavan. S’il en est ainsi, pourquoi le midrach précise-t-il qu’il a observé le Chabbat, et ne mentionne-t-il pas les autres mitsvot ? Par ailleurs, « Chabbat » n’est-il pas inclus dans le reste des mitsvot ?
Comme nous le savons, la qualité principale de Ya’akov était l’étude de la Torah. En effet il est dit « Ya’akov, homme intègre assis dans les tentes », ou encore « Tu donneras à Ya’akov la vérité », or la Torah est appelée « vérité ». Nous rencontrons ici une difficulté : comment Ya’akov a-t-il réussi à étudier la Torah durant les vingt années passés chez Lavan ? Il travaillait pourtant jour et nuit, comme il l’a affirmé à Lavan : « J’étais, le jour, en proie au hâle et aux frimas la nuit, et le sommeil fuyait de mes yeux. » Il est donc difficile d’affirmer qu’il ait pu étudier la Torah pendant toutes ces années-là !
On ne peut pas supposer que Ya’akov ait volé de son temps de travail pour l’étude, puisqu’il a lui-même affirmé « Or, vous savez que j’ai servi votre père de toutes mes forces ». Notre père Ya’akov n’a pas volé Lavan bien que celui-ci eût été idolâtre. En effet, être malhonnête même avec un non-juif est une chose grave. Le Ben Ich ‘Haï rapporte que lorsqu’on escroque un non-juif, l’ange protecteur de ce dernier se rend chez Hachem et lui dit : « de même qu’Untel a démuni ce non-juif, de même je lui déroberai ses mitsvot ! » On apprend d’ici que voler, même à un non-juif, est un acte grave, qui peut entraîner le retrait de nos mitsvot acquises.
En réalité, Ya’akov s’est soigneusement gardé du vol durant tout son séjour chez Lavan. Il étudiait pendant qu’il travaillait ! Même de nos jours, les grands d’Israël sont capables d’étudier la Torah tout en conversant avec quelqu’un. A fortiori Ya’akov, dont la force était considérable, a pu agir ainsi et se consacrer à son travail tout en étant entièrement absorbé par l’étude de la Torah.
Mais le Chabbat, Ya’akov ne travaillait évidemment pas puisqu’il respectait ce jour saint. Il en profitait donc pour étudier la Torah avec d’autant plus de vigueur. Nous trouvons même une allusion au fait qu’il respectait le Chabbat : ce jour saint est appelé « le temps (‘et) » comme il est dit « Le temps (‘et) est venu d’agir pour Hachem » (Téhilim 119, 126). Or Ya’akov a dit : « J’ai prolongé mon séjour jusqu’à présent (‘ata) » (Béréchit 32, 5). Ainsi, il repoussait l’étude jusqu’au jour du Chabbat où il pouvait alors s’y appliquer davantage et même compléter ce qu’il n’avait pas pu terminer durant la semaine. Voici donc comment il faut comprendre les paroles du midrach : il va de soi que Ya’akov a respecté toutes les mitsvot chez Lavan. Mais le midrach insiste sur le Chabbat car lors de ce jour saint, Ya’akov, ne travaillant pas, pouvait rattraper l’étude de toute la semaine. C’est pourquoi la mitsva de Chabbat est d’autant plus primordiale chez notre Patriarche, et le midrach précise qu’il l’a accomplie.
Par ailleurs, nous savons que D. a fait don aux bnei Israël de deux cadeaux : le premier est le Chabbat et le second est l’étude de la Torah. Chacun de ces présents a sa particularité. Le Chabbat correspond au monde à venir (il en est un avant-goût). Mais Ya’akov ressentait ce goût du monde futur pendant le Chabbat comme pendant l’étude. Bien que lors de son séjour chez Lavan, l’étude de la Torah ait été accompagnée de difficultés et de beaucoup d’effort, elle était la seule à avoir pour Ya’akov le goût du monde futur. Ainsi, il existe donc un lien entre le Chabbat et l’étude de Ya’akov.
Ce midrach nous enseigne qu’une personne qui fait particulièrement attention à une certaine mitsva durant toute sa vie est considérée comme ayant accompli la Torah dans son intégralité. Ya’akov a observé toute la Torah, mais le midrach rapporte uniquement le respect du Chabbat pour nous enseigner que cette mitsva, ayant été réalisée parfaitement, équivaut à toute la Torah. C’est pourquoi le midrach n’a pas eu besoin de mentionner que Ya’akov avait continué à respecter également les autres mitsvot.
Dans le même ordre d’idées, nos Sages racontent qu’un homme avait étudié durant toute sa vie le traité ‘Haguiga. A sa mort, une femme enveloppée de tsitsit était venue et s’était écriée : « Venez faire l’éloge de cet homme-là ! » Puis après les éloges funèbres et l’enterrement, la femme avait disparu et tous avaient alors compris qu’il s’agissait du traité ‘Haguiga lui-même, venu se préoccuper de ce mort qui l’avait étudié durant toute son existence. Une seule mitsva réalisée parfaitement a donc une extrême importance !
Enfin, ajoutons quelques mots sur la valeur de l’étude de la Torah pendant le Chabbat : le ‘Hafets ‘Haïm affirme qu’« une heure d’étude pendant le Chabbat est équivalente à mille heures d’étude en semaine. » Que signifie cette phrase ? En réalité, ce qui pour nous correspond à mille jours ne représente qu’une seule journée pour Hachem, ainsi qu’il est dit « comme la journée d’hier quand elle est passée » (Téhilim 90, 4). De même, ce que nous appelons « mille heures » n’en sont qu’une aux yeux de D. Or le Chabbat est une parcelle du monde futur : c’est pourquoi lors de ce saint jour, Hachem considère notre heure selon Sa mesure du temps, et de ce fait « toute heure d’étude effectuée le Chabbat correspond à mille heures pendant la semaine. »
A PROPOS DE LA PARACHA
Le respect de la Torah
Une rangée de soldats à l’air grave précédait la délégation israélienne. Les membres de cette délégation étaient fouillés de près, tandis que la tension était palpable. On ne voit pas tous les jours de telles personnalités entrer dans le palais du président de ce pays sud-américain où se déroule l’histoire suivante. Ce président était connu pour la cruauté avec laquelle il traitait ses citoyens et pour son hostilité envers les juifs. Pas un jour ne passait sans que des gens soient envoyés en prison sans aucune raison. Pas une semaine ne s’écoulait sans que des citoyens innocents disparaissent. Quiconque osait montrer le moindre signe qui pouvait s’apparenter à un manque de respect pour le président et sa police, ou plus encore qui avait l’audace de vouloir les contester, encourait la peine de mort. La peur et la crainte régnaient dans le pays et ce palais représentait plus que tout la puissance du gouvernement.
Malgré tout, une délégation juive s’était préparée à rencontrer « Sa majesté le président ». Cette délégation, composée de l’ambassadeur d’Israël, d’un traducteur et de nombreux accompagnateurs, avait à sa tête le Rav Mordekhaï Eliahou, Grand Rabbin d’Israël. Tout le groupe a été accueilli dans le cabinet présidentiel et s’est installé face à l’imposant bureau. Après les salutations de rigueur, le Rav Eliahou a tendu au président un cadeau : un livre des « Maximes des Pères » traduit en espagnol. Le chef d’état l’a rapidement feuilleté, a remercié poliment et a posé l’ouvrage sur la table.
Plusieurs sujets ont été abordés au cours de l’entretien, et à un certain moment, le président a sorti un cigare et a commencé à fumer, posant le cendrier sur le livre.
Voyant cela, le Rav a tout naturellement tendu la main pour déplacer le cendrier et le remettre sur la table.
Toute l’assistance est restée muette de stupéfaction devant « l’audace » du Rav. L’ambassadeur est devenu blanc comme un linge, les membres de la délégation se tordaient les mains de nervosité et les gardes du président se préparaient déjà à recevoir l’ordre d’expulser les hôtes.
Le chef d’état, quant à lui, n’a rien dit mais s’est contenté de poser à nouveau le cendrier sur le livre.
« Demandez au président de déplacer le cendrier. On ne pose pas un tel objet sur un livre saint ! » a murmuré le Rav à l’ambassadeur assis à ses côtés. « Ce… ce n’est pas possible. Il ne convient pas de lui faire ce genre de remarques. Il n’apprécie pas les observations de manière générale », a balbutié l’ambassadeur. « Malgré tout, dites-lui de ne pas poser ainsi le cendrier. Il s’agit d’un livre saint ! » a répété Rav Eliahou avec entêtement. Le président, repérant les chuchotements, a demandé à l’ambassadeur ce qu’avait dit le Rav. L’ambassadeur a bafouillé quelque chose, sans donner de réponse claire. Le chef d’état a alors demandé au traducteur de lui faire part de ce qui se tramait, ce dernier s’est donc trouvé contraint de rapporter les paroles du Rav. Tout en répétant au traducteur qu’il ne convenait pas de poser un cendrier sur un livre saint, le Rav a de nouveau déplacé l’objet en question et l’a posé sur la table.
Après cette explication, le président n’a plus osé remettre le cendrier sur le livre… mais l’histoire ne s’arrête pas là pour autant. A l’issue de l’entretien, le président s’est levé, a tenu le Rav par le bras et a commencé à le raccompagner. Personne ne comprenait le sens de cette attitude, ni ce qui se cachait derrière cette marche : avait-il l’intention de le traîner lui-même en prison ? Ou peut-être voulait-il le livrer entre les mains des soldats qui se tenaient comme à l’habitude à l’extérieur du palais ?
Mais… qu’est-ce que c’est ? Que signifiait ce tapis rouge qui se déroulait à leurs pieds ? Pourquoi cette garde d’honneur ? Pour qui était tout cela ? Etait-ce vraiment uniquement pour honorer le Rav ? Il s’est rapidement avéré que tel était l’ordre du président : organiser rapidement la garde, dérouler le tapis rouge réservé aux chefs d’état et aux personnalités particulièrement éminentes, et se séparer de son hôte de la manière la plus respectable qui soit.
Le président en personne a raccompagné le Rav jusqu’à sa voiture, lui a ouvert la portière et l’a quitté en lui faisant une révérence. Juste avant de s’en aller, il lui a demandé de lui accorder une autre entrevue avant de rentrer en Israël.
Quelques jours plus tard, la seconde rencontre a eu lieu. Cette fois-ci, le président a exigé un rendez-vous privé. N’y ont participé ni les hommes du chef d’état, ni les délégués israéliens : uniquement le président et le Rav Eliahou. Tous deux ont dû s’arranger par eux-mêmes avec les contraintes de la langue. Ils sont restés enfermés dans la pièce quelques temps, avant de se quitter chaleureusement. Personne n’a voulu révéler ce qui avait été dit dans le bureau.
C’est seulement quelques années plus tard que le Rav Eliahou a accepté de dévoiler à son petit-fils ce qui s’était passé au cours de cette rencontre en tête à tête : « Au moment où la porte s’est refermée derrière nous, alors que je m’interrogeais encore sur le but de cette entrevue et que je me demandais pourquoi nous étions restés seuls, le président m’a surpris. Cet homme respecté, dont le seul nom faisait trembler toute la terre, s’est agenouillé devant moi et m’a embrassé les pieds. Puis il a baissé la tête et m’a demandé une bénédiction. Avant de la lui donner, je lui ai demandé en quoi il pourrait aider le peuple juif. Il a réfléchi quelques instants puis a annoncé qu’il vendrait du pétrole à bon prix à l’état d’Israël. Je lui ai demandé un soutien supplémentaire et il m’a promis, de manière générale, d’agir avec loyauté envers ses sujets juifs et de les respecter, ainsi que leur religion et leur mode de vie. En entendant cela, j’ai posé ma main sur sa tête et je l’ai béni pour qu’il ait le mérite d’être bon et d’agir en faveur du peuple juif. Le président a été très ému par cette bénédiction et nous nous sommes quittés amicalement. »
Lorsque l’ambassadeur a demandé au Rav pourquoi il avait mérité de recevoir un tel honneur de ce président généralement avare en attentions envers autrui, le Rav a tout simplement répondu : « C’est dit explicitement dans le verset ‘Exalte-la et on te glorifiera’ : si tu respectes la Torah, on te respectera également. Je n’ai pas mérité de tels honneurs en tant qu’individu. Je me suis juste soucié du respect de la Torah, et l’homme qui se tenait face à moi a su l’apprécier et a dès lors lui aussi honoré la Torah et ceux qui l’observent… »
GARDE TA LANGUE
De grands dégâts
Aucune distinction n’est faite quant au colportage, qu’il concerne un homme ou une femme, un adulte ou un plus jeune. Certaines personnes tombent dans le piège : lorsque quelqu’un voit deux jeunes se battre, il va le répéter aux parents de l’enfant battu. C’est alors que surviennent généralement de grands dégâts, car, animé d’une violente haine, le père d’Untel va frapper l’autre enfant, et de là naît une regrettable querelle entre les parents.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Les bénédictions ont un avenir
« J’ai habité avec Lavan et je me suis attardé jusqu’à présent, j’ai des bœufs et des ânes, du bétail, des serviteurs et des servantes, et je l’envoie dire à mon seigneur pour trouver grâce à tes yeux » (32, 5)
Rachi explique : « Je ne suis pas devenu grand et important mais je suis un étranger, tu n’as pas de raison de me haïr à cause de la bénédiction que m’a donnée ton père, ‘sois un chef pour tes frères’, car elle ne s’est pas réalisée. » Il dit quelque chose du même ordre sur « j’ai des bœufs et des ânes, du bétail, des serviteurs et des servantes » : Mon père m’avait dit : « de la rosée des cieux et des graisses de la terre », ce ne sont des produits ni du ciel ni de la terre.
Il faut comprendre en quoi c’est une consolation pour Essav. Il croit dans les bénédictions d’Yitz’hak, et si elles ne se sont pas encore réalisées, elles finiront certainement pour le faire !
Il convient de citer ce que disent nos Maîtres dans le Midrach (Béréchit Rabba 75, 6) : Les Sages enseignent que le bœuf, c’est le Machoua’h mil’hama (le cohen gadol qui accompagnait l’armée à la guerre), ainsi qu’il est dit : « Le taureau, son premier-né qu’il est majestueux ! », et l’âne, c’est le roi Machia’h, ainsi qu’il est dit à son propos : « pauvre et chevauchant un âne ». Les troupeaux, ce sont les bnei Israël, ainsi qu’il est dit : « Et vous, Mon troupeau, troupeau que je fais paître ».
Il faut comprendre ce que Ya’akov a voulu dire à Essav par tout cela, et comment cela va le faire trouver grâce à ses yeux ! Ya’akov a envoyé dire à Essav que les bénédictions ne s’étaient pas réalisées. Et si l’on dit : Ton père Yitz’hak t’a béni, et ses bénédictions ne seront certainement pas vaines ? Là-dessus il lui a répondu que les bénédictions ne s’accompliraient qu’après la venue du Machia’h. C’est pourquoi il lui a dit : « le bœuf, c’est le Machoua’h Mil’hama. Nos Maîtres ont expliqué qu’il s’agit du Machia’h ben Yossef, et l’âne c’est le roi Machia’h. Quant à toi, Essav, tu ne crois en rien de tout cela, car il est dit (Béréchit Rabba 63, 14) qu’Essav, au moment de la vente du droit d’aînesse, a nié la résurrection des morts. Donc tu n’as pas de raison de me détester à cause de bénédictions, qui se réaliseront en un temps auquel tu ne crois pas.
A LA SOURCE
« Ya’akov craignit beaucoup et fut plein d’anxiété » (32, 8)
Pourquoi cette double expression pour décrire la peur de Ya’akov devant son frère Essav ?
Le Kli Yakar répond que lorsque Ya’akov a entendu que son frère Essav venait à sa rencontre accompagné de quatre cents guerriers, outre le fait qu’il a craint cette rencontre qui s’approchait, il a été angoissé du fait que cela contenait probablement la mauvaise nouvelle de la mort de son père Yitz’hak. En effet, Essav avait dit avant sa fuite à ‘Haran : « Les jours du deuil de mon père s’approcheront et je tuerai mon frère Ya’akov ». S’il médite à présent de lutter avec lui et de le tuer, il faut croire que son père n’est plus en vie.
A cause de cette mauvaise nouvelle, « il fut plein d’anxiété », Ya’akov a été angoissé du décès de son père.
« Il prit ce qu’il avait sous la main comme cadeau à Essav son frère » (32, 14)
Comme Ya’akov voulait plaire à son frère en lui envoyant ce beau cadeau, il aurait été souhaitable qu’il choisisse les meilleures bêtes parmi le petit et le gros bétail et les chameaux, alors pourquoi a-t-il pris « ce qu’il avait sous la main » ?
On en trouve une merveilleuse explication dans le livre « Kehilat Yitz’hak » au nom de Rabbi Moché Chimon HaCohen de Vilna, d’après ce qu’écrit le « Darkei Moché » (Yoré Dea 35) : J’ai trouvé au nom de Rabbi Yéhouda ‘Hassid qu’il faut faire passer la main sur la bête pendant qu’elle est vivante. Si elle s’incline vers le sol sous la main de l’homme, elle est certainement cachère, et sinon, elle est treifa. Le signe en est : « Un cœur brisé et incliné, Hachem ne le méprise pas. »
C’est ce que dit ici le verset dans « ce qu’il avait sous la main » : ce sont les bêtes qui sont restées fermes sous la main sans s’incliner vers le sol quand Ya’akov a passé la main sur elles.
Et celles qui s’étaient inclinées sous la main et s’étaient abaissées, il les a gardées pour lui-même, car c’était un signe qu’elles étaient cachères. Mais celles qui ne se sont pas inclinées, il les a envoyées en cadeau à Essav.
« Il prit ce qu’il avait sous la main comme cadeau à Essav son frère » (32, 14)
Dans son livre « Yisma’h Israël », le gaon Rabbi Ya’akov ‘Haïm Sofer donne une raison pour laquelle Ya’akov a envoyé à son frère Essav un cadeau aussi important : deux cents chèvres, vingt boucs, etc. Il dit : « C’est parce que Essav avait certainement loué les services de ces quatre cents hommes, ou leur avait dit : « Tuons Ya’akov, et partageons le butin entre nous. »
Il serait donc difficile pour Essav de faire la paix avec lui s’il devait payer le salaire des quatre cents hommes. Mais maintenant qu’il avait reçu ce cadeau, il pourrait l’utiliser pour les payer, c’est pourquoi cela pouvait jouer en faveur de la paix.
« Mettez un espace entre chaque troupeau » (32, 17)
Selon Rachi, Ya’akov a mis un espace entre les troupeaux pour « rassasier les yeux de ce méchant ». Le ‘Hafets ‘Haïm apprend de là (cité dans son livre « Pir’hei Chochana ») un grand principe : « La Torah nous apprend ainsi que lorsqu’on a besoin de corrompre un goy, pour faire annuler un décret ou quelque chose de ce genre, si on le fait avec de l’argent, il faut lui donner cet argent en petites coupures pour rassasier ses yeux. Pourquoi cela ? Parce que si on lui donne la somme en grosses coupures, cela ne fera pas sur lui la même impression qu’un gros paquet de petites coupures.
La lumière du Zohar
« Sauve-moi, je Te prie, de la main de mon frère, de la main d’Essav, car je le crains, de peur qu’il ne vienne me frapper, la mère sur les enfants » (32, 12).
On apprend de là que celui qui prononce une prière doit se montrer très spécifique. « Sauve-moi je Te prie » – et si tu dis que Tu m’as déjà sauvé de Lavan, « de la main de mon frère » – et si tu dis qu’on appelle frères d’autres proches parents, « de la main d’Essav ».
Pourquoi s’est-il tellement étendu là-dessus ? Pour bien donner tous les détails, comme il convient. Et si l’on demande pourquoi il le lui fallait ? « Car je le crains, de peur qu’il vienne me frapper, la mère sur les enfants », pour que la chose soit bien claire, il faut la détailler et ne pas rester dans le vague.
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Qui est content de son sort
Le « Keli Yakar » affirme que de manière générale, les tsaddikim sont satisfaits, contents de leur sort, et ont l’impression de tout avoir même s’ils ne possèdent que peu, à l’instar de notre père Ya'akov qui a dit : « Puisque D. m’a favorisé et que j’ai tout » (Béréchit 33, 11). Essav au contraire, a dit « J’ai beaucoup ! » car les impies ont toujours l’impression de manquer de quelque chose, même s’ils possèdent tout l’or et l’argent du monde. Ils ont beaucoup, mais jamais suffisamment, comme le dit le principe connu : « Celui qui a cent parts en désire deux cents. »
Où vaut-il mieux se trouver ?
On raconte que Rabbi Yitz’hak Schorr zatsal, président du tribunal du village de Gvazditch, fuyait les honneurs, haïssait le gain et se suffisait de peu. Sa ville était petite et pauvre, mais il ne s’est pas pour autant laissé séduire par une lettre du rabbinat qu’on lui apportait d’une riche et grande ville allemande. Voici ce qui s’est passé : les chefs de la communauté d’une ville grande et riche sont venus lui demander d’accepter un nouveau poste en lui promettant un salaire très élevé.
Ils ont procédé ensemble à tous les calculs, et le Rav leur a montré que les entrées seraient juste à la hauteur des dépenses. Il ne gagnerait rien financièrement par rapport à son poste actuel dans son village pauvre et petit. Il s’avérait donc que dans la grande ville, il serait beaucoup plus occupé sans pour autant mieux gagner sa vie…
Les chefs de la communauté lui ont alors répondu : « Dans ce cas, nous vous accordons un salaire encore supérieur afin que vous soyez bénéficiaire. » Mais le Rav a répliqué : « Comment pourrais-je financer le voyage entre les deux villes ? »
Etonnés par cette question, les envoyés ont répondu : « Pensez-vous que le prix du voyage soit un obstacle quand il s’agit de faire venir Votre honneur chez nous ? Nous vous conduirons, avec votre famille, même dans de magnifiques fiacres. Il n’y a pas lieu de s’en inquiéter ! »
Le Rav leur a alors répondu : « Je ne me soucie pas pour ce trajet mais plutôt pour celui du retour. En effet, qui sait si je conviendrai à la communauté ? Et si la communauté me plaira ? Je devrai peut-être revenir ici, et qui me payera alors le voyage ? C’est pourquoi il est préférable que je reste installé dans ma petite ville et que je me satisfasse de ce qui m’appartient aujourd’hui. »
N’avoir besoin de rien
Lors d’un de ses cours, le Admour de Klausenburg (Rabbi Yekoutiel Yehouda Halberstam), a raconté qu’un Rav était venu le voir après avoir été libéré des nazis, et lui avait demandé : « Rabbi ! Les disciples à qui vous enseignez la Torah possèdent-ils tout ce dont ils ont besoin lorsqu’ils étudient en permanence ? » Le Admour avait répondu : « Je leur apprends à n’avoir besoin de rien et donc, de ce fait, ils ont tout ce qu’il leur faut… »
L’éducateur Rabbi Moché Aharon Stern, machguia’h de la yéchiva « Kamenitz », a écrit dans « Bayit Ouménou’ha » : « J’ai constaté un phénomène étrange : plus on possède de biens, moins on en a ! Par exemple, essayez d’entrer chez un érudit qui vit dans la misère et demandez-lui de vous héberger. Vous remarquerez que la maison est pleine d’enfants mais que la famille accueillera volontiers un hôte en mettant plusieurs enfants dans la même chambre juste pour recevoir un invité. A l’inverse, un homme aisé qui dispose de nombreuses pièces trouvera toujours le prétexte de ne pas avoir assez de place : ceci est la chambre à coucher, l’autre est la salle à manger, cette chambre est un salon, et cette pièce est une bibliothèque. Ainsi, il tentera de vous persuader qu’il vous aurait volontiers accueilli mais qu’il n’a pas de place, que pourrait-il faire… »
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
On m’a envoyé du ciel
Le dimanche 10 Adar 5755, Rabbi David ‘Hanania Pinto était « sandak » à une circoncision à Paris chez le Rav David Cohen, un membre important de la communauté.
Lors de la réception suivant la circoncision, un des invités a pris la parole pour raconter cette extraordinaire histoire : il avait voyagé à Mogador pour participer à la dernière hilloula de Rabbi ‘Haïm Pinto. Il souffrait à cette période de douleurs très intenses aux jambes et avait de nombreux autres problèmes de santé qui l’empêchaient de marcher seul. Il avait donc toujours besoin de deux personnes pour l’aider à se déplacer.
Arrivé à destination, il a décidé de dormir près du tombeau du tsaddik : peut-être par le mérite de la sainteté du Rav, D. lui enverrait une guérison complète ! C’est donc ce qu’il a fait : il a dormi près du tombeau.
Pendant la nuit il a rêvé que le tsaddik Rabbi ‘Haïm venait en personne l’opérer des jambes. Puis le Rav lui a dit : « Par le mérite de la confiance que vous avez en Hachem et dans les justes, sachez qu’on m’a envoyé du ciel exprès pour vous guérir. Maintenant vous pouvez vous lever car vous n’êtes plus souffrant et vous pouvez rentrer en France sans l’aide de qui que ce soit ! Réveillez-vous ! »
Il s’est immédiatement réveillé et s’est mis à réfléchir sur son rêve, en pensant : « Ce n’est peut-être qu’un songe. J’ai dormi près du tombeau en espérant être guéri par le mérite du tsaddik et c’est pourquoi j’ai fait ce rêve. Les rêves sont vains. »
Mais soudain il a senti, involontairement, ses jambes bouger. Il a essayé de se lever sans se faire aider et… miracle ! Il y est parvenu sans aide, sous les yeux de tous ses voisins.
En voyant cela, ses amis stupéfaits, se sont exclamés : « Monsieur Bensoussan, que vous arrive-t-il ? Vous êtes-vous moqués de nous jusqu’à présent en prétendant être souffrant et ne pas pouvoir marcher ? Avez-vous fait semblant d’être handicapé ? » Saisi d’une émotion intense, il leur a fait part de son rêve à la fois terrible et merveilleux. A ce moment-là, la joie a explosé parmi tous les présents et une grande sanctification du nom de D. a été réalisée près du tombeau de Rabbi ‘Haïm Pinto, le jour de sa hilloula. Que son mérite nous protège.