VAYEHI 7 JANVIER 2012 12 TEVET 5772 |
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Ainsi on sanctifie le nom divin dans le monde
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« On y employa quarante jours ; car on emploie autant de jours pour ceux qu’on embaume. Les Egyptiens portèrent son deuil soixante-dix jours. Yossef partit pour ensevelir son père. II fut accompagné par tous les officiers de Par’o, les anciens de sa cour, par tous les anciens du pays d’Egypte. L’habitant du pays, le Cananéen, vit ce deuil de l’Aire-du-Buisson et ils dirent : ‘Voilà un grand deuil pour l’Egypte !’ C’est pourquoi on nomma Evel Mitsrayim ce lieu situé de l’autre coté du Jourdain. »
Les bnei Israël et les Egyptiens ont pleuré le décès de Ya’akov durant quarante jours puis soixante-dix jours supplémentaires. Yossef et ses frères ont quitté l’Egypte pour accompagner leur père à sa dernière demeure et tous les anciens et notables du pays se sont joints à eux. Face à cette immense affliction, le peuple cananéen s’est dit « Voilà un grand deuil pour l’Egypte ! » et ont qualifié le décès de Ya’akov de « deuil égyptien (Evel Mitsrayim) ».
Ceci est très étonnant : il s’agissait d’un deuil pour le peuple juif, pourquoi donc les Cananéens l’ont-ils surnommé « deuil égyptien » ? Quel sens cela a-t-il ?
De plus, Yossef est monté en Canaan accompagné de toute l’armée de Par’o, de ses princes et de ses serviteurs. Ils auraient donc pu facilement soumettre tous les peuples de ce pays. Nous savons bien qu’ils ne craignaient pas de tomber entre les mains de ces habitants : pourquoi alors le peuple d’Israël a-t-il décidé de retourner en Egypte et non de s’emparer du pays à ce moment-là ?
Je pense que les Cananéens ont été très surpris de voir les bnei Israël enterrer Ya’akov en Canaan puis retourner de suite en Egypte. En effet, ils savaient que la terre d’Israël leur était promise et qu’ils auraient donc pu y rester et vaincre tous les peuples qui habitaient le pays. De plus, les fils de Ya’akov étaient réputés comme de puissants hommes de guerre qui avaient écrasé tous les peuples alentours, lorsque Chekhem fils de ‘Hamor avait souillé leur sœur Dina. Mais malgré tout les bnei Israël sont immédiatement retournés en Egypte dès la fin des jours de deuil, au lieu de combattre les peuples du pays, comme il est écrit « Yossef, après avoir enseveli son père, retourna en Egypte avec ses frères et tous ceux qui l’avaient accompagné pour ensevelir son père. »
D’après moi, le peuple d’Israël connaissait les termes de l’alliance conclue entre D. et les Patriarches : ils seraient d’abord asservis et soumis en Egypte pendant quatre cents ans avant de sortir avec une grande richesse, de recevoir la Torah au mont Sinaï et de mériter d’entrer en terre d’Israël. Ainsi, les bnei Israël n’ont pas voulu hâter la délivrance et se sont conduits selon l’ordre de Hachem. C’est la raison pour laquelle ils se sont empressés de retourner en Egypte dès la fin des jours de deuil.
Face à ce comportement du peuple d’Israël, les Cananéens ont défini ce grand malheur comme un « deuil égyptien ». En effet, le peuple d’Israël s’est rendu en Canaan « sous la citoyenneté égyptienne » si l’on peut dire car ils se sentaient encore attachés à l’Egypte. Ils ne se considéraient pas comme un peuple à part entière car ils n’avaient pas encore mérité d’être sauvés et de recevoir la Torah. C’est pourquoi ils se sont dépêchés de retourner à leur travail jusqu’à que D. Lui-même les délivre. Le comportement des bnei Israël a inspiré le respect de D. au sein des nations du monde, forcées de constater que le peuple juif était soumis à Ses commandements. En effet, bien que puissants et accompagnés de toute l’armée égyptienne, les bnei Israël se sont pliés au décret de Hachem et sont rentrés en Egypte.
On rapporte dans la Torah que Avimélekh et son chef d’armée Pikhol étaient venus chez Avraham et Yitz’hak afin de conclure une alliance avec eux, engageant le peuple d’Israël à ne pas porter atteinte à leur descendance et à ne pas leur causer de mal. La seule volonté d’Avimélekh de sceller une alliance avec Avraham et Yitz’hak prouve la foi du roi en la promesse de D. : Avimélekh était persuadé que Hachem ferait sortir les bnei Israël d’Egypte et leur octroierait la terre de Canaan où il habitait alors. D’ailleurs le peuple guirgachi, l’une des sept nations habitant alors le pays, a quitté la terre de Canaan avant même d’entamer une guerre. En effet, ils étaient pleinement conscients que cette terre était la propriété du peuple d’Israël.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, lors du décès de Ya’akov, tous les princes d’Egypte ont quitté leur lieu d’habitation pour accompagner le défunt à sa dernière demeure. Bien que conscientes que la terre de Canaan appartienne au peuple juif, les nations habitant alors le pays n’ont pas craint que les bnei Israël les chassent pendant le deuil de Ya’akov. En effet, le moment n’était pas encore arrivé pour eux d’hériter de la terre : la première partie de l’alliance ne s’était pas encore concrétisée. C’est uniquement après son asservissement en Egypte durant quatre-cents ans que le peuple juif méritera d’être sauvé et d’entrer en Israël.
Les Cananéens ont donc désigné le deuil des bnei Israël pour la disparition de Ya’akov par le nom de « deuil égyptien » car ils ont constaté que cette nation était encore sous la tutelle de l’Egypte et ne se considérait pas comme un peuple à part entière. Ainsi, il n’y avait aucun risque qu’ils les combattent et les chassent de leur terre. L’attitude des bnei Israël a entraîné l’admiration et la glorification du nom divin dans le monde ; tous les autres peuples ont été forcés de constater que les juifs étaient soumis à D. et suivaient Ses voies. En effet, le plus important est d’accomplir Sa volonté puis, ensuite seulement, de considérer l’aspect matériel : la terre d’Israël.
LES HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Restitution d’un bien, au bénéfice de quelqu’un
Le livre de Chemouël rapporte l’épisode des ânesses que Kich, le père du roi Chaoul, avait perdues. Ainsi il avait dit à Chaoul : « Prends avec toi un des jeunes gens et va chercher les ânesses égarées. » Chaoul avait alors répliqué à son père : « Je dispose d’un quart de chékel. Je vais le donner à l’homme de D. et il nous indiquera le chemin à suivre pour retrouver ce que nous avons perdu. »
Ainsi auparavant, lorsqu’on égarait un bien, on ne déposait pas plainte à la police : on préférait donner de la tsedaka à un tsaddik. C’est ainsi que les choses se déroulent chez les tsaddikim : nous formulons un vœu pour leur bénéfice puis Hachem nous accorde Son aide. L’histoire suivante (tirée de l’ouvrage Chnot ‘Haïm) en est un témoignage :
Le jour du mariage de son fils, Rabbi Ya’akov Odis a offert au marié un bracelet en or sur lequel était gravé le nom de ce dernier. Le marié s’en est grandement réjoui mais le jour même, il a égaré le bijou. Il est rentré chez lui, triste et malheureux que cela lui arrive le jour de son mariage, quelques heures seulement après avoir reçu le cadeau. Le fiancé n’a pas révélé à son père ce qui s’était produit mais est allé déposer une plainte à la police.
En même temps, il a promis de donner une importante somme d’argent au bénéfice du tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto, s’il retrouvait son précieux bracelet. Et, miracle : le lendemain du mariage, le jeune époux est retourné à l’endroit où il avait perdu son cadeau la veille et il a trouvé le bracelet déposé à l’endroit précis où il l’avait laissé. Voyant cela, le propriétaire de l’endroit lui a confié :
« Je ne comprends pas. Ce lieu a déjà été nettoyé quatre fois entre hier et aujourd’hui. Nous avons tout jeté mais ‘nos yeux n’ont pas vu’ ce bracelet... »
A PROPOS DE LA PARACHA
La force de vivre
« On dit à Yossef : ‘Ton père est malade.’ Et il partit emmenant ses deux fils, Ménaché et Ephraïm. » (48, 1)
La mitsva de rendre visite aux malades est un moyen dont nous disposons pour nous attacher à la sainte Chekhina et pour agir à l’image de D. « Il pourvoit à l’habillement des démunis, tu le feras aussi ! Il a rendu visite aux malades, tu le feras également ! » (Sota 14a).
Le Gaon Rabbi Ytz’hak Zilberstein a rapporté dans son cours une décision halakhique intéressante et surprenante du Gaon Rabbi Moché Feinstein (tel que cela a été transmis par son disciple Rav Grinwalt dans les Responsa « Revavot Ephraïm »), qui révèle combien rendre visite aux malades est une grande mitsva au pouvoir extraordinaire. Voilà ce qui s’est passé :
Un érudit vivant aux Etats-Unis devait subir une intervention cardiaque. Un bon médecin de sa propre ville, mais qui n’avait pas amassé beaucoup d’expérience dans ce domaine, était prêt à l’opérer. Par ailleurs, à mille kilomètres de chez lui se trouvait un grand centre médical spécialisé dans les opérations cardiaques où exerçaient des docteurs réputés, forts de leur expérience.
Tous ses proches et ses connaissances lui ont conseillé d’aller se faire soigner chez les grands docteurs plutôt que chez le médecin local ayant pratiqué peu d’opérations comme celle-ci.
Cet homme sage a consulté Rabbi Moché Feinstein, lequel lui a demandé de se renseigner sur le nombre d’interventions cardiaques déjà réalisées par le médecin local. Il s’est avéré que celui-ci avait pratiqué 92 opérations de ce genre. Malgré cette expérience considérée comme très pauvre, le Rav lui a recommandé de se rendre chez ce docteur et de ne pas voyager jusqu’au centre médical. Rabbi Moché a justifié son conseil ainsi :
« Dans cet endroit reculé, vous serez isolé. Personne ne pourra vous rendre visite du fait de la distance. Dans votre ville en revanche, nombre de vos connaissances accompliront la mitsva de « bikour ‘holim », qui détient le pouvoir et la force d’apporter la guérison ! En effet les gens viennent, adressent des bénédictions et réalisent la mitsva à propos de laquelle la michna dit ‘elle porte ses fruits dans ce monde-ci et son capital est préservé jusqu’au monde à venir’ : cela contribue beaucoup au bon rétablissement.
De plus, vous permettrez ainsi aux autres d’accomplir la mitsva de venir vous rendre visite et ce mérite vous sera bénéfique ! Il est donc préférable de se faire opérer ici, même chez un médecin débutant, plutôt que loin, chez des grands docteurs. En effet là-bas la mitsva de ‘bikour ‘holim’ ainsi que le mérite d’en faire profiter la collectivité vous feront défaut. »
Ce patient a assuré avoir mis en application la recommandation du Rav et avoir subi une opération réussie. Il a été hospitalisé durant trente-et-une semaines : de nombreux amis et connaissances lui ont rendu visite, l’ont encouragé et il a complètement guéri.
Loin du cœur
On raconte que Rabbi Moché Feinstein avait pris l’habitude, durant une certaine période, de faire un détour en rentrant de la synagogue le Chabbat : il allait rendre visite à une personne atteinte d’une maladie chronique.
Le Rav a une fois fait remarquer à quelqu’un qui l’accompagnait l’importance de cette mitsva : la nature fait que les personnes qui restent souffrantes pendant longtemps finissent par être oubliées avec le temps.
Un jour, un patient hospitalisé à New-York a été surpris de voir Rabbi Moché lui rendre visite alors qu’il ne le connaissait pas personnellement. En réalité, le Rav avait appris que ce jour-là un juif était hospitalisé et n’avait aucun visiteur. Après être venu le voir, le Rav a alors décidé de se rendre également auprès des autres patients.
L’obligation de voyager
On raconte que le Gaon Rabbi ‘Haïm Kanievski s’est un jour rendu à Jérusalem pour s’installer au chevet de son beau-père le Gaon Rabbi Yossef Chalom Eliachiv. Celui-ci a demandé à son gendre avec son habituelle modestie : « Y a-t-il une obligation de voyager dans une autre ville pour y accomplir la mitsva de ‘bikour ‘holim’ ? »
Rabbi ‘Haïm lui a répondu : « La Guemara dit (Nedarim 40a) : ‘quiconque visite un malade lui apporte la vie...’ »
Le docteur ne craint rien !
Un des élèves du Gaon Rabbi Baroukh Ber Leibowitz de la yéchivat Kamenitz était atteint d’une maladie contagieuse. Le machguia’h, Rabbi Naftali Leibovitz, a décidé qu’en dépit du danger de contagion, il devait rendre visite à son disciple souffrant. Comme il est raconté dans l’ouvrage « Harav Domé Lémalakh », il s’est justifié ainsi :
« Si le médecin lui-même n’hésite pas à aller le voir pour les trois florins qu’il va recevoir, à plus forte raison nous ne devons pas nous en abstenir, afin d’accomplir la belle et unique mitsva de rendre visite aux malades. »
GARDE TA LANGUE
Querelle et dispute
Il faut faire très attention à n’écouter aucun colportage, y compris ceux de son épouse. Hormis le fait qu’écouter ces propos est une faute, cela apporte de nombreux malheurs. En effet, voyant que son mari écoute ses histoires avec intérêt, elle lui en racontera constamment, entraînant ainsi colère, discorde, querelle et affliction.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
La délivrance dépend de l’unité des bnei Israël
« Yossef adjura les bnei Israël en disant : D. vous visitera certainement, alors vous emporterez mes ossements de ce pays. »
Il faut comprendre pourquoi il a fait jurer à ses frères d’emmener ses ossements, plutôt que de le faire jurer à ses fils.
Il faut également comprendre pourquoi il leur a annoncé que D. allait les visiter et les faire monter en Erets Israël au moment où il a voulu leur faire jurer d’emmener ses ossements d’Egypte en Erets Israël. Ils savaient certainement que D. les délivrerait, comme Il l’avait dit à Avraham, et qu’ensuite ils sortiraient avec de grands biens. On est donc obligé de dire qu’il y a un rapport entre la délivrance et le serment qu’il leur fait prononcer, et il faut comprendre quel est ce rapport, ainsi que la raison du terme double « pakod ifkod » (traduit par « vous visitera certainement »).
Il semble que Yossef craignait que ses frères gardent en leur cœur de la haine contre lui, si bien qu’ils ne voudraient pas faire monter ses ossements avec eux en Erets Israël. Et s’ils ne le voulaient pas, il y avait lieu de craindre qu’ils n’empêchent aussi ses fils de le faire, c’est pourquoi il a évoqué pour eux la délivrance. En effet, c’est un grand principe que la délivrance dépend de l’unité des bnei Israël, et il a voulu susciter en eux cette prise de conscience afin qu’ils restent unis avec lui en emmenant ses ossements avec eux.
Cela permet également de comprendre pourquoi ce sont ses frères qu’il a fait jurer. Le risque qu’ils ne veuillent pas faire monter ses ossements ne s’appliquait qu’à eux, mais il n’y avait aucun besoin de faire jurer ses fils, qui emmèneraient certainement ses ossements avec eux en Erets Israël.
D’après cela, on comprend aussi que Yossef ait employé le doublet « pakod yifkod », comme lorsqu’il a dit à Par’o plus haut (Béréchit 41, 32) : « En ce qui concerne le redoublement du rêve pour Par’o, c’est que la chose est décidée par D., et Il est sur le point de l’accomplir. » De la même façon, Yossef leur a dit que s’ils restaient unis, D. les délivrerait rapidement.
A LA SOURCE
« Israël vit les fils de Yossef et dit : qui sont ceux-là ? » (48, 8)
Le Or Ha’Haïm objecte que pendant dix-sept ans, les fils de Yossef ont vécu avec Ya'akov pour apprendre la Torah de sa bouche, donc comment peut-il demander : « Qui sont ceux-là ? » Les Sages expliquent qu’il a eu la vision du fait que des méchants allaient sortir d’eux. Mais le Ora’h ‘Haïm écrit qu’il est possible que Ya'akov ait cherché de cette façon à éveiller l’amour du père pour son fils avant qu’il les bénisse, afin que la bénédiction soit renforcée par l’amour et la tendresse. C’est pourquoi il a demandé : « Qui sont ceux-là ? », pour entendre de la bouche de son fils bien-aimé : « Ce sont mes fils. » Alors il se trouverait bouleversé d’amour pour eux, comme dans le verset « Plus j’en parle, plus je veux me souvenir de lui, mes entrailles se sont émues en sa faveur, il faut que je le prenne en pitié. » (Yirmiyah 31, 19).
« Agis envers moi avec bonté et vérité » (47, 29)
Que signifie « bonté et vérité » ? Par nature, ce sont deux choses opposées. S’il y a « bonté », cela montre qu’on est allé au-delà de la stricte justice, alors que « vérité » indique quelque chose qui est essentiellement en accord avec la justice. Rabbi Chelomo Ganzfried écrit dans « Apirion » qu’au début, Ya'akov a demandé à Yossef de lui jurer qu’il ne serait pas enterré en Egypte, et cette demande d’un serment était de la catégorie de la « bonté ». Mais ensuite, une fois que Yossef le lui a juré, il sera obligé d’accomplir son serment en tant que « vérité ». Et dans ce cas, « bonté et vérité » vont de pair.
« Les yeux d’Israël étaient lourds de vieillesse » (48, 10)
Est-ce que le fait que les yeux de Ya'akov étaient lourds et qu’il ne voyait plus dans sa vieillesse est cité comme un éloge ou au contraire comme un manque ?
Le Ritba, dans son commentaire sur le traité Yoma, éclaire ce point :
« Nous ne devons certainement pas penser qu’à cause de son grand âge ses yeux s’étaient alourdis et qu’il ne pouvait plus voir, car il est écrit « ceux qui espèrent en Hachem trouveront de nouvelles forces ». Mais au contraire, il étudiait énormément, ce qui fatigue beaucoup, si bien que ses yeux étaient devenus lourds et qu’il ne pouvait plus voir. C’est donc à son honneur que l’Ecriture le signale, et non comme un défaut.
« Yossef est un rameau fertile, un rameau fertile au bord d’une fontaine (ayin) » (49, 22)
Les Ba’alei HaTossefot ont objecté dans la Guemara (Baba Metsia 106a) : les Sages ont dit que le mauvais œil (ayin) n’avait aucune emprise sur les descendants de Yossef. S’il en est ainsi, ils auraient dû être plus nombreux que ceux des autres tribus, car il est dit dans la Guemara que quatre-vingt dix-neuf personnes meurent à cause du mauvais œil et une seule par cause naturelle. Donc les descendants de Yossef, qui n’étaient pas sujets au mauvais œil, auraient dû être plus nombreux que ceux des autres tribus.
Mais il y a lieu de s’étonner : d’où les Tossefot savaient-ils qu’ils n’étaient pas plus nombreux que chez les autres tribus ?
Le livre « Peninei Kedem » explique que les tribus de Menaché et Ephraïm ensemble étaient au nombre de soixante-douze mille sept cents, alors que la tribu de Yéhouda, par exemple, comptait soixante-quatroze mille six cents hommes, plus que les tribus de Menaché et Ephraïm mises ensemble. Et si nous disons que les descendants de Yossef vivaient beaucoup plus longtemps que ceux des autres tribus, ils auraient dû être plus nombreux. C’est de là qu’on tire qu’ils ne l’étaient pas. C’est pourquoi les B’alei Hatossefot ont expliqué qu’ils mouraient de causes naturelles plus que les autres tribus.
LA LUMIERE DU ZOHAR
Les jours d’Israël s’approchèrent de leur fin (47, 29)
Rabbi Yossi a dit qu’il n’est pas écrit « et le jour d’Israël approcha » mais « les jours ». Combien de jours de la mort y a-t-il pour quelqu’un ? Il quitte le monde en un seul instant !
Mais quand le Saint béni soit-Il veut ramener à Lui une âme, tous les jours que l’homme a vécu en ce monde sont examinés par Lui et rentrent dans le compte, et lorsque l’homme est mort, Il ramène son âme à Lui.
Heureux est le sort de celui dont les jours s’approchent du Roi sans honte, aucun jour n’étant rejeté au dehors parce qu’en ce jour il avait commis une faute. C’est pourquoi pour les tsaddikim il est écrit que leurs jours « s’approchent », parce qu’ils s’approchent du Roi sans aucune honte.
Malheur aux méchants pour qui on ne peut pas parler de « rapprochement », ce mot ne figure pas en ce qui les concerne, car comment pourraient-ils s’approcher du Roi, alors que tous leurs jours ont été remplis de faute ?
(Parachat Vaye’hi 221a)
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Sois accueillant
Nos Sages nous livrent deux explications bien connues sur le fait d’adresser à autrui un visage chaleureux et souriant, en se basant sur le verset de notre paracha : « et les dents toutes blanches de lait » (49, 12).
La Guemara rapporte (Ketoubot 111b) : « Plus grand est celui qui révèle la blancheur des dents de son ami que celui qui lui sert du lait, comme il est écrit ‘et les dents toutes blanches de lait’ ; il ne faut pas lire ‘les dents toutes blanches (lévèn chinayim)’ mais plutôt ‘la blancheur des dents (liboun chinayim)’. » Nos Sages ajoutent (Tan’houma Yachan, Béréchit) « et les dents toutes blanches de lait » : ‘lorsqu’il rit, ses dents apparaissent.’ En d’autres termes, l’invité apprécie l’accueil chaleureux de son hôte plus que le lait proposé par celui-ci. En effet, l’invité est gêné et mal à l’aise de manger face à un visage désagréable. On raconte que le ‘Hazon Ich a mené une vie pavée de grandes souffrances mais qu’il arborait toujours un visage agréable, comme il est dit dans la Guemara Traité Ketoubot (Ketoubot 111b) « et les dents toutes blanches de lait : plus grand est celui qui révèle la blancheur des dents de son ami que celui qui lui sert du lait. » Le ‘Hazon Ich a lui-même souligné dans ses écrits que « parfois, un seul mot positif peut rendre une journée agréable. »
Un accueil affable
Quiconque se rendait chez le Gaon de Tchibin, Rabbi Dov Baroukh Weidenfeld, était accueilli chaleureusement. Le Rav les accueillait affablement et gentiment, et prêtait une oreille attentive à toutes les requêtes, même les plus inhabituelles. Venait habituellement chez le Rav un homme qui aimait profiter de son bon cœur et de sa générosité. « Pour le remercier », il racontait à son tour de longs commentaires de Torah, que le Rav écoutait calmement sans l’interrompre. Lorsqu’on a demandé au Gaon de Tchibin pourquoi il l’écoutait pendant si longtemps, gaspillant ainsi du temps précieux, il a répondu : « Accueillir autrui avec bienveillance, l’écouter gentiment et patiemment ne fait-il pas partie de la mitsva de ‘hessed qui nous incombe ? »
Avec une telle amabilité
Rabbi Yitz’hak Méïr ben Mena’hem (gendre du Gaon Rabbi Meltzer) passait une fois dans la rue avec Rabbi Chalom Schwadron. Ils ont rencontré la veuve d’un sage éminent qui marchait en compagnie d’un avrekh de la famille.
Rabbi Yitz’hak Méïr a demandé des nouvelles de la veuve ainsi que de chacun de ses enfants. Puis, toujours souriant, il s’est enquis très aimablement du avrekh et de sa famille dans les moindres détails.
Après les avoir quittés, Rabbi Yitz’hak Méïr a demandé à Rabbi Chalom Schwadron :
« Dites-moi s’il-vous-plaît, qui est ce jeune homme ? » Stupéfait par le comportement de son maître, Rav Schwadron s’est exclamé :
« Vous avez conversé avec lui avec joie et affection comme si vous le connaissiez depuis toujours alors que vous ne l’aviez jamais vu ? »
D’après ce qui est raconté dans le livre « Bédérekh ‘Ets Ha’hayim », Rabbi Yitz’hak Méïr lui a répondu : « J’ai appris cela de mon beau-père le grand Rabbi Isser Zalman Meltzer qui m’a habitué à accomplir la michna de Pirkei Avot ‘Accueille tout un chacun avec un visage rayonnant’. »
L’ouvrage « Tiféret Refael » rapporte cette extraordinaire histoire narrée par un petit-fils de Rabbi Raphaël Levine : « C’était lors d’une période de ‘hol hamoed où la maison du Rav était constamment remplie de visiteurs. Je me suis alors installé avec mon grand-père, un soir tard.
Toute cette agitation le fatiguait énormément mais il continuait de recevoir chacun avec une patience infinie et d’accorder à tout le monde un accueil chaleureux. Lorsque je me suis assis près de lui, il semblait déjà épuisé et je m’apprêtais à le quitter.
Puis soudain est apparu à l’entrée un de ses disciples, qui avait trouvé judicieux, pour une raison ou une autre, de lui rendre visite justement à cette heure-là. Je suis resté de côté, sans en croire mes yeux. Rabbi Raphaël s’est presque transformé. Il l’a accueilli et l’a fait entrer avec une bienveillance et une chaleur extraordinaires, lui donnant l’impression qu’il n’attendait que lui... Mais il a agi si spontanément que seul moi, qui l’avais vu juste avant, pouvais discerner le grand « travail » qu’il dissimulait et qui est resté profondément gravé en moi. »