VAERA 21 JANVIER 2012 26 TEVET 5772 |
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L’annulation du libre arbitre
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Va vers Par’o le matin au moment où il sort vers le fleuve, tiens-toi en face de lui au bord du fleuve, et prends en main la bâton qui s’est transformé en serpent » (Chemot 7, 16)
Dans son commentaire, Rachi donne comme raison de l’ordre de Hachem à Moché de sortir le matin au bord du fleuve que Par’o se prend pour un dieu et dit qu’il n’a pas de besoins naturels : il se lève tôt pour aller vers le Nil y faire ses besoins. Hachem ordonne à Moché d’aller vers le fleuve pour montrer à Paro qu’il sait qu’il a effectivement des besoins naturels, qu’il trompe son peuple en proclamant qu’il est une divinité, et qu’en réalité, il doit avoir honte devant Moché et se repentir de son obstination à ne pas renvoyer le peuple d’Israël. Effectivement, Moché avait déjà découvert cette duperie de se faire prendre pour un dieu, et pourtant Par’o avait tout de même endurci son cœur, et avait continué sans aucune honte à se proclamer dieu.
D’après cela, on peut expliquer encore autre chose. Quelqu’un de ma connaissance m’a posé la question suivante : pourquoi Hachem a-t-il endurci le cœur de Par’o dans les cinq dernières plaies, puisqu’Il ne punit l’homme que lorsqu’il a agi de son plein gré, avec la possibilité de choisir entre le bien et le mal ? Donc apparemment il ne méritait pas une punition ! Cela se trouve explicitement chez le Ramban sur le verset « Hachem endurcit le cœur de Par’o et il ne les écouta pas. » Le Ramban écrit que jusqu’à ce moment-là, dans les cinq premières plaies, il avait son libre arbitre, jusqu’à celle de la peste, où il est dit « Il endurcit le cœur de Par’o », « Par’o endurcit son cœur », et ainsi de suite. A partir de la plaie de la peste, la Torah utilise l’expression « Hachem endurcit le cœur de Par’o. » Et le Ramban explique que dans les cinq premières plaies, Par’o a effectivement endurci son cœur de sa propre initiative, mais à partir de celle de la peste, il aurait voulu se repentir et cesser d’endurcir son cœur, mais c’est Hachem qui l’a endurci à la fin de chaque plaie, jusqu’à celle des premiers-nés. Par conséquent on ne comprend pas pourquoi il a été puni, si c’est Hachem qui avait endurci son cœur !
D’après ce que nous avons expliqué, il faut dire que Par’o, dans les premières plaies, endurcissait son cœur et le faisait fois après fois, prétendant avec insolence être un dieu devant Moché, qui l’avait surpris en flagrant délit quand il l’avait vu faire ses besoins au bord du fleuve. Et même après cinq plaies, quand Hachem a vu que Par’o choisissait le mal à chaque fois, endurcissait son cœur et n’avait même pas essayé une seule fois de choisir le bien, pour voir combien le bien était bon, tout ce qu’il voulait n’étant que le mal, Il l’a puni en lui enlevant le libre arbitre, si bien qu’il a continué à se conduire en fonction des forces du mal qui étaient en lui, car il avait déjà décidé en lui-même de ne choisir que le mal. Et d’après ce que l’homme décide en lui-même de faire, on décide pour lui dans le Ciel de la suite de sa conduite, en lui enlevant le cas échéant le libre arbitre et en lui imposant la voie qu’il avait lui-même choisie au début.
J’ai aussi trouvé dans le Midrach Rabba (Chemot 13, 3) au nom de Rabbi Yo’hanan : « C’est un prétexte que peuvent utiliser les incroyants, de dire que Hachem n’a pas laissé Par’o se repentir, ainsi qu’il est écrit « Car J’ai alourdi son cœur ». Reich Lakich lui a répondu : « « Il Se moque des moqueurs », le Saint béni soit-Il prévient l’homme une première fois, une deuxième et une troisième fois, et s’il ne se repent pas Il ferme son cœur hermétiquement à la techouva, en punition de ses fautes. Ici aussi, le Saint béni soit-Il avait envoyé à Paro cinq mises en garde sans qu’il y prête attention, alors Il lui a dit : « Tu as durci ta nuque et endurci ton cœur, Moi j’ajoute de l’impureté à ton impureté. » »
Un repentir du fond du cœur
Il est dit : « Celui qui craignait la parole de Hachem parmi les serviteurs de Par’o a mis à l’abri ses serviteurs et ses troupeaux dans les maisons, mais celui qui n’a prêté aucune attention aux paroles de Hachem a laissé ses serviteurs et ses troupeaux dans les champs (Chemot 9, 20-21). C’était au moment de la plaie de la grêle, où Moché avait prévenu Par’o et ses serviteurs que celui qui voulait être sauvé devait tout rentrer dans les maisons. Celui qui a cru en Hachem a tout fait rentrer et n’a pas subi de dommages, alors que celui qui n’a pas cru n’a rien fait rentrer et a subi des dommages considérables. Or il est difficile de comprendre comment il y avait des gens qui ont pu ne pas croire en Hachem, alors que déjà dans la plaie de la vermine, les mages avaient dit à Pa’ro : « C’est le doigt de D. »
Le gaon Rabbi Yochiyahou Pinto, que son mérite nous protège, explique dans son livre « Kessef Mezoukak » que dès la première plaie, Par’o et ses serviteurs se sont éveillés au repentir, mais leur techouva a été toute extérieure et sans aucune participation du cœur. C’est pourquoi ils n’ont pas fait rentrer leur bétail dans la maison à la suite de la mise en garde de Moché. Quand la techouva est extérieure, l’homme reste dans son attitude négative, il croit seulement s’être repenti, mais en réalité son repentir n’a pas été agréé.
C’est ainsi que le Rif explique le verset « Viens vers Par’o car J’ai endurci son cœur et le cœur de ses serviteurs, pour placer Mes prodiges autour de lui » (10, 1) : Quand Hachem a vu que Par’o se repentait uniquement extérieurement, Il a alourdi son cœur pour qu’il puisse supporter des plaies supplémentaires, les sauterelles, l’obscurité et la plaie des premiers-nés, jusqu’à ce qu’il se repente vraiment intérieurement.
Mais Il a de nouveau endurci son cœur même après la plaie des premiers-nés pour qu’il poursuive les bnei Israël jusqu’à la mer, la raison en étant qu’il ne s’était repenti au moment de la plaie des premiers-nés que par crainte du châtiment, et non par soumission à Hachem. Cela nous montre à quel point l’homme est jugé sur ses actes.
Et c’est une grande leçon qu’il ne suffit pas de se repentir extérieurement : il faut sentir la techouva dans son cœur. Pour cela, il faut faire un examen de conscience approfondi pour voir si elle est présente dans le cœur aussi. Car lorsqu’on ne se repent qu’extérieurement et non avec un cœur brisé, on reste dans son impiété et cette techouva n’en est pas vraiment une, c’est pourquoi on n’en arrivera jamais à craindre ni à respecter la parole de D.
HISTOIRE VECUE
C’est ainsi que l’on résout les « problèmes » que l’on rencontre
« Je vous adopterai pour peuple » (6, 7)
Le désir de repentir de nos contemporains soulève des questions halakhiques aux personnes qui oeuvrent dans les organismes de techouva. Voici ce qui s’est passé un jour :
Un érudit, membre de l’association « Lev Léa’him » à ‘Haïfa, s’est rendu chez une certaine famille pour y étudier avec le père, la mère et les enfants. La voix de la Torah qui émanait de cette maison a attiré un des voisins qui a alors demandé à « l’invité » de bien vouloir étudier aussi avec lui.
Celui-ci a évidemment accepté mais l’homme en quête d’étude était le propriétaire d’un restaurant à forte activité et ne voulait pas s’en absenter, ne serait-ce qu’un petit moment. C’est pourquoi il a demandé au « Rav » de l’accompagner plutôt sur son lieu de travail : « Nous nous choisirons un endroit calme au restaurant et vous pourrez m’enseigner la Torah là-bas », a-t-il proposé.
L’emplacement du restaurant était très agréable et tous deux se sont accordés pour y étudier ensemble. Mais dès que notre ami est arrivé au lieu convenu, il a « senti » que quelque chose n’était pas en règle. Quelques minutes après avoir commencé à parler avec le propriétaire du restaurant, il s’est aperçu qu’on y servait de la viande non cachère.
Sous le choc, il hésita à poursuivre son étude, craignant que la présence d’un homme comme lui dans un tel endroit ne constitue une profanation du Nom divin.
Le lendemain, dès son retour au collel de ‘Haïfa, il a fait part à ses collègues de sa mésaventure. D’après eux, il y avait de fortes chances pour que ce lieu devienne cacher dans peu de temps, grâce à l’influence de leur ami sur les propriétaires du restaurant : « le temps de chercher une solution, le problème se résoudra de lui-même… »
L’avrekh a donc poursuivi son ‘travail’ dans le restaurant non cacher, mais quelques jours plus tard il s’est trouvé confronté à une situation qui l’a ébranlé : alors qu’il étudiait avec son partenaire, un homme portant une kippa est entré dans la salle et a dégusté le plat de viande interdite qui lui était servi.
Incapable de demeurer passif, le « Rav » s’est approché de ce juif religieux et lui a demandé comment il osait manger dans un lieu pareil.
Stupéfait, le juif pratiquant a dévisagé son interlocuteur, ne comprenant visiblement pas la question qu’il lui posait. « Je connais cet endroit depuis des années et je sais qu’on y vend de la viande interdite. Mais lorsque je suis passé devant et que je vous ai vu installé ici, habillé comme un juif orthodoxe, j’étais sûr à cent pour cent que le restaurant était devenu parfaitement cacher… » a été sa réponse.
Le problème qui surgissait à présent était particulièrement grave car il ne s’agissait plus uniquement d’une profanation du Nom de D. : ce comportement induisait en erreur d’autres juifs ! Même si l’étude avec l’avrekh devait un jour inciter le propriétaire à cachériser son restaurant, le temps que le projet devienne effectif, de nombreuses personnes risquaient de trébucher en y voyant l’homme orthodoxe installé.
Les membres de « Lev Léa’him » ont présenté le problème à Rav Zilberstein, qui leur a alors cité une histoire rapportée par la Guemara (Traité Ta’anit Page 22a) : Rav Broka se promenait au marché et a rencontré le prophète Elie. Le Rav a questionné le prophète : « Peut-on trouver ici des gens qui méritent le monde futur ? » Il a d’abord répondu par la négative, mais entre temps un individu est apparu dans le marché et le prophète Elie l’a désigné comme « méritant le monde futur ».
Rabbi Broka a observé cet homme qui déambulait sans tsitsit et portant des chaussures noires (faute pour laquelle il est préférable de se laisser tuer plutôt que de la transgresser puisqu’elle constitue une coutume non-juive), et lui a demandé quelle était son activité. Celui-ci a répondu qu’il était gardien de prison, chargé de veiller à ce que les juifs emprisonnés se comportent avec pudeur, qu’hommes et femmes soient séparés, et de s’assurer qu’ils ne transgressent pas des interdits concernant la pudeur. « Pourquoi ne portez-vous pas de tsitsit et mettez-vous ces chaussures ? » a poursuivi Rav Broka. « Cet accoutrement est un ‘déguisement’ dont je me revêts afin de ne pas apparaître en tant que juif, ce qui me rendrait interdit d’entrée à la prison… » a-t-il répondu.
Il a également ajouté que de cette manière, il réussissait à se faufiler parmi les hauts fonctionnaires non-juifs : ainsi, lorsqu’il avait vent d’une préparation de mauvais décrets contre les juifs, il en informait les sages d’Israël qui s’efforçaient de les annuler. Puis Rav Zilberstein a conclu : « C’est pourquoi je pense que l’avrekh qui étudie avec les propriétaires du restaurant ne devrait pas s’y rendre vêtu comme un juif orthodoxe. De cette manière le Nom de D. ne sera pas profané et personne ne sera induit en erreur et encouragé à manger en ce lieu. Par ailleurs, il est très probable que cet homme érudit parvienne à convaincre les chefs du restaurant de cesser de vendre des mets non cachers.
Mais quand j’en ai parlé à mon maître et beau-père Rav Eliachiv, il a déclaré qu’il était défendu d’agir ainsi et de ne pas porter le vêtement du juif orthodoxe, du fait de l’interdit de profanation du Nom divin. Je lui ai alors demandé comment il expliquait le comportement de ‘celui qui méritait le monde futur’ et qui se promenait sans tsitsit et avec des chaussures noires. Il a répliqué que dans le cas cité par la Guemara, les juifs connaissaient cet homme-là, savaient qu’il était empli de la crainte de D., et comprenaient qu’il s’habillait ainsi afin d’encourager ses frères juifs. C’est la raison pour laquelle cette attitude lui était autorisée.
En revanche, dans la situation de l’avrekh qui n’est pas connu de tous, il profanerait le Nom divin en ne portant pas ses vêtements de juif respectueux des mitsvot. » Cependant cette histoire se termine bien : quand ce sujet a été évoqué lors du congrès de « Lev Léa’him » avec les grands de la génération, le Rav Mena’hem Kaplan, coordonnateur de l’institution à ‘Haïfa, a envoyé un message au directeur général de l’organisation, le Rav Sorotskin, lui annonçant que cette question n’était plus d’actualité puisque le restaurant était devenu cacher à tout point de vue…
GARDE TA LANGUE
Pourquoi as-tu agi ainsi envers Untel ?
Si l’on demande une faveur à un ami qui nous répond par la négative, il faut faire très attention à ne pas lui demander : « Pourquoi as-tu alors rendu service à Untel ? Il me l’a raconté lui-même ! » En effet, le bienfaiteur en voudra à son ami d’avoir divulgué la chose, le mettant ainsi dans l’impossibilité de se dérober des autres quémandeurs.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Rien ne retient la force du libre arbitre
« Mais comme les devins d’Egypte en faisaient autant par leurs sortilèges, le cœur de Par’o s’endurcit et il ne leur céda point. » (7, 22)
Nos maîtres et Rachi enseignent que le mot « belateihem (par leurs sortilèges) » désigne l’œuvre des démons. Comment expliquer que les démons, conçus pour obéir à la parole de D., aient aidé Par’o et ses magiciens à émousser et à ternir le dévoilement de la royauté de D. et de Sa domination sur la Création, ainsi qu’à mépriser Ses envoyés, Moché et Aharon ? Nous avons l’habitude de penser que, disposant du libre arbitre et décidant de tous nos faits et gestes, nous pouvons agir comme bon nous semble, pour le meilleur et pour le pire. Ici, à travers l’épisode de Par’o et de ses magiciens, il apparaît que notre liberté ne se limite pas à notre propre vie mais nous permet même d’utiliser les forces de la Création que D. a conçues pour Son honneur et la révélation de Son Nom. Nous avons ainsi le pouvoir de détourner certaines créatures de leur but premier : par exemple, agir contre la volonté de D. en utilisant des éléments qui ont été créés principalement pour Lui obéir. Telle est la grande responsabilité qui pèse sur nos épaules : D., Qui gouverne le monde, est la couronne de la Création, et nous avons le pouvoir de faire fonctionner cette dernière, en mal comme en bien. C’est pourquoi Il nous a mis en garde : « Prends garde à ne pas détériorer Mon univers ! » L’homme a la capacité de détruire non seulement sa personne mais également le monde, qui ne lui appartient pas et qui est celui de D.
Ceci révèle la force du libre arbitre qui a été octroyé à tout un chacun, afin de justifier le salaire qui lui revient. En effet, si la personne qui voulait mal agir se heurtait constamment à des oppositions et à des obstacles par les forces de la Création envoyées par D., le libre arbitre en serait fortement altéré, car elle constaterait que ses actes ne sont pas souhaitables et qu’elle ne peut pas les concrétiser ! Ainsi elle ne pourrait pas être récompensée pour avoir accompli le précepte « Eloigne-toi du mal et fais le bien ! », puisqu’elle aurait été contrainte de faire le bien et empêchée, malgré elle, de mal agir.
On comprend à présent comment les magiciens ont pu utiliser les démons pour affaiblir la foi en D., bien que ceux-ci aient été créés afin de punir les fauteurs et de leur montrer qu’il y a une justice et un Juge. C’est parce que le libre arbitre et le principe de récompense et de punition imposent de donner à l’homme une domination absolue sur ses actes, pour le meilleur et pour le pire, même lorsqu’on utilise, à cet effet, les forces qui emplissent la Création et ce monde dans son ensemble, même si elle a été conçue en vue de dévoiler le Nom de D. et d’amplifier Sa gloire, comme le dit le verset « Tous ceux qui se réclament de Mon nom, tous ceux que, pour Ma gloire, J’ai créés, façonnés, organisés » (Isaïe 43, 7).
A LA SOURCE
« Et aussi, J’ai entendu les gémissements des enfants d’Israël » (6, 5)
Pourquoi ajouter le mot « aussi » ?
Rabbi Ya’akov Kouli apporte une réponse dans son ouvrage « Meam Lo’ez » :
La Guemara (Ta’anit 25b) nous raconte qu’une fois, au temps de Chemouël Hakatan, il y a eu une sécheresse. Chemouël a alors décrété un jeûne et les pluies sont tombées avant même le jour du jeûne. Mais il a averti le peuple de ne pas en être fier, car cela ressemble à un serviteur qui cherche à obtenir une gratification de son maître, lequel ordonne à ses assistants : « Donnez-lui ce qu’il désire, de façon à ce que je n’entende pas sa voix. »
Il en est de même pour la collectivité : lorsque ses hommes sont méritants, D. écoute leur prière après seulement qu’elle a été exprimée, montrant ainsi qu’ils sont importants pour Lui.
C’est le sens du verset « Et aussi, J’ai entendu les gémissements des enfants d’Israël » : en plus de la délivrance future, il est important que D. ait écouté les supplications de Ses fils, montrant ainsi qu’ils sont importants à Ses yeux.
S’Il avait aidé les bnei Israël avant même qu’ils ne Lui adressent leurs requêtes, on aurait pu croire qu’Il ne désirait pas entendre leur prière, si l’on peut s’exprimer ainsi.
« Il y eut du sang dans tout le pays d’Egypte » (7, 21)
Le midrach rapporte que les juifs se sont enrichis de la plaie du sang qui a frappé l’Egypte.
Le livre « Pninei Kedem » explique joliment pourquoi les bnei Israël se sont enrichis justement lors de cette plaie. Nos maîtres ont affirmé dans la Guemara (Baba Batra116a) : « La pauvreté qui habite une maison est plus difficile à supporter que cinquante plaies. »
C’est pourquoi dès le début des plaies qui se sont abattues sur les Egyptiens, les bnei Israël se sont enrichis : en effet, s’ils étaient restés dans leur misère, leur situation aurait été toujours plus mauvaise que celle des Egyptiens, même après cinquante plaies, car on dit « La pauvreté qui habite une maison est plus difficile à supporter que cinquante plaies »…
« Oui, les grenouilles se retireront de toi et de tes demeures » (8, 7)
Ici, la prière de Moché pour écarter les grenouilles de Par’o et de ses serviteurs a été efficace, contrairement à celle qu’il formulera plus tard pour éloigner les serpents brûlants envoyés sur l’ordre de D., qui devaient tuer un grand nombre de bnei Israël. Dans ce dernier cas, D. lui recommandera seulement : « Fais toi-même un serpent et place-le au haut d’une perche : quiconque aura été mordu, qu’il le regarde et il vivra ! »
Le ‘Hafets ‘Haïm explique les choses ainsi : tout peut être réparé, sauf la médisance. L’ange accusateur créé par la faute de médisance accuse sans cesse, et il est impossible de l’écarter. De plus, tout comme le calomniateur a utilisé sa bouche à une mauvaise fin, l’ange accusateur généré par cette faute parle, et on ne peut pas le faire taire.
Or les serpents brûlants ont frappé le peuple car il s’était plaint de D. et de Moché. C’est pourquoi la prière de ce dernier n’a pas suffi à les retirer complètement, mais D. lui a fourni un conseil pour guérir l’homme mordu par le serpent, comme il est écrit : « Fais toi-même un serpent et place-le au haut d’une perche : quiconque aura été mordu, qu’il le regarde et il vivra ! »
LA LUMIERE DU ZOHAR
« Je vous prendrai pour peuple, Je deviendrai votre D., et vous reconnaîtrez que Moi, Hachem, Je suis votre D., Moi qui vous aurai soustraits aux tribulations de l’Egypte. » (6, 7)
Ceci est la première et principale mitsva qui nous a été donnée : connaître D. dans Son caractère universel.
Que signifie « dans Son caractère universel » ? Savoir qu’il existe un gouverneur suprême qui est le Maître du monde, le Créateur des cieux, de la terre et de toutes leurs armées.
A leur sortie d’Egypte, les bnei Israël n’avaient pas connaissance de Hachem. Alors Moché leur a tout d’abord enseigné cette mitsva, comme il est dit : « vous reconnaîtrez que Moi, l’Eternel, Je suis votre D., Moi qui vous aurai soustraits aux tribulations de l’Egypte. » En effet, sans cette injonction, les bnei Israël n’auraient pas cru à tous les miracles et actes de puissance que D. a faits pour eux en Egypte. Mais puisqu’ils ont eu connaissance de cette mitsva dans son caractère universel, ces prodiges et actes de gloire ont été réalisés pour eux.
SUR LA VOIE DE NOS PERES
« Quiconque porte le joug avec son prochain »
« Et voici les noms des fils de Lévi, selon leur ordre de naissance : Guerchon, Kehat, Merari. La durée de la vie de Lévi fut de cent trente-sept ans. » (Chemot 6, 16)
Etrangement, l’expression « Et voici les noms » apparaît uniquement pour les fils de la tribu de Lévi, et non pour les autres tribus. Pour quelle raison ? Le Chla Hakadoch s’étonne aussi de cette particularité, et donne l’explication suivante : cette tribu n’a pas subi l’exil. Conscient de cela, Lévi a voulu participer à la souffrance de la collectivité. Qu’a-t-il fait ? Il a choisi des noms pour ses enfants en rapport avec l’exil : « Guerchon » car ils sont étrangers (guérim) dans une terre qui n’est pas la leur ; « Kehat » car ils n’avaient pas de quoi se nourrir (chinéhem kehot) ; et « Merari » car les Egyptiens avaient rendu amère la vie des bnei Israël (vaymarerou). Ce noble geste est évoqué par allusion à travers les mots « Et voici les noms des fils de Lévi. »
Le Chla poursuit en disant que cela doit nous apprendre à participer au malheur de la communauté, même si cette détresse ne nous touche pas. C’est ce que D. a annoncé à Moché en déclarant « Je serai qui Je serai » : « Moi qui suis avec eux dans cet exil, Je serai toujours avec eux, même lors d’un autre exil. »
Dans sa lettre, le Gaon Rabbi Mikhel Yéhouda Leifkovitch s’intéresse à cette qualité particulière :
« L’une des richesses de la Torah est de nous inculquer la notion de ‘porter le joug avec son prochain’, c’est-à-dire de nous éveiller à ressentir la situation d’autrui comme la nôtre, à prier pour le bien de notre prochain, et plus encore à éprouver la souffrance de la collectivité… Alors que les habitants de la terre sainte sont plongés dans leur dernier exil, l’animosité des renégats et des hommes de gauche s’exprime par la persécution des pratiquants et par la haine de la religion au point de vouloir faire oublier le nom d’Israël.
Il est donc impératif de prier davantage notre Père afin qu’il ait pitié de Son peuple, et plus particulièrement de Ses fils qui résident en terre d’Israël. Nous sommes également tenus d’intensifier notre étude de la sainte Torah : plus la prière et l’étude de la Torah s’accentueront, plus nos mérites se multiplieront… »
Penser aux besoins d’autrui
Le Saba de Slobodka, Rabbi Nathan Tsvi Finkel, a éduqué et habitué ses disciples à développer la qualité de la compassion. C’était durant la guerre mondiale : la situation économique était extrêmement mauvaise et tout le monde souffrait de la faim. La pauvreté qui régnait alors à cette période était terrible. Comme en témoigne son élève Rabbi Ya’akov Yitz’hak Roderman : « Les chaussures des étudiants de la yechiva étaient faites de chiffons usés qu’on avait attachés et collés. Je possédais alors un costume coupé dans le tissu épais d’un sac de pommes de terre… »
Un jour, Rav Roderman a réussi à épargner la moitié de sa modique pension pour acheter un nouveau « talit katan » afin d’embellir la mitsva. Il a alors montré sa nouvelle acquisition au Saba de Slobodka, s’attendant à être complimenté et glorifié, mais son maître l’a frappé de son « fouet éducatif », cherchant ainsi à déraciner la note d’orgueil qui avait accompagné son élève dans l’accomplissement de la mitsva, et à ancrer en lui le souci des besoins d’autrui. Puis il l’a réprimandé : « Qu’as-tu fait ? Si tu pouvais renoncer à une partie de tes dépenses, tu aurais dû accorder cette somme à un autre juif afin qu’il se procure la nourriture qui lui est si indispensable en ces jours terribles ! »
La concentration en faveur d’autrui
Le Gaon Rabbi Eliezer Goldschmidt a affirmé : « Les murs de la maison de Rabbi Méïr Sim’ha Cohen ont absorbé pendant de longues années les larmes et les émotions d’individus, ainsi que les plaintes et gémissements des chefs de communauté concernant les souffrances de la collectivité.
Tous ceux qui entraient chez lui affligés et abattus en ressortaient pleins d’espoir, de foi et de confiance. »
Une fois, les habitants de la ville ont demandé à un des proches du Rav : « Quelle est la grande force de Rabbi Méïr Sim’ha qui pousse tous les gens en détresse à aller le consulter ? »
Il a répondu : « Tout d’abord, son cœur est empli d’amour pour Israël, et il est doté de largesse d’esprit et d’intelligence de vie. Mais hormis ces qualités, il détache son esprit de toutes ses autres préoccupations lorsque quelqu’un vient lui raconter ses peines et lui demander conseil. Il se concentre et s’investit profondément uniquement dans la situation de celui qui se tient face à lui. C’est pourquoi son conseil est honnête, précis et vise juste.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Revenez vers moi dimanche
Rabbi ‘Haïm Pinto le petit passait, comme à son habitude, dans les rues de la ville pour amasser de la tsedaka. Rabbi Avraham Amar l’a vu et s’est senti gêné. En effet, il n’avait plus de quoi se nourrir et n’avait pas un centime en poche. Le Chabbat approchait et sa détresse financière ne lui permettait même pas de préparer de quoi manger pour ce saint jour. Il craignait donc que Rabbi ‘Haïm s’approche de lui à présent et lui demande de la charité. C’est pourquoi il a cherché à l’éviter et s’est précipité dans la cour d’une maison. Voyant la scène de loin, Rabbi ‘Haïm l’a promptement suivi, l’a retrouvé dans la cour et lui a dit : « Je sais que vous êtes démuni mais je veux vous aider. » Tout en parlant, Rav Pinto a sorti quelques pièces de son châle et les a données à son interlocuteur : « Revenez vers moi dimanche pour me rendre l’argent. D’ici là, vous aurez de quoi me rembourser. » Comme nous l’a raconté son fils Monsieur David Amar, Rabbi Avraham a refusé le prêt, craignant de ne pas pouvoir rendre cette somme. Mais Rabbi ‘Haïm a insisté auprès de lui et il a fini par accepter. Puis il s’est dirigé vers le marché pour y acheter du poisson, de la viande et beaucoup d’autres aliments en l’honneur du Chabbat. Dimanche, Rabbi Avaham Amar a refusé de sortir : en effet il ne disposait pas d’un centime et appréhendait de rencontrer Rav Pinto, étant dans l’impossibilité de le rembourser. Mais finalement, il a placé sa confiance en D. et est sorti de sa maison. Alors qu’il réfléchissait en marchant, un Arabe qu’il ne connaissait pas l’a vu et lui a demandé de vendre pour lui quelques bijoux en or, lui assurant un salaire conséquent. En l’espace d’un instant, l’Arabe lui a même remis la moitié de la somme promise avant qu’il effectue la moindre vente. Puis il a disparu. C’est alors que Rabbi ‘Haïm s’est trouvé devant Rabbi Avraham qui, le visage rayonnant, lui a dit :
« Vous constatez que les choses se sont déroulées comme prévu : nous sommes dimanche aujourd’hui. Maintenant, rendez-moi la somme que je vous ai prêtée, pas un centime de plus. » Rabbi Avraham a rendu au Rav ce qu’il lui devait, tandis qu’une somme non négligeable lui restait encore en main.