BECHALA’H 4 Février 2012 11 CHEVAT 5772 |
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La force de l’influence
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Alors Moché et les bnei Israël chantèrent l’hymne suivant à Hachem. Ils dirent : ‘Chantons Hachem, Il est souverainement grand ; coursier et cavalier, Il les a lancés dans la mer.’ » (Chemot 15, 1)
Lors du partage de la Mer Rouge, les eaux qui ont englouti les Egyptiens ont également submergé leurs chevaux, comme il est dit dans la Chira : « Coursier et cavalier, Il les a lancés dans la mer. » Cela signifie que le cavalier n’a pas été le seul à être puni, mais que le cheval qu’il montait l’a également été. Ceci est étonnant : pour quelle raison les chevaux ont-ils été frappés par cette mort si violente alors que les Egyptiens poursuivaient les bnei Israël ? Les maîtres du Moussar ont l’habitude de répondre que les chevaux avaient aidé les fauteurs. Or D. envoie le mal par des êtres qui sont coupables par ailleurs… c’est pourquoi ces animaux ont aussi été condamnés et ont péri, noyés dans la Mer Rouge.
Cet enseignement contient une leçon importante : même si nous n’avons pas, nous-mêmes, transgressé un commandement de la Torah mais avons simplement soutenu un fauteur, la transgression nous est imputée et il nous faut rendre des comptes à ce sujet. Si même les chevaux, qui sont des animaux n’ayant aucune intention de mal agir, ont été punis avec rigueur et noyés avec leurs cavaliers, a fortiori nous, qui sommes dotés d’un cœur et d’une conscience, devrons-nous payer si nous nous associons à une mauvaise action. D’ailleurs, même les lois des nations du monde jugent avec rigueur les complices d’un forfait : même si une personne n’est pas elle-même à l’origine d’un crime, le fait d’avoir conduit l’agresseur sur le lieu de l’action ou de lui avoir donné refuge rend le complice coupable et punissable.
Cette explication demeure difficile à comprendre : les chevaux ont-ils mené de leur plein gré les cavaliers à la poursuite du peuple d’Israël ? Non ! Ce sont les Egyptiens qui les ont attelés dans leur empressement à poursuivre le peuple échappé ! Même Par’o a refusé de monter dans son char royal et a préféré y aller à cheval ! Le fait que ces animaux-là aient finalement été punis soulève une question : est-ce qu’un véhicule conduit par un criminel doit rendre des comptes sur sa participation à l’acte de son conducteur, alors qu’il ne peut aucunement comprendre vers où on le mène ni sentir les intentions de son propriétaire ? De la même manière, les chevaux ont été chevauchés par leurs cavaliers sans savoir vers où ils se dirigeaient. S’il en est ainsi, pourquoi ont-ils été jugés comme ceux qui les montaient et ont-ils été frappés par une mort terrible ? En réalité tout cela découle de la force de l’influence qui emplit le monde. En effet, on sait bien que D. ne S’est pas contenté de transmettre à Moché sur terre les principes de la Torah : Il lui a demandé de monter au Ciel pour recevoir cette Torah, même au péril de sa vie. Pourquoi avoir agi ainsi ? C’est que D. voulait que Moché transmette la Torah au peuple d’Israël dans toute sa puissance et son intensité. Or pour ce faire, Moché devait monter au Ciel, ressentir l’atmosphère spirituelle particulière, voir les Patriarches méditer sur ses préceptes et seulement alors, il serait apte à l’enseigner avec la puissance et l’enthousiasme requis. Si Moché était resté sur terre pour la recevoir, il lui aurait manqué l’atmosphère intense des mondes supérieurs et la Torah aurait donc été donnée de manière imparfaite. De par notre nature, nous sommes influençables et enclins à imiter les comportements de notre entourage. C’est pourquoi la Torah nous a ordonné de nous éloigner des mauvais voisins (Avot 1, 7) et de résider parmi des hommes de mérite et des gens charitables. En effet, en voyant notre voisinage suivre le bon chemin, nous serons tentés de faire de même : l’influence exercée sera donc positive. A l’inverse, quelqu’un qui s’installerait dans un milieu de fauteurs pourrait subir une influence qui le pousserait à mal agir, comme le dit le Rambam (Hilkhot Dé’ot chapitre 6). Ainsi, on peut affirmer que lorsque les Egyptiens ont attelé leurs chevaux pour aller commettre une faute et les ont chevauchés à la poursuite du peuple d’Israël, les cavaliers ont exercé une influence néfaste sur leurs animaux qui se sont retrouvés tout naturellement complices du péché. La force de l’influence est telle qu’elle peut modifier la nature des animaux, fonctionnant selon les instincts naturels, et les rendre contents et heureux de s’associer à une mauvaise action. A ce sujet, on sait que lors de la génération du déluge, les bêtes ont également été exterminées. En effet, elles avaient subi la mauvaise influence des hommes : l’adultère était si courant à cette époque-là que même les bêtes ont modifié leur comportement et se sont mis à agir d’une manière contraire à leur nature. Ainsi, les chevaux ont été punis et noyés dans la Mer Rouge afin de nous faire prendre conscience de la puissance de l’influence pour le meilleur et pour le pire : même les chevaux, privés du libre arbitre, ont été imprégnés de l’enthousiasme des Egyptiens et se sont empressés de poursuivre les bnei Israël. S’il en est ainsi pour les chevaux, a fortiori cela est-il valable pour les êtres humains, qui agissent selon leurs aspirations et leurs réflexions. Il incombe à chacun d’entre nous d’intégrer cette idée, d’en prendre conscience et de s’en souvenir à chaque instant. Combien est grande la force de l’entourage qui influe sur l’homme ! Il nous faut donc être associé en permanence à des personnes qui craignent D. et méditent sur Son Nom, afin qu’elles influent sur nous uniquement dans le bon sens.
LES HOMMES DE FOI
Récits sur les tsaddikim de la famille Pinto
La proie des flammes
Rabbi Hadan Pinto avait coutume de préparer des matsot chemourot à l’approche de Pessa’h, le jour précédant la veille de la fête. Le Rav s’occupait personnellement de leur cuisson et ne comptait sur personne d’autre pour le faire. Plus encore, il apportait ses propres ustensiles à l’atelier pour les pétrir car la cacherout des matsot était une priorité pour lui.
Comme à son habitude, il avait convenu cette année-là aussi avec le propriétaire du lieu, Monsieur Ben Ohata, qu’il viendrait préparer ses matsot le jour précédant la veille de la fête. Le jour prévu, Rabbi Hadan est arrivé sur les lieux muni de tous les ustensiles, la farine, l’eau, le rouleau à pâte et tous les autres ustensiles pour constater que le four était déjà occupé par une autre personne qui y cuisait ses matsot.
Le Rav en a été très contrarié car il s’était mis d’accord avec le boulanger et celui-ci n’avait pas tenu parole ! Il était d’autant plus fâché qu’il lui fallait beaucoup de temps pour cuire des matsot pour toute sa famille, qui était grande, mais aussi pour les pauvres, qui étaient particulièrement importants à ses yeux…. Or le lendemain était déjà la veille de Pessa’h ! Le Rav s’est approché du boulanger et s’est plaint à lui. Mais celui-ci lui a répondu : « Il y a beaucoup d’activité aujourd’hui. Peut-être pouvez-vous revenir un autre jour pour la cuisson… »
Sur ce, Rabbi Hadan a quitté la boulangerie. Il n’était pas encore très loin qu’un grand feu éclata au sein du local. Le four, les ustensiles et les matsot : tout était devenu la proie des flammes !
Devant la scène, Monsieur Ben Ohata a couru vers le Rav lui demander des excuses. Il lui a promis que désormais, il respecterait toujours sa parole. Le feu s’est immédiatement éteint, ne laissant derrière lui aucune trace d’un incendie. Même les matsot qui étaient alors dans le four n’ont pas été brûlées… [Sefer Chenot ‘Haïm].
Un jour Rabbi David ‘Hanania Pinto a ajouté : « A chaque fois que nous passons près de ce four, nous nous souvenons du miracle qui s’y est produit.
HISTOIRE VECUE
Le nouvel an des Etroguim
Obtenir des etroguim dans les plaines de Russie et les rues d’Ukraine n’était pas chose facile, a plus forte raison des etroguim de qualité. C’est pourquoi les ‘hassidim, qui portaient un fervent amour à leur Rabbi et désiraient ardemment le faire profiter d’un bel etrog, y réfléchissaient déjà depuis des mois avant la fête.
S’en occupaient plus particulièrement les hommes d’affaires, qui, dans le cadre de leur commerce, parcouraient le monde. Ils ouvraient les yeux partout où ils allaient dans l’espoir de repérer un etrog de très belle qualité pouvant convenir à leur maître. Lorsque l’un des ‘hassidim avait le mérite d’en procurer un à son Rav, la joie était à son comble. Le tsaddik était heureux de pouvoir embellir la mitsva et appréciait l’affection de son disciple. Quant à ce dernier, il se réjouissait du bonheur de son maître.
Une année, Reb Elimélekh, élève du tsaddik Rabbi Mordekhaï de Tchernobyl et marchand de tissus, est parti en voyage d’affaires pour quelques mois. Il a pris le chemin juste après Pessa’h, avec l’intention de rentrer à Tchernobyl pour les fêtes de Tichri.
Quelques temps avant son retour, au début du mois d’Eloul, s’est présenté à lui un etrog de toute première qualité. Il a remercié Hachem de lui avoir donné le mérite d’apporter à son Rabbi un plaisir spirituel. Il a payé l’etrog généreusement, l’a précautionneusement enveloppé dans une toile de lin puis l’a soigneusement caché dans ses affaires. Puis il a poursuivi ses activités.
Environ une semaine avant son retour, on lui a proposé un autre etrog : jaune, à l’aspect magnifique, sans le moindre défaut. « J’ai déjà acheté un bel etrog pour mon Rabbi, a pensé Reb Elimélekh, et comme chaque année, je réciterai également la bénédiction sur le sien. Qu’ai-je besoin d’un etrog supplémentaire ? »
Mais soudain une idée a surgi dans son esprit : « Sur le chemin du retour, je vais passer par Rojine » s’est-il souvenu. « Là-bas habite un grand tsaddik réputé dans le monde entier et qui m’a béni plus d’une fois. Je vais lui acheter cet etrog et je le lui déposerai sur ma route vers Tchernobyl. » Il a donc décidé d’acheter également ce deuxième etrog.
Quelques jours plus tard, Reb Elimélekh a entrepris le chemin du retour. A l’un de ses arrêts, il a rencontré un groupe d’amis, des ‘hassidim de Tchernobyl.
Au détour d’une simple conversation, il a fait part à ses amis de son succès dans les affaires et leur a surtout raconté avoir pu acheter un etrog d’excellente qualité pour leur Rabbi.
Les ‘hassidim ont demandé à voir l’etrog sur lequel leur maître allait prononcer la bénédiction. Le commerçant a extrait de son sac les deux etroguim tout en leur relatant l’enchaînement des événements.
A présent, alors que les deux etroguim se trouvaient l’un à côté de l’autre, il paraissait évident que le deuxième etrog était de catégorie supérieure au premier. « Donne le premier etrog au tsaddik de Rojine et tu garderas le second, le plus noble, pour notre Rabbi ! » lui ont spontanément conseillé les ‘hassidim. Cette idée a plu à Reb Elimélekh, qui a décidé d’agir ainsi.
Arrivé à Rojine, il est parti demander une bénédiction au tsaddik et a ajouté, par la même occasion, qu’il avait apporté un bel etrog comme cadeau au Rabbi.
Le tsaddik l’a observé, le sourire aux lèvres. « Bien… il a un bel aspect » a-t-il remarqué, tandis que Reb Elimélekh lui présentait le (premier) etrog.
Le tsaddik de Rojine l’a pris, l’a examiné de tous côtés, une expression de stupéfaction sur le visage. « Est-ce bien mon etrog ? » a-t-il demandé, surpris. « S’agit-il de l’etrog que vous avez acheté pour moi ? » a -t-il répété. Rav Elimélekh a été pris d’un haut-le-cœur, comprenant que le tsaddik, de ses yeux purs, avait discerné que cet etrog n’avait pas été acheté à son intention. Gêné de reconnaître la vérité, il a donc balbutié quelque chose à propos d’une erreur, tout en sortant de son sac le deuxième etrog et en le donnant au Rabbi.
D’un seul coup, l’expression d’étonnement s’est transformée en satisfaction. « Un etrog de toute beauté…plein de gloire » a dit le tsaddik qui a alors couvert Reb Elimélekh d’une pluie de bénédictions.
Le commerçant a poursuivi son chemin vers Tchernobyl. Sans obstacles particuliers, il est arrivé chez son Rav et lui a présenté, sans rien dire, le (premier) etrog qu’il s’était procuré pour lui. Rabbi Mordekhaï a observé alternativement son ‘hassid puis l’etrog, alors que son visage exprimait l’interrogation.
« Dites-moi, qui a déjà touché à mon etrog ? » a-t-il demandé.
Rav Elimélekh s’est mis à trembler face à ce qui lui semblait être un dévoilement d’esprit prophétique, sans en être sûr. « Racontez-moi comment cet etrog est arrivé entre vos mains et ce qui s’est passé depuis ce moment-là jusqu’à présent » a ajouté le Rabbi. Il s’avérait donc clairement que le tsaddik percevait même des choses cachées. Reb Elimélekh est devenu rouge de honte lorsqu’il a dû faire part au Rabbi du déroulement des événements. Puis ce dernier a déclaré :
« Sachez, Reb Elimélekh, que chaque année à Tou Bichevat, il est décrété dans le Ciel quel etrog chacun de nous aura à Souccot prochain. Le tsaddik de Rojine savait exactement quel etrog lui était destiné. Lorsqu’il a vu celui que vous lui avez ramené, il a craint de voir ici un signe de la modification de son jugement. Il a examiné ses actions, sans trouver de raison à un quelconque changement. C’est pourquoi il n’a pas voulu accepter l’etrog que vous aviez acheté pour moi, un etrog qui ne lui était pas destiné. A présent, comme le tsaddik a tenu mon etrog dans ses saintes mains, il n’est plus tout à fait le même. C’est cela que j’ai senti. »
GARDE TA LANGUE
Ils le considèrent comme permis
Nos Sages ont déclaré : « Trois fautes entraînent une punition dans ce monde-ci et la perte de notre part dans le monde futur : l’idolâtrie, les unions interdites et le meurtre. Et la médisance équivaut à l’ensemble des trois. » Nos maîtres appuient leurs paroles par un texte des Ketouvim, et les Richonim commentent : il s’agit de ceux qui commettent cette transgression en permanence et ne s’engagent pas à s’en éloigner car ils ont fini par considérer la chose comme permise.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Le secret de la guerre de Moché contre Amalek
« Yéhochoua fit comme Moché lui avait ordonné, de lutter contre Amalek, et Moché, Aharon et ‘Hour montèrent au sommet de la colline » (Chemot 17, 10)
Il y a lieu de demander pourquoi dans la guerre contre Amalek c’est justement Moché, Aharon et ‘Hour qui ont été choisis pour monter au sommet de la colline afin de vaincre Amalek. On peut expliquer que les initiales de ces trois tsaddikim, qui ont été choisis pour représenter le peuple d’Israël dans la guerre contre Amalek, sont mem, aleph, ‘het, et ont la valeur numérique de 49. Or pourquoi est-ce dans le désert qu’Amalek est arrivé pour lutter contre les bnei Israël, sans attendre qu’ils rentrent dans le pays ? Parce qu’en ces jours-là qui séparent la sortie d’Egypte du don de la Torah, les bnei Israël ont travaillé pour s’élever, se purifier, acquérir les quarante-neuf portes de la sainteté et quitter les quarante-neuf forces de l’impureté où ils étaient plongés en Egypte. Et c’est ce que voulait Amalek – justement à ce moment-là, avant que la Torah ait été donnée, il a voulu souiller le peuple d’Israël, le faire redescendre dans les quarante-neuf portes de l’impureté, afin de le vaincre définitivement.
Et cela explique la façon dont il fallait lutter contre lui : Moché devait lever les mains vers le ciel, et à ce moment-là les bnei Israël étaient vainqueurs. Mais quand il baissait les mains, cela correspondait aux quarante-neuf portes de l’impureté, et dans cette situation c’est Amalek qui était vainqueur.
‘Hour, qui s’était joint à Moché et Aharon, était un grand tsaddik. On peut se faire une idée de toute l’étendue de sa piété par un raisonnement a fortiori : il est dit « Betsalel fils d’Ouri fils de ‘Hour », or Betsalel était jeune au moment où le Sanctuaire a été construit (voir Sanhédrin 69b), et il l’avait construit en assemblant les lettres et les Noms de Hachem dans l’ordre avec lequel le monde avait été créé (Berakhot 55a). Si c’était cela Betsalel, à combien plus forte raison son grand-père ‘Hour avait-il un niveau supérieurement élevé !
A LA SOURCE
« Par’o dit aux bnei Israël : ils sont égarés dans le pays » (14, 3)
Qui sont donc ces « bnei Israël » auxquels Par’o dit qu’ils « se sont égarés dans le pays ? »
Le Targoum Yonathan écrit : « Par’o dit à Datan et Aviram qu’ils s’étaient égarés en Egypte. » On se demande pourquoi Datan et Aviram n’étaient pas morts pendant les trois jours de l’obscurité, comme tous les impies d’Israël.
Le livre « Edout BeYéhossef » explique au nom de Rabbi Youkal de Bagdad zatsal que les impies qui ne voulaient pas sortir d’Egypte sont morts, mais ce n’était pas le cas de Datan et Aviram, parce qu’ils ne savaient pas que les bnei Israël risquaient de sortir totalement d’Egypte. Ils croyaient qu’ils n’allaient sortir que pour trois jours. Et comme l’écrit le Alcheikh sur le verset « Parle, Je te prie, aux oreilles du peuple », cela avait été dit en secret, pour que Datan et Aviram n’apprennent pas qu’ils allaient sortir pour de bon.
C’est pourquoi ils n’ont pas été punis et ne sont pas morts pendant les trois jours de l’obscurité : c’est qu’ils n’avaient pas appris que les bnei Israël sortaient effectivement d’Egypte à jamais.
« Parle aux bnei Israël, qu’ils reviennent et campent en face de Pi Ha’Hirot entre Migdol et la mer devant Ba’al Tsefon » (14, 2)
Les Ba’alei HaTossefot s’étonnent : comment peut-il être écrit qu’ils campent devant Ba’al Tsefon, qui est le nom d’une idole égyptienne, alors que les Sages ont enseigné dans la Guemara (Sanhédrin 63b) qu’il est interdit de dire à son ami : « Attends-moi à côté de l’idole Unetelle » ? Ils répondent que cette interdiction ne s’applique qu’à un être humain, et non au Saint béni soit-Il. Ainsi le Saint béni soit-Il juge le monde entier, même le Chabbat et le jour de Kippour, alors que siéger en jugement ces jours-là est interdit à un homme.
« Hachem luttera pour vous et vous vous tairez » (14, 14)
Le mot yla’hem (luttera) évoque le’hem (le pain). Il y a ici une allusion au fait que si vous vous taisez, évitant par là-même de prononcer des paroles interdites, inconvenantes, etc., alors : Hachem luttera pour vous, c’est-à-dire qu’Il vous procurera du pain, de la nourriture et tout ce dont vous avez besoin. Comme l’ont dit les Sages dans la Guemara (Chabbat 33a) : quiconque se souille la bouche, même s’il avait été décrété pour son bien qu’il vivrait soixante-dix ans, cela se retourne contre lui en mal. Et l’inverse est également vrai : celui qui préserve sa bouche en évitant les paroles interdites, rien de bon ne lui manquera. Le livre « Yochia Tsion » explique aussi, d’après l’adage des Sages (Yoma 23a) selon lequel « quiconque fait abstraction de ses tendances instinctives, on fait abstraction de ses fautes », que « Hachem luttera pour vous » peut être lu « Hachem vous pardonnera (ym’hol, mêmes lettres que yla’hem) », Il pardonnera toutes vos fautes, par le fait que « vous vous tairez », vous vous entendrez insulter sans répondre.
« Voici mon D., je Lui rends hommage » (15, 2)
Les commentateurs s’étonnent beaucoup des paroles de nos Sages dans la Mekhilta : « Une servante a vu au moment du passage de la mer ce que n’a pas vu Yé’hezkel dans sa prophétie, ainsi qu’il est écrit : « Voilà mon D., je Lui rends hommage. » Comment peut-on tirer de là que les servantes ont vu pareille chose ?
Le livre « Peninim Yekarim » en donne une belle explication au nom de Rabbeinou ‘Haïm de Volojine, d’après ce qu’ont dit les Sages sur la michnat bikourim : « Un prosélyte apporte [les bikourim] et ne lit pas [les versets que lit le juif en les apportant] », parce qu’il ne peut pas dire « la terre que Tu as donnée à nos pères ». Il en résulte donc qu’un esclave ou une servante sont également dispensés de la lecture habituelle que l’on fait sur les prémices.
Nos Maîtres avaient du mal à comprendre le changement d’expression dans le verset : « Voici mon D. et je Lui rends hommage, le D. de mon père et je L’exalte ». Pourquoi commence-t-on par « mon D. » et finit-on par « le D. de mon père » ? C’est pourquoi ils ont expliqué que le début du verset a été dit par les servantes, qui ne pouvaient pas dire « le D. de mon père », et la fin du verset a été dit par tous les bnei Israël. Or comme le début du verset montre qu’il a été dit par les servantes, elles ont dit « Voici mon D. » comme en Le montrant du doigt, c’est pourquoi ils ont interprété qu’« une servante a vu au moment du passage de la mer ce que n’a pas vu Yé’hezkel dans sa prophétie. »
La lumière du Zohar
« Alors Moché et les bnei Israël ont chanté » (15, 1)
La Michna dit : quiconque dit cette chira tous les jours avec attention méritera de la dire dans l’avenir, car elle contient le monde passé et le monde futur. Elle contient aussi tout ce qui concerne la foi, ainsi que l’époque du Machia’h, et toutes les autres louanges qui sont dites en-haut et en bas dépendent d’elle. « Et ils ont dit en disant » : pour toutes les générations, pour qu’ils ne l’oublient jamais. En effet, quiconque mérite la chira en ce monde-ci la mérite dans le monde à venir, et mérite de l’utiliser pour glorifier Hachem à l’époque du Machia’h, au moment où la communauté d’Israël se réjouira dans le Saint béni soit-Il, ainsi qu’il est écrit « pour dire ». « Pour dire », à cette époque-là. « Pour dire », en terre sainte, lorsqu’ils seront installés en Erets Israël. « Pour dire », en exil. « Pour dire », lorsque les bnei Israël seront délivrés. « Pour dire », dans le monde à venir.
(Parachat Béchala’h 54a)
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Une foi parfaite
« Et ils eurent foi en Hachem et en Moché, Son serviteur » (14, 31)
Tout juif dont les enfants atteignent l’âge de se marier et qui se soucie des dépenses liées à cet événement ressent la puissance de la véritable confiance en D. Le Gaon et tsaddik Rabbi Ye’hezkel de Chinova zatsal, auteur de « Divrei Ye’hezkel », avait fiancé l’une de ses filles et n’avait pas de quoi financer le mariage. La Rabbanit s’est plainte auprès de son mari car la date approchait et elle n’avait toujours pas de quoi y faire face, mais celui-ci lui a répondu qu’il n’avait pas d’argent et qu’il était dans l’impossibilité d’assumer ces frais. Un jour, le frère de Rabbi Ye’hezkel, Rabbi David de Kachanov, est venu lui rendre visite. La Rabbanit a alors imploré leur hôte de demander au Rav d’obtenir la somme nécessaire pour le mariage. Elle a ajouté que depuis le début des chidoukhim de leur fille, son mari s’investissait de plus en plus dans l’étude de la Torah sans se libérer un seul instant pour s’occuper du mariage qui approchait. Rabbi David a donc exposé à son frère Rabbi Ye’hezkel toutes les plaintes de la Rabbanit. « Que puis-je faire ? J’ai confiance que D. nous enverra certainement Son aide… » répondit l’Admour de Chinova. Mais son frère a rétorqué : « Il y a tout de même un effort personnel à fournir, or tu as encore ajouté des cours de Torah. Tu ne fais même plus l’effort que tu avais l’habitude de faire dans le passé ! »
La réponse de Rabbi Ye’hezkel est ainsi relatée dans l’ouvrage « Amira Yafa » : « Sache qu’une grande erreur est répandue dans le monde. Les gens pensent que face à un petit souci financier, il leur suffit de fournir un léger effort et de placer davantage leur confiance en D. Si, en revanche, des dépenses importantes s’annoncent à eux, ils pensent devoir redoubler d’efforts et perdent leur foi en D.
En réalité, l’approche devrait être contraire : si le besoin est petit et que nous sommes capables d’y pourvoir de manière naturelle, il est permis de se débrouiller par soi-même, comme il est dit « Je te bénirai dans tout ce que tu feras. » Mais si nous nous trouvons face à une situation complexe qui nous demande de nombreuses dépenses et qu’il est impossible de surmonter naturellement, il ne nous reste plus qu’à décharger notre fardeau sur D. et avoir confiance uniquement en Lui. Il nous trouvera une solution, comme il est dit « Confie-toi à Lui : Il fera le nécessaire » (Psaumes 37, 5), car de toute façon nous ne sommes pas en mesure de nous en sortir par nous-mêmes.
« C’est pourquoi, conclut-il, lorsque la Rabbanit m’a révélé le montant des dépenses nécessaires pour le mariage de ma fille, j’ai compris que je n’avais aucune chance d’obtenir cette somme de manière naturelle, et que j’étais par conséquent exempté de tout effort. Je place donc toute ma confiance en D. et il me reste ainsi davantage de temps libre pour me consacrer à l’étude de la sainte Torah. »
En effet, vous avez raison !
A ce sujet, une histoire racontée par le Gaon Rabbi Raphaël David Auerbach est rapportée dans le livre « Ma’assé Ich » : « Deux familles nouvellement liées par les fiançailles de leurs enfants se sont rendues ensemble chez le ‘Hazon Ich afin de recevoir sa bénédiction et son conseil quant au partage des dépenses de l’appartement et du mariage.
Le Rav s’est adressé au premier beau-père : « Vous vous chargerez d’acheter l’appartement ! » Puis il s’est tourné vers le deuxième en lui annonçant : « Quant à vous, vous vous occuperez de financer le mariage ainsi que les meubles pour la maison. » Après s’être remis de l’annonce de cette tâche, le premier beau-père a déclaré au ‘Hazon Ich : « Rabbi, je n’ai aucun moyen d’obtenir une telle somme ! »
Le Rav lui a répondu : « Mais pensez-vous réellement être celui qui donne ? C’est Hachem qui octroie l’argent et vous n’êtes qu’un intermédiaire choisi pour réaliser cette mission. Puisqu’il en est ainsi, pourquoi cela vous dérange-t-il d’être désigné émissaire pour vous occuper de l’appartement ? Cependant, si vous persistez à refuser d’en être responsable et préférez une charge moins lourde, je peux inverser les rôles… »
Puis, à la stupéfaction de l’autre beau-père, le ‘Hazon Ich s’est tourné vers lui en disant : « Désormais, vous vous occuperez de l’appartement et l’autre famille se chargera des frais du mariage et de l’ameublement… »
Plein d’intelligence, son interlocuteur a répliqué : « Si vous me nommez émissaire pour tout ce qui concerne la maison, pourquoi ne pas me faire mériter davantage ? » Le Rav a répondu : « En effet, vous avez raison : je vous désigne donc responsable pour tout ! Pour l’appartement, le mariage, l’ameublement etc. »
Le premier beau-père, qui avait jusque-là écouté silencieusement la discussion, s’est senti mal-à-l’aise et honteux. Il a déclaré : « Rabbi, j’accepte d’être l’intermédiaire pour ce qui concerne le mariage et les meubles. » Mais le Rav a répondu : « Vous arrivez trop tard, monsieur a déjà mérité d’être responsable de tout ! » C’est effectivement ce qui s’est passé : la famille qui a pris en charge les frais du mariage a connu le succès dans toutes ses entreprises et a obtenu les sommes nécessaires pour toutes les dépenses, de manière surnaturelle…