Chelah Lekha 16 Juin 2012 26 Sivan 5772 |
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La prière du guide
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Et Moché les envoya du désert de Paran, selon la parole de Hachem ; ils étaient tous des personnages considérables parmi les bnei Israël » (Bemidbar 13, 3)
Nos Sages se sont interrogés dans le saint Zohar (III, 158) : « Comment les explorateurs, qui étaient des hommes justes et à la tête du peuple, ont-ils pu calomnier la terre ? »
En réalité ces hommes-là ont prétendu : « Dans le désert, nous avons le mérite d’être des chefs mais ce ne sera plus notre cas une fois entrés dans le pays. Si nous nous installons en terre d’Israël, nous perdrons notre rôle et Moché désignera d’autres chefs à notre place. »
C’est pour cette raison que Moché a prié pour Yéhochoua, comme cela est expliqué par nos Sages (Sota 34b) : « Que Y-A-H te sauve du complot des explorateurs ! » Or les lettres formant le mot « Y-A-H » ont la même valeur numérique que le terme « gaava », orgueil. En d’autres termes, Moché a prié pour que Yéhochoua ne soit pas entraîné par l’orgueil des chefs de tribu et ne cherche pas à garder sa fonction, impliquant de ce fait un séjour prolongé des bnei Israël dans le désert ou une médisance sur la terre.
Il y a lieu de mieux comprendre ce sujet.
Pour quelle raison Yéhochoua aurait-il calomnié la terre dans le but de garder son poste ? C’est pourtant lui qui a fait entrer les bnei Israël dans le pays, est devenu le dirigeant de tout le peuple, a pris la place de Moché (Devarim 3, 28) et n’est pas resté le simple chef de la tribu d’Ephraïm, comme il l’était dans le désert !
Pourquoi donc Moché a-t-il craint la mauvaise influence des explorateurs sur Yéhochoua ? En effet, quel sot aurait préféré la gestion d’une seule tribu à celle d’un peuple entier, surtout s’il s’agit d’un ordre de D. ?
En réalité, Moché a prié pour que Yéhochoua ne soit pas influencé par l’orgueil des princes. Ceux-ci allaient évidemment l’inciter à calomnier la terre, prétendant qu’il valait mieux pour lui rester le chef de la tribu d’Ephraïm dans le désert que de décrire positivement le pays et d’y faire entrer les bnei Israël, provoquant ainsi la mort de son maître.
C’est ce que Moché a dit à Yéhochoua : « Que D. te sauve du complot des explorateurs », ce qui signifie : « Ne te laisse pas entraîner uniquement pour rester le chef de la tribu d’Ephraïm ! Aussi, veille à ne pas t’imprégner de leur orgueil ! Au contraire, tu as intérêt à parler positivement de la terre. Pense qu’ainsi, tu acquerras la place de prince en Israël, puisque c’est toi qui feras entrer le peuple sur l’ordre divin. Enfin, et ce qui n’est pas moins important, ne t’emplis pas de la gloire d’être un dirigeant. »
En me penchant sur le sujet, des questions me sont venues à l’esprit : Pourquoi Moché a-t-il envoyé Yéhochoua avec les explorateurs ? S’il était son serviteur, qui s’occuperait de Moché durant les quarante jours d’absence ? De plus, si Moché était anxieux au point de prier pour lui (« Que D. te sauve du conseil des explorateurs ! »), pourquoi l’a-t-il joint à cette mission ? Il aurait pu charger quelqu’un d’autre de le faire au lieu de mettre Yéhochoua à l’épreuve en lui recommandant de ne pas se laisser entraîner !
Voici mon avis : tout le monde savait que Yéhochoua bin Noun était destiné à devenir le futur dirigeant d’Israël. Il était en effet le serviteur de Moché, son homme de confiance et son bras droit. C’est justement pour cette raison que Moché l’a contraint à se joindre aux explorateurs et qu’il a prié pour qu’il reste éloigné de leur conspiration.
En effet, si Yéhochoua ne s’était pas joint aux explorateurs, les bnei Israël lui auraient reproché : « Si tu étais allé avec eux, tu te serais laissé aller à calomnier la terre et tu aurais été puni comme eux. Tu ne leur es donc pas supérieur et tu n’as aucune raison de nous gouverner et d’être notre chef. »
C’est pourquoi Moché l’a obligé à partir, quitte à devoir se passer de ses services durant quarante jours. Puis il a supplié Hachem de le laisser indifférent au conseil de ses compagnons, pour que tous voient que Yéhochoua n’avait pas suivi le groupe et qu’il était apte à être le guide du peuple. Tel était le sens de la prière de Moché : « Puisque tu t’es annulé devant D., Il sera toujours à tes côtés, tu verras constamment Sa grandeur et Sa puissance, Tu ne craindras que Sa gloire et Il te protègera de l’orgueil qui ne Lui est pas agréable. »
A la lumière de tout ce que nous venons d’expliquer, nous pouvons rapporter ce que mon fils Rabbi Raphaël m’a dit au sujet du verset « Il vint jusqu’à ‘Hévron » (Bemidbar 13, 22). Rachi a commenté sur place au nom de nos Sages (Sota 34b) : « Seul Calev y est allé, et il s’est prosterné devant les tombes des patriarches, afin de ne pas se laisser entraîner dans le complot fomenté par ses compagnons. »
Ceci est très étonnant : pourquoi a-t-il agi ainsi, alors qu’il était de toute manière sûr de ne pas vouloir calomnier la terre choisie ? Pourquoi a-t-il craint de se soumettre à l’avis des explorateurs auquel il n’adhérait de toute façon pas ?
Mon fils m’a expliqué que lorsque les explorateurs se sont mis à critiquer le pays, Calev les a fait taire. Alors, ses compagnons lui ont reproché : « Si tu parles positivement de la terre, c’est que tu en tires probablement un profit personnel. Puisque tu appartiens à la tribu de Yéhouda, dont la descendance est composée de rois, tu préfères entrer en Israël pour qu’un membre de ta tribu règne sur tout le peuple. Mais tu reconnais au fond de toi-même que nous avons raison. »
Alors Calev est parti prier sur les tombes des patriarches : il cherchait à être aidé par leur mérite. Il désirait que ses paroles positives au sujet de la terre soient sincères, même si cela devait lui coûter le titre de prince qu’il avait dans le désert. En effet, il était convaincu que « ce pays est très, très bon », et ses dires n’étaient ni hypocrites, ni motivés par le fait qu’un membre de sa tribu recevrait la royauté.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Rabbi Mordekhaï Knafo, qui accueillait Rabbi David ‘Hanania Pinto au Maroc, avait une immense confiance en la sainteté du tsaddik.
Voici ce qu’il a raconté au Rav il y a quelques années : sa fille avait prévu de se rendre en France pour y passer un examen important, mais en dernière minute Rabbi Mordekhaï s’est aperçu que le passeport avait disparu.
Il en a été très affligé, d’autant que l’émission d’un passeport au Maroc n’était pas chose facile.
Mais il savait ce qui lui restait à faire : il a prié D. de pouvoir retrouver son bien, par le mérite des tsaddikim. Tout en suppliant sincèrement Hachem, il a allumé des bougies, convaincu que la nuit même, quelqu’un viendrait lui rapporter le passeport.
La femme de Rabbi Mordekhaï lui a conseillé d’aller se coucher mais celui-ci a refusé, déclarant : « Je ne dormirai pas tant que le passeport ne me sera pas rendu. »
« Comment arrivera-t-il cette nuit ? » a questionné son épouse.
« Je suis persuadé qu’il arrivera, par le mérite des tsaddikim » a répondu Rabbi Mordekhaï.
A trois heures du matin, on a frappé à la porte. Il est parti ouvrir, et se trouvant face à un marocain qui tenait un sac à la main, il s’en est immédiatement emparé !
« Pourquoi m’arrachez-vous le sac ? » a demandé le visiteur. Mais en guise de réponse, Rabbi Mordekhaï a l’ouvert et en a sorti le passeport de sa fille. Puis il a demandé à son interlocuteur où il avait trouvé ce sac. Il a répondu : « Près de l’ambassade de France. »
« Pourquoi l’avez-vous ramené ? » a poursuivi le Rav. « En réalité, je n’ai pas tout de suite pensé à le rapporter. J’avais plutôt l’intention de le déchirer. Mais cette nuit, ma mère m’est apparue en rêve, me demandant d’aller vite rendre le passeport à ses propriétaires. Elle m’a dit : ‘Si tu veux accomplir la mitsva d’honorer ses parents, va réjouir cette famille en leur rendant le passeport.’ »
Les Arabes du Maroc étaient connus pour le respect qu’ils vouaient à leurs parents, et effectivement, celui-ci avait respecté le souhait de sa mère en venant restituer le passeport à ses propriétaires. Rabbi Mordekhaï lui a donné quelques pièces et l’a quitté en paix.
Notre maître a vu à travers cette anecdote l’importance de la confiance dans les tsaddikim. Cette histoire ne s’est pas déroulée il y a des dizaines d’années. Elle date de quelques années seulement. Ainsi, nous pouvons tous atteindre un tel degré de foi, comme l’a dit le prophète ‘Habakouk : « Le juste vivra par sa foi » : même un homme simple peut devenir un grand tsaddik s’il est habité par la foi.
Par le mérite de cette dernière, nous pouvons occasionner de grands prodiges, à l’image d’un tsaddik. Sinon, comment comprendre ce que nous venons de raconter ? Mais la foi n’est pas facile à acquérir : il faut travailler sur soi-même pour pouvoir y accéder.
LES PAROLES DES SAGES
La profondeur de la compréhension est en fonction de la vigilance
« Ne vous laissez pas entraîner par votre cœur et par vos yeux » (Bemidbar 15, 39)
Cette paracha, qui est souvent lue en plein été, nous présente des mises en garde pour que nous ne nous laissions pas séduire par ce que voient nos yeux, qui sont les portes d’entrée du sanctuaire de la réflexion et des pensées du cœur. Les Sages ont dit (Avoda Zara 29a) qu’avoir envisagé une faute est encore plus grave que de l’avoir commise. Comment ne pas tomber dans cet écueil ? Voici ce que nous conseille le Rambam :
« Il convient à l’homme de maîtriser ses instincts en cela et de s’habituer à une grande sainteté, des pensées pures et une réflexion juste. Plus encore, il doit tourner sa pensée vers des paroles de Torah et développer sa compréhension de la sagesse, car des idées de débauche ne peuvent régner que sur un cœur dépourvu de sagesse, et il est écrit sur la sagesse (Michlei 5) : « Biche d’amour, gazelle pleine de grâce, que ses charmes t’enivrent en tout temps, et que son amour t’enthousiasme sans cesse ! » »
Et voici ce que dit l’auteur de « Chomer Emounim » : Quand quelqu’un marche dans la rue et rencontre un spectacle interdit, s’il domine ses instincts et ferme les yeux pour ne pas voir le mal, s’il ne regarde pas, alors c’est un moment favorable pour lui dans le Ciel, et toutes ses prières, tout ce qu’il demandera à Hachem, lui sera volontiers accordé.
On raconte sur le ‘Hatam Sofer que lorsqu’il parlait avec une femme pour quelque chose de nécessaire, il jouait avec ses tsitsit, pour ne pas en venir à regarder son visage (« Minhaguei Ha’Hatam Sofer »).
Des niveaux extraordinaires
A Jérusalem, on parlait beaucoup du pouvoir qu’avait Rabbi Zondel Salant de savoir si un ustensile acheté chez des non-juifs avait été trempé ou non. Quand on lui demandait de quelle nature était cette connaissance, il répondait en toute simplicité que quiconque veille à ne rien voir d’interdit peut y accéder facilement.
Un an avant la mort du Admor Rabbi Méïr Abou’hatseira, il a répondu à l’un des Rachei Yéchivot de Jérusalem, qui lui avait demandé un bon conseil pour ses élèves sur la façon de s’élever dans la véritable crainte du Ciel, que le meilleur procédé et le plus éprouvé était de garder ses yeux et sa langue. Il a promis sans hésitation que celui qui réussissait à se conduire ainsi arriverait à des niveaux extraordinaires dans la crainte du Ciel et le service de Hachem.
Des futilités
L’un des élèves de la yéchivah aborda un jour le Rav Eliahou Lopian pour lui demander la permission de partir au mariage d’un proche parent.
« Est-ce que tu es sûr qu’il n’y aura là-bas rien d’indécent ? » lui demanda le Machguia’h. Le garçon se mit à bafouiller (car il savait que ce ne serait pas le cas), et s’expliqua en disant : « Mais mon père, ma mère et moi-même seront assis à une table spéciale, etc. etc. » Il termina en disant : « A moi cela ne fera aucun mal. »
Le Machguia’h fut choqué d’entendre cela, et dit au garçon : « Ecoute-moi ! J’ai déjà passé depuis longtemps les dix-huit ans, et j’ai un œil qui voit mal, et pourtant quand je marche dans la rue je suis rempli de la crainte de voir quelque chose d’indécent. Et toi, qui es jeune et qui as tes deux yeux, tu viens me dire que cela ne te fera aucun mal ? » Il ajouta quelques paroles sévères qu’il est impossible d’écrire, se détourna de lui et partit. » (Lev Eliahou Vol. 2 p. 96)
J’aurais reçu une bonne dose
Quand Rabbi Eliahou Lopian marchait dans la rue, il ne tournait la tête d’aucun côté, mais regardait droit devant lui. Un élève a raconté qu’un jour, le Machguia’h a eu besoin de soins dans les yeux, qui ont été fixés à trois heures de l’après-midi. A deux heures, ils sont sortis de la maison pour attendre l’autobus. Ils ont attendu longtemps, personne de ceux qui étaient là n’avait plus de patience, et ils tendaient la tête à chaque instant vers la direction d’où devait venir l’autobus pour voir s’il arrivait enfin.
Rabbi Eliahou restait immobile comme à son habitude. Tout à coup, apparemment lui aussi perdit patience et tendit également la tête dans cette direction, mais il se reprit instantanément et se dépêcha de ramener sa tête avec une grande peur, puis il soupira et dit : « A Kelem, j’aurais reçu une bonne dose de réprimande pour avoir tourné la tête comme cela, sans nécessité… »
Le fils de Rabbi Zéev Tchechik, des hommes pieux de Jérusalem, a raconté :
Un jour de ‘Hol HaMoed Pessa’h, mon père a ressenti une faiblesse cardiaque ou une élévation de la tension, et il a eu besoin tout de suite d’un médicament. C’était la nuit, et les pharmacies étaient déjà fermées. L’une de ses connaissances l’a appris et a immédiatement téléphoné à mon père pour lui dire qu’il était prêt à se procurer les médicaments nécessaires à la pharmacie de garde de la rue Yaffo.
Il fut stupéfait de s’entendre répondre que mon père hésitait beaucoup à le lui permettre. Supposant qu’il avait scrupule à le déranger, il se mit à lui expliquer que cela n’avait rien de difficile. Voyant que mon père hésitait toujours, il lui a demandé : « Peut-être craignez-vous qu’il y ait un risque de ‘hamets dans les médicaments ? Dans ce cas, on peut vérifier ! »
Mon père lui répondit : « Non, les médicaments sont pour moi vraiment une nécessité vitale, il n’y a pas à tenir compte du ‘hamets ou autres considérations de ce genre. » Mais comme il continuait à hésiter, l’autre le poussa dans ses retranchements. Mon père lui dit alors : « Je vais te dire la vérité. La pharmacie se trouve au centre de la rue Yaffo, il faut y aller en autobus, il est certainement impossible de garder convenablement la sainteté des yeux dans ces conditions-là, et je ne peux pas imaginer qu’une chose pareille arrive à cause de moi… mais comme je vois que tu as très envie d’y aller, et que c’est vraiment presque une question de vie ou de mort, si tu me promets absolument de garder tes yeux, de façon à ne pas voir quoi que ce soit d’interdit, tu peux y aller, mais n’oublie pas cette condition ! » Il a promis et lui a apporté le médicament à la maison. Dès qu’il est rentré, sans toucher aux médicaments, mon père lui a demandé fermement s’il avait respecté la condition. Quand il a répondu par l’affirmative, il s’est calmé, et alors seulement a utilisé les médicaments !
GARDE TA LANGUE
Il convient à quelqu’un d’intelligent
L’homme doit protéger l’ouverture de sa bouche et fuir le lachon hara envers tout individu, et à plus forte raison la communauté ; se garder de protester contre les décisions de D. ; se garder de la médisance, du mensonge et de la raillerie ; ne pas blesser qui que ce soit en paroles, même sa femme ; ne pas faire honte à quelqu’un même lorsqu’on est en train de le réprimander ; il faut aussi éviter l’orgueil, les paroles de dissension et les paroles de colère. Il convient à quelqu’un d’intelligent de fuir les discussions, et une belle âme fera également attention aux propos oisifs, et veillera à ne pas donner de mauvais conseils (ce qui est fréquent chez les chadkhanim, les intermédiaires et les vendeurs) ni de malédictions, ainsi qu’à ne pas contredire son père ou son maître, ni prononcer en vain le Nom de D., même dans une langue étrangère.
(« ’Hovat HaChemira »)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
La génération du désert était attachée à l’Egypte
« Certes, il vaut mieux pour nous retourner en Egypte. Et ils se dirent l’un à l’autre : ‘Donnons-nous un chef, et retournons en Egypte !’ »
Le fait d’avoir proposé « Donnons-nous un chef, et retournons en Egypte » prouve que les bnei Israël étaient encore attachés à ce pays et n’étaient donc pas aptes à entrer en terre d’Israël. En effet, face à n’importe quelle épreuve ils auraient émis l’éventualité de retourner en Egypte, comme il est dit (Chemot 13, 17) : « Le peuple pourrait se raviser à la vue de la guerre et retourner en Egypte. » De plus, leur lien avec ce pays les a incités à la faute, comme cela a été le cas du peuple qui s’est laissé aspirer par ses désirs en déclarant : « Nous nous sommes souvenus du poisson que nous mangions gratuitement en Egypte ». La réminiscence de leur existence passée les a poussés à vouloir vivre ainsi à nouveau. C’est pourquoi D. a décidé que cette génération n’entrerait pas en Erets Israël. Puisque leurs parents eux-mêmes avaient évolué en Egypte durant des générations, ils avaient conservé un certain attachement à ce pays. Leurs enfants, en revanche, qui avaient grandi dans le désert, étaient complètement déracinés et ont donc mérité d’entrer en Erets Israël.
A LA SOURCE
« Tâchez (Véhit’hazaktem) aussi d’emporter quelques-uns des fruits du pays » (13, 20)
Rabbi Moché Galanti se demande pourquoi il fallait les encourager (hit’hazkout) à prendre des fruits de la terre et pourquoi Moché a dû les prévenir.
Voici sa réponse : Il est évident pour nous, et le Choul’han ‘Aroukh ‘Hochen Michpat (192, 10) le confirme, que quiconque se rend dans un champ qu’il a vendu à son ami et y récolte des fruits de l’arbre est considéré comme l’ayant acheté par « ‘hazaka ». Tel est le sens du mot « Tâchez (Véhit’hazaktem) » : lorsque vous vous dirigerez vers cette terre, faites-en l’acquisition par « ‘hazaka » en prenant « quelques-uns des fruits du pays… »
« Alors toute la communauté se souleva en jetant des cris » (14, 1)
Le midrach Yalkout Chim’oni a expliqué :
En revenant de l’exploration de la terre, chaque guide s’est rendu au sein de sa tribu et s’est affalé dans un coin de la maison. Les enfants se sont inquiétés : « Qu’est ce qui ne va pas ? » ont-ils demandé. Alors il faisait mine de s’effondrer en leur disant : « Je souffre beaucoup pour vous mes fils, mes filles et mes belles-filles ! Les Emorim vont vous tromper, vous dominer ! Qui pourra faire face à l’un d’entre eux… ? »
Alors ils fondaient tous en larmes et les voisines se mettaient aussi à pleurer. Chaque famille communiquait son désespoir à l’autre et toute la tribu en devenait affligée. C’est ainsi que six cent mille personnes sont devenues une seule et même entité se répandant en larmes et criant sa douleur vers les cieux. Tel est le sens du verset « Alors toute la communauté se souleva en jetant des cris. »
« Et Tu ferais mourir ce peuple comme un seul homme ! » (14, 15)
Le gaon Rabbi Chemouël Cahana, petit-fils de l’auteur de « Meirat Einaïm », explique l’expression « comme un seul homme » employée par le texte en s’appuyant sur un principe énoncé par nos Sages dans la Guemara (86a) : « Quiconque commet une transgression sera pardonné les deux premières fois mais ne le sera plus lors de la troisième transgression. N’est-il pas enseigné par ailleurs qu’on pardonne jusqu’à la quatrième occurrence ? Ceci n’est pas une question : dans un cas, il s’agit du particulier, et dans l’autre, de la communauté. » La communauté est quant à elle pardonnée jusqu’à la quatrième fois.
La faute des explorateurs était la troisième commise par les bnei Israël depuis la sortie d’Egypte. D’après la loi stricte, il aurait donc fallu leur pardonner. C’est pourquoi l’argument de Moché était : en mettant à exécution Sa menace « Je veux le frapper de la peste et l’anéantir, et te faire devenir toi-même un grand peuple », D. appliquerait à la collectivité la règle de l’individu qui, lui, n’est pas pardonné la troisième fois. Alors, les nations du monde qui ont eu écho des prodiges de D. diraient : « C’est que Hachem n’avait pas le pouvoir de les introduire dans le pays etc. »
« Vous vous rappellerez ainsi et vous accomplirez tous Mes commandements, et vous serez saints pour votre D. » (15, 40)
D’après Abrabanel, nous devons porter des tsitsit car « la plupart d’entre nous sont noyés dans les désirs matériels, les préoccupations des affaires et les nécessités. » C’est la raison pour laquelle D. nous a enjoint de placer un signe en rappel sur notre chair. Ce signe doit être présent que nous soyons dévêtus (il s’agira de la brit mila) ou habillés (le coin de notre vêtement, soit les tsitsit) et doit également être visible à la maison (la mezouza, à l’entrée). Il nous incombe d’en parler constamment afin de garder en tête l’existence de notre Créateur, comme il est dit : « Je fixe constamment Mes regards sur Hachem. »
C’est pourquoi il est écrit que les tsitsit doivent se trouver face à nous en permanence : « Vous vous rappellerez ainsi et vous accomplirez tous Mes commandements, et vous serez saints pour votre D. »
LA LUMIERE DU ZOHAR
« Ils se feront des franges aux coins de leurs vêtements » (15, 38)
Rabbi Nehoraï a dit à propos du passage des tsitsit : « Il est dit ici « ils se feront des franges dans toutes leurs générations (ledorotam avec vav) » alors qu’au sujet du Chabbat il est dit « pour respecter le Chabbat dans toutes leurs générations (ledorotam sans vav, ce qui peut aussi être lu lediratam, dans leurs demeures) ». Le passage sur les tsitsit figure dans la lecture du Chema, et dans la demeure du juif (dans la mezouza) sans la section faisant référence aux tsitsit, qui ne s’y trouve pas. Comment la chose se compense-t-elle ? Lorsqu’on s’enveloppe dans son talit (qui porte les tsitsit) et qu’on sort de chez soi par la porte où se trouve la mezouza (à laquelle il manque le passage des tsitsit), on quitte sa « demeure » avec la totalité du Chema, D. Se réjouit et l’ange destructeur s’en va, nous épargnant tout dommage et tout mal. Ainsi « lédorotam » est écrit sans vav pour renvoyer à « lediratam », leur demeure, où l’on se trouve entier et dont on sort entouré de mitsvot. Alors l’ange destructeur s’en va on est préservé de tout mal.
Rabbi Nehoraï a déclaré : « Je témoigne qu’au moment où quelqu’un passe entre les deux linteaux de sa maison, enveloppé d’un talit et paré de tefilin, la Chekhina l’entoure ainsi que deux anges, et ils l’accompagnent jusqu’à la synagogue et le bénissent. L’accusateur qui se tient devant la personne en question les suit et répond « amen » malgré lui.
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Un regard émanant d’en-Haut
La terre d’Israël, située au centre du monde, bénéficie d’une attention particulière de la part du Créateur : « un pays sur lequel Hachem veille et qui est constamment sous l’œil de D., depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin de l’année. » La médisance répandue par les explorateurs au sujet du pays n’a pas laissé de traces sur l’humanité. A chaque génération, nous découvrons de nouvelles significations au bref témoignage de Yéhochoua et Calev : « Ce pays est bon, il est excellent. »
L’auteur de Mikhtav MeEliahou a écrit : « Même de nos jours, nous trouvons en Israël une certaine sérénité qui n’existe pas ailleurs. Durant ces dernières années, alors que tous fuyaient leur pays pour un autre lieu plus sûr dans la crainte d’une nouvelle guerre mondiale, les seuls à quitter Israël étaient des voyageurs en quête de nouveaux plaisirs du monde. Mais personne n’a fui le pays par peur de la guerre, car cette crainte ne planait pas en Israël. Ceci est très surprenant : on devrait logiquement avoir bien plus peur en Israël qu’ailleurs ! D’où vient ce sentiment de sécurité ? C’est une des bénédictions que D. a répandues sur ce pays.
Lors de sa première visite en Israël, le Admour Rabbi Mordekhaï Chelomo de Boyan a été accueilli au port de ‘Haïfa, puis accompagné en voiture à Tel-Aviv, par quelques ‘hassidim. Pendant tout le trajet, qui a duré près de deux heures, le Rabbi n’a pas dit un mot. Il n’a fait que regarder par la fenêtre et observer le paysage qui s’offrait à lui.
Un des ‘hassidim a alors osé lui demander : « Rabbi, instruisez-nous, qu’y a-t-il de si intéressant à voir par la fenêtre ? »
La réponse du Rabbi a été la suivante :
« Il est dit au sujet d’Israël : ‘Ce pays est constamment sous l’œil de D., depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin de l’année.’ Il est donc profitable à un homme comme moi de le contempler aussi. »
Il ne faut pas médire
Un Israélien est un jour venu rendre visite au Admour de Karlin, auteur du « Beit Aharon ». Le Rabbi l’a questionné sur la vie en terre sainte. Son interlocuteur en a fait l’éloge, mais a souligné que les juifs y souffraient beaucoup à cause des étrangers. En entendant cela, le Rabbi est devenu livide et a déclaré : « Vous contenez en vous une étincelle des explorateurs. » Blessé, son visiteur s’est exclamé : « Rabbi ! Je n’ai médit d’aucun juif ! »
Alors le Rabbi lui a répondu : « Les explorateurs non plus n’ont médit d’aucun juif ! Ni de la terre, ni de ses habitants. »
Rapportons ici l’anecdote que Rabbi Ye’hezkel Abramski a raconté à ses disciples : « Lorsque je me suis installé en Israël, j’ai acheté une parcelle de terre en Galilée conformément aux saintes paroles du Ibn Ezra à propos du verset de Vaychla’h : ‘Il acquit la portion de terrain’ : ‘Le texte nous enseigne par là que la terre d’Israël a une grande valeur. En posséder une portion est aussi important qu’acquérir une part du monde à venir.’ »
Puis il a ajouté : « Je ne suis jamais allé en Galilée et je n’ai jamais vu la parcelle de terre qui m’appartient. En effet je l’ai achetée uniquement par foi dans les paroles de Ibn Ezra. »