Korah 23 Juin 2012 3 Tamouz 5772 |
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La leçon de morale tirée de la richesse de Kora’h
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Kora’h, fils de Yitshar, fils de Kehat, fils de Lévi, forma un parti » (Bemidbar 16, 1)
Ce n’est pas par hasard que la parachat Kora’h est insérée entre la section traitant des tsitsit et la parachat ‘Houkat. Au sujet des tsitsit il est dit : « Leur vue vous rappellera tous les commandements de Hachem, afin que vous les exécutiez » et la parachat ‘Houkat mentionne : « Voici la règle, lorsqu’il se trouve un mort dans une tente… » Nos Sages ont expliqué (Berakhot 63b) que la Torah ne s’acquiert que par une personne qui se sacrifie pour elle. Voici les deux conditions fondamentales et indispensables pour mériter la couronne de la Torah :
Tout d’abord « Vous les verrez » : percevoir D., prendre conscience de Sa grandeur, Le connaître et se souvenir de tous Ses commandements.
Mais cela ne suffit pas : en effet, dans la vie de tous les jours, nous voyons les tsitsit sans ressentir que ceci agit sur nous et nous influence. Alors comment comprendre la suite du verset « Vous vous rappellerez de tous les commandements de Hachem » ? C’est pourquoi la parachat ‘Houkat vient ajouter une condition supplémentaire à la réception de la Torah : « S’il se trouve un mort dans une tente… ». Nous avons l’obligation de nous sacrifier pour la Torah, de nous faire petits face à elle, et d’annuler tous nos désirs et aspirations pour sa gloire. Il nous faut reconnaître notre insignifiance par rapport à elle et faire preuve d’une modestie particulière.
La mitsva des tsitsit nous permet certes de nous souvenir de la grandeur de D. et de reconnaître Sa supériorité, mais nous devons par ailleurs apprendre à ne pas nous enorgueillir et à nous défaire de nos mauvais traits de caractère. En effet, si l’on a conscience de la grandeur de D. mais qu’on est empli de fierté et qu’on se considère comme quelqu’un d’honorable, on ne cherchera pas à accomplir Ses commandements. C’est pourquoi la reconnaissance de la suprématie de la Chekhina doit aller de pair avec une soumission de notre part face à la Torah et à ceux qui l’étudient.
C’était le tort de Kora’h : il faisait partie de ceux qui transportaient l’arche sainte et connaissait donc la grandeur de D. Mais d’un autre côté, il n’a pas su s’abaisser et admettre la faible condition de l’humain. Il ne voulait pas accomplir le verset « lorsqu’il se trouve un mort dans une tente », car il lui était difficile de tuer ses désirs face à la Torah et face à Moché, maître de tout Israël. Il était plein d’orgueil et a prétendu « Pourquoi serait-ce précisément à Moché de nous gouverner et non à moi ? » Puisqu’il manquait de modestie et ne s’est pas soumis à la Torah et aux Sages, il a fini par se rebeller contre la Torah et même par renier D., car quiconque se révolte contre les tsaddikim et les méprise est considéré comme s’étant rebellé contre D. Lui-même.
Voici ce que dit Rachi (Bemidbar 16, 7) : « Comment Kora’h, qui était pourtant intelligent, a-t-il été poussé à cette stupidité ? C’est sa vision qui l’a induit en erreur. » Deux yeux nous ont été donnés : un pour reconnaître la grandeur divine et l’autre pour voir notre petitesse et notre bassesse. Kora’h a utilisé à bon escient son premier œil et a même reconnu la gloire de D. Mais il n’a pas utilisé correctement le second et n’a pas pris la mesure de son bas niveau : il n’a pas eu l’intelligence de se soumettre à la sainte Torah et aux Sages d’Israël. C’est donc l’orgueil qui l’a mené à sa perte. C’est le sens de la phrase « C’est sa vision qui l’a induit en erreur. » Il est devenu orgueilleux, principalement à cause des nombreux biens qu’il possédait. Le verset « Yechouroun, engraissé, regimbe » s’est accompli en lui : la richesse l’a aveuglé et il s’est attribué tout le mérite de sa réussite.
A notre grand désespoir, nombreux sont ceux qui se comportent comme Kora’h. Lorsque nous sommes dans une mauvaise passe ou qu’un malheur nous frappe, nous savons nous tourner vers Hachem et L’implorer. Alors seulement, la foi s’éveille en nous. Mais quand tout va bien pour nous, que nous sommes abondamment alimentés par D., nous L’oublions et Lui tournons le dos car nous avons l’habitude de nous attribuer le mérite de nos réussites. C’est contre cela que le verset met en garde (Devarim 8, 12-14) : « Peut-être, jouissant d’une nourriture abondante, bâtissant de belles maisons où tu vivras tranquille, voyant prospérer ton gros et ton menu bétail, croître ton argent et ton or… peut-être ton cœur s’enorgueillira-t-il, et tu oublieras Hachem ton D. » C’est pourquoi la Torah ordonne : « C’est de Hachem ton D. que tu dois te souvenir, car c’est Lui qui t’aura donné le moyen d’arriver à cette prospérité. »
Lors d’un des plus violents accidents aériens qui se soient produits, un avion où se trouvaient environ deux cent quatre-vingts passagers s’est écrasé en pleine mer. Parmi eux, il y avait trois juifs israéliens, et l’état d’Israël a donc mis en œuvre tous les moyens possibles pour retrouver les débris de l’avion et les corps. Mais en vain. La sœur d’un des voyageurs m’a contacté et m’a demandé en sanglotant et en proie au désespoir le plus profond : « Que pensez-vous ? Mon frère est-il encore vivant ? » Je lui ai répondu : « Qu’espérez-vous entendre de ma part ? Toute personne sensée est à même de comprendre qu’il n’y a à présent plus aucune chance de retrouver des rescapés alors que l’avion est tombé au fond de l’océan… » Mais elle a répliqué avec confiance : « Rabbi ! En tant que juive, j’ai toujours l’espoir et la foi que mon frère puisse être encore vivant… »
Sa réponse m’a stupéfait, et je me suis rendu compte que c’est cela que doit être la foi d’un juif : croire en D., que rien ne peut empêcher de nous sauver. Nos Sages ont affirmé : « Même quand on a une épée posée sur le cou, on ne doit pas désespérer de la miséricorde divine ! »(Berakhot 10a). Mais nous devons nous interroger : cette foi se manifeste-t-elle uniquement lorsque nous sommes assaillis de soucis et de malheurs qui nous poussent à rechercher D. et à nous rendre dépendants de Lui, ou bien reconnaissons-nous que tout émane de Lui même lorsque tout va bien, que nous avons largement de quoi vivre et que nous sommes en très bonne santé ? De peur que, D. nous en préserve, pendant les périodes de réussite, nous nous éloignions de la foi en D. et déclarions « C’est ma propre force, c’est le pouvoir de mon bras, qui m’a valu cette richesse ! », qui que nous soyons, nous avons le devoir d’accorder de l’importance à cet avertissement et d’y réfléchir.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Rabbi Bensimon, dont la fille est mariée au petit-fils de Rabbi ‘Haim Pinto, a raconté a notre maître Rabbi David ‘Hanania Pinto que pour gagner sa vie, il avait travaillé au Maroc en tant que qu’orfèvre. Un jour, Rabbi ‘Haim est entré dans sa bijouterie et a exigé de lui : « Donne-moi telle somme ! » (Il est bien connu qu’il arrivait souvent au Rav de demander un montant exact, et personne n’osait le lui refuser de peur qu’il dévoile leurs fautes. En effet, il savait dire quelle somme exacte la personne qui était en face de lui avait dans la poche. C’est pourquoi tous ses interlocuteurs accédaient à sa requête sans protester.) Mais le bijoutier lui a répondu : « Je n’ai pas cette somme. »
Cette réponse n’a pas plu au tsaddik, qui a répliqué : « Un juif ne peut pas dire ‘Je n’ai pas’ ! Dites ‘Avec l’aide de D., Il m’octroiera et alors je vous donnerai.’ En effet, affirmer ‘Je n’ai pas’ revient à ouvrir sa bouche au mal, et à sous-entendre que D. ne pourrait pas nous donner. Et s’il n’a pas, c’est un signe qu’il doit vérifier ses actions.
Le bijoutier a écouté attentivement les paroles du Rav, les a acceptées et a immédiatement corrigé sa réponse : « Avec l’aide de D., Il me prodiguera aujourd’hui une somme et je pourrai vous donner le montant qu’il vous faut ! »
Satisfait, le Rav a annoncé : « J’attends ici. Dans quelques instants, une femme qui doit marier sa fille et acheter des bijoux va arriver. Vendez-lui ce qu’elle désire. »
Rabbi ‘Haim a attendu dans la bijouterie, et au bout d’un certain temps une femme vêtue très simplement est entrée et a demandé le prix d’un bijou. Le vendeur lui a donné un prix bien plus élevé que la valeur du gramme d’or, pensant que vu sa pauvreté, elle ne pourrait de toutes façons pas acheter un tel objet.
Mais la cliente, impressionnée par ces merveilles, s’est exclamé : « Je n’ai jamais vu un tel travail ! » Elle s’est intéressée également à d’autres bijoux, et le vendeur, tout aussi stupéfait de la réaction de sa cliente, lui annonçait des prix exorbitants.
La femme en question n’a pas négocié le prix fixé par le bijoutier : elle a sorti de sa poche la somme demandée, a payé puis a quitté le magasin.
Le bijoutier a regardé Rabbi ‘Haim, puis en levant les yeux au Ciel, s’est écrié : « Maître du monde ! Cette femme qui a l’air d’une pauvre a acheté tous ces bijoux… ! »
Le Rav lui a alors expliqué : « Cette femme n’a jamais donné d’argent à la tsedaka. C’est pour cela que je n’ai pas réagi face à votre comportement : à présent, gardez la somme exacte que vous coûtent ces bijoux au prix du gramme d’or, comme vous le faites avec tous les autres clients, et donnez-moi le reste pour la tsedaka. »
C’est donc ce qu’a fait le bijoutier. Puis Rabbi ‘Haïm s’est adressé à la femme en ces termes : « Vous avez payé les bijoux au-delà de leur vraie valeur, voici donc la différence. Voulez-vous la garder ou préférez-vous donner cette somme à la tsedaka ? » « J’aimerais que cette somme aille à la tsedaka car je n’ai jamais fait de charité durant ma vie… » a été sa réponse.
LES PAROLES DES SAGES
La moindre petite discorde
La Torah est jalonnée de conseils destinés à guider chaque juif à travers les sentiers de la vie. Parmi ceux-là se trouve la mise en garde qui découle de l’épisode relaté dans notre paracha, à savoir « N’agissez pas comme Kora’h et son assemblée ». Le Ramban rapporte au nom du ‘Yéréïm’ (paragraphe 345) que cet avertissement vient a priori nous interdire de contester la prêtrise et de penser que nous pourrions aussi assumer le service au Temple en lieu et place du cohen.
Cependant, nos maîtres précisent que toutes les discordes sont visées par cette injonction, comme l’écrit le Yéréïm : « Il ne faut jamais contester l’honneur qui est fait à autrui pour une mitsva, cela en vertu de l’interdiction d’agir comme Kora’h et son assemblée, qui ont contesté l’autorité de Moché et Aharon en déclarant : ‘Pourquoi vous placez-vous au dessus de l’assemblée de D.’ ? »
La Guemara Sanhédrin (106b) affirme que quiconque s’implique dans une dispute transgresse un interdit de la Torah et mérite d’être frappé par la lèpre (tsara’at). D’où le voyons nous ? Ici il est écrit (Kora’h 17, 5) « comme D. a parlé par l’intermédiaire de Moché, à son sujet (lo) » et par ailleurs, on trouve « D. lui (lo) a dit, replace ta main dans ton sein…. » (la main avait été frappée par la lèpre).
Le midrach nous interpelle aussi à ce sujet en ces termes : « Comprends combien la dispute est grave ! D. fait disparaître le souvenir de quiconque la favorise ! En effet, après l’épisode de Kora’h, ‘un feu s’élança de devant le Seigneur et consuma…..’ Au sujet de ce verset, Rabbi Berakhia explique que le tribunal céleste ne sanctionne personne avant l’âge de vingt ans ; le tribunal terrestre punit à partir de l’âge de treize ans, mais lors de la dispute de Kora’h, même les nourrissons âgés d’un jour ont été brûlés et précipités dans l’abîme, comme il est écrit ‘leurs femmes, leurs fils et leurs enfants.’ »
Rabbi Eliahou Hacohen d’Izmir écrit : « Il suffit de voir combien la dispute est destructrice et quels mauvais décrets touchent ceux qui y prennent part pour mesurer la valeur et la force de la paix.
Pour avoir provoqué et entretenu la discorde, Kora’h et son assemblée ont subi une mort terrible et singulière que le monde n’avait encore jamais vue : eux et tous leurs biens ont été engloutis par la terre (Midrach Rabba 18, 4-13). Même les nourrissons qui n’avaient jamais fauté sont morts, et ce jour-là, la manne n’est pas tombée. De plus, les hommes engloutis sont restés au Guéhénom jusqu’à ce que ‘Hanna vienne et prie pour eux (Sanhédrin 109b). Comprenons donc à quel point la discorde est grave et honnie par D. »
Le ‘Chevet Moussar’ nous enjoint de nous éloigner de la moindre discorde, car le Satan est présent pour l’amplifier et la faire brûler, tel un feu qui consume l’âme et la chair, comme il est dit : ‘la discorde est comparable à un torrent formé à partir d’un petit jaillissement d’eau’ (Sanhédrin 7a). Ainsi on raconte (Guittin 52a) que le Satan s’est interposé entre deux hommes, ce qui a résulté en une longue et importante dispute, jusqu’à ce que Rabbi Méïr parvienne à les réconcilier. Il a alors entendu le Satan se plaindre que Rabbi Méir l’avait fait sortir de la maison où il avait allumé le feu de la discorde. On apprend de là que la dispute va en s’amplifiant jusqu’à ce que le Satan s’installe dans les lieux. C’est pourquoi il ne faut considérer aucun désaccord avec légèreté et s’attacher à le résorber immédiatement.
Le silence est une haie pour la sagesse
Lorsqu’une querelle a éclaté entre la cour du ‘hassid de Rojin et celle des ‘hassidim de Tsanz, le Rabbi de Tchekov a enjoint ses disciples de ne pas s’en mêler et de se tenir à l’écart. En leur racontant l’histoire suivante, il leur a fait prendre conscience de la gravité de la discorde.
Un lion déambulait à travers la forêt et arrêtait les animaux qui croisaient sa route. Il demanda à la première bête : « Est ce que j’ai une bonne haleine ? » En guise de réponse, la bête a grimacé, car une odeur nauséabonde émanait de la gueule du lion du fait de sa faim. Considérant cette réaction comme une atteinte à l’honneur dû au roi des animaux, le lion s’est enflammé contre cette pauvre bête et l’a dévorée. Il a poursuivi son chemin, a croisé un autre animal et lui a demandé « Quel genre d’odeur provient de ma bouche ? » Tirant la leçon du sort de la bête précédente, celui ci a répondu : « Une excellente odeur, un parfum divin et délicat… » Alors le lion a rugi : « Quelle insolence ! Mentir avec audace au roi des animaux ! » Et il l’a dévoré également. Mais entre temps, sa faim s’était calmée et c’est alors qu’il a rencontré le renard. Il a ouvert grand sa gueule et lui a demandé : « Et toi, quel est ton avis : quelle odeur exhale ma bouche ? » Rusé, le renard s’est prosterné et a répondu : « Pardonnez-moi mon maître le roi, mais j’ai le nez bouché depuis trois jours et je ne peux rien sentir pour le moment… »
Le Rabbi de Tchekov a conclu ainsi : « Il est préférable de rester à l’écart dans ce triste conflit. En effet, « nous avons le nez bouché » et ne sommes pas en mesure de sentir et de trancher. Ainsi, nous serons épargnés par les dents du lion.
Peu importe où vous habitez
Le Gaon Rabbi Chlomo Zalman Auerbach zatsal a une fois raconté l’anecdote suivante. Un jour, les habitants du quartier de Cha’arei ‘Hessed à Jérusalem ont reçu une nouvelle qui les a beaucoup réjouis : Rabbi Aharon Cohen, le gendre du ‘Hafets ‘Haïm qui venait s’installer en Eretz Israël, allait habiter dans leur quartier ! L’événement a engendré beaucoup d’émotion, tous les résidents l’ont reçu avec de grands honneurs et on lui a préparé un appartement confortable et parfaitement équipé.
Au bout de quelques mois, les habitants du quartier ont découvert avec stupéfaction la disparition de Rabbi Aharon, dans des conditions mystérieuses. Après une semaine d’absence, ils ont décidé d’aller frapper à sa porte. Restant sans réponse, ils l’ont eux-mêmes ouverte et ont découvert une maison totalement vide ! Ils ont essayé de se renseigner auprès des voisins : peut être quelqu’un savait-il où Rabbi Aharon était parti ? Mais sans succès. Personne ne le savait.
A la synagogue, ils ont à nouveau demandé si quelqu’un savait ce qui s’était passé avec le Rav et là, un vieux juif s’est approché et a raconté innocemment qu’une semaine plus tôt, il avait vu Rabbi Aharon quitter le quartier avec une charrette chargée de toute ses affaires, en direction de la ville de Jaffa…
Les responsables de la communautés étaient vraiment troublés : « Qu’est ce qui a pu pousser Rabbi Aharon à quitter cet endroit, et… si discrètement ? »
Ils voulaient absolument comprendre les raisons de cette disparition et ont donc décidé d’envoyer une délégation à Jaffa auprès du Rav, pour éclaircir la question et tenter de le convaincre de revenir.
Dans le livre ‘Chalom Rav’, on raconte que Rabbi Aharon a reçu chaleureusement et avec affection les représentants de la communauté, puis il leur a confié : « Vous êtes apparemment étonnés de mon départ inattendu. Je vais vous l’expliquer. Lorsque j’ai pris congé de mon beau-père pour venir habiter en Erets Israël, je lui ai demandé où il me conseillait d’habiter. A Jérusalem, à Tsfat, ou peut être à ‘Hevron où à Jaffa…. Il m’a répondu : ‘Cela n’a aucune importance, en revanche je te demande de me promettre d’éviter absolument tout lieu où résiderait la discorde, et si tu devais par hasard t’y retrouver, alors il faudra immédiatement le quitter.’ Je le lui ai juré fermement.
Mais voici que ces derniers temps un conflit est apparu dans votre synagogue au sujet du trésorier. J’ai alors été saisi d’un terrible tremblement : je ne pouvais plus demeurer dans ce lieu, car je risquais de trébucher dans la grave faute d’enfreindre un serment. C’est pour cette raison que j’ai dû quitter le quartier de manière si précipitée. »
GARDE TA LANGUE
De grands dégâts
Aucune distinction n’est faite entre parler d’un homme ou d’une femme, d’un adulte ou d’un enfant. Certaines personnes tombent dans ce piège, et en voyant deux jeunes se disputer, elles vont rapporter les faits au père de l’enfant frappé. Ceci peut engendrer de grands dégâts, car le père en question ira alors attaquer le petit enfant, par une haine trop forte. En découlera ensuite une grave dispute entre les parents. Ce genre de situation est fréquente dans les maisons d’étude.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Kora’h a été puni mesure pour mesure
Nos Maîtres ont dit (Bemidbar Rabba 18, 3) que Kora’h était un grand sage et faisait partie de ceux qui portaient l’Arche. Ils ont également dit (Bemidbar Rabba 18, 5) : « Kora’h, qui était intelligent, qu’a-t-il vu dans cette sottise ? »
C’est qu’il a été trompé par ce qu’il avait vu, à savoir qu’une grande dynastie provenait de lui : Chemouël, qui valait autant que Moché et Aharon, ainsi qu’il est dit (Téhilim 99, 6) : « Moché et Aharon parmi Ses prêtres, et Chemouël parmi ceux qui invoquaient Son Nom ». Il a pensé : « Est-il possible que toute cette grandeur doive venir de moi et que je me taise ? » Et en vérité, cela m’a toujours étonné : est-ce que parce que Chemouël devait sortir de lui, cela lui donnait le droit de s’opposer à Moché et Aharon, dont toutes les paroles provenaient de Hachem ? Mais j’ai pensé l’expliquer par le fait que Chemouël a donné une halakha devant son Rav Héli (Berakhot 31b), et a failli être puni, n’était le mérite de sa mère qui a prié pour lui. Kora’h a fait le calcul suivant : « Le fils de mon fils, qui descend de moi, et qui est lui aussi appelé à être un grand en Israël, s’est opposé à son Rav et a enseigné la halakha devant lui, donc moi aussi je peux m’opposer à mon maître Moché et je vais faire venir le Sanhédrin pour qu’ils décrètent une halakha devant lui. » Mais il n’a pas vu correctement. Il avait des intentions pures et souhaitait grandir, mais les Sages ont dit (Avot 4, 5) : « Ne faites pas d’elles [les paroles de Torah] une couronne pour vous glorifier ni une pelle pour creuser. » Hillel disait : « Celui qui se sert de la couronne [pour lui-même] passera, ainsi que nous l’avons appris : quiconque utilise les paroles de Torah pour son intérêt personnel s’ôte lui-même de la vie en ce monde. »
D’où savait-il cela ? De Kora’h, qui pensait que comme il faisait partie de ceux qui portaient l’Arche et qu’il était très intelligent, cela lui donnait le droit de faire de la Torah une couronne pour se glorifier. De plus, son regard sur son petit-fils le prophète Chemouël l’a trompé, c’est pourquoi il a voulu faire de la Torah une pelle pour creuser et s’opposer à Moché et Aharon, il a donc été puni mesure pour mesure, et du Ciel on a ouvert pour lui un abîme et il a disparu du monde.
A LA SOURCE
« Celui qu’Il choisira, Il le rapprochera de Lui » (16, 5)
On connaît la question de Rav Tsaddok Hacohen de Lublin :
Pourquoi est-ce que tout cohen de la lignée des cohanim ne dit pas tous les jours la bénédiction « Béni sois-tu… Qui m’a fait cohen », de la même façon qu’un simple juif dit « Béni sois-tu… Qui ne m’a pas fait femme » ?
Voici la réponse donnée par Rabbi Avraham Mordekhaï de Gour :
Nous apprenons dans la Mekhilta qu’avant la faute du Veau d’Or, tout le monde était digne d’être cohen, ainsi qu’il est dit : « Vous serez pour Moi un royaume de prêtres. » C’est seulement la faute qui a fait que seuls les cohanim ont été choisis pour servir dans le Temple. Par conséquent si le cohen disait la bénédiction « Qui m’a fait cohen », il se glorifierait aux dépens de ses frères juifs…
Une autre raison est que c’est également la promesse faite pour l’avenir, et au moment où tout sera totalement réparé, le verset « vous serez pour Moi un royaume de prêtres » s’accomplira tel qu’il est écrit.
Tous les bnei Israël seront égaux, c’est pourquoi on ne peut pas dire « Qui m’a fait cohen », parce que ce choix d’une seule tribu n’est pas destiné à durer à jamais.
« Est-ce donc peu pour vous que le D. d’Israël vous ait distingués ? » (16, 9)
Le ‘Hatam Sofer explique :
« Est-ce donc peu pour vous », vous auriez dû vous rendre petits et atteindre le summum de l’humilité, pourquoi ? parce que « le D. d’Israël vous a distingués » pour Le servir, et plus on ajoute de grandeur aux serviteurs de D., plus ils s’abaissent, alors que vous « vous demandez aussi la prêtrise ». Est-ce bien possible ?
« Et Aharon, qu’est-il pour murmurer contre lui ? » (16, 11)
Le gaon Rabbi Ovadia Yossef chelita donne une belle interprétation de ce verset : Il est dit dans le traité Erouvin (65a) qu’on connaît l’homme à trois choses : son verre, sa poche et sa colère.
Or chez Aharon, on ne pouvait pas vérifier sa « poche », puisqu’il recevait tout ce qu’il lui fallait matériellement des bnei Israël, les divers prélèvements qui doivent être donnés au cohen. On ne pouvait pas non plus vérifier son « verre », puisqu’il avait été mis en garde contre le vin (« Ne bois ni vin ni boisson forte »).
Pour vérifier qui il était, il ne restait donc que « sa colère », c’est pourquoi Moché a dit : « Et Aharon, qu’est-il ? » C’est-à-dire que si vous voulez connaître Aharon « pour murmurer contre lui », essayez de le mettre en colère et vous verrez s’il est coléreux ou indulgent.
« La terre se referma sur eux et ils disparurent de la communauté » (16, 33)
Dans son livre « Menorat HaMaor », voici ce que dit Rabbi Yitz’hak Abouab : Comme la nature de l’être humain est de vivre en société, en s’entraidant dans tout ce qui est nécessaire, une vie civilisée dépend de l’amitié, l’amour et la fraternité entre les hommes, l’accord entre eux et une même justice pour tous, c’est pourquoi toute dissension qui se produira entre eux vient détruire la vie en communauté.
Dans le domaine de la Torah, il faut que les élèves étudient ensemble, et s’ils discutent d’une chose sur laquelle ils ne sont pas d’accord pour l’amour du Ciel, afin de pénétrer jusqu’à la vérité, c’est une façon de servir Hachem pour ne pas arriver à une halakha erronée et qu’elle soit parfaitement claire.
Et si malgré tout il y a une différence d’opinions entre les élèves, que ce soit pour en arriver à la vérité, et non pour le plaisir d’objecter.
Mais celui qui s’entête dans une dissension, même en ce qui concerne les paroles de Torah, n’arrive à rien de bon et engendre la destruction du monde. La paix et la patience conviennent dans tous les domaines, et Hachem bénira Son peuple par la paix !
LA LUMIERE DU ZOHAR
« Il posa l’encens et fit expiation sur le peuple » (17, 12)
Rabbi Yossi a dit : Il n’y a rien qui brise les forces impures autant que l’encens. Il est dit : « Prends l’encensoir, mets-y du feu de l’autel et pose l’encens ». Pourquoi ? « Parce que Hachem a laissé éclater sa colère et le fléau commence. » En effet, rien n’est plus susceptible de briser les forces impures que l’encens, parce qu’il n’y a rien qui plaise davantage au Saint béni soit-Il. L’encens a le pouvoir d’annuler de la maison la sorcellerie et autres choses mauvaises, car l’odeur et la fumée des herbes brûlées par les hommes ont le pouvoir d’annuler les mauvaises choses, donc à plus forte raison l’encens.
Il s’agit d’un décret de Hachem, que quiconque lit tous les jours avec concentration le passage de l’encens (la ketoret) sera protégé de toutes les mauvaises choses et sorcelleries possibles et imaginables, et de tous les incidents graves, mauvaises pensées et maladies, et rien ne pourra lui faire de mal ce jour-là. Mais il faut beaucoup de concentration.
(Vayakhel 218)
SUR LA VOIE DE NOS PERES
La moquerie ? Pas chez nous
La moquerie était au centre de la querelle et de la controverse qui a provoqué un grand malheur à ceux qui l’avaient occasionnée. C’est ce qui se passe dans notre paracha, lorsque Kora’h et toute son assemblée ont été frappés d’une honte éternelle à cause de leurs moqueries. Rachi a commenté ainsi le verset « Kora’h avait ameuté contre eux » : « Il se rendit pendant toute la nuit, sarcasmes à l’appui, auprès des tribus pour les convaincre etc. » Dans le Midrach (Cho’her Tov Psaume 1), nos Sages ont expliqué ainsi le verset « Et ne prends point place dans la société des railleurs » : « il s’agit de Kora’h, qui plaisantait au sujet de Moché et Aharon. Que faisait-il ? Il a réuni tout le peuple contre eux, comme il est dit ‘Kora’h avait ameuté contre eux toute la communauté.’ » Puis il s’est mis à les dénigrer.
Le Gaon Rabbi ‘Haïm Kanievski a écrit dans son ouvrage Or’hot Yocher : certains individus s’adressent à leurs amis, même si ceux-ci sont plus âgés, sur le ton de la raillerie et de la moquerie. Ceci provient de leur orgueil : comme tout homme sot, ils pensent être les plus intelligents, comme il est écrit (Proverbes 26, 12) : « Vois-tu un homme qui se prend pour un sage ? Il y a plus à attendre d’un sot que de lui. » Ce type de personnes pense être considéré comme sage et intelligent en méprisant autrui, sans comprendre que c’est exactement l’inverse qui se passe et que leur attitude est un signe clair de sottise.
Rabbi ‘Haïm a ajouté que la moquerie en elle-même, même pour quelque chose d’insignifiant, est une faute très grave, comme l’ont dit nos Sages dans le Midrach de Chir Hachirim : « Lorsqu’une parole de mépris pénètre le cœur, une parole de Torah le quitte. » Il est également dit (Sota 45a) : « Un groupe de moqueurs ne peut accueillir la Chekhina. Une seule parole dénigrante fait perdre tous les mérites de cent reproches », ou encore : « Il s’agit d’une faute extrêmement grave dont la punition commence par des souffrances et se poursuit par l’extermination » (‘Avoda Zara 18b). Le Yérouchalmi (Berakhot Chapitre 2 halakha 8) rapporte également quelques terribles histoires dans lesquelles des personnes ont été punies pour avoir dénigré un Sage, sans compter les châtiments dans le monde à venir… « Mais même dans ce monde-ci, quiconque imite son prochain ou se moque de lui finira par être imité et dénigré par tous et en tout lieu. En effet, D. agit avec nous mesure pour mesure : tout le monde haïra un tel individu, y compris sa femme, ses enfants et sa propre famille, ce qui lui rendra l’existence invivable. Même ceux qui lui adresseront un visage rayonnant le détesteront intérieurement, car ce genre d’attitude est insupportable.
Une légère nuance
Déjà, le roi David nous avait encouragés à nous éloigner des moqueurs : « Heureux l’homme qui ne suit pas les conseils des méchants, qui ne se tient pas dans la voie des pécheurs, et ne prend pas place dans la société des railleurs. »
Comme nous l’avons mentionné, nos Sages se sont montrés extrêmement rigoureux envers les railleurs : « Quatre groupes de personnes ne peuvent pas accueillir la Chekhina : les hypocrites, les railleurs, les menteurs et les calomniateurs » (‘Avoda Zara 18). Il est enseigné par ailleurs : « Quiconque se moque d’autrui sera frappé par des malheurs, comme il est dit ‘Maintenant, ne vous moquez point de peur que vos malheurs n’augmentent. Rabba a dit aux Sages : je vous en prie, ne vous moquez pas, pour ne pas vos attirer de malheurs. » (Sota 42)
Contrairement à la raillerie qui, elle, est inacceptable, la joie est un fondement important du service divin, comme il est dit : « Servez D. avec joie. »
La Torah va même jusqu’à nous rendre coupable si nous ne nous réjouissons pas dans le service de D., dans le verset « puisque tu n’as pas servi Hachem avec joie et bon cœur ».
Le Rambam a défini ainsi la nuance qui existe entre la joie souhaitée et la raillerie qui est à bannir :
« Quand quelqu’un mange, boit et se réjouit de la fête sans être attiré par le vin, le rire et la légèreté d’esprit, cela revient à accomplir la mitsva d’être joyeux. En effet, l’ivresse, le rire extrême et la légèreté s’apparentent davantage à la débauche et à la bêtise qu’à de la joie. Or nous n’avons pas reçu l’obligation de nous déchaîner et de nous laisser aller, mais uniquement de nous réjouir en servant le Créateur, comme il est dit : « puisque tu n’as pas servi D. avec joie », ce qui implique que le service divin passe par la joie et qu’il est impossible de l’accomplir à travers le rire, la légèreté et l’ivresse » (Hilkhot Yom Tov Chapitre 6, Halakha 20).
Dans le même esprit, voici la définition du Maharal : « Agir sans soumission et sans sérieux, rechercher la moquerie et la raillerie est absolument interdit. »
Les Sages nous ont enseigné que pour prier, il faut se présenter avec sérieux et gravité, soit tout le contraire de la raillerie et du mépris. La prière est un travail émanant du cœur, et tout travail doit s’accomplir avec sérieux, gravité et joie. Or la raillerie empêche le travail, tandis que la joie le permet.