Houkat 30 Juin 2012 10 Tamouz 5772 |
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L’influence de la rue sur le camp d’Israël
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Moïse envoya, de Kadech, des députés au roi d’Edom… ‘Permets-nous de traverser ton pays !’ » (Bemidbar 20, 14-17)
Pour quelle raison Moché a-t-il voulu faire passer les enfants d’Israël justement par le territoire d’Essav, choix qui l’obligeait à demander un service à ces populations en déclarant « Ainsi parle ton frère Israël : tu connais toutes les tribulations que nous avons éprouvées… » afin qu’elles autorisent Israël à traverser leurs terres ? N’y avait-il pas d’autre chemin ? De plus, comment Moché n’a-t-il pas craint l’influence inévitable et destructrice d’une association avec Essav ? En effet, en traversant le territoire de ce dernier et en y résidant, les bnei Israël auraient l’occasion d’imiter les mauvais comportements et les chemins de vie dévoyés de leurs voisins ! Est-il possible que Moché n’y ait pas prêté attention ? Cependant, malgré les requêtes insistantes et répétitives, le roi d’Edom a refusé aux bnei Israël la traversée de son pays et a même menacé de sortir en guerre contre eux en répondant « Tu ne traverseras point mon pays, car je me porterais en armes à ta rencontre. » Sur ce, Rachi commente « Vous vous targuez de la ‘voix’ dont vous avez hérité de votre ancêtre (‘Il s’agit de la voix de Ya’akov’) et vous dites : ‘Nous avons crié vers Hachem, Il a entendu notre ‘voix’’. Je vais, moi, sortir contre vous avec ce dont j’ai hérité du mien : ‘Et sur ton ‘épée’ tu vivras’. » Mais Moché réitère sa demande : « C’est par la chaussée que nous voulons monter, et si nous buvons de ton eau, moi ou mes bestiaux, j’en paierai le prix » et Rachi ajoute : « Il est vrai que nous disposons de la manne comme nourriture et d’un puits pour boire. Nous n’en boirons cependant pas, et nous vous achèterons, dans votre intérêt, de quoi manger et de quoi boire. » Mais le roi d’Edom campe fermement sur ses positions et répète : « ‘Tu ne passeras pas !’ Et Edom s’avança à sa rencontre, en grande multitude et à main armée. » Rachi ajoute sur ce verset : « Grâce à la promesse de notre ancêtre : ‘… et les ‘mains’ sont les ‘mains’ d’Essav.’ » Voyant qu’il ne lui restait plus aucun choix, « Israël a immédiatement pris une autre direction », comme si le peuple avait été saisi de peur et avait donc choisi un autre itinéraire. Pour mieux comprendre tout cela, penchons-nous sur le début de la paracha : « Ceci est la loi de la Torah » (Bemidbar 19, 2). Le texte parle de la mitsva de la vache rousse, au sujet de laquelle D. a dit à Moché : « Il s’agit d’un décret émanant de Moi, que tu n’as pas le droit de discuter. » C’est une mitsva dont les raisons n’ont pas été dévoilées et à propos de laquelle même le roi Salomon, l’homme le plus sage de tous les temps, a déclaré : « Je voudrais me rendre maître de la sagesse ! Mais elle s’est tenue loin de moi. » Il nous révèle par là que toutes les sagesses du monde n’ont aucune valeur face à celle de la sainte Torah, que cette dernière n’a pas d’égale. Les autres ont certes une utilité, mais peuvent également causer un dommage qui s’avèrera supérieur au bénéfice tiré. Par exemple, la découverte du nucléaire est d’une grande utilité, car elle permet de produire de l’énergie pour toutes sortes d’applications nécessaires à l’humanité. Mais elle a également la capacité de détruire intégralement le monde en quelques secondes. Il en est de même pour le progrès technologique : aujourd’hui, le développement d’Internet et de la téléphonie mobile est effectivement d’un intérêt majeur, mais il est également susceptible de causer notre malheur et de nous faire tomber dans un abîme spirituel. Il ne fait aucun doute que Chelomo, le plus sage de tous les hommes, aurait pu créer et développer toutes les connaissances que nous venons d’évoquer, mais il a évité de le faire, conscient des graves conséquences qui pouvaient en découler. La sagesse de la sainte Torah, en revanche, ne peut être que bénéfique, pour nous comme pour le monde entier. Elle ne comporte aucun aspect négatif ou destructeur. C’est la raison pour laquelle Chelomo a déclaré : « Je voudrais me rendre maître de la sagesse ! » D’un bout à l’autre, la Torah est d’une sagesse extraordinaire, elle répand une pluie de bénédictions sur toute la création et nous permet de nous attacher et de nous associer au Créateur. Je pense que notre maitre Moché a voulu montrer aux bnei Israël la différence abyssale, le fossé considérable qui séparait leur culture délicate et positive de la société dépravée d’Essav l’impie, qui a engendré la civilisation d’Edom. Afin de bien déterminer ce qui les différenciait, Moché a considéré qu’il était souhaitable que les bnei Israël se rapprochent d’Edom pour une courte période, qu’ils traversent la frontière de ce territoire et cohabitent avec ce peuple. Ils découvriraient alors un immense décalage entre eux et se rendraient compte que le mode de vie des juifs était destiné à élever et à raffiner l’être humain. En effet, la force du peuple d’Israël réside dans sa parole, selon la phrase « La voix est la voix de Ya’akov » : la voie de la Torah et des mitsvot enseigne le savoir-vivre et aide à acquérir de bons traits de caractère. En revanche, en observant la descendance d’Essav, les bnei Israël prendront la mesure de ce que celle-ci a perdu en dédaignant le chemin de la Torah et des mitsvot, chutant ainsi vers un niveau terriblement bas. En effet, toute la force des descendants d’Essav réside dans l’épée, et leur civilisation est entièrement basée sur la force de l’arme. Tel est l’enseignement que Moché a voulu transmettre aux bnei Israël en les faisant passer par le territoire d’Edom : l’ampleur de la perte que peut subir celui qui néglige la voie de la Torah et va apaiser sa soif dans des puits brisés qui ne peuvent contenir d’eau.
Mais le roi d’Edom a persisté dans son refus de laisser les enfants Israël traverser son pays car c’est une halakha qu’« Essav déteste Ya’akov ». Pour quelle raison ? Parce qu’il connaît au fond de lui la vérité et reconnaît que la voie empruntée par les bnei Israël est le chemin juste et authentique qui mène à une existence bonne et heureuse. Il sait que c’est leur attachement à la Torah et aux mitsvot qui leur a donné le mérite d’être le peuple élu de D., et il a énormément de mal à accepter cette réalité. C’est pourquoi il hait Israël. Aujourd’hui encore, les nations du monde connaissent la vérité et savent que le peuple d’Israël est le peuple choisi et éternel, et que sa culture, entièrement fondée sur la Torah et les commandements divins, est la voie juste et vraie. Mais il leur est difficile d’adopter ce mode de vie et ils sont incapables de s’efforcer de suivre ce chemin, car la Torah exige de réfréner ses passions et de dominer ses pulsions. Ne se sentant pas à même d’agir ainsi, ils éprouvent à l’égard du peuple d’Israël une haine terrible.
LES HOMMES DE FOI
Récits sur les tsaddikim de la famille Pinto
Les chaussures du tsaddik ont amené la subsistance…
Un juif a raconté à notre maître Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita une histoire extraordinaire arrivée à son grand-père, qui gagnait sa vie comme pêcheur. Un jour, il sortit vers le fleuve et ne trouva aucun poisson dans son filet. Dans sa douleur, il alla trouver Rabbi ‘Haïm Pinto, que son mérite nous protège, et lui dit qu’aujourd’hui, il n’avait pas réussi à trouver de poisson. Le tsaddik le regarda un instant, ôta ses chaussures et les lui donna, en disant : « Prends ces chaussures et mets-les dans la mer, tu attraperas beaucoup de poissons. »
L’homme sortit avec les chaussures à la main et fit ce que le tsaddik lui avait ordonné. Quand il mit les chaussures dans la mer, les poissons sortirent immédiatement vers lui et remplirent son filet, au point qu’il n’arrivait plus à le porter.
Le soir, le pêcheur retourna chez le tsaddik avec en cadeau un panier rempli de poissons, et lui raconta tout ce qui était arrivé. Le tsaddik refusa d’accepter quoi que ce soit, lui rendit le panier et lui dit : « Ces poissons sont à toi, et on ne peut rien te prendre. »
Rabbi ‘Haïm Pinto était comme un père pour chacun. Quand qui que ce soit avait un problème, il le considérait comme son problème personnel. Représentons-nous un pêcheur qui a un problème de ce genre, et qui va chez son voisin pour lui raconter qu’il n’a pas attrapé de poisson. Que va faire le voisin ? Il lui dira : « Que veux-tu que j’y fasse, est-ce que je peux t’aider à trouver du poisson ?»
Mais Rabbi ‘Haïm Pinto était comme un père auprès de qui les gens venaient se plaindre et déverser leur cœur.
Si une histoire de ce genre arrivait aujourd’hui, on se dirait : En quoi est-ce que ces chaussures peuvent aider, a-t-on jamais entendu dire que des chaussures attirent le poisson ? Si je donnais mes chaussures à un pêcheur pour qu’il les jette à la mer, l’odeur ferait sans doute fuir le poisson, alors que les chaussures du tsaddik ont attiré tous les poissons !
C’est cela la force de la foi simple que les gens avaient dans le tsaddik ; le tsaddik a enlevé ses chaussures pour les donner au pêcheur, et celui-ci n’a fait aucune réflexion. Pourquoi ? Parce que sa foi dans le tsaddik était si forte que s’il disait quelque chose, c’était comme cela. Cela rappelle l’enseignement des Sages : « Celui qui a dit à l’huile de brûler dira au vinaigre de brûler. » Autrefois, les juifs avaient cette foi toute simple.
Quand j’ai entendu cette histoire, nous a dit notre maître chelita, cela a beaucoup renforcé ma foi, c’est cela la pêche que j’ai rapporté, une pêche de foi que je n’ai trouvée nulle part ailleurs.
HISTOIRE VECUE
Lorsque l’armée ne peut pas aider
« Quiconque touchera, en pleine campagne, au corps d’un homme tué par le glaive » (Bemidbar 19, 16)
Le sacrifice et la bravoure ont toujours caractérisé le peuple juif, qui s’est toujours battu avec détermination pour le respect de ses soldats tombés au combat et qui a toujours tout mis en œuvre pour leur donner une sépulture digne au sein des leurs et éviter qu’ils ne soient jetés comme du fumier sur la terre.
Voici l’histoire de l’adjudant-chef Rav Moché Kenan, racontée dans l’ouvrage « Am Israël ‘Haï » : vers la fin de la deuxième guerre du Liban, lors d’un combat particulièrement violent qui s’est déroulé sur trois kilomètres à l’intérieur du territoire libanais, quatre soldats israéliens ont été tués et plus de trente ont été blessés. L’adjudant-chef Moché Kenan a alors chargé une équipe de parachutistes de rapatrier les dépouilles, les blessés ainsi qu’une partie de l’équipement en Israël. Mais après la fin de l’opération, ils se sont aperçus que le corps d’un soldat avait été laissé de l’autre côté de la frontière.
C’était dimanche. Le cessez-le-feu avec le ‘Hezbollah devait entrer en vigueur le lundi à huit heures du matin. Il leur restait donc quelques heures pour retourner sur les lieux du combat et y récupérer leur ami défunt ainsi que les armes importantes et les munitions laissées chez l’ennemi. Dans la section, les avis étaient partagés. Certains commandants pensaient qu’il n’y avait pas lieu de retourner sur le champ de bataille. En effet, le ‘Hezbollah n’attendait que le retour de l’équipe de sauvetage pour l’attaquer. Il n’était donc pas raisonnable de mettre en danger la vie d’autres soldats pour sauver du matériel et un homme mort. Mais la plupart des autres chefs étaient d’avis qu’il fallait y aller, quel que soit le prix à payer, pour que les membres du ‘Hezbollah ne prennent pas la dépouille en otage et ne s’approprient pas les armes.
Chlomi, l’adjoint du commandant, était sceptique sur cette opération, mais l’adjudant-chef Moché Kenan entreprit d’accélérer les préparatifs. Il demanda et reçut du matériel spécifique de vision de nuit, des soldats formés pour neutraliser les pièges, et un chien policier pour aider à localiser le corps rapidement, car la mission allait se dérouler sous les tirs du ‘Hezbollah.
Tard cette nuit-là, avant d’entamer l’opération, les soldats ont été réunis pour recevoir des instructions. Moché leur a expliqué que le but de l’intervention était de donner une sépulture juive au soldat tombé au Liban. « Il n’était pas nécessaire de souligner la gravité de la mission, a raconté Moché. Je pouvais voir les yeux des soldats briller de foi en D. »
Après avoir donné toutes les instructions, il a conclu ainsi : « Nous allons rapatrier un ami pour l’enterrer au sein de son peuple. Son âme pure et éternelle voit et connaît votre dévouement. Nous, le peuple d’Israël, ne craignons pas le ‘Hezbollah. Ils sont exactement comme ‘Amalek qui a attaqué les bnei Israël après la sortie d’Egypte… »
Puis il a poursuivi en décrivant comment Moché Rabbeinou avait mené l’armée d’Israël à la victoire : « Il s’est installé sur la colline au niveau du champ de bataille et lorsqu’il levait les mains vers le Ciel, le peuple d’Israël gagnait mais lorsqu’il les baissait, c’est l’ennemi qui dominait. »
Sceptique, un soldat a demandé : « Comment les mains de Moché pouvaient-elles déterminer les résultats de la guerre ? » Alors son chef lui a expliqué que Moché signifiait aux soldats : « Regardez en-haut vers D. ! La bataille physique est certes importante, mais pour gagner la guerre nous devons nous soumettre à notre père qui est dans le Ciel. Lorsque les bnei Israël lèvent les yeux au Ciel et se sacrifient pour leur père, ils gagnent. Avec l’aide de D., nous irons et nous vaincrons. »
Dès qu’ils ont entrepris la route vers l’opération, on leur a annoncé que les membres du ‘Hezbollah avaient localisé le lieu précis vers lequel ils se dirigeaient : ils ne pouvaient donc pas se faire accompagner du chien ! En effet, même un seul aboiement pourrait révéler leur présence.
Arrivés au niveau de la frontière, Moché Kenan a béni les soldats par la birkat Cohanim. « Je ne suis pas cohen, a-t-il raconté, mais j’ai ressenti un amour si intense envers ces militaires, c’était comme si je bénissais mes propres fils un soir de chabbat. Je ne pensais pas à ma famille. Il est interdit de penser à sa famille pendant une guerre. Pour moi, les soldats étaient mes enfants… »
Il s’est arrêté un instant, a levé les yeux et a élevé une prière du plus profond de son cœur : « Maître du monde, prouve, je T’en prie, à tous les soldats de cette section que Tu nous aimes. »
Au moment où ils pénétraient dans le territoire libanais, il a aperçu du coin de l’œil quelque chose qui croisait son chemin. C’était un petit chat gris qui commençait à se frotter contre lui malgré les tentatives de ce dernier de le chasser à coups de pied. Le chat les a suivis alors qu’ils entraient plus profondément dans le territoire libanais.
Au bout d’une heure de marche, celui qui les observait leur a fait part de la présence de deux silhouettes à l’est. Les soldats se sont couchés à terre en orientant leurs armes en direction des terroristes. L’adjudant-chef s’apprêtait à ouvrir le feu lorsque le chat a sauté près de lui, frottant sa langue contre lui. Surpris, il a fait un bond en arrière et a été déconcentré pendant un instant. Avant même qu’il n’ait retrouvé ses esprits et ne soit de nouveau prêt à tirer, les deux silhouettes avaient été identifiées comme des soldats israéliens !
Le chat les a accompagnés sur les trois kilomètres qui les séparaient de leur destination, cette colline où gisait dans l’obscurité le cadavre du soldat israélien. Le ‘Hezbollah avait bombardé toute cette zone. On pouvait sentir l’odeur de la guerre émanant de la colline et distinguer les mortiers abandonnés qui brillaient à la lueur de la lune. Chlomi, qui dirigeait l’opération, a envoyé des hommes pour rassembler le matériel. Puis il a fait appel à l’équipe de sauvetage de Moché pour qu’elle fouille rapidement la colline et localise le corps. Juste à ce moment-là, une bombe du ‘Hezbollah a atterri près de la petite montagne. Sans s’effrayer, les trois soldats déterminés ont grimpé côte à côte et ont commencé à examiner l’endroit minutieusement. A un certain moment, l’un d’eux s’est exclamé : « J’ai l’impression d’avoir trouvé quelque chose ! » Ils se sont arrêtés pour observer le chat qui se tenait près d’un casque israélien. Moché a murmuré : « C’est apparemment ici qu’il est tombé. » Ils ont entrepris d’examiner le sol avec leurs mains mais ils ne trouvaient que des débris de grenades et des restes du combat. Mais alors, Rav Moché a vu le chat de nouveau : « Soudain, à deux mètres de là, nous avons remarqué que le chat essayait de traîner quelque chose. Nous nous sommes approchés pour y découvrir le soldat que nous recherchions. » Ils ont alors ramené le corps vers le bas de la colline puis se sont dirigés vers le sud. Sur le chemin du retour, Moché a fait passer le message : « Un petit chat qui nous a aidés à trouver ce que nous recherchions est avec nous. Ne le chassez pas. » Mais en se retournant, il a remarqué que l’animal avait déjà disparu. Une fois arrivés à la frontière, un des soldats s’est penché vers son chef et a murmuré : « Vous avez vu ? L’armée ne pouvait pas nous aider avec un chien policier, alors Hachem nous a envoyé un chat policier ! »
GARDE TA LANGUE
Etre quitte du jugement céleste
Tant que nous ne savons pas clairement, selon la loi stricte, si les propos que nous nous apprêtons à tenir constituent de la médisance, du colportage ou de la controverse, nous nous efforcerons de ne pas les tenir. Même si le mauvais penchant nous persuade que ces paroles sont en partie une mitsva et pourront nous faire mériter une place dans le monde à venir, il ne faudra pas l’écouter, afin d’être certain d’être quitte au moment du jugement céleste. En effet, même si nous n’avons pas agi en conformité avec la loi et que le tribunal céleste nous reproche « Pourquoi n’as-tu pas condamné telle personne à tel sujet ? Cela aurait pourtant été une mitsva ! », nous pourrons rétorquer : « Etant dans le doute, j’ai préféré agir selon la règle : ‘Mieux vaut s’abstenir !’ » Mais si au contraire nous condamnons notre prochain ou créons une dispute tout en étant dans le doute et sous l’influence du mauvais penchant qui nous aurait fait croire qu’il s’agissait d’une mitsva, nous ne pourrons pas prétendre avoir agi dans le doute, car dans le doute il vaut mieux se taire…
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Tout ce qu’a mérité le peuple d’Israël provient du mérite des Patriarches
« Ce puits, des princes l’ont creusé. » ‘Ces princes-là’, ont précisé nos maîtres (Tan’houma ‘Houkat 21)
Ce verset fait allusion au mérite des saints patriarches qui sont appelés « princes », pour nous enseigner que les bnei Israël ont su attribuer le mérite de ce cantique (chira) aux patriarches. Il y a lieu de s’interroger : est-ce un homme qui a creusé ce puits ? Il s’agissait d’un puits en pierre et non d’un trou dans le sol. Que veut donc dire la Chira par la phrase « Ce puits, des princes l’ont creusé » ? Ce chant cherche en réalité à signifier que les bnei Israël ont pu recevoir la prophétie uniquement par le mérite de Moché, qui leur a appris à fournir des efforts pour elle. Moché avait déjà creusé ce puits avec son bâton, c’est-à-dire en fournissant son aide et son soutien. Où cela ? Au premier puits, près de la mer, où il leur a appris à chanter à D. et à Le remercier pour le miracle qui s’était produit avec l’eau. Par ailleurs, Moché n’a pas répété le Cantique de la mer dans le livre de Devarim, car il y avait dit « Que Tu les (bnei Israël) aies amenés, fixés, sur ce mont, Ton domaine » (Chemot 15, 17). Puisqu’il avait été l’objet d’un décret lui interdisant d’entrer en Israël, il craignait que les membres du peuple ne se découragent en affirmant : « Si déjà lui n’entre pas dans le pays, à plus forte raison nous ! » Moché a donc préféré ne pas répéter la phrase « Que Tu les aies amenés, fixés… » afin de ne pas troubler les bnei Israël.
Mais ses paroles révélaient effectivement une réalité, comme il est dit dans la Guemara (Baba Batra 119b) : « Il a prophétisé sans le savoir. » En effet, il a dit : « Que Tu les aies amenés » et non « Que Tu nous aies amenés », comme pour signifier que lui-même ne serait pas destiné à rentrer.
Dans le livre de Devarim, Moché a tout de même fait allusion à la Chira de manière voilée, en disant : « J’implorai Hachem à cette époque, en disant » (Devarim 3, 23). Nous ne voyons pourtant nulle part que Moché ait imploré D. à ce moment-là ! En réalité, il faisait ici allusion à la phrase du Cantique de la mer : « Que Tu les aies amenés, fixés.... » Puisqu’il avait été visé par un décret l’empêchant d’entrer en Eretz Israël, et que D. lui avait clairement répondu « Assez ! Ne Me parle pas davantage à ce sujet », il n’a pas répété ce chant pour ne pas enfreindre les paroles de Hachem. Il s’est donc contenté de le mentionner par allusion à travers le mot « J’implorai (Vaet’hanan) », qui a la même valeur numérique que « Cantique (Chira) », car il avait supplié D. dans la Chira de mériter d’entrer dans le pays.
A LA SOURCE
« Et tout vase découvert, qui n’est pas entièrement clos d’un couvercle, sera impur. » (19, 15)
Le Pélé Yo’ets, Rabbi Eliezer Papo, avait l’habitude d’interpréter ce verset au sens figuré :
« Et tout vase découvert » : il s’agit de notre bouche. Si elle est constamment ouverte et prononce des paroles calomnieuses, interdites ou inutiles, à l’image de « tout vase découvert qui n’est pas entièrement clos d’un couvercle », c’est-à-dire qu’elle ne se garde pas d’un mauvais langage, alors la Torah peut la qualifier d’« impure ».
« Mais nous avons imploré Hachem, Il a entendu notre voix, et il a envoyé un ange qui nous a fait sortir d’Egypte » (20, 16)
Est-ce possible que Moché, le plus humble de tous les hommes, se glorifie devant le roi d’Edom en se qualifiant d’« ange » ? Rabbi Zalman Sorotskin, auteur de « Oznayim LaTorah », explique cette attitude à travers une anecdote racontée par le gaon Rabbi Eliezer Gordon au sujet de Rabbi Eveli Possovoler. Celui-ci était parti se promener hors de la ville et avait rencontré un villageois qui conduisait une charrette attelée à un cheval ainsi qu’à une vache. Le Rav lui avait fait remarquer que la Torah interdisait d’agir ainsi, mais le villageois n’y avait pas prêté attention. Le gaon avait alors insisté pour tenter de lui faire comprendre la gravité de la faute, mais en vain.
Alors, Rabbi Eveli lui avait dit : « Savez-vous qui je suis ? Qui est la personne qui s’adresse à vous ? Je suis le plus grand Rav de Vilna et je suis connu dans le monde entier. Dès mon retour à Vilna, je proclamerai à votre sujet une excommunication et un anathème. » Effrayé, le villageois avait retiré la vache de la charrette et tenu la lanière dans sa main. Voici donc un exemple d’un tsaddik qui a profité de sa position de géant de la génération et s’est vanté devant un villageois afin de l’éloigner d’une transgression. Nous pouvons également expliquer ainsi les paroles adressées par Moché au roi d’Edom : voulant impressionner et inquiéter ce dernier pour qu’il laisse les bnei Israël traverser son territoire, Moché s’est octroyé le titre d’« ange » envoyé par D. pour faire sortir le peuple d’Egypte.
« Et ce sera ainsi : quiconque aura été mordu, qu’il le regarde et il vivra ! » (21, 8)
Le terme « Et ce sera (Véhaya) » fait toujours référence à la joie. Mais que fait ici la notion de joie ?
Rabbi Meïr Sim’ha Hacohen de Dvinsk explique : « quiconque aura été mordu » inclut même les personnes qui étaient malades par ailleurs et proches de la mort. Si une telle personne était mordue par un serpent, elle pouvait regarder le serpent de bronze et guérir totalement !
Elle devenait donc heureuse d’avoir été mordue !
C’est pour cela que le texte a employé le mot « Et ce sera (Véhaya) », terme faisant référence à la joie, et non « Vayéhi » qui est un langage de souffrance.
« Et ce sera ainsi : quiconque aura été mordu, qu’il le regarde et il vivra ! » (21, 8)
L’ouvrage « Avnei Hachoham » explique ce verset sur le mode de l’allusion :
« Et ce sera ainsi, quiconque aura été mordu » : par le conseil et les ruses du mauvais penchant.
« Véraa » (qu’il regarde) : les lettres de ce verbe sont les initiales de la phrase « Et maintenant, poursuis les mitsvot (Véakhchav Rodef A’harei Hamitsvot). »
« Oto » : « Heureux est-il et sa techouva est acceptée (Achrav Oumitkabelet Techouvato). »
« Va’hay » (et il vivra) » : ces lettres sont les initiales des mots de la phrase « Dans la Torah il trouvera la sagesse (Ouvatorah Yéhégué ‘Hokhma). »
LA LUMIERE DU ZOHAR
« Ce puits à propos duquel D. a dit à Moché : ‘Assemble le peuple, je veux lui donner de l’eau.’ » (21, 16)
A la question « Comment pouvaient-ils tous boire de ce puits ? », on répond : « Treize ruisseaux en découlaient et la source du puits se remplissait pour faire ressurgir de l’eau sur les côtés. » Lorsque les bnei Israël campaient et avaient besoin d’eau, ils se tenaient près du puits et récitaient un cantique.
Que disaient-ils ?
« Jaillis, ô source ! Acclamez-la ! Fais monter tes eaux pour que nous puissions boire de ta source… » Ils chantaient ainsi des louanges au puits : « Ce puits, des princes l’ont creusé, les plus grands du peuple l’ont ouvert. »
Ils disaient des choses authentiques et cela se déroulait ainsi.
(‘Houkat 183b)
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Le mot qu’il faut au bon moment
Au moment le plus difficile pour Aharon, à la fin de sa tâche en ce monde comme cohen qui officie dans le Saint des Saints, le Saint béni soit-Il ordonne à Moché : « Prends Aharon et son fils Elazar (Bemidbar 20, 25). Le verset ne précise pas comment Moché est censé prendre Aharon, mais Rachi l’explique :
« Prends Aharon – par des paroles de consolation. Dis-lui : Heureux es-tu, de voir ta couronne donnée à ton fils, ce qui ne m’a pas été accordé. »
Au moment où la dynastie de la prêtrise va se transmettre de génération en génération, à un moment d’émotions sublimes chez un cœur pur qui aspirait à rester à proximité de Hachem en assurant le culte quotidien, le Saint béni soit-Il enseigne à Moché à frayer une voie de travail sur soi-même pour le peuple d’Israël. C’est justement à ce moment-là que repose sur lui le devoir d’apaiser et de consoler, de le « prendre par des paroles » qui seront acceptées par le cœur sur le grand bonheur qu’il y a à voir que sa couronne va passer à ses fils après lui. Quel merveilleux exemple pour nous montrer le devoir de nous attacher aux midot de Hachem et de marcher dans Ses voies, encourager, renforcer et consoler notre prochain à des moments où nous voyons qu’il est soucieux ou triste !
C’est valable tout particulièrement lorsqu’il se passe quelque chose à l’intérieur de la famille, que quelqu’un est en colère ou proteste contre quelque chose qui l’a exaspéré. Celui qui s’attache aux midot de Hachem sait parfaitement quel est son rôle dans ces moments-là, encourager, réjouir et consoler.
Voici ce que dit le gaon de Vilna dans son commentaire sur le livre de Michlei (les Proverbes), sur le verset (12, 25) « Le souci abat le cœur de l'homme; mais une bonne parole y ramène la joie » : « Quand l’homme a un souci, ce souci pèse sur le cœur, mais si quelqu’un vient lui dire de bonnes paroles et des consolations, ces paroles lui réjouiront le cœur. »
La valeur d’un cœur brisé
Un jour, le ‘Hozé de Lublin a ordonné à son disciple Rabbi Chalom de Belz zatsal de se tenir à l’extrémité du beit hamidrach à côté du poêle, où se pressaient habituellement des gens pauvres et sans instruction. Le Rabbi y alla, s’installa à côté du poêle et écouta ce que disaient les gens qui se racontaient leurs malheurs.
Il entendit qu’ils se plaignaient très amèrement en se racontant l’un à l’autre un profond souci et une grande douleur, parce qu’ils faisaient beaucoup d’efforts et se donnaient beaucoup de mal pour venir de loin chez le tsaddik afin de profiter de sa proximité, mais ils rentraient chez eux les mains vides sans avoir ressenti aucune élévation…
Rabbi Chalom comprit que c’était pour eux que le ‘Hozé l’avait envoyé auprès du poêle, afin qu’il les encourage. Il s’adressa donc à eux et leur dit :
« Savez-vous, un jour on a amené devant le Tribunal céleste les mérites d’Israël, la tsedaka, l’hospitalité, la générosité et l’aide aux jeunes mariées. Le Satan s’est empressé d’amener des actes semblables pratiqués par des non-juifs, car il avait trouvé parmi eux des personnes généreuses et hospitalières. L’ange qui défendait Israël, en alerte, a amené des cœurs brisés qui ont fait pencher la balance du côté des mérites, car le Satan n’avait pas été capable d’en trouver de semblables de chez les non-juifs…
Et pourquoi vous ai-je raconté cela ? ajouta le Rabbi, pour que vous sachiez combien un juif au cœur brisé est cher au Maître du monde, même quand il est dépourvu de toutes bonnes actions ou de toutes qualités, ainsi qu’il est écrit : « Un cœur brisé et abattu, D. ne le méprise pas », même chez quelqu’un qui serait digne de mépris.