EKEV 11 Août 2012 23 Av 5772 |
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L’événement principal qui n’apparaît pas dans Devarim
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Ne dis pas en ton cœur, lorsque Hachem les aura ainsi écartés de devant toi : ‘C’est grâce à mon mérite que Hachem m’a introduit dans ce pays pour en prendre possession’, quand c’est à cause de la perversité de ces peuples que Hachem les dépossède à ton profit. Non, ce n’est pas à ton mérite ni à la droiture de ton cœur que tu devras la conquête de leur pays : c’est pour leur iniquité que Hachem dépossède ces peuples à ton profit, et aussi pour accomplir la parole qu'Il a jurée à tes pères, à Avraham, à Yitz’hak et à Ya’akov » (Devarim 9, 4-5)
Dans le livre « Déguel Hamoussar », mon maître Rabbeinou Guerchon Liebman se demande pourquoi il aurait été déplacé de la part des bnei Israël de considérer que leur piété leur avait fait mériter l’héritage de la terre. Ils savaient évidemment que la conduite indigne des peuples étrangers qui l’habitaient justifiait le rejet de ces derniers par la terre, mais pourquoi cela devait-il exclure un mérite d’Israël ? Admettons que la mise en garde des versets cités nous demande de ne pas céder au sentiment énoncé dans le verset : « C’est ma propre force, c’est le pouvoir de mon bras, qui m’a valu cette richesse » ; nous restons conscients qu’il ne faut jamais perdre de vue le fait que « c’est Lui qui t’aura donné le moyen d’arriver à cette prospérité » : même notre force et notre puissance proviennent de Lui et nous ne pouvons donc pas nous enorgueillir.
Cependant, qu’y a-t-il de mal à penser que grâce à leurs mérites et à leur piété, D. a aidé les bnei Israël à hériter de la terre ? Au contraire, il y a même du bon à cela ! En effet, comme l’a dit le Saba de Novardok, quiconque veut se renforcer dans le domaine de la foi en D. pourra proclamer à son propre sujet qu’il est un être empli de cette qualité. De même, si les bnei Israël pensent et déclarent être des tsaddikim, ils se renforceront dans cette voie : alors pourquoi ne convient-il pas de réfléchir ainsi ?
Nous avons pu constater que nos maîtres affirmaient toujours être emplis de foi en D. Même mon maître, mon père, Rabbeinou Moché Aharon, avait coutume de dire « J’ai confiance en Hachem » afin de consolider encore davantage sa foi. S’il en est ainsi, pourquoi la Torah exige-t-elle ici d’éloigner tout sentiment d’être méritant, alors que cela pourrait renforcer tout un chacun dans son service divin ? J’aimerais noter qu’il existe une différence essentielle entre la foi en D., qu’il est très important de cultiver, et la confiance en notre propre piété. Elargissons un peu la question : quiconque affirme avoir confiance en Hachem ne fait preuve ni de prétention ni d’orgueil. Il cherche uniquement à se renforcer encore plus dans cette sainte mida et à consolider sa foi en D. Il ne veut évidemment pas signifier qu’il a atteint la perfection dans ce domaine, qui comporte de nombreux niveaux. Comme le détaille le « ‘Hovot Halevavot », la mida de confiance en Hachem est constituée de dix niveaux principaux qui se décomposent à leur tour en de nombreux éléments. Ainsi, une personne qui a atteint un certain degré a encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir se considérer comme un croyant parfait. C’est pourquoi lorsque nous répétons régulièrement avoir confiance en Hachem, nous ne faisons pas preuve de vantardise ou d’orgueil : nous ne prétendons pas avoir déjà atteint le sommet de l’échelle, mais cherchons simplement à nous donner du courage. Tel est le bon et juste comportement qui ne s’avèrera être que positif : à force d’en parler, la confiance en Hachem s’ancrera en nous, comme l’a dit le roi David : « Je suis plein de foi quand je parle » (Psaumes 116, 10).
En revanche, quiconque est convaincu de sa piété et de la droiture de son cœur, se vante de ses bonnes actions et prétend avoir de nombreux et puissants mérites lui permettant même d’hériter du pays, exprime par son attitude qu’il a à ses yeux atteint la perfection spirituelle, le summum de son objectif. Mais il se trompe ! Qui peut affirmer être un individu droit et juste au point de mériter bonté et bénédiction du fait de sa piété ? Ce n’est que de l’orgueil et de la suffisance ! Il fait même preuve de prétention en pensant qu’il a déjà corrigé toutes ses failles et qu’il est à présent un homme juste et pieux.
Il va sans dire que cette façon de penser va fortement perturber son service divin et va le mener vers une chute vertigineuse dans le domaine spirituel : se considérant parfait dans toutes les voies qu’il emprunte et juste dans tous ses actes, il ne pensera jamais à examiner ses faits et gestes et à se remettre en cause. C’est pourquoi la Torah a interdit aux bnei Israël de croire à une telle idée et de penser que c’est leur piété et la droiture de leur cœur qui leur ont permis d’hériter de cette bonne terre.
La véritable piété consiste à ne jamais nous glorifier durant notre séjour sur terre, à nous sentir toujours incomplets dans le service divin et à être conscients que le chemin menant à la perfection souhaitable est encore long.
Mais penser que nous sommes parfaits est un tort et une preuve d’orgueil détestable qui a pour seule issue la faute. C’est la raison pour laquelle la Torah s’est montrée très rigoureuse à ce sujet.
A mon avis, c’est pour cela que la Torah n’a pas répété l’épisode de la construction du Sanctuaire dans le livre de Devarim. Cette construction n’est pas considérée comme un événement historique passé et révolu. En réalité, il incombe à chacun d’entre nous de poursuivre constamment l’édification de notre propre sanctuaire : nous fatiguer pour la Torah, fournir des efforts pour les mitsvot tout en aspirant à atteindre la perfection… afin que la Chekhina veuille bien résider en nous. Le seul moyen d’y parvenir est de ne pas être convaincus de notre piété, de ne pas nous reposer sur notre droiture et de savoir au plus profond de nous-mêmes que nous sommes encore très loin de la perfection et que seul un grand labeur nous permettra de nous en approcher. Ainsi, en nous fatiguant pour la Torah et l’accomplissement des mitsvot qui ont été répétées (nichnou) dans le livre de Devarim, aussi appelé « Michné Torah », nous nous construirons pour devenir une résidence pour la Présence divine.
LES PAROLES DES SAGES
Une question que personne ne pose
« Pour te faire savoir que l’homme ne vit pas que de pain » (Devarim 8, 3)
L’un des dix miracles qui ont été faits à nos ancêtres dans le Temple est que la pluie n’éteignait pas le feu perpétuel de l’autel. Encore que, fait observer le gaon Rabbi ‘Haïm de Volojine dans « Roua’h ‘Haïm », cela n’a rien de difficile pour Hachem de ne pas faire pleuvoir sur l’endroit du Temple et de l’autel, et cela n’a pas même pas nécessité de changer la nature du monde. La leçon à tirer de ce phénomène est de nous montrer que quelqu’un qui est plongé en permanence dans le service de Hachem ne doit pas se laisser troubler par quelque problème que ce soit. Il doit tenir bon, comme le feu de l’autel qui brûle continuellement, et que la pluie n’éteint pas.
Il y a encore une autre leçon : à notre époque, la plupart des gens estiment ne pas pouvoir étudier la Torah et pratiquer les mitsvot parce qu’il est tellement difficile de gagner sa vie. Le Tanna répond à cela que c’est une grave erreur ! Tout ce qui est exigé de l’homme, c’est de faire confiance à Hachem, moyennant quoi il peut étudier la Torah, car « Les cieux n’éteignaient pas le feu qui brûlait sur l’autel. » L’eau fait allusion à la subsistance, c’est-à-dire que l’homme doit veiller à ce que son étude de la Torah, qui s’appelle « feu », car toutes les paroles de Hachem sont de feu, ne soit éteinte par rien.
L’auteur de Ma’hané ‘Haïm zatsal, Rabbi ‘Haïm Sofer Züssman, qui fait partie des grandes figures du judaïsme hongrois, avait l’habitude de rapprocher des juifs nécessiteux frappés par la main de Hachem et de les recevoir chez lui.
Un jour, au moment d’un sermon qu’il donnait devant des milliers de personnes, il sourit avec une bienveillance particulière à l’un des pauvres qui se trouvait à la synagogue et qui paraissait véritablement miséreux, et il le fit assoir à côté de lui pendant le sermon. Toute la grande communauté qui s’était rassemblée était très intriguée, car bien que le gaon ait été coutumier de ce genre d’attitude, il n’avait jamais fait assoir des pauvres à côté de lui pendant un sermon. A la fin de son discours, des membres de la communauté vinrent lui demander qui était ce pauvre, et comment il avait mérité tant d’honneur.
Le Ma’hané ‘Haïm leur raconta ce qui s’était passé : A Budapest, il y avait un médecin juif célèbre chez qui beaucoup des habitants de la ville allaient se faire soigner. Un jour, ce médecin était venu chez ses parents et leur avait demandé ce que devenaient leurs enfants : ils étudiaient tous la Torah jour et nuit, alors comment pouvaient-ils nourrir leur famille ?
Les parents lui avaient répondu qu’il est écrit dans la Torah « Tu les enseigneras à tes fils », et aussi « Tu les attacheras en signe à ton bras. » De même que personne ne demande ce qui va se passer si on les attache, parce qu’on sait que c’est une mitsva qu’il faut accomplir même si l’on n’en tire aucun profit matériel, on ne doit pas non plus poser de question sur la mitsva d’enseigner la Torah à ses enfants.
Savez-vous qui est ce pauvre que j’ai placé à côté de moi pendant mon discours ? C’était le fils de ce médecin qui était allé voir mes parents. Le Saint, béni soit-Il lui a prouvé noir sur blanc que le juste n’est pas abandonné et que celui qui étudie la Torah est assuré d’avoir sa subsistance. Et c’est justement ce médecin, qui apparemment gagnait très bien sa vie et qui avait la possibilité de transmettre un héritage considérable à ses enfants, dont les descendants sont pauvres au point de mendier leur pain.
Avec le papier ou les lettres
Le gaon Rabbeinou Yossef ‘Haïm, que son mérite nous protège, le « Ben Ich ‘Haï », avait l’habitude de raconter l’histoire suivante : On a voulu présenter une future épouse à un certain sage. La mère de la jeune fille dit : « Je ne veux pas donner ma fille à ce sage, comment arriverait-il à la faire vivre, avec le papier de ses livres ? Ou les lettres de son étude ? »
Elle préféra la marier avec quelqu’un de riche.
Au bout d’un certain temps, la roue de la fortune tourna, et ils perdirent toute leur fortune. Cette dame et son mari apprirent tous les deux la reliure, et la femme prenait des livres chez le sage en question pour les relier, afin de gagner sa vie…
Regarder et veiller
Un simple juif avait écouté un cours de Rabbi Yéhouda Tsadka sur l’éducation des enfants. Il alla lui demander : « Admettons, Rabbi, pour quelqu’un qui est riche et gagne sa vie abondamment. Mais prenez quelqu’un comme moi qui travaille dur, pour gagner tout juste de quoi vivre : pourquoi est-ce que je m’épuiserais du matin jusqu’au soir pour gagner ma vie, alors que mes fils s’installeraient tranquillement dans la tente de la Torah ? Est-ce que ce ne serait pas plus justifié qu’ils réalisent en eux-mêmes aussi le verset « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » ? Et en plus, évidemment, ils fixeraient des temps d’étude pour la Torah, en faisant une chose sans délaisser l’autre. »
Le Rav Tsadka lui répondit : « Peut-être pouvez-vous m’expliquer pourquoi presque tous les membres du corps humain sont obligés de fonctionner et de se donner du mal pour remplir leur rôle ; la langue parle, les dents broient, les mains accomplissent toutes sortes de travaux, les jambes marchent, alors que les yeux n’ont pas besoin de faire quoi que ce soit, ils se contentent de regarder et de voir – pourquoi le Créateur du monde a-t-Il organisé les choses de cette façon ? »
L’homme se tut, ne sachant que répondre. « Je n’ai jamais réfléchi à ça », s’excusa-t-il.
Le Rav Tsadka continua à lui expliquer : « Sachez, mon fils, que les yeux ont un rôle très important, qui est de veiller sur tout. Par exemple, quand vous utilisez un marteau, ce sont les yeux qui veillent à ce qu’il frappe la tête du clou et non l’extrémité de vos doigts, ou quand vous vous servez d’un couteau, les yeux veillent à ce que vous coupiez le pain et non votre main, et quand vous marchez, les yeux prennent soin que vous ne trébuchiez sur aucun obstacle.
C’est le même genre de chose en ce qui concerne les talmidei ‘hakhamim, que la Torah appelle « les yeux de la communauté ». Le rôle des sages de la Torah est de veiller sur le peuple et de tout surveiller, de faire attention à tous les événements de sa vie pour s’assurer qu’ils sont en accord avec la volonté de Hachem et que rien ne s’écarte du droit chemin. C’est pourquoi il ne leur est pas demandé de faire des efforts corporels ou d’avoir un métier. Tout ce qu’ils doivent faire, c’est remplir leur mission élevée, regarder tout le peuple d’un regard de sainteté et veiller sur lui…
GARDE TA LANGUE
Le conseil d’un sage
Combien il est bon et juste de se conduire comme j’ai entendu qu’un certain sage le conseillait à son ami : En été, le Chabbat après « séouda chelichit », ne jamais s’attarder auprès de la synagogue ou de la maison d’étude pour raconter quelque chose à quelqu’un, car deux personnes deviennent trois, et trois deviennent quatre, cinq, six, jusqu’à ce qu’en fin de compte se forme tout un groupe ; alors chacun raconte ce qui lui est arrivé pendant la semaine qui vient de s’écouler, et il est impossible de ne pas en arriver à dire du lachon hara ou à se moquer de quelqu’un, tout cela à cause du premier qui a commencé.
(Cha’ar HaTevouna)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Quiconque fait des transactions commerciales pendant un moment d’étude est considéré comme ayant fait entrer une abomination chez lui
« Les images de leurs divinités, vous les détruirez par le feu. Ne cède pas à la tentation de garder l’argent ou l’or qui les couvre, il ferait ton malheur ; car il est en abomination à Hachem, ton D. Et tu ne dois pas apporter une abomination dans ta demeure, tu serais anathème comme elle : déteste-la, repousse-la avec horreur, elle est vouée à l'anathème ! » (Devarim 7, 25)
La Torah a ordonné à ceux qui entraient en Israël de détruire les idoles que les peuples autochtones avaient fabriquées en or et en argent. Quelqu’un pouvait donc décider « Je vais brûler leurs dieux et en récupérer l’or et l’argent ! » C’est pourquoi Hachem prévient : « Ne cède pas à la tentation de garder l’argent ou l’or qui les couvre, il ferait ton malheur ». En d’autres termes, si tu prends cette richesse elle te portera préjudice. Il ne faut pas non plus se dire : « Je vais prendre l’or et l’argent afin de les distribuer aux indigents ou de les réserver à une yéchiva. » Quiconque agit de la sorte non seulement finira par se détruire, mais aura en plus profané le nom divin : en effet les nations du monde diront : « les bnei Israël n’ont pas supprimé les idoles ! Ils les ont seulement dénaturées et les servent à présent comme nous les servions ! »
Voici le principe : nous n’avons aucunement le droit de tirer profit de l’idolâtrie, et ce, même dans le but de servir D. Qu’appelle-t-on « idolâtrie » ? Toute chose que D. n’a pas ordonnée. Quiconque agit ainsi en prétendant se montrer plus sage que la parole de Hachem crée son malheur, comme dans le cas de Chaoul.
Nos maîtres expliquent dans la Guemara (Yoma 22b) que lorsque D. a ordonné à Chaoul « Va frapper ‘Amalek » (I Chemouël 15, 3), celui-ci a répondu : « Si pour le meurtre d’une seule personne, la Torah a demandé de briser le cou d’une génisse, il est a fortiori beaucoup plus grave de tuer tant de personnes ! Et si les hommes ont fauté, de quoi les animaux sont ils coupables ? De plus, même si les adultes sont coupables, qu’en est-il des enfants ? » Une voix céleste a alors proclamé : « Ne sois pas juste à l’excès » (Ecclésiaste 7, 16). Ainsi, bien qu’il ait agi avec une bonne intention, l’esprit de D. l’a quitté et il a été exclu de la royauté, car il aurait dû obéir aux ordres sans prendre d’autres initiatives personnelles.
Un individu qui poursuit de manière excessive la richesse, elle-même comparée à de l’idolâtrie, et qui en tire des bénéfices à un moment où il aurait dû étudier la Torah, est considéré comme ayant pris l’argent et l’or de l’idolâtrie. Comment cela ? S’il a par exemple une heure fixe d’étude au beit hamidrach et qu’une affaire se présente à lui qui demande son attention immédiate, sans quoi il va perdre la marchandise, la Torah ordonne : « Tu ne dois pas apporter une abomination dans ta demeure. » Il est donc préférable de perdre la marchandise et le bénéfice, pour ne pas renoncer à l’étude de la Torah. Il vaut mieux perdre la vie terrestre que la vie éternelle.
A LA SOURCE
« Pour prix de votre obéissance à ces lois » (7, 12)
Plus loin, il est écrit : « Garde-toi d’oublier Hachem. » Ceci nous enseigne qu’une personne qui méprise les mitsvot de D. et les accomplit sans conviction finira par L’oublier et par se décharger du joug de Ses commandements.
Les mitsvot de D. doivent être réalisées avec joie, amour et beaucoup d’empressement (Tsohar Habayit).
« Un pays qui produit le froment et l’orge, le raisin, la figue et la grenade, l’olive huileuse et le miel. » (8, 8)
Rabbeinou Ya’akov Ba’al Hatourim a écrit (Ora’h ‘Haïm 167) :
On apposera sur le pain les deux mains (qui sont composées de dix doigts) afin d’évoquer les dix mitsvot suivantes, qui ont un rapport avec le pain : Tu ne laboureras pas avec un taureau et un âne, l’interdiction de réaliser des greffes en agriculture, le devoir de laisser un pauvre glaner dans notre champ, l’interdiction de revenir sur nos pas pour ramasser les gerbes oubliées, le devoir de laisser la bordure du champ pour les pauvres, réserver les prémices pour D., la terouma, la première dîme, le deuxième dîme, la ‘hala. C’est pourquoi il y a dix mots dans la bénédiction « Qui fais sortir le pain de la terre » (hamotsi le’hem min haaretz), dix mots dans le verset « Tu fais croître l’herbe pour les animaux » (matsmia’h ‘hatsir labéhéma), dix mots dans le verset « Tous les yeux se tournent avec espoir vers Toi » (einei kol eleikha yissaberoun), dix mots dans le verset « un pays qui produit le froment et l’orge » (erets ‘hita ousé’ora), et dix mots dans le verset « et Il te donnera » (véyiten lékha).
« Un pays qui produit le froment et l’orge, le raisin, la figue et la grenade, l’olive huileuse et le miel. » (8, 8)
Ceci est étonnant : alors que pour toutes les espèces, ce sont les fruits eux-mêmes qui ont été mentionnés (blé, orge, raisin, figue, grenade), pour l’olive, le verset cite uniquement ce qui en découle, c’est-à-dire l’huile. Pour quelle raison ?
Le Maharcha rapporte qu’il est écrit dans la Guemara (Horayot 13b) : « Nos maîtres ont enseigné que cinq choses font oublier l’étude : manger de ce qu’a mangé une souris ou un chat, manger le cœur d’une bête, se nourrir souvent d’olives, boire de l’eau qui reste d’un bain et se laver les pieds l’un au-dessus de l’autre. D’autres rajoutent à cela le fait de poser ses affaires sous son lit. Par ailleurs cinq choses font se souvenir de son l’étude : manger du pain cuit sur des braises, et à plus forte raison s’il est un peu carbonisé, manger un œuf dur entier sans sel, consommer régulièrement de l’huile d’olive, du vin, sentir des parfums, et enfin boire l’eau qui reste de la confection d’une pâte. Certains ajoutent aussi le fait de tremper son doigt dans le sel et de manger. La mention de la consommation régulière d’huile d’olive va dans le même sens que l’enseignement de Rabbi Yo’hanan, pour qui de même que l’olive fait oublier une étude de soixante-dix ans, l’huile d’olive fait remonter à la surface une étude de soixante-dix ans. »
« Tu jouiras de ces biens, tu t’en rassasieras. Rends grâce alors à Hachem, ton D. » (8, 10)
Rabbi Yéhouda Leib de Gour, auteur du « Sfat Emet », demande :
Pourquoi nos Sages n’ont-ils pas institué la bénédiction « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné de réciter le birkat hamazon », comme ils l’ont fait pour les autres mitsvot de la Torah, et même pour certaines qui ont été instituées par nos Maîtres, comme par exemple la récitation du Hallel ?
Il répond : le birkat hamazon diffère des autres bénédictions que nous récitons pour l’accomplissement des mitsvot. En effet, nous ne le récitons pas parce que D. nous a sanctifiés par Ses commandements, mais plutôt parce que cela coule de source : « Tu jouiras de ces biens, tu t’en rassasieras. Rends grâce alors à Hachem, ton D. » Remercie Celui qui t’a permis de manger et de te rassasier…
La lumière du Zohar
« Ne considère pas l’insoumission de ce peuple » (9, 27)
Rabbi ‘Hia demande : Qui peut dire à un roi « Ne considère pas » ? Il est pourtant écrit « Il observe les chemins de chacun » ! D. nous observe tous attentivement et juge nos comportements, et Moché se permet de Lui dire « Ne considère pas » ?
En réalité, nous devons éviter les transgressions afin de ne pas fauter devant le Roi des rois. Par exemple, lorsque nous accomplissons une mitsva, celle-ci monte chez Hachem et dit : « Je viens de telle personne qui m’a créée. » Puis D. la place devant Lui afin de l’observer constamment et de nous accorder des bienfaits par son mérite. Cependant, lorsque nous commettons une transgression, celle-ci aussi monte chez Hachem et dit : « Je viens de telle personne qui m’a créée. » Puis D. la place devant Lui pour l’observer et nous punir à cause d’elle.
Mais lorsque nous nous repentons, il est dit « Aussi D. fera passer ta faute, tu ne mourras pas » : Il fait passer la faute de devant Lui afin de ne pas la voir et de nous accorder des bienfaits. C’est pourquoi il est dit : « Ne considère pas l’insoumission de ce peuple, sa perversité ni sa faute. »
(Kedochim 83a)
SUR LA VOIE DE NOS PERES
L’origine des mauvaises midot
« Et tu ne dois pas apporter une abomination dans ta demeure, tu serais anathème comme elle : déteste-la, repousse-la avec horreur » (Devarim 7, 26)
« Tout cœur hautain est en horreur à Hachem » (Proverbes 16, 5)
Le parallèle entre ces deux versets nous amène à l’explication suivante de nos Sages : Rabbi Yo’hanan a dit au nom de Rabbi Chim’on bar Yo’haï « tout individu orgueilleux est comparable à un idolâtre. » De même, Rabbi Yo’hanan a dit « tout homme orgueilleux est considéré comme ayant renié sa foi, comme il est dit ‘Tu t’enorgueilliras et tu oublieras Hachem’ (Sota 4b). »
Dans son livre « Néfech Ha’Haïm », le gaon Rabbi ‘Haïm de Volojine exprime cette idée encore plus explicitement : « Fais très attention à ne pas tirer gloire du fait de servir D. avec une pensée pure. A première vue, tu ne sentiras pas vraiment que cette fierté t’envahit et il faudra donc examiner scrupuleusement ta conduite dans ce domaine. »
Il est clairement dit « Tout cœur hautain est en horreur à Hachem » : même si la fierté n’est pas visible par les autres, mais qu’elle habite juste le cœur de la personne elle-même, elle est considérée comme une abomination par D. En effet, elle est la source et l’élément actif de toutes les mauvaises midot.
On raconte que le gaon Rabbi Yéhouda Tsadka a fui pendant toute sa vie toute sorte de titre ou d’honneur comme on fuit la peste.
De par son extrême humilité, il ne se considérait même pas apte à être appelé « talmid ‘hakham ». Avec une réelle sincérité, habité par un sentiment d’extrême humilité, il a craint toute sa vie la mise en garde de nos Sages (Baba Batra 98a) : « quiconque se qualifie de talmid ‘hakham alors qu’il ne l’est pas ne résidera pas auprès de D. »
Rabbi Yéhouda s’éloignait de tous les titres prestigieux dont ses disciples avaient l’habitude de le couronner. Lorsqu’il recevait un nouveau livre avec une dédicace de l’auteur, il s’empressait d’effacer les adjectifs inscrits à son intention. Son humilité et sa délicatesse lui rendaient insupportables toutes louanges et exagérations.
C’est trop d’honneur
Au mois d’Eloul de l’année 5685, le ‘Hafets ‘Haïm et le Admour de Gour, auteur de « Imrei Emet », ont voyagé dans deux wagons distincts du même train pour aller ramasser des fonds pour la communauté. Pendant le trajet, le train s’est arrêté quelques minutes dans une certaine ville.
Dans cette ville-là habitait un homme riche, qui voulait que le ‘Hafets ‘Haïm descende du train et souhaite aux habitants de la ville d’être jugés favorablement pour l’année à venir.
Il est donc entré dans le wagon où le Rav était installé et lui a demandé de sortir pour bénir les habitants de la ville, qui étaient rassemblés à l’extérieur dans l’espoir de sa bénédiction. Mais le ‘Hafets ‘Haïm a refusé en répondant : « C’est trop d’honneur. »
Notre visiteur a réitéré sa demande, mais le Rav a persisté dans son refus.
Alors, il a tenté de convaincre le ‘Hafets ‘Haïm de sortir au moins, sans bénir l’assemblée : que les gens puissent juste le voir ! Mais là encore, il a décliné l’invitation en répétant « C’est trop d’honneur »…
Notre ami ne s’est pourtant pas arrêté là : il a soudoyé le contrôleur pour que celui-ci dise au Rav que son wagon prenait feu et que tous les passagers étaient obligés de sortir. C’est ce qu’il a fait, mais le Rav ne l’a pas cru et ne s’est pas déplacé. Sans perdre espoir, le visiteur a persuadé le contrôleur de faire brûler un peu de chaux : l’odeur contraindrait le ‘Hafets ‘Haïm à quitter son wagon. Selon ce qui est raconté dans l’ouvrage « Méïr Einei Israël », le contrôleur s’est laissé convaincre et a même fait cette chose étrange. N’ayant plus le choix, le ‘Hafets ‘Haïm s’est dirigé vers le wagon suivant, mais à la grande déception de l’homme aisé, il ne s’est pas tourné vers l’assemblée réunie en son honneur, mais a marché à reculons pour atteindre le deuxième wagon. Alors qu’il y entrait, une foule s’est précipitée afin de contempler le visage serein du Rav et ils ont vu le Admour de Gour, le « Imrei Emet », se lever de toute sa hauteur devant le ‘Hafets ‘Haïm.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Servez-Le avec joie
Rabbi David ‘Hanania Pinto racontait que son oncle Rabbi Méïr Pinto avait composé cent-cinquante supplications, parallèlement aux cent-cinquante psaumes du roi David. Rabbi ‘Haïm Pinto le petit possédait une sorte de violon composé de quatre cordes, à mettre en parallèle avec les quatre éléments de la nature : le minéral, le végétal, le vivant et l’humain. Chacune de ces cordes émettait sept sons différents, à l’image des sept sphères.
J’aimerais expliquer les choses ainsi : lorsque le tsaddik jouait, il reliait à travers son chant tous les mondes (le monde spirituel, celui de la création, de l’œuvre et le monde de l’action). Nous savons, selon la mystique, que c’est l’homme qui relie tous les mondes et qu’il est la voie menant à leur source.
On pourra consulter à ce sujet le livre « ‘Hessed LeAvraham » de Rabbi Avraham Azoulay.
Et il me semble à moi, serviteur et petit-fils de mon maître Rabbi ‘Haïm Pinto, que ces chants étaient nécessaires, car l’esprit prophétique ne peut résider sur le prophète que dans la joie. En effet, le prophète Elicha, le roi Chaoul et d’autres ont reçu l’esprit prophétique uniquement lorsqu’ils jouaient de la harpe. Comme il est expliqué dans le livre de Chemouël et dans le livre des Rois, la joie aide le prophète à lier tous les mondes et elle seule permet la présence de l’esprit saint ou de la prophétie.