Re'eh 18 Août 2012 30 Av 5772 |
|
Il y a désir et désir
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Tu emploieras cet argent à telle chose qu’il te plaira, gros ou menu bétail, vins ou liqueurs fortes, enfin ce que ton goût réclamera » (Devarim 14, 26)
Une fois que nous avons fourni des efforts pour notre champ, que nous l’avons travaillé à la force du poignet et que nous avons enfin vu le fruit de notre récolte, la Torah nous enjoint « Tu prélèveras la dîme du produit de ta semence, de ce qui vient annuellement sur ton champ » (ibid. 22) : nous devons prélever le ma’asser chéni sur nos fruits, les faire monter à Jérusalem et les y manger avec sainteté et pureté. S’il nous est difficile de transporter tous les fruits, nous pourrons les racheter et dépenser l’argent du rachat à Jérusalem. La Torah détaille même la manière de l’utiliser : « Tu emploieras cet argent à telle chose qu’il te plaira, gros ou menu bétail, vins ou liqueurs fortes, enfin ce que ton goût réclamera. » En d’autres termes, nous pouvons consommer le rachat de la dîme avec une jouissance intense et en tirant un grand profit, comme le dit le verset : « ce que ton goût réclamera ». Ceci est assez surprenant, car cela ne correspond pas à la vision habituelle de la Torah. En général, la Torah nous demande de nous abstenir des désirs de ce monde et de nous en éloigner de peur d’être trop happés par eux et de les poursuivre. Il est dit également : « Avant de prier pour que les paroles de Torah rentrent dans nos entrailles, mieux vaut prier pour que des excès de nourriture ou de boisson n’y entrent pas. » Par ailleurs, on trouve dans Vayikra (19, 2) « Soyez saints », ce que nos Sages ont expliqué comme signifiant « Soyez séparés », c’est-à-dire que nous devons nous détourner des profits de ce monde, réduire nos envies, nous satisfaire de peu et ne pas nous laisser tenter par des excès alimentaires. Reprenons les termes du « Messilat Yecharim » (Chapitre 13) : « Il n’existe pas de plaisir terrestre qui n’engendre pas de transgression. » Par exemple, la nourriture et la boisson sont autorisées une fois que nous avons veillé à toutes les lois de la cacherout. Cependant, un homme rassasié sera tenté de rejeter le joug divin. Le fait de boire du vin provoque quant à lui la débauche et toutes sortes d’autres mauvais comportements. A plus forte raison, si quelqu’un s’habitue à boire et à manger avec excès, il se détournera du service divin, de la Torah et de la prière. Voici le chemin qu’ont emprunté tous les justes au cours des générations : je me souviens de mon père et maître, Rabbeinou Moché Aharon Pinto, qui s’est toujours satisfait de peu et restait éloigné de toutes les envies. Il veillait à ne pas se restaurer de mets trop agréables au palais : il se contentait de pain et d’eau en petite quantité. Parfois même, il se rabaissait à manger les restes du repas qu’il trouvait sur la table. Telle est la voie qui permet d’évoluer dans la Torah et la crainte de D. Pourtant, dans notre verset, la Torah semble nous libérer du devoir d’abstinence, et nous permet de manger et boire à profusion en nous demandant de consommer le rachat de la dîme avec abondance et beaucoup de plaisir. Pour quelle raison ? En règle générale, ne convient-il pas plutôt de se suffire de peu ?
En voici l’explication : quelqu’un qui a de nombreuses récoltes et dont D. a béni le travail aura une somme importante pour le rachat du ma’asser chéni et devra bien sûr l’utiliser entièrement à Jérusalem pour manger, se réjouir et profiter comme il le désire. Puis il devra partager le reste entre les pauvres de la ville de Jérusalem. Mais le revers de la médaille est qu’agir ainsi constitue un véritable danger pour sa vie spirituelle. En effet, face à l’importante richesse dont D. l’a gratifié, cet homme risque de s’enorgueillir en se disant : « par mon travail et la force de mon poignet, j’ai gagné ce combat », et d’oublier D. C’est pourquoi la Torah précise « tu mangeras là bas devant Hachem ton D., tu t’y réjouiras avec ta famille » (ibid, 26) : la joie qui entoure la consommation de la deuxième dîme vise uniquement à augmenter l’honneur de D. et non à grandir notre propre gloire ou notre statut social. Tout en mangeant, nous devrons garder en tête l’importance de la présence divine, selon le verset «Je fixe constamment mes regards sur Hachem ». Tel est le sens de la phrase « Tu mangeras devant Hachem ton D. » : ton repas se déroulera devant Hachem et en Son honneur. Il nous faut toujours garder en tête que « C’est Hachem ton D. qui te donne la force de mener le combat », que toute la bénédiction provient de la large et généreuse main de D. et que nous n’avons pas de quoi nous enorgueillir.
S’il en est ainsi, un individu qui a mérité de consommer la dîme avec sainteté et pureté en gardant en tête la présence divine, qui savoure sa nourriture avec des intentions adéquates et justes, visant uniquement la gloire de Hachem et non sa propre jouissance, non seulement ne dégradera pas son niveau spirituel, mais son repas deviendra saint et lui sera considéré comme un sacrifice. Ce mets lui permettra même de s’élever encore dans les niveaux de sainteté et d’affiner la pureté de son âme : plus il en mangera, plus il se hissera dans le domaine spirituel.
C’est en vertu de cela que nous pouvons jouir et profiter pendant les Chabbats et les jours de fête en nous laissant aller à une nourriture abondante. Cette consommation est sainte, comparable à celle des sacrifices, et plus on en mange plus la mitsva est grande ! Cependant, il faut que cette action s’accomplisse pour l’amour du Ciel et soit réalisée en l’honneur de D. Cela nous enseigne clairement que lors de ces saints repas, nous devons faire très attention à ne pas tomber dans l’amusement et la légèreté d’esprit. Si nous nous laissons aller en nous conduisant avec suffisance ou qu’après un bon repas nous nous endormons, perdant ainsi le birkat hamazon, ce repas perd évidemment le statut de mitsva : en effet, comment un repas pourrait être d’une odeur agréable à Hachem s’il n’a pas été clôturé comme il se doit par la bénédiction?
LES PAROLES DES SAGES
A propos des mauvaises influences et des journaux
« Tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète ou de ce visionnaire » (Devarim 13, 7)
Génération après génération, les communautés juives ont dû combattre les vagues d’idéologie qui s’opposaient à la Torah et à ses fidèles. Les ouvrages profanes et les écrits des renégats et des « intellectuels » jeunes et vieux qui les ont suivis ont permis une trop importante diffusion des idées agnostiques. Il n’est donc pas surprenant que les grands en Torah aient mené à chaque génération une lutte contre ces livres et ces écrits, et de nos jours encore, contre les journaux qui ne plaisent pas aux Sages.
Le gaon Rabbi David Bistrif, directeur de la yéchiva de Milkdarf, a confié un jour à ses disciples que jeune homme, il avait tendance à lire des livres profanes. Mais puisqu’il étudiait chez le ‘Hatam Sofer, qui avait mis en anathème la lecture de ces ouvrages, il se retenait de les lire. Il s’investissait corps et âme dans l’étude de la Torah et était l’un des meilleurs élèves de la yéchiva. Un soir, il était réveillé dans sa chambre et aucun de ses amis n’était aux alentours. Le yetser hara l’a alors séduit : se présentait à lui une occasion unique de se plonger dans les livres interdits ! Il en a extrait un d’un coin discret et s’est mis à le lire. Mais soudain, il a eu la vision d’un homme tenant une lance (roma’h) à la main. Cette image menaçante l’a effrayé, et saisi de peur, il a jeté le livre à terre.
Quelques instants plus tard, une fois qu’il a retrouvé ses esprits, le yetser hara a recommencé à brûler en lui et à l’attirer : est-ce qu’un garçon intelligent et fin comme lui doit prêter attention à des visions insensées et à des illusions? Après quelques hésitations, il s’est emparé du livre et s’est mis à le parcourir... et là encore, la même vision lui est apparue. L’homme menaçant tenant une lance se trouvait vraiment près de lui. Il a été saisi de tremblements et de frissons. Effrayé, il a fermé le livre et l’a caché. Encore tremblant, il a lu le Chema et il est parti se coucher.
Comme le raconte l’ouvrage « Zikhron LeMoché », Rabbi David n’a pas réussi à se concentrer dans son étude le lendemain et n’a pas participé activement au cours comme à son habitude.
A la fin de son cours quotidien, le ‘Hatam Sofer s’est adressé aux centaines d’élèves présents dans la grande salle de la yéchiva : « Messieurs, nous n’avons pas évoqué depuis longtemps l’anathème sur l’étude des idéologies profanes. Parlons-en un peu. » Il a expliqué à ses disciples la gravité de cet interdit, puis a conclu en disant : « Sachez que le mot ‘herem (anathème) est composé des mêmes lettres que roma’h (lance). Quiconque transgresse l’un (l’anathème) sera puni par l’autre (la lance) » et il a enchaîné sur le kaddich.
Les centaines d’élèves sont restés stupéfaits, sans comprendre pourquoi le ‘Hatam Sofer avait trouvé nécessaire d’évoquer ce sujet ce jour-là. Mais le seul qui savait être la cause de toute cette agitation était Rabbi David, qui a su tirer la bonne leçon de ce message si clair.
Par le mérite de la décision
L’élève du machguia’h Rabbi Eliahou Lopian a raconté une histoire extraordinaire (dans l’ouvrage « Lichkhéno Tidrechou ») au sujet d’un des étudiants de la yéchiva qui avait coutume de lire des journaux et autres livres profanes. Ayant eu écho de cela, Rabbi Eliahou Lopian a appelé le jeune homme en question, l’a réprimandé et lui a demandé de promettre fermement qu’il ne s’adonnerait plus à ce genre de lectures pendant une certaine période.
Ne réussissant pas à prendre une décision aussi importante, le disciple a demandé un délai de réflexion, que le machguia’h lui a accordé. Mais il n’a pas rendu sa réponse au moment prévu. Le Rav l’a alors appelé et lui a tenu un discours véhément sur la gravité de son comportement. Secoué, l’élève s’est engagé fermement. A la fin de la période fixée, Rabbi Eliahou a demandé à son disciple de renouveler sa résolution jusqu’à Yom Kippour. Celui-ci a accepté et a tenu sa promesse. La veille de Kippour, le Rav a à nouveau convoqué le disciple afin qu’il s’engage à ne pas lire de journaux pendant une période supplémentaire. Le jeune homme a répondu qu’il voulait réfléchir, mais du fait de sa journée chargée il a oublié de faire part au machguia’h de sa décision.
Le soir même de Kippour, après la prière d’arvit, alors que l’assemblée récitait « Chir Hayi’houd », Rabbi Eliahou est passé dans la yéchiva demander à l’élève en question de l’accompagner dehors. Lorsqu’il a vu la crainte du jugement sur son visage, le Rav lui a parlé très sévèrement sur le sujet : sur place, le disciple a accepté de renouveler la résolution jusqu’à Chavouot.
Entre temps, Rabbi Eliahou s’est rendu en Amérique. Puis à l’approche de la fête de Chavouot, le jeune homme, qui logeait à la yéchiva, a été empli de sentiments de sainteté et d’un désir brûlant de renouveler sa décision même sans l’aide et l’influence de son maître. Dès son retour à la yéchiva, le Rav a dit à son élève: « Quand j’étais en Amérique et que Chavouot arrivait, je ne savais que faire. J’étais là-bas, et toi ici: qu’allait-il advenir de ta résolution? J’espère que tu continues sur cette bonne voie ! » Celui qui nous a raconté l’histoire a ajouté que sans aucun doute, ce qu’a pensé Rabbi Eliahou en étant en Amérique a aidé le jeune homme à poursuivre sa résolution en Israël.
Voici encore une histoire qui concerne le machguia’h Rabbi Eliahou : un jeune homme qui lisait souvent les journaux souffrait beaucoup de saignements du nez. Il allait de médecin en médecin, essayait de nombreux traitements, mais en vain. Puis il s’est rendu chez un grand professeur qui a décidé qu’une opération était nécessaire : celle-ci aurait lieu à l’hôpital « Hadassa » de Jérusalem.
Le jour de l’opération, le jeune homme est parti saluer Rabbi Eliahou. Celui-ci a alors affirmé vigoureusement : « Si tu ne t’engages pas fermement à ne plus lire de journaux, le voyage et l’intervention resteront sans résultats! »
Affolé, le jeune homme a promis de ne plus s’adonner à ce genre de lecture. Alors le Rav lui a dit « Viens, je vais t’apprendre quelque chose : dans la prière, comment faut-il dire ‘Guéris-nous, Hachem, et nous serons guéris’ ? Nous devons insister sur le mot ‘Hachem’, comme pour dire ‘c’est D. qui nous guérit, Il est notre seul médecin.’ ‘Sauve-nous (Hochiénou)’ : lorsque c’est Toi qui sauves, alors ‘nous serons sauvés (vénivaché’a)’: il y a une délivrance. » Puis il l’a béni et a pris congé. L’opération s’est déroulée avec succès et le jeune homme est ressorti en parfaite santé. Mais quelques années plus tard, un événement intéressant s’est produit : l’élève en question n’a pas pu s’empêcher d’ouvrir un journal. Il en a pris un, l’a feuilleté... et soudain un flux incessant de sang a jailli de son nez ! Il s’est précipité chez Rabbi Eliahou Lopian, qui n’a rien voulu entendre. C’est seulement après qu’il se soit engagé à ne plus jamais lire de journaux quoi qu’il lui en coûte que le Rav l’a béni. Jusqu’à ce jour, il n’a plus connu de tel problème.
GARDE TA LANGUE
Par habitude
La façon de parler et les midot demandent une habitude. Or en toute chose, l’habitude est un pouvoir. Si l’on y réfléchit un peu, on constatera qu’il y a tant de médisance pour la simple raison que l’on s’habitue depuis sa jeunesse à dire ce qu’on veut sans que personne vous contredise, si bien qu’on n’imagine pas que cela puisse être interdit.
(‘Hafets ‘Haïm)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Ne pas oublier les bnei Torah
« Prends garde à ne pas abandonner le Lévi tous les jours de ta vie sur ta terre » (Devarim 12, 19)
Il convient particulièrement d’expliquer la signification de la juxtaposition entre la mitsva d’entretenir le lévi et le maasser chéni. Comme on le sait, la tribu de Lévi symbolise le ben Torah, c’est le talmid ‘hakham qui porte l’étendard de la Torah, comme l’écrit le Rambam (Hilkhot Chemita ch. 13 halakha 12) : « La tribu de Lévi a été mise à part pour servir Hachem et enseigner Ses voies droites et Ses lois justes à la communauté, ainsi qu’il est dit : « Ils enseigneront Tes lois à Ya’akov et Ta Torah à Israël. » »
La Torah a ordonné que lorsqu’on se réjouit de ses grands biens, qu’on mange, boit et profite de la consommation du ma’asser chéni, on veille à ne pas s’enorgueillir, en oubliant Hachem et en s’imaginant dans sa sottise que tout nous appartient, mais on a le devoir d’entretenir le lévi qui porte l’étendard de la Torah et de soutenir les talmidei ‘hakhamim. En effet, de cette façon le Nom de Hachem est magnifié et sanctifié dans le monde, parce qu’on a aidé le talmid ‘hakham à continuer à résider dans les tentes de la Torah sans souci pour sa subsistance. Soutenir le lévi, c’est le remerciement le plus important qu’on puisse adresser à Hachem pour tous les bienfaits qu’Il nous accorde. « C’est un arbre de vie pour ceux qui s’attachent à elle, et celui qui la soutient est heureux » (Michlei 3, 18), heureux sont ceux qui soutiennent ceux qui étudient, les aident et leur donnent la possibilité de continuer dans cette voie sans souci d’argent. La « yéchivat ben hazemanim » d’Ashdod compte des centaines d’avrekhim et de jeunes gens, tout cela grâce à la généreuse contribution d’un homme d’affaires d’un extraordinaire dévouement.
Et bien que sa situation financière connaisse des difficultés et que tout n’aille pas pour le mieux pour lui, il n’a pas renoncé à soutenir et aider l’étude de la Torah par des sommes considérables. Voyez un peu combien Hachem est venu à son aide et de quelle providence individuelle il a joui : lorsqu’il s’est engagé à soutenir la « yéchivat ben hazemanim » (en été 2011), il s’est adressé à moi pour me raconter dans son malheur qu’à la suite de la publication des comptes-rendus de la bourse pour les valeurs sur ses diverses affaires, il y avait lieu de craindre que sa situation financière parvienne à la connaissance des journalistes, qui propageraient la nouvelle, et naturellement cela provoquerait une chute brutale de ses actions, et toute sa fortune risquait de disparaître. Il ne savait pas où se tourner dans son malheur, et m’a demandé une bénédiction. Je lui ai dit : « Vous soutenez ceux qui étudient la Torah, le grand mérite de cette mitsva vous protégera. C’est pourquoi n’ayez aucun souci, faites confiance à Hachem et vous sortirez bientôt de ce mauvais pas. » Je l’ai béni par le mérite de mes saints ancêtres que le Saint, béni soit-Il éloignerait de lui tout accusateur.
Et effectivement, dans Sa bonté Hachem l’a aidé, et incroyablement, aucun journaliste n’a examiné ses comptes-rendus, si bien que la chose a été oubliée par tout le monde. Cela nous enseigne combien est grand le mérite de ceux qui soutiennent la tribu de Lévi, qui sont ceux qui étudient la sainte Torah.
A LA SOURCE
« Seulement comme on mange du chevreuil » (12, 22)
Le ‘Hozé de Lublin trouve une allusion merveilleuse dans l’évocation du nom du chevreuil (tsvi), qui vient nous enseigner que même si la Torah nous a permis de manger de la viande uniquement parce que nous en avons envie, nous devons tout de même nous rappeler que c’est « comme on mange du chevreuil ». Il est dit sur le chevreuil « lorsqu’il est vieux, il a un œil ouvert et un œil fermé » (Chir HaChirim Rabba ch. 8), et exactement de la même façon, quand on mange de la viande simplement par désir, on doit veiller à ce qu’un œil reste ouvert pour veiller à ne pas se laisser emporter par ses désirs.
« Tu prendras certainement le dixième de toute la récolte de ta semence » (14, 22)
Le « ta’am » qui surmonte le mot « ta’asser » (tu prendras le dixième) est un zakef katan.
Selon le gaon de Vilna, cela comporte une allusion à l’enseignement de nos Sages selon lequel « prends le dixième (asser) pour que tu t’enrichisses (titacher) ».
C’est ce que vient insinuer le zakef katan : il s’agit de redresser (zakef) la situation, pour la faire passer de minime (katan) à abondante.
« En raison de ses besoins, de ce qui lui manque » (15, 8)
Rachi précise : même un cheval pour le chevaucher et un esclave pour courir devant lui. Et le gaon Rabbi Aharon Leib Steinman chelita fait remarquer dans son « Ayélet HaCha’har » que c’est une question d’honneur et non un manque d’argent.
Cela signifie que cette mitsva comporte aussi de lui manifester des égards si c’est cela qui lui manque.
On raconte que le ‘Hazon Ich avait accompagné quelqu’un qui était venu lui rendre visite jusqu’en dehors de chez lui, bien que ce dernier n’en ait pas été digne, et il a expliqué que c’était cela qui lui manquait.
LA LUMIERE DU ZOHAR
« Tu te réjouiras de ta fête » (16, 14)
Rabbi Chimon a ouvert son discours en disant : « Quiconque se réjouit pendant les fêtes sans donner sa part au Saint, béni soit-Il, a le mauvais œil, le Satan le hait, l’accuse, l’expulse du monde et lui fait arriver un malheur après l’autre. »
La part du Saint, béni soit-Il, c’est de réjouir les pauvres dans la mesure du possible, parce que pendant ces jours-là, le Saint, béni soit-Il vient voir ses « ustensiles brisés », rentre chez eux et s’Il voit qu’ils n’ont pas de quoi se réjouir, Il pleure sur eux et remonte en haut pour détruire le monde. Ceux qui étudient la Torah se présentent devant Lui en disant : « Maître du monde ! Tu es appelé clément et miséricordieux, puisse Ta miséricorde s’épandre sur Tes enfants ! »
Il leur répond : « Je n’ai créé le monde que sur la bonté, ainsi qu’il est écrit J’ai dit : le monde sera créé par la bonté, et c’est sur la bonté que le monde subsiste. »
Les anges d’en-haut disent devant Lui : « Maître du monde ! Regarde Untel qui mange et boit, il pourrait faire du bien aux pauvres et ne leur donne rien ! » Alors l’accusateur vient demander la permission de poursuivre cet homme.
(Béréchit 10a)
LA MEMOIRE DU JUSTE EST UNE BENEDICTION
Souvenez-vous de la Torah de Moché
Une joie particulière à l’occasion de la hilloula du gaon et tsaddik Rabbi Moché Aharon Pinto
A l’approche de la hilloula de notre maître Rabbi Moché Aharon Pinto, père de Rabbi David ‘Hanania Pinto, dévoilons quelques perles et pierres précieuses des merveilleux comportements du tsaddik. Cette fois-ci, nous allons puiser dans le trésor des discours de notre maître, où il nous a fait profiter de la Torah et des midot extraordinaires de son père. Déjà dès son plus jeune âge, le gaon et tsaddik Rabbi Moché Aharon Pinto, fils bien-aimé de Rabbi ‘Haïm Pinto le petit, adoptait des attitudes de sainteté et de distinction, comme il avait mérité de les voir dans la maison de son père.
L’humilité et la discrétion constituaient le diadème de la couronne de ses immenses qualités, sans compter la noble ascendance qui illuminait comme une pierre précieuse la famille Pinto. Enfant après enfant, génération après génération, c’étaient des hommes de foi, des hommes pieux, saints et purs, coutumiers de miracles et de prodiges, et qui ont éclairé leur génération de la lumière de la Torah et de la sainteté. Voici ce que notre maître a raconté : « J’ai regardé la Ketouba de Rabbeinou Moché Aharon Pinto et j’ai constaté combien il savait cacher sa grandeur : même le titre de ‘Rav’ n’y est pas mentionné, on n’y trouve que ‘le sage intègre’. Rabbeinou ‘Haïm Pinto y était qualifié uniquement de ‘sage qui fait mériter la collectivité’... Ils étaient si humbles que même leurs proches n’avaient pas conscience de leur grandeur : ils cachaient leurs qualités et ne s’enorgueillissaient jamais. Tel est le chemin qui mène à l’unité entre les hommes. » Un autre trait de caractère important qui caractérisait Rabbi Moché Aharon Pinto était le silence, mida louée par les ouvrages de moussar qui affirment qu’« elle sied aux Sages ». « Telle était la grandeur de mon père le tsaddik Rabbi Moché Aharon Pinto, qui était considéré par tous comme un juste, un homme humble et pieux ainsi qu’un grand kabbaliste. Bien que n’ayant rédigé aucun ouvrage, tant sur l’explication simple que sur l’interprétation mystique, il était estimé et apprécié par tous, et des gens se déplaçaient de loin pour lui demander une bénédiction, un conseil ou lui exposer un problème. Et cela pour la simple raison que mon père parlait peu et mesurait tout ce qu’il disait. Même avec nous, ses propres enfants, il parlait avec parcimonie... alors a fortiori avec les étrangers. Lorsque nous lui demandions ‘Pourquoi tu ne sors pas un peu ?’, il nous répondait ‘Si je sors, les gens vont aborder avec moi toutes sortes de sujets, or il est écrit ‘Qui parle beaucoup ne saurait éviter le péché’ (Proverbes 10, 19). C’est pourquoi je préfère rester à la maison.’ Voici la force d’un mot.
Parfois, un seul mot nous permet de construire ou de détruire. Un jour, le directeur d’une yéchiva réputée m’a demandé de faire l’éloge de son établissement, en disant simplement qu’il était de qualité, devant un certain homme aisé. C’est exactement ce que j’ai fait. Puis quelque temps plus tard, le directeur de cette yéchiva m’a chaleureusement remercié : cette fois-là, l’homme riche avait fait un don bien plus élevé qu’à son habitude... »
Le but: la sanctification du nom divin
Nombreux sont ceux qui demandent à notre maître comment son père a acquis de si précieuses midot. La réponse est la suivante : il savait que tout ce qui emplit ce monde-ci n’est que futilité. Ainsi, les louanges et les honneurs ne le tentaient pas et il ne les poursuivait pas. Durant toute sa vie, il a visé uniquement l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvot, et cherché à sanctifier le nom divin dans le monde. Ainsi, il a mérité de surmonter son mauvais penchant et d’être remarquablement prévenant vis-à-vis de chacun.
Nombreux sont ceux qui l’ont côtoyé et ont raconté qu’une lumière puissante émanait de son visage, au point qu’il devenait effrayant de le regarder. Ma mère a d’ailleurs raconté qu’ils avaient souvent vu du feu dans la chambre de mon père, et que par crainte d’un incendie ils s’étaient précipités dans la pièce... pour découvrir qu’il n’y avait rien!
Il s’agissait probablement d’une grande flamme spirituelle provenant de la force de la Torah de nos saints ancêtres, qui étaient totalement attachés à D. et qui avaient mérité que la lumière de la présence divine réside parmi eux et éclaire leurs visages. C’est ce niveau élevé que les bnei Israël avaient atteint lorsqu’ils campaient autour du Tabernacle. C’est pourquoi ils n’étaient pas effrayés par le feu qui résidait dans le Michkan, situé en leur sein.
Il fait la volonté de ceux qui Le craignent
Essayons de voir comment D. est prêt à réaliser la volonté du juste qui marche dans Ses voies et à satisfaire son désir. Il y a quelques temps, j’ai participé à l’anniversaire d’une femme très âgée. La fête était organisée par ses proches et se déroulait dans l’appartement de Pin’has Abitan à Paris. Sa fille Léa m’a raconté que quand elle était âgée de seize ans, ses parents avaient voulu la marier à un homme bien plus vieux qu’elle. Elle avait essayé de les en dissuader, mais sans succès : tous ses arguments tombaient dans l’oreille d’un sourd. Dans sa détresse, elle s’était tournée vers mon père le tsaddik Rabbi Moché Aharon Pinto et lui avait fait part de ce qu’elle avait sur le cœur. Mon père lui avait dit : « Tu as devant toi des veilleuses pleines d’huile que j’ai l’habitude d’allumer en l’honneur des tsaddikim. Si tu pointes ton doigt sur celle de mon grand-père, le saint Rabbeinou ‘Haïm Pinto, sois sûre que ta délivrance est proche. » La jeune fille, dont la foi dans les Sages était profonde, avait dirigé son doigt vers l’une des veilleuses et il s’était avéré que c’était bien celle de Rabbeinou ‘Haïm Pinto... Mon père lui avait alors immédiatement assuré : « Va en paix, tout ira bien. Dès aujourd’hui tu connaîtras la délivrance et tu mériteras bientôt un autre mari, bon et convenable. »
La femme m’a raconté qu’elle avait à peine franchi le seuil de la porte que ses parents l’attendaient et lui ont dit à sa grande surprise : « Nous avons conclu que l’homme en question est trop âgé pour toi et qu’il est donc préférable d’annuler le chidoukh. Apporte les boucles d’oreille et les bagues pour qu’on les lui rende. »
Les paroles de mon père se sont réalisées dans leur intégralité : quelques temps plus tard, elle s’est mariée au bon moment avec un garçon de Paris. Puis elle est tombée enceinte, et lors de l’accouchement elle et son bébé étaient en danger de mort. Saisissant la gravité de la situation, le mari s’est rendu chez mon père pour lui en faire part. Celui-ci s’est couvert le visage, puis a répondu: « Je vous promets que votre femme sera en parfaite santé et qu’il ne lui arrivera aucun mal, si D. veut. Je m’en porte garant. Mais quant au bébé, je ne peux rien vous promettre, car je sens qu’il ne va pas vivre. » C’est ce qui s’est passé, le bébé est mort, mais la vie de la mère a été sauvée et elle a vécu longtemps. C’est ce que j’ai entendu de Madame Léa Bensimon.
Or à première vue, pourquoi ces tsaddikim ont-ils mérité que le Saint, béni soit-Il accomplisse leurs désirs, comme dans le verset « Il fera la volonté de ceux qui Le craignent » ? La réponse est que c’est parce qu’ils sont remplis d’empressement dans le service de D. et se dévouent au maximum pour la sainte Torah, en consacrant leur corps, leur âme et leurs biens à l’honneur de Hachem, sans prêter attention aux pertes financières occasionnées par l’accomplissement des mitsvot.
En effet, l’empressement dans l’accomplissement des mitsvot prouve que l’homme est heureux de faire la volonté de D. et espère ardemment Le servir en tout temps, dans la mesure de ses possibilités. Le Saint, béni soit-Il rend à un tel homme au centuple, et de plus prête attention à sa voix et exauce ses désirs et ses souhaits.
Voici l’histoire que m’a racontée l’un des avrekhim sur son père, qui s’était un jour adressé à mon père pour recevoir sa bénédiction. Contrairement à ses habitudes, il lui avait répondu: « Donnez-moi de la tsedaka et je vous bénirai. »
« Je n’ai pas d’argent sur moi », avait répondu l’homme. Mon père lui avait dit immédiatement : « Je sais, mon fils, je sais que vous n’avez pas d’argent, alors sortez, et en chemin vous verrez une enveloppe qui contient beaucoup d’argent, elle est à vous. » Avec une grande simplicité et une grande foi dans le tsaddik, l’homme était sorti sans poser de questions, et en chemin avait effectivement trouvé une enveloppe pleine de billets. Il était revenu vers mon père, qui l’avait béni.
C’était une confiance solide et entière en D., car s’il s’était étonné et avait demandé à mon père à qui s’adresser pour trouver cette enveloppe, cette question aurait déjà été un manque de foi. Mais dès qu’il avait entendu ces mots sortir de la bouche de mon père, il les avait crus, au point de déjà voir, pour ainsi dire, l’enveloppe devant ses yeux, c’est pourquoi il n’avait rien demandé et était sorti immédiatement pour la chercher. Il y a donc plusieurs niveaux dans les qualités humaines, et il faut toujours se rapprocher de plus en plus, jusqu’à ce qu’on arrive à la perfection dans les actes.
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Roch ‘Hodech Elloul
Ce Chabbat, nous allons célébrer Roch ‘Hodech Elloul. Autrefois, ce jour-là était caractérisé par la crainte et le tremblement de voir approcher le jour du jugement. Chaque individu et toute la communauté faisait un examen de conscience approfondi en se disant : est-ce que nous sommes prêts pour le jugement ? Le Richon-le-Tsion, le gaon Rabbi Chelomo Moché Amar chelita, a raconté qu’il avait entendu du gaon Rabbi Tsvi Hirsch Broide zatsal, Av Beit Din de Peta’h Tikva, que son père, le gaon et tsaddik Rabbi Avraham zatsal lui avait raconté qu’il se souvenait encore de Roch ‘Hodech Elloul dans son enfance. On savait à l’avance qu’il fallait préparer les premiers secours pour Rabbeinou Israël Salanter zatsal, qui s’évanouissait en entendant proclamer l’arrivée de Roch ‘Hodech Elloul. Dans plusieurs communautés, la coutume était que pendant le Chabbat où l’on annonçait l’arrivée de Roch ‘Hodech, le ‘hazan le faisait sur les mélodies des jours redoutables, une mélodie qui faisait régner une atmosphère nimbée de sérieux qui éveillait au repentir.
C’était cela la réaction des hommes de vérité, ceux qui reconnaissent leurs actes et savent que D. mettra en jugement sur tout ce qui est caché. On raconte sur le ‘Hafets ‘Haïm que quand le ‘hazan commençait à dire les mots « Roch ‘Hodech Elloul sera le… », il se mettait à trembler de tout son corps et il éclatait en sanglots, au point qu’une grande crainte tombait sur tous les fidèles. Le gaon Rabbi Yossef Salant zatsal raconte également que dans sa jeunesse, il priait à Jérusalem dans la même synagogue que Rabbi Yitz’hak Blazer zatsal, et comme on savait que Rabbi Yitzele avait l’habitude de s’enfermer en Elloul, on lui demandait d’être chalia’h tsibour pour la bénédiction du mois. Quand il prononçait les mots « Roch ‘Hodech Elloul », il éclatait en sanglots prolongés, au point que toute la communauté se mettait à pleurer avec lui. Rabbi Yossef Salant disait que le souvenir de ce « Chabbat mevarkhin » lui avait laissé la crainte d’Elloul pour toute sa vie. Voici la description donnée par le célèbre voyageur Ya’akov Sapir zatsal dans son livre « Even Sapir » : Le Chabbat où l’on annonçait Roch ‘Hodech Elloul, la coutume à Sanaa était que le Rav et son beit din passent dans toutes les synagogues, au moment de la prière du matin, avec une lettre de remontrances, de mises en garde et d’éveil pour les jours redoutables, et on la lisait dans toutes les synagogues pour éveiller le peuple à la techouva. Moi aussi, je tournais avec eux, car cette coutume était précieuse à mes yeux, mais le matin nous ne pouvions pas passer dans toutes les vingt synagogues, même on si l’on y prolongeait les prières du Chabbat, si bien que nous commencions avant l’aube et nous finissions à min’ha.
Quand nous sommes arrivés pour la prière de moussaf à la synagogue du kabbaliste Maari Ye’hia HaCohen, et que la communauté m’a demandé d’être chalia’h tsibour, j’ai accepté, et j’ai prié moi aussi d’un cœur brisé, quand je suis arrivé, dans la répétition de la prière, à la demande : « Puisse Ta volonté être de nous faire monter dans la joie vers notre pays et de nous installer dans nos frontières », les murs de mon cœur se sont ouverts, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer et j’ai imploré de toutes mes forces, jusqu’à ne plus pouvoir parler. Toute la communauté, d’un esprit contrit et d’un cœur brisé, a versé des torrents de larmes, et ce Chabbat s’est transformé en Yom Kippour.
Seuls les chevaux sont indifférents
Le Maguid de Jérusalem, Rav Schwadron zatsal, avait l’habitude de raconter la parabole suivante au nom de Rabbi ‘Haïm de Brisk zatsal : Autrefois, un marchand acheta toute une cargaison de marchandise et voulut lui faire passer la frontière en fraude. Il loua les services d’un cocher qui connaissait tous les sentiers et les chemins détournés, et à partir de ce moment-là il se mit à trembler : qui savait ce qui pouvait se passer, qui savait s’il allait réussir à passer la frontière tranquillement, n’allait-il pas se faire prendre, et alors sa marchandise serait confisquée, l’argent qu’il avait investi serait totalement perdu et lui-même serait incarcéré. Il était tendu et nerveux. Mais le cocher était tout à fait détendu, car il avait l’habitude de passer la frontière en fraude et il connaissait tous les trajets comme sa poche. Mais le jour où ils prirent la route, le cocher lui aussi était tendu et plein d’appréhension, il regardait de tous les côtés avec inquiétude, les nerfs à vif, à l’écoute du moindre bruissement, et il tremblait du moindre mouvement suspect. Si on l’attrapait, on confisquerait ses chevaux et sa voiture et on l’assignerait en justice ! Seuls les chevaux restaient indifférents et sereins, même au moment de traverser la frontière… Rabbi ‘Haïm de Brisk expliquait que certains se mettent à trembler dès Roch ‘Hodech, se mettaient à se lever tôt pour les seli’hot et demandaient miséricorde, en sachant quel poids se trouvait sur la balance, la vie, la paix, la santé et la subsistance, absolument tout ! Mais même les indifférents étaient pris de crainte et de tremblement le jour où ils passaient la frontière, à Roch Hachana même. Et c’est seulement les chevaux qui restaient indifférents, ne pensant qu’à leur mangeoire, à savoir les repas de la fête.