Noa'h 20 Octobre 2012 4 Hechvan 5773 |
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La véritable expression de la bravoure
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Kouch engendra aussi Nimrod, celui qui le premier fut puissant sur la terre. Il fut un puissant chasseur… » (Béréchit 10, 8-9)
Cette paracha nous donne à réfléchir. Qu’a voulu nous dire la Torah en précisant que Nimrod a été puissant sur la terre ? Plus encore, pourquoi souligner qu’il était un puissant chasseur devant D. ? Comment s’exprimait sa force ?
Rachi explique : « Sa puissance a consisté à soulever le monde entier contre D. en incitant sa génération à construire la tour de Babel. » Telle était donc la force de l’impie Nimrod qui est devenu le chef des rebelles contre Hachem, en créant un grand groupe de révoltés et en régnant sur eux. Mais Hachem a agi en conséquence de cette puissance négative : c’est justement dans cette génération de la dispersion qu’Il a fait venir dans ce monde Avraham, fils de Téra’h, qui s’est confronté à ce roi, a brisé toutes les idoles de son père, et est devenu le chef des tsaddikim. Il a rapproché de nombreuses âmes des ailes de la Chekhina. Tout comme Nimrod a utilisé sa puissance pour devenir impie, Avraham s’est levé de toute sa force et a combattu cet éminent roi et tous ses adeptes. Sans crainte, il les a confrontés à leur erreur. Bien qu’il n’ait pas été éduqué dans une maison où l’on servait le Créateur, et qu’il ne Le connaissait pas, lorsqu’il L’a découvert à l’âge de trois ans, il n’a pas craint de convaincre quiconque croisait sa route de Son existence. A l’inverse de Nimrod, qui attirait les gens par la ruse et tirait parti du fait qu’ils le redoutaient pour sa puissance, Avraham leur opposait des arguments, les persuadant qu’il existait un dirigeant au monde et qu’il y avait une justice et un Juge.
Nous constatons qu’une réelle lutte entre la vérité et le mensonge emplissait alors le monde. D’un côté, Nimrod troublait tous les habitants en leur inculquant des idées mensongères, avec pour seul et unique but la jouissance de diriger le monde. Face à lui, Avraham dans toute sa splendeur menait un saint combat en faisant prendre conscience aux hommes de leur erreur, et exposait à tous les mensonges de Nimrod, sans aucune crainte, dans l’unique but d’augmenter la gloire divine, sans aucun intérêt personnel.
Conformément au principe « Les paroles qui émanent du cœur pénètrent les cœurs », le combat d’Avraham a été couronné de succès, particulièrement lorsqu’il a réussi à soumettre Nimrod et à lui infliger une défaite. Alors, le monde entier a reconnu qu’il portait en lui le Nom de D. En effet, il ne visait qu’à faire régner D. sur le monde, et à prouver que Lui seul était le Créateur du Ciel et de la terre.
Nos Sages ont dit (Yoma 28b) qu’Avraham accomplissait toute la Torah avant même qu’elle ait été donnée. Nous apprenons de là que pour être puissant et mener les combats de D. contre les forces des impies, il nous faut fournir des efforts pour la Torah. Plus nous nous fatiguons pour elle, plus nous serons capables de surmonter notre mauvais penchant, qui cherche sans cesse à nous anéantir.
Lorsque nous nous plongeons dans la Torah, nous sommes également appelés « rois ». Ainsi, nous apprenons dans Guittin (62b) que nos maîtres sont qualifiés de rois : « Qui sont les rois ? Nos maîtres ! » En effet, il en est ainsi car leur seule aspiration est de faire régner D. sur eux, de s’attacher au Créateur et à Ses comportements, et le nom divin est toujours présent dans leurs propos.
C’est le sens du verset « Et c’est lui qui entreprendra de sauver Israël de la main des Philistins » (Choftim 13, 5) : au début de leur chemin et de leur combat contre le yetser hara, les tsaddikim commencent par le vaincre en eux-mêmes, et par devenir puissants sur la terre au point de le conquérir entièrement. Puis ils mériteront d’être de puissants chasseurs devant Hachem en capturant ce mauvais penchant, qui leur sera alors soumis, parce qu’ils s’annulent devant D. et devant la Torah avec humilité.
Le verset « Le commencement de sa domination fut Bavel » parle également du tsaddik. Ainsi, le commencement du travail d’un serviteur auprès de son roi, le début de notre service de D. est « Bavel », c’est-à-dire de tout son cœur (« bekhol levavo »). En effet, « D. recherche les cœurs sincères » (Sanhédrin 106b), et l’essentiel du service divin passe par le cœur et non par la parole.
Le principal est que le nom divin soit fréquent dans nos propos. Dans le cas contraire, nous deviendrons petit à petit esclaves des futilités de ce monde, et nous nous révolterons contre Hachem sans même nous en apercevoir. Quand nous prendrons conscience de notre état, il sera déjà trop tard, et nous serons happés par notre mauvais comportement. Plus encore, nous risquons même d’entraîner avec nous de nombreuses personnes sur notre voie, et de les inciter à mal agir vis-à-vis de D. Enfin, nous aurons l’impression d’être le seul « puissant chasseur devant Hachem ».
Nous remarquons parfois dans les synagogues quelqu’un qui se considère comme un homme vaillant et commence à parler à voix basse avec son ami. Puis il en prend l’habitude, et se met ensuite à parler à voix haute, entraînant les autres aussi à discuter dans la synagogue, qui est un petit Temple. C’est pourquoi nous devons veiller scrupuleusement à ne pas agir ainsi, car il s’agit là d’une faute grave. Cette attitude constitue une révolte contre la royauté de D.
Nous devons donc utiliser notre force uniquement pour les bonnes choses, selon le précepte « Qui est l’homme fort ? Celui qui surmonte son mauvais penchant. » Il est de notre devoir d’influencer les autres à agir comme nous, et de ne pas faire partie de ceux qui font fauter leur entourage, portant alors la responsabilité de toutes ces transgressions, et pour qui il n’y a pas de repentir. Faisons plutôt partie de ceux qui rapprochent les autres de la Torah, et qui ne se rendent pas responsables de transgressions.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
La famille Bouganim de Mogador était très liée avec le tsaddik Rabbi ‘Haïm le petit. Très fréquemment, Rabbi ‘Haïm se rendait chez eux, le plus souvent avec son fils le tsaddik Rabbi Refael, et ils y logeaient pour des durées plus ou moins longues.
L’une des fois où Rabbi ‘Haïm logeait chez la famille Bouganim, il a senti que la mère était très triste. Il lui a demandé en arabe « Pourquoi êtes-vous triste ? », et elle lui a répondu qu’elle avait perdu ses boucles d’oreille, ce qui la mettait de mauvaise humeur.
« Ne vous faites aucun souci, lui a assuré Rabbi ‘Haïm, relevez l’extrémité de votre matelas et vous y trouverez les boucles d’oreille. » Il en a effectivement été selon les paroles du tsaddik.
LES PAROLES DES SAGES
La générosité des bnei Israël
« Car la terre était remplie d’iniquité à cause d’eux » (Béréchit 6, 11)
Le peuple d’Israël s’est toujours fait remarquer par sa bonté caractéristique, qui le distingue et le met à part. Les Sages ont défini les membres du peuple juif comme étant discrets, miséricordieux et généreux. La génération du déluge s’est conduite de façon abominable, en manifestant des défauts profonds et une volonté de tout conquérir et de s’emparer de tout. C’était dans leurs veines. Le déluge, et tout ce qui est resté après, nous a laissé un souvenir de la façon dont il faut se conduire avec autrui, et surtout de ce qu’il ne faut pas lui faire.
Quand un juif arrivait pour demander à Rabbi Na’houm de Horodna zatsal d’être sandak, il avait l’habitude de s’intéresser à sa situation financière, et au cas où il s’avérait qu’il était nécessiteux, il lui donnait tout ce qu’il fallait pour le bébé et la maman, ainsi que pour le repas de la circoncision.
Un jour se présenta chez lui un commerçant, connu dans la ville comme quelqu’un de riche, pour lui demander d’être le sandak de son fils. Malgré sa réputation d’aisance, Rabbi Na’houm s’est tout de même enquis de sa situation financière, comme à son habitude, et effectivement, après une enquête serrée, il s’est aperçu qu’il se trouvait actuellement dans une passe difficile et n’avait pas de quoi faire face. Mais dans sa sagesse, Rabbi Na’houm savait qu’il refuserait absolument d’accepter un don, c’est pourquoi il décida de lui faire parvenir de l’argent de façon détournée.
Le lendemain, il se rendit chez ce commerçant et lui demanda : « Avez-vous l’intention d’aller à Varsovie ? »
« De quoi avez-vous besoin à Varsovie ? », s’enquit ce dernier.
Rabbi Na’houm lui raconta qu’une de ses connaissances était à l’hôpital à Varsovie, et qu’il voulait lui faire don de trente roubles, mais hésitait à les envoyer par la poste de peur qu’elles se fassent voler, c’est pourquoi il avait décidé de s’adresser à lui pour lui demander de lui rendre ce service et de prendre cet argent. Dès qu’il serait à Varsovie pour ses affaires, qu’il les amène à destination, termina le Rav.
Le commerçant se mit à balbutier : « Rabbi, je ne sais pas quand j’aurai l’occasion d’aller à Varsovie prochainement ! » Rabbi Na’houm lui répondit : « Cela ne fait rien, ce n’est pas pressé, prenez maintenant l’argent, vous pouvez même l’utiliser pour vous, et dès que vous serez à Varsovie vous le remettrez à destination. »
Le commerçant, qui était conscient de la difficulté de sa situation, sauta sur l’occasion et prit les trente roubles de Rabbi Na’houm, qu’il utilisa pour le bébé et la maman. Il en resta même assez pour acheter ce qu’il fallait pour le repas de fête.
Quand vint le moment de la circoncision, Rabbi Na’houm arriva pour être sandak, et le commerçant lui dit : « Rabbi, vous ne m’avez pas donné le nom de votre connaissance à Varsovie, comment vais-je savoir où apporter l’argent ? » Rabbi Na’houm répondit avec une feinte innocence : « C’est vrai, j’ai oublié le principal. Mais mon carnet d’adresses se trouve en ce moment à la maison, et je ne me souviens pas par cœur du nom de cette personne… » Beaucoup de temps s’écoula ensuite, et à chaque fois que Rabbi Na’houm rencontrait le commerçant, celui-ci lui rappelait la chose, mais il répondait évasivement, avec une excuse différente à chaque fois.
Plus tard, le commerçant se mit à faire de bonnes affaires, alors il alla chez Rabbi Na’houm pour le rembourser…
La poule est absolument cachère
Le gaon Rabbi Tsvi Pessa’h Frank zatsal avait trouvé des moyens de se montrer généreux même dans les circonstances où il devait juger et trancher une halakha. Ses décisions étaient empreintes de miséricorde. Comment faisait-il ? Quand il ne pouvait pas faire quelque chose du point de vue du din, parce qu’il était impossible halakhiquement de se montrer indulgent, il s’efforçait d’aider avec une bonne parole, un sourire paternel, des mots encourageants et apaisants.
Il avait l’habitude, quand se présentait à lui une question sur un poulet et qu’il le déclarait tareph alors que d’un certain point de vue on aurait pu être indulgent, de sortir de l’argent de sa poche si la personne qui posait la question était pauvre, pour lui donner le prix du poulet.
Un jour se présenta une femme pauvre de bonne famille, et il ne voulut pas qu’elle ait honte. Il rentra à l’intérieur de la maison et demanda à sa fille une poule qui n’avait pas encore été cuite. Il la présenta à celle qui posait la question et lui dit : « Voici, la poule est absolument cachère »… Cette coutume était connue des pauvres de la ville, et de partout des femmes pauvres venaient poser des questions, en sachant que si le poulet était tareph, elles en recevraient la valeur financière.
Cela dérange quelqu’un ?
Qui ne connaît pas le stiebler central de Jérusalem dans le quartier de Zikhron Moché, où l’on pouvait trouver des minyanim en abondance vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Pourtant, cet endroit était connu du public non seulement par le mérite des prières qui s’y déroulaient constamment, mais aussi à cause d’un « marché » pirate qui s’y était ouvert ces dernières années autour de la synagogue. L’un des colporteurs de l’endroit s’était assigné une place permanente, et il profitait des rassemblements de centaines et de milliers de fidèles tous les jours pour vendre sa marchandise.
Il apportait d’énormes quantités d’articles et s’installait sur les bancs de la synagogue ainsi que dans les couloirs et les passages. Certains fidèles permanents de cette synagogue, indignés de la voir transformée en souk, exigèrent du colporteur qu’il ferme ses étals ou alors qu’il les transporte ailleurs qu’à Zikhron Moché. Ils estimaient qu’il n’était pas respectueux de transformer la synagogue en marché, et aussi que cela dérangeait la prière en bloquant les passages.
Quand cette réaction parvint aux oreilles du Rav de la synagogue, le gaon Rabbi Israël Ya'akov Fisher zatsoukal, il se mit dans une grande colère : « Un juif veut gagner sa vie et vous voulez l’en empêcher ? Est-ce que cela dérange quelqu’un qu’il gagne sa vie ? » s’étonna-t-il.
A partir de ce jour-là, non seulement il empêcha qu’on ferme les étals, mais il encourageait même les fidèles : « Achetez, achetez des choses ici, qu’il gagne sa vie en abondance. » Et effectivement, jusqu’à aujourd’hui le colporteur se tient à l’intérieur de la synagogue où il gagne très bien sa vie.
GARDE TA LANGUE
Se rappeler de l’histoire de Myriam
La Torah nous a donné un conseil général pour éviter de dire du lachon hara, à savoir : « Souviens-toi de ce que Hachem ton D. a fait à Myriam en chemin lorsque vous êtes sortis d’Egypte. » Il faut se rappeler intérieurement et oralement la gravité du châtiment qu’elle a subi.
Myriam était une tsadéket et une prophétesse, le puits montait par son mérite, elle n’a parlé que de son frère qu’elle aimait comme elle-même et qu’elle s’était mise en danger pour sauver, elle n’a rien dit de mal sur lui mais l’a simplement comparé aux autres prophètes, de plus elle ne l’a pas fait devant lui pour ne pas lui faire honte, et pas non plus devant un groupe mais seulement devant son frère, saint et discret. Elle avait l’intention de participer à la construction du monde et il ne lui en a pas voulu du tout. Et malgré tout cela, toutes ses bonnes actions n’ont servi à rien et elle a été frappée de lèpre.
Nous avons également reçu l’ordre d’en faire part à nos enfants et de raconter cette histoire aux générations à venir, même s’il aurait mieux valu la cacher pour ne pas humilier des tsaddikim, mais l’Ecriture a ordonné de la rendre publique afin de concrétiser la mise en garde contre le lachon hara, parce que c’est une faute très grave, qui provoque de grands maux, et dans laquelle on tombe constamment.
(« Zakhor LeMyriam »)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Les bonnes actions de Noa’h
« Et Noa’h trouva grâce aux yeux de Hachem »
Rabbeinou ‘Haïm ben ‘Atar, le Or Ha’Haïm, écrit : « La phrase ‘Et Noa’h trouva grâce aux yeux de Hachem’ ne fait pas référence à ses actes, car D. ayant regretté d’avoir créé l’homme, Il n’aurait même pas sauvé Noa’h pour sa droiture. C’est pourquoi la Torah doit préciser qu’il n’a été maintenu en vie que parce qu’il a trouvé grâce aux yeux de D. Cela ne signifie pas qu’il n’était pas tsaddik car de toute façon, sa piété n’aurait pas justifié qu’il soit épargné. Ce verset désigne donc plutôt la grâce que Noa’h a acquise par les mitsvot, peut-être même par trois ou cinq mitsvot précises qu’il aurait accomplies. En effet, il faut savoir que certaines mitsvot ont pour effet d’attirer la grâce sur nous. »
Je pense que les trois comportements de Noa’h qui lui ont permis de trouver grâce aux yeux de Hachem étaient :
Tout d’abord, son bon cœur, car il est dit au sujet de ses contemporains « Le produit des pensées de son cœur était uniquement, constamment mauvais. » Je déduis de là que Noa’h avait un bon cœur.
Par ailleurs, Noa’h avait conservé sa pureté, comme nos Sages l’ont expliqué (Béréchit Rabba 35, 1) : il allait au-delà de l’ordre divin et se comportait avec sainteté.
Enfin, troisièmement, comme l’a écrit le Ramban, toutes les actions de Noa’h étaient bonnes et agréables.
A LA SOURCE
« Voici les descendants (toldot) de Noa’h, Noa’h » (6, 9)
Le tsaddik Rabbi Moché Choham de Dolina, disciple du Ba’al Chem Tov, expliquait : Si tu cherches le repos et te dérobes à l’étude de la Torah, tu auras ce que tu désires. En effet, les conséquences (toldot) du relâchement (« menou’ha ») sont un relâchement (« noa’h ») supplémentaire. Ainsi, les Sages ont dit dans Avot : Si tu t’es dérobé (bitalta) à la Torah, tu trouveras de nombreuses occupations futiles (bétélim) en compensation.
Une futilité en entraîne une autre.
« Noa’h fut un homme juste, irréprochable entre ses contemporains, Noa’h marchait avec D. » (6, 9)
C’est intentionnellement que le verset a mentionné ces trois qualités de Noa’h. Nos Sages considèrent (Sanhédrin 57) que la génération du déluge a péri à cause de trois fautes : l’idolâtrie, les unions interdites et le vol.
D’après une explication de Rabbi Chelomo HaCohen (Even Chelomo), la Torah vient nous apprendre que Noa’h, lui, ne commettait pas les fautes dont ses contemporains étaient coupables. « Un homme juste » signifie qu’il ne pratiquait pas le vol ; « irréprochable entre ses contemporains » veut dire qu’il ne commettait pas d’unions interdites, et que sa descendance était pure et parfaite. Enfin, la phrase « Noa’h marchait avec D. » nous enseigne qu’il n’est pas tombé dans l’idolâtrie. Il servait uniquement Hachem, Créateur du Ciel et de la terre. C’est pour cela qu’il a été sauvé du déluge.
« Il ne resta que Noa’h » (7, 23)
« Il gémissait et crachait du sang. Il a un jour tardé à apporter au lion sa nourriture, et celui-ci l’a attaqué. » (Rachi)
Rabbi Eliahou Eliezer Dessler explique :
La punition du déluge avait pour cause l’iniquité (« Car la terre est remplie d’iniquité »), et le moyen d’en être préservé était donc d’agir à l’opposé, c’est-à-dire avec encore plus de générosité.
En se mettant au service de dizaines de milliers d’animaux durant une année entière, en attribuant à chacun la nourriture qui lui convenait au bon moment, Noa’h, ses fils et sa famille (seulement huit personnes) ont fait preuve d’une attitude de bonté exceptionnelle. C’est ce bienfait qui constituait la pierre précieuse qui illuminait l’arche, c’était cela la fenêtre dont parle le texte, qui l’emplissait de clarté et de lumière…
Et lorsqu’une fois sur des milliers d’interventions, Noa’h a apporté au lion sa nourriture avec quelques instants de retard, celui-ci l’a agressé, le rendant ainsi infirme. En effet, à ce niveau de bonté, même un retard minime est considéré comme une faille et un défaut, si bien que l’infirmité que le lion a infligé à Noa’h ne représentait pas une simple anomalie extérieure, c’était le reflet d’une imperfection intérieure.
La vie dans la paracha
« Toute la terre avait une même langue. » (Berechit 11, 1)
Il y a lieu de se pencher sur la génération de la dispersion : que cherchaient-ils en construisant la ville et la tour ? Si leur démarche portait sur un certain détail de leur contestation, on ne voit pas de quelle façon, et D. ne se serait pas non plus contenté de les disperser pour les punir. De plus, il faut comprendre ce que signifie « Tout ce qu’ils ont projeté leur réussirait également », et ne surtout pas se tromper sur sa signification en s’imaginant que D. était impuissant…
Plus encore, pour quelle raison le texte relate-t-il la construction de la ville de manière négative, alors que nos Sages enseignent (Avot DeRabbi Nathan chapitre 11) que la volonté de Hachem était que les hommes bâtissent le monde ?
Lorsque D. a créé le monde, Il a voulu qu’un tiers soit habité et un tiers désert. Pourtant, on trouve jusqu’à aujourd’hui beaucoup de lieux habités qui, accolés les uns aux autres, ne constitueraient même pas un centième du tiers qui est destiné à être occupé par les hommes et tout serait désertique, n’était le fait que ces villes se trouvent reliées entre elles par divers moyens de communication, si bien que tout ce réseau est considéré globalement comme habité, l’ensemble constituant le tiers peuplé.
C’est le sens du verset « Toute la terre avait une même langue et des paroles semblables » : ils voulaient tous être rassemblés en un seul endroit, et ne pas être dispersés ça et là. Ils voulaient qu’un lieu unique sur terre soit habité, et c’est pourquoi ils ont bâti une seule et unique ville pour tous. De peur que certains s’en aillent à travers le monde, ils ont construit une tour comme signe de ralliement autour de ce lieu qui portait leur nom, et aussi pour que l’endroit soit visible de loin et que toute personne y converge, comme il est dit « pour ne pas nous disperser sur toute la face de la terre » (11, 4) : ils ne voulaient pas être dispersés par-ci par-là.
C’est pourquoi ce concept ne plaisait pas à D. Cependant, les hommes étant libres de leurs décisions, ils auraient tout à fait pu atteindre leur objectif, c’est pourquoi Hachem a décidé de faire échouer leur projet en mélangeant leurs langues. En effet, s’ils étaient désormais séparés, chacun chercherait obligatoirement sa place. C’est le sens du verset « Et de là, Hachem les dispersa sur toute la face de la terre » : cela témoigne de l’exactitude de notre interprétation, selon laquelle D. voulait qu’ils remplissent le monde entier. Ainsi, le tiers de la terre s’est trouvé occupé selon la volonté de D. pour des raisons qui nous dépassent et ne sont connues que de Lui.
LES CEDRES DU LIBAN
Le Gaon Rabbi Méïr Shapiro de Lublin
Cette semaine a lieu la hilloula du Gaon Rabbi Méïr Shapiro de Lublin, concepteur et générateur de l’idée du Daf Hayomi. Rabbi Méïr Shapiro n’a pas laissé de descendance, mais par son mérite, de nombreux membres du peuple d’Israël étudient chaque jour le Daf Hayomi, et grâce à lui beaucoup de juifs terminent l’étude de la totalité du Talmud.
Tous ces hommes ont un lien spirituel profond avec Rabbi Méïr Shapiro, car « Quiconque enseigne la Torah au fils de son ami, la Torah le considère comme son fils. »
Le livre « Nitsonei Or HaMéïr » décrit avec admiration l’événement qui a précédé la proclamation de l’acceptation du joug de la Torah. Voilà ce qui s’est produit à Vienne :
…3 Eloul 5683. La scène décorée du théâtre royal de Vienne resplendit de dignité. Ici on se rassemble en l’honneur du nom divin. Sur la scène se tient le Gaon, qui galvanise l’assemblée. Il s’élève vers le ciel, est porté par le vent. De ses yeux émanent des étincelles :
« Si partout, tous les bnei Israël étudient chaque jour la même feuille de Guemara, existera-t-il une expression plus complète de l’union suprême et éternelle entre D., la Torah, et Israël ? »
Voilà ce que demande Rabbi Méïr Shapiro en présentant le « Daf Hayomi », avec un caractère pittoresque extraordinaire, une description saisissante, appropriée, séduisante et vivante…
« Quelle idée merveilleuse ! Un juif voyage en bateau, tenant sous son bras le traité Berakhot. Il part en voyage pour deux semaines, d’Israël en Amérique. Quotidiennement, à la tombée de la nuit, il ouvre la Guemara et étudie la ‘feuille du jour’. Arrivé en Amérique, il entre dans une maison d’étude à New-York, et à sa grande surprise il trouve d’autres juifs qui étudient cette même feuille qu’il a étudiée aujourd’hui. Il se joint donc à eux avec joie, il discute avec eux et ils lui répondent… Le nom de D. Se trouve glorifié, grandi, sanctifié.
Et un juif d’Amérique qui va au Brésil dans le sud, ou au Japon en Asie, se dirige directement vers la maison d’étude et trouve tout le monde penché sur la page qu’il a étudiée le jour même : existe-t-il une plus grande union des cœurs que celle-ci ? Plus encore :
Il reste quelques traités que peu de personnes ont étudiés, et qui sont comme des ‘orphelins’ dont seules quelques élites se sont préoccupées. Le concept du ‘Daf Hayomi’ va donc y remédier.
Enfin, une dernière chose : notre jeunesse, l’avenir de notre peuple, est ce qui nous oblige à entreprendre cette mitsva ! »
L’extraordinaire vision va devenir réalité
L’immense salle de ce grand rassemblement résonne d’applaudissements. La proposition est accueillie avec une rare émotion, à l’unanimité. La triple alliance entre « D., la Torah et Israël » a été renouvelée avant d’avoir été rompue : le judaïsme orthodoxe du monde entier s’engage à étudier chaque jour une page précise, en commençant par le traité Berakhot, à Roch Hachana de l’année 5684.
Et l’extraordinaire vision va devenir réalité, exactement à Roch Hachana de l’an 5684. De nombreuses personnes hésitaient encore, mais lorsque le Rabbi de Gour a annoncé à ses proches, après l’office d’Arvit de Roch Hachana : « Je vais étudier le Daf Hayomi », une sorte de courant électrique a parcouru la nombreuse assemblée de ses disciples, et ils ont tous couru pour chercher un traité Berakhot…
Partout, à travers le monde, des juifs ont commencé à étudier cette nuit-là le Daf Hayomi. Dans chaque ville et village, on a organisé des groupes et des cours pour étudier le « Daf » en équipe. On a même commencé à signaler le « Daf du jour» comme date dans certains documents et journaux.
Un rêve et son interprétation
Rabbi Méïr Shapiro a lui-même raconté qu’à la suite de ce Roch Hachana 5684, il a reçu une lettre de son unique sœur qui habitait dans un village reculé, près de Bucovine :
« La nuit de Roch Hachana, j’ai fait un rêve : je t’ai vu, mon cher frère, dans le Ciel, entouré d’une foule de tsaddikim d’envergure et resplendissants. Et toi, mon frère, tu te tenais au centre, et ton visage rayonnait comme un soleil puissant. Ils te souriaient tous, te remerciaient et étaient très contents de toi. »
En marge de la lettre, la sœur de Rabbi Méïr Shapiro de Lublin lui demandait de lui rendre un grand service : « Donne-moi, mon frère, l’interprétation de ce rêve… »